Cass. soc., 17 janvier 2024, n° 21-25.029
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mariette
Rapporteur :
M. Carillon
Avocats :
SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Thouin-Palat et Boucard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 septembre 2021), M. [H] a été engagé en qualité de conducteur receveur de car à compter du 11 mai 2015 par la société Cars Juers et affecté sur la ligne 381.
2. Le 15 novembre 2015, la société Ruban bleu autocars est devenue attributaire de l'exploitation de la ligne 381 entre [Localité 5] et [Localité 6].
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour voir reconnaître la qualité d'employeur de la société entrante et, faute pour celle-ci de lui avoir fourni du travail et une rémunération depuis le 15 novembre 2015, la résiliation judiciaire du contrat de travail et l'indemnisation au titre de cette rupture.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société Ruban bleu autocars fait grief à l'arrêt de dire que le transfert du contrat de travail de M. [H] est intervenu à la date du 15 novembre 2015, de dire qu'elle a manqué de manière grave et renouvelée à ses obligations essentielles et prononcer la résiliation du contrat à ses torts exclusifs à effet au 1er novembre 2020 et de la condamner à payer au salarié différentes sommes à titre de rappel de salaire, au titre des congés payés afférents et à titre d'indemnité légale de licenciement, alors :
« 1°/ que ni la société le Ruban bleu autocars ni M. [H] ne revendiquaient un transfert du contrat de travail de ce dernier par une application volontaire, par l'employeur, de l'article 2.3 de l'avenant du 7 juillet 2009 à la convention collective des transports routiers ; qu'en statuant sur le fondement d'une telle application volontaire, pour retenir le transfert du contrat de travail et faire droit aux demandes indemnitaires du salarié, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en soulevant d'office le moyen pris de ce que la société Ruban bleu autocars avait volontairement appliqué l'article 2.3 de l'avenant du 7 juillet 2009 dont les conditions d'application de plein droit faisaient défaut, sans préalablement inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que dans le cadre de sa réfutation de l'application de plein droit de l'article 2.3 de l'avenant du 7 juillet 2009, la société Ruban bleu autocars soulignait que lorsqu'elle avait proposé la signature d'un avenant à M. [H] elle l'avait fait de façon erronée, parce que les dispositions conventionnelles le prévoyaient et parce qu'en l'état des informations incomplètes dont elle disposait elle croyait faussement qu'il remplissait les conditions posées par l'article 2.3 de l'avenant du 7 juillet 2009 pour son application ; que les juges du fond s'étant d'office placés sur le terrain d'une application volontaire des dispositions conventionnelles en cause, ils devaient s'expliquer sur le fait invoqué par l'exposante, de nature à établir que sa volonté de transférer le contrat de travail était entachée d'erreur ; qu'à défaut, la cour d'appel devait s'expliquer sur ce fait, de nature dès lors qu'en violation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des anciens articles 1134 et 1110, devenus 1103 et 1132 du code civil ;
4°/ qu'en retenant, pour juger qu'il y avait eu transfert volontaire du contrat de travail, qu'il importait peu que M. [H] n'eût pas expressément donné son accord à un tel transfert, lui seul pouvant s'en prévaloir et non pas la société Ruban bleu autocars, la cour d'appel a violé l'article 1101 et l'ancien article 1108, partiellement devenu 1128 du code civil ;
5°/ qu'en jugeant encore, pour considérer qu'il y avait eu transfert volontaire du contrat de travail, qu'il importait peu que M. [H] n'eût pas signé d'avenant dans le délai qui lui était imparti par la société Ruban bleu autocars pour qu'il y eût de toute façon transfert du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1101 et l'ancien article 1108, partiellement devenu 1128 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 1221-1 du code du travail que la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
6. La cour d'appel a d'abord constaté que la société entrante avait adressé le 29 octobre 2015 à l'intéressé un projet d'avenant visant les dispositions conventionnelles, l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction, soit le 15 novembre 2015, en lui demandant de prendre position avant le 9 novembre 2015, ce délai ayant été prorogé au 12 novembre par un courriel du 10 novembre par lequel la société rappelait les conditions de rémunération en fonction de l'ancienneté et le maintien des primes de repas.
7. Elle a ensuite estimé, par des motifs qui ne sont pas critiqués, que le salarié, par courriel du 12 novembre 2015 avait accepté le transfert de son contrat de travail au nouvel employeur, peu important l'absence de signature de l'avenant.
8. Ayant ainsi fait ressortir que la proposition d'avenant valait promesse unilatérale de contrat de travail faisant naître une obligation contractuelle à l'encontre de l'employeur qui ne pouvait donc pas la rétracter, la cour d'appel en a exactement déduit que la levée de l'option par le salarié emportait de plein droit conclusion du contrat de travail.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.