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Décisions

CA Orléans, ch. com., 29 février 2024, n° 21/02718

ORLÉANS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

CAMPING-CARS DE TOURAINE (S.A.R.L)

Défendeur :

Compagnie d'assurance MAAF ASSURANCES (SA), DETHLEFFS (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme CHEGARAY

Conseillers :

Mme CHENOT, M. DESFORGES

Avocats :

SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, Me Delphine TROUSSET

TC Tours, du 3 sept. 2021

3 septembre 2021

Le 22 octobre 2014, le camping-car en stationnement a pris feu et a ainsi été détruit.

À la suite de l'expertise amiable diligentée par la société MAAF, assureur de la société L'Air Fait Vivre, l'expert a conclu le 27 février 2015 que le véhicule était affecté d'un vice caché.

Ayant vainement sollicité auprès de la société Camping-Cars de Touraine l'indemnisation des dommages subis par la société L'Air Fait Vivre, la société MAAF Assurances et la société L'Air Fait Vivre ont fait assigner celle-ci devant le tribunal de commerce de Tours suivant acte d'huissier du 13 décembre 2016 en garantie des vices cachés.

La société Camping-Cars de Touraine a appelé à son tour en garantie la société Dethleffs auprès de qui elle avait acquis le véhicule courant 2012.

Par un premier jugement du 14 janvier 2019, le tribunal de commerce de Tours a déclaré recevables les sociétés L'Air Fait Vivre et MAAF Assurances et désigné un expert judiciaire en la personne de M. [V] en vue de voir constater la cause du sinistre. L'expert a déposé son rapport le 19 mars 2020.

La société L'Air Fait Vivre a fait l'objet d'une dissolution amiable à compter du 31 décembre 2019 et se trouve radiée du Registre du Commerce et des Sociétés depuis le 1er juillet 2020.

Par jugement du 3 septembre 2021, le tribunal de commerce de Tours a :

- débouté la société Camping-Cars de Touraine de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la société MAAF Assurances,

- dit la SARL Camping-Cars de Touraine tenue de la garantie des vices cachés,

- condamné la société Camping-Cars de Touraine à payer à la SA MAAF Assurances la somme de 79 450,26 euros,

- débouté la société MAAF Assurances du surplus de ses demandes,

- débouté la société Camping-Cars de Touraine de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la MAAF Assurances,

- déclaré hors de cause la société Dethleffs, et débouté la société Camping-Cars de Touraine de toutes ses demandes fins et conclusions à l'encontre de celle-ci,

- condamné la société Camping-Cars de Touraine à payer à la SA MAAF Assurances la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Camping-Cars de Touraine à payer à la société Dethleffs la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Camping-Cars de Touraine de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Camping-Cars de Touraine aux entiers dépens, comprenant les frais de l'expertise judiciaire, lesquels dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 267,96 euros.

La société Camping-Cars de Touraine a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 18 octobre 2021 en intimant les sociétés MAAF Assurances et Dethleffs, et en critiquant tous les chefs du jugement lui faisant grief.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 mars 2022, la société Camping-Cars de Touraine demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Tours du 3 septembre 2021 en ce qu'il a :

' débouté la société Camping-Cars de Touraine de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la société MAAF Assurances,

' dit que la SARL Camping-Cars de Touraine est tenue de la garantie des vices cachés,

' condamné la société Camping-Cars de Touraine à payer à la SA MAAF Assurances la somme de 79 450,26 euros,

' débouté la société MAAF Assurances du surplus de ses demandes,

' débouté la société Camping-Cars de Touraine de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la MAAF Assurances,

' déclaré hors de cause la société Dethleffs, et débouté la société Camping-Cars de Touraine de toutes ses demandes fins et conclusions à l'encontre de celle-ci,

' condamné la société Camping-Cars de Touraine à payer à la SA MAAF Assurances la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la société Camping-Cars de Touraine à payer à la société Dethleffs la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' débouté la société Camping-Cars de Touraine de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

' condamné la société Camping-Cars de Touraine aux entiers dépens, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire, lesquels dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 267,96 euros,

En conséquence :

In limine litis et à titre principal :

Vu l'article 237 du code de procédure civile,

Vu les articles 378 et suivants du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

- prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [V] en date du 19 mars 2020,

- ordonner une nouvelle mesure d'expertise judiciaire,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec une mission similaire à celle ordonnée le 14 janvier 2019,

- dire et juger que les frais de la nouvelle mesure d'expertise seront à la charge de MAAF Assurances,

- prononcer le sursis à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la nouvelle mesure d'expertise judiciaire,

- réserver les dépens,

À titre subsidiaire :

Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

- dire et juger l'action et les demandes de MAAF Assurances irrecevables pour défaut de qualité à agir,

- débouter MAAF Assurances de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Dethleffs de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner MAAF Assurances à verser à la société Camping-Cars de Touraine la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais engagés en première instance,

- condamner MAAF Assurances à verser à la société Camping-Cars de Touraine la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais engagés en appel,

- condamner MAAF Assurances aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés par la SCP Referens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

À titre infiniment subsidiaire :

Vu l'article 1641 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- dire et juger MAAF Assurances mal fondée en son action et ses demandes,

- débouter MAAF Assurances de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Dethleffs de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner MAAF Assurances à verser à la société Camping-Cars de Touraine la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais engagés en première instance,

- condamner MAAF Assurances à verser à la société Camping-Cars de Touraine la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais engagés en appel,

- condamner MAAF Assurances aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés par la SCP Referens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

À titre très infiniment subsidiaire et en tout état de cause :

Vu l'article 1641 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- dire et juger la société Camping-Cars de Touraine recevable et bien fondée en ses demandes à l'encontre de la société Dethleffs,

- condamner la société Dethleffs à garantir la société Camping-Cars de Touraine des condamnations en principal, intérêts et accessoires qui pourront être prononcées à son encontre sur demande de MAAF Assurances,

- condamner la société Dethleffs à verser à la société Camping-Cars de Touraine la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais engagés en première instance,

- condamner la société Dethleffs à verser à la société Camping-Cars de Touraine la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais engagés en appel,

- condamner la société Dethleffs aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés par la SCP Referens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023, la société MAAF Assurances demande à la cour de :

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le jugement rendu le 3 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Tours,

- recevoir la SA MAAF Assurances en ses conclusions valant appel incident, l'en dire bien fondée et, en conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 3 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Tours en ce qu'il a :

' limité la condamnation de la société Camping-Cars de Touraine à payer à la SA MAAF Assurances la somme de 79 450,26 euros en rejetant les frais de gardiennage pour la somme de 40 608 euros TTC arrêtée au 5 mars 2021,

' débouté la SA MAAF Assurances du surplus de ses demandes,

- le confirmer pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

- condamner la SARL Camping-Cars de Touraine à payer à la SA MAAF Assurances la somme totale de 120 064,26 euros, pour les causes sus énoncées, à parfaire au titre des frais de gardiennage à hauteur de 18 euros TTC par jour du 5 mars 2021 date de la facture jusqu'à la date de la décision à intervenir,

- débouter en tout état de cause la SARL Camping-Cars de Touraine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SARL Camping-Cars de Touraine au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner la SARL Camping-Cars de Touraine aux entiers dépens d'appel qui comprendront les émoluments des officiers ministériels en application de l'article 696 du code de procédure civile et dont distraction au profit de la SCPA Thaumas Avocats et Associés, en tant qu'elle en a fait l'avance sans en recevoir provision (articles 696 et 697 du code de procédure civile).

Dans ses conclusions notifiées le 8 mars 2022, la société Dethleffs demande à la cour de :

Vu les conclusions d'expertise de M. [Y] [V] en date du 19 mars 2020,

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées au débat,

Vu le jugement du tribunal de commerce de Tours en date du 3 septembre 2021,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Tours en date du 3 septembre 2021 en ce qu'il a déclaré hors de cause la société Dethleffs et débouté la société Camping-Cars de Touraine de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Dethleffs,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Tours en date du 3 septembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Camping-Cars de Touraine à payer à la société Dethleffs la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant :

- débouter la société Camping-Cars de Touraine de toutes demandes plus amples ou contraires formées en cause d'appel à l'encontre de la société Dethleffs,

- statuer ce que de droit sur l'appel incident formé par la société MAAF Assurances,

- condamner la société Camping-Cars de Touraine à payer à la société Dethleffs la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner la société Camping-Cars de Touraine aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 novembre 2023. L'affaire a été plaidée le 14 décembre suivant et mise en délibéré à ce jour.

Motivation

MOTIFS :

Sur la nullité du rapport d'expertise judiciaire :

La société Camping-Cars de Touraine sollicite à titre principal l'annulation du rapport d'expertise judiciaire en se référant à l'article 237 du code de procédure civile suivant lequel le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.

Après avoir souligné que dans sa note aux parties du 1er novembre 2019, M. [V], expert, reconnaissait une possible suspicion, elle soutient que sa partialité est avérée eu égard « au caractère inachevé de ses investigations et de ses conclusions ».

Toutefois les premiers juges ont justement observé :

- que dès le 1er novembre 2019, M. [V] a formalisé une note à destination de l'ensemble des parties, dont copie au juge chargé du suivi de l'expertise, faisant état de ce qu'il avait appris des représentants de la société Dethleffs, lors de la réunion contradictoire du 31 octobre 2019, que cette dernière appartenait au même groupe financier que la marque Hymer pour laquelle lui-même intervenait régulièrement comme conseiller technique privé,

- qu'estimant de son propre chef que ce lien pouvait être considéré par une partie comme un possible manque d'indépendance de sa part, M. [V] a souhaité par cette note recueillir l'avis de chacun sur ce point avant la poursuite des opérations d'expertise,

- que la société Camping-Cars de Touraine n'a pas réagi et n'a par la suite jamais sollicité son remplacement,

- qu'elle lui a même, quelques mois plus tard, adressé des dires, manifestant ainsi son accord sur la poursuite de sa mission,

- que ce n'est qu'un an après le dépôt du rapport qu'elle a conclu au fond en invoquant sa nullité au motif d'une suspicion quant à la partialité de M. [V].

La cour relève encore que la société Camping-Cars de Touraine n'a pas contesté les explications du conseil de la société MAAF Assurances en réponse à la demande d'avis de l'expert, suivant lesquelles le groupe financier Erwin Hymer, leader majeur du secteur de camping-cars sur la scène mondiale, détient de très nombreuses marques indépendantes les unes des autres et en concurrence, outre que les marques Hymer et Dethleffs sont distribuées par des sociétés différentes en France. Elle ne formule d'ailleurs aucune observation à cet égard dans ses écritures.

S'agissant du contenu du rapport, la terminologie employée par M. [V], à qui il est reproché de s'être prononcé en conclusion sur « la seule hypothèse qui [puisse]être retenue » sans énoncer expressément la « cause » du sinistre, ou encore le fait que des éléments factuels, tels la période de survenance de l'incendie ou la partie du véhicule détruite, puissent éventuellement introduire un doute sur la pertinence de ses conclusions, et la divergence de celles-ci avec le rapport de l'expert amiable initialement mandaté par la société MAAF Assurances, sont autant d'éléments qui, s'ils peuvent conduire à discuter de la force probante du rapport d'expertise judiciaire, ne sont quoi qu'il en soit pas de nature à caractériser un manquement de M. [V] au principe d'impartialité.

Aussi, au regard d'une part du souci de transparence de l'expert judiciaire sur son lien indirect avec l'une des sociétés appelées à la cause et des observations sollicitées des parties sur ce point en temps utile, d'autre part du caractère motivé de ses constatations, de ses conclusions et de ses réponses aux dires des parties dont les termes ne mettent pas en évidence un parti pris en faveur de l'une ou de l'autre, il n'est pas caractérisé de manquement au principe d'impartialité rappelé par le texte susvisé.

Dès lors le jugement déféré sera confirmé en son rejet de la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire.

Sur la recevabilité de la demande de la société MAAF assurances :

La société Camping-Cars de Touraine a déjà soulevé l'irrecevabilité de la demande de la société MAAF Assurances pour défaut de qualité à agir devant les premiers juges, lesquels ont tranché ce point de discussion dans leur premier jugement du 14 janvier 2019 en écartant ce moyen et en déclarant cette dernière recevable en sa demande.

Or le jugement du 14 janvier 2019, qui n'est à ce jour pas frappé d'appel, s'est trouvé revêtu dès son prononcé de l'autorité de la chose jugée relativement à cette contestation, ainsi qu'en dispose l'article 480 du code de procédure civile.

La société Camping-Cars de Touraine était donc irrecevable à soulever de nouveau un tel moyen relatif à la qualité à agir de la société MAAF Assurances devant les premiers juges, et c'est dès lors à bon droit que ceux-ci l'ont écarté dans leur jugement du 3 septembre 2021, lequel sera également confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de la société Camping-Cars de Touraine au titre des vices cachés:

Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Après avoir recueilli diverses données et procédé à l'examen du véhicule en présence des parties, l'expert judiciaire [V] a expliqué s'être attaché, conformément à une norme internationalement reconnue en matière d'investigations incendie, à rechercher l'énergie d'activation qui, ajoutée au comburant constitué par l'oxygène de l'air et au combustible que représentaient les diverses matières qui ont brûlé, a permis l'incendie partiel du véhicule.

M. [V] a ce faisant identifié trois sources d'énergie potentielles : deux à l'intérieur de la « cellule camping » elle-même, à savoir le chauffage [8] situé en partie centrale arrière, et l'installation électrique réalisée par la société Dethleffs, et la troisième au niveau du toit, à savoir le panneau solaire.

S'agissant de la première source d'énergie potentielle, à savoir le chauffage Truma, l'expert a pu l'éliminer avec certitude après avoir constaté :

- que la partie avant en alliage d'aluminium où se trouvaient l'arrivée de gaz et les électrovannes de commande était intacte, et que les fils électriques d'alimentation ne présentaient aucun stigmate d'un quelconque phénomène anormal,

- que si la partie arrière de l'échangeur en alliage d'aluminium présentait une fusion, les ailettes du même échangeur au contact du corps de chauffe étaient intactes, ce qui démontrait que la source de chaleur était externe,

- que l'enveloppe du chauffage ainsi que les tuyaux d'arrivée et de départ de l'eau, en matières plastiques, n'avaient pas été totalement consumés par le feu, et que dans l'environnement du chauffage le bois du plancher présentait un degré de carbonisation bien moindre que dans d'autres endroits, ce qui permettait « d'exclure sans aucune équivoque une source d'énergie d'activation du feu provenant de cet appareil de chauffage ».

La deuxième source résultant de l'installation électrique d'origine installée par la société Dethleffs a été à son tour écartée par l'expert après constatation de l'état des montants en bois sur lesquels les prises étaient fixées et de la relative préservation des matériaux autour de l'éclairage situé au-dessus du lit.

Parallèlement, l'observation d'un écoulement, de la subsistance du liteau en bois d'encadrement de la porte de la soute arrière non consumé par l'incendie, et d'un 'V' de convection présent sur la porte du congélateur a conduit l'expert à conclure que la source d'énergie d'activation incriminée était située en haut du véhicule.

Alors que la seule source d'énergie d'activation à une telle hauteur se trouve être le panneau solaire, l'expert a pu relever que les deux fils de cet élément extérieur reliés à la batterie de cellule étaient fusionnés, ce qui démontrait selon lui un phénomène électrique anormal, et qu'ils n'étaient pas maintenus correctement à la connexion du régulateur de panneau solaire.

M. [V] a pu encore observer qu'un fil, non d'origine, reliait la batterie de la cellule camping au régulateur de panneau solaire, et que le fusible de protection de 15 Ampères installé sur cette ligne était rompu. On peut noter sur ce point l'observation du cabinet Paris Auto Expertise dans un rapport produit en pièce 8 par la société Camping-Cars de Touraine, suivant laquelle le cliché du fusible permet d'exclure que celui-ci ait pu être endommagé par un élément extérieur au circuit dès lors que sa partie en plastique bleu de protection n'est pas impactée. Il s'en déduit que le fusible a bien été rompu en raison d'un défaut électrique interne au circuit photovoltaïque.

L'expert a constaté enfin que le panneau solaire avait été connecté sans passer par le bloc électrique du constructeur du camping-car, contrairement aux préconisations de ce dernier, un tel bloc ayant vocation à centraliser et protéger l'ensemble du circuit électrique.

Ce sont ainsi :

- l'identification préalable des trois sources potentielles d'énergie d'activation du feu, à savoir le chauffage Truma, l'installation électrique d'origine Dethleffs, et le panneau solaire installé par la société Camping-Cars de Touraine,

- l'élimination, après observation approfondie des destructions causées par l'incendie, des deux premières sources potentielles constituées par le chauffage Truma et l'installation électrique d'origine Dethleffs,

- l'observation des stigmates de l'incendie en faveur d'une source d'énergie d'activation venant du haut du véhicule,

- le constat de ce que les deux fils du panneau solaire installé sur le toit étaient fusionnés et de ce que les branchements de cet élément par la société Camping-Cars de Touraine avaient été effectués au mépris des préconisations du constructeur du véhicule,

qui ont conduit l'expert judiciaire à la conclusion suivant laquelle la seule hypothèse qui pouvait être retenue était un départ de feu au niveau du toit sur lequel avait été installé le panneau solaire.

Aucun des sachants vers lesquels la société Camping-Cars de Touraine s'est tournée pour contester les conclusions de cette expertise (pièces 6, 7 et 8) ne prétend qu'il aurait existé une autre source d'énergie potentielle omise par l'expert judiciaire. Aucun d'eux ne démontre par ailleurs que M. [V] aurait commis une erreur d'analyse en éliminant les deux premières sources d'énergie, à savoir le chauffage Truma et l'installation électrique d'origine. Si M. [W] du cabinet Expad 37 écrit certes que l'absence de démontage de la chaudière ne permettrait pas « d'exclure totalement » son rôle causal, cette observation ne résiste pas à l'analyse détaillée du système de chauffage par l'expert en pages 16, 28 et 29 de son rapport.

Ainsi les observations contenues dans de tels écrits postérieurs à l'expertise judiciaire, outre qu'elles sont non contradictoires et uniquement basées sur des photographies extraites du rapport de M. [V], ne suffisent pas à remettre en cause le cheminement déductif de l'expert.

La cour relève enfin que la société Camping-Cars de Touraine s'est gardée de communiquer le schéma de montage du constructeur de panneaux solaires, en dépit de la demande réitérée de l'expert, confortant, comme ce dernier l'a justement constaté, ses conclusions dans le sens d'un défaut d'installation du système photovoltaïque à l'origine de l'incendie.

Il apparaît en définitive suffisamment démontré que l'incendie du véhicule trouve son origine dans le système photovoltaïque installé par la société Camping-Cars de Touraine, venderesse.

Les caractères caché, antérieur à la prise de possession du véhicule par l'acheteur et rédhibitoire d'un tel défaut ne sont pas contestables, dès lors que le vice résulte du système installé par la venderesse et qu'il a causé la destruction du véhicule.

La société Camping-Cars de Touraine se trouve dès lors tenue de le garantir en application de l'article 1641 précité, et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les sommes dues par la société Camping-Cars de Touraine :

Suivant l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Il est de jurisprudence constante qu'en tant que vendeur professionnel, la société Camping-Cars de Touraine était tenue de connaître les vices affectant le camping-car objet de la vente.

De son côté, en qualité de sous-acquéreur, la société MAAF Assurances jouit de tous les droits et actions attachés à cette chose. Elle se trouve donc fondée à solliciter auprès du vendeur Camping-Cars de Touraine l'indemnisation de ses préjudices résultant du vice caché.

Il est à noter que la société MAAF Assurances ne sollicite pas la résolution de la vente et la restitution de tout ou partie du prix en application de l'article 1644 du code civil, mais qu'elle réclame seulement l'indemnisation de son préjudice comme le lui permet l'article 1645 précité.

Or si elle y inclut la somme de 56'022,04 euros au titre du crédit-bail consenti par la société Lixxbail à son assurée L'Air Fait Vivre dans les droits de laquelle elle se trouve subrogée, elle ne démontre pas ni même ne prétend avoir dû effectivement supporter une telle somme. La facture qu'elle produit en pièce n° 29, établie par la société Lixxbail à destination de la société L'Air Fait Vivre le 29 décembre 2014, ne suffit pas à établir la prise en charge par ses soins de la somme réclamée de 56'022,04 euros en lieu et place de la société L'Air Fait Vivre, que ce soit en qualité d'assureur de cette dernière ou de sous-acquéreur du camping-car sinistré. Partant sa demande indemnitaire formée à ce titre devra être rejetée et le jugement déféré réformé à cet égard.

De la même manière, la société MAAF Assurances inclut dans son préjudice une somme de 4148,34 euros au titre de la remorque du camping-car, sans justifier du règlement d'une quelconque somme à ce titre, étant observé au demeurant qu'il résulte du rapport de son propre expert, la société Lavoue, que ladite remorque n'a pas été détruite par le sinistre (pièce 3 MAAF Assurances p 4).

L'intimée ne démontre pas davantage avoir exposé les sommes énoncées de 1525 euros et 382 euros au titre des contenus professionnel et privé du camping-car.

La société MAAF Assurances justifie en revanche avoir indemnisé la société L'Air Fait Vivre des dommages occasionnés par l'incendie à hauteur de 17'285,30 euros, suivant quittance signée par cette dernière. Elle justifie également avoir exposé divers frais d'expertises privées du véhicule pour un montant total de 4879,20 euros (Pièces 12 à 15). S'y ajoutent des frais de remorquage et de rapatriement qui lui ont été facturés à la suite de l'incendie pour un montant total de 878,65 euros incluant la somme de 391,07 euros propre au remorquage et ayant fait l'objet d'une première facture, reprise dans une facture globale (pièces 8 et 16).

La société d'assurance justifie enfin du paiement de frais de gardiennage du camping-car par la société Dejoux à hauteur de 40'608 euros suivant facture du 5 mars 2021 (pièce 28).

Le préjudice dont justifie la société MAAF Assurances s'établit donc au total à la somme de 63'651,15 euros (17'285,30 + 4879,20 + 878,65 + 40 608), montant que sera condamnée à lui verser la société Camping-Cars de Touraine, par réformation du jugement déféré.

Sur la garantie de la société Dethleffs :

Si dans ses écritures subsidiaires la société Camping-Cars de Touraine sollicite la garantie de la société Dethleffs, il a été jugé que le vice affectant le camping-car provenait de l'installation photovoltaïque installée par ses soins et en aucun cas fourni par son propre vendeur, la société Dethleffs. Partant le jugement déféré sera confirmé en son rejet de l'ensemble des prétentions formées par la société Camping-Cars de Touraine à l'encontre de cette société.

Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

La société Camping-Cars de Touraine, qui succombe au principal, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à la société Dethleffs la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, au regard de la confirmation de la garantie due par la société Camping-Cars de Touraine au titre des vices cachés, mais également de la réformation du montant de l'indemnité mise à sa charge, et alors que la société MAAF Assurances ne justifiait pas devant les premiers juges du poste principal admis aujourd'hui par la cour au titre des frais de gardiennage, il apparaît conforme à l'équité de débouter chacune des deux sociétés de leurs prétentions formées réciproquement au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure d'appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a condamné la société Camping-Cars de Touraine à payer la somme de 79 450,26 euros à la société MAAF Assurances,

Statuant à nouveau sur le seul chef réformé,

Condamne la société Camping-Cars de Touraine à payer à la société MAAF Assurances la somme de 63'651,15 euros,

Condamne la société Camping-Cars de Touraine à payer à la société Dethleffs la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes formées au même titre,

Condamne la société Camping-Cars de Touraine aux dépens d'appel, et accorde aux avocats de la cause le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.