CA Caen, 2e ch. civ., 7 mars 2024, n° 22/01882
CAEN
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
EPC France (SAS)
Défendeur :
Exploroc (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Emily
Conseillers :
Mme Courtade, M. Gouarin
Avocats :
Me Pajeot, Me Villey Desmeserets, Me Saint-Léger, Me Fourmentin
La SAS EPC France est une société spécialisée dans la fabrication et le négoce des poudres et explosif. Elle réalise également une activité de forage-minage.
La SAS Exploroc est une société spécialisée dans le domaine du forage-minage en carrières, son activité consistant à réaliser des tirs de mines pour des exploitants de carrière.
Suivant contrat conclu le 25 février 2015, modifié par avenant du 15 novembre 2016, la société Exploroc a confié à la société EPC France son approvisionnement en divers produits explosifs et accessoires, pour une durée de 7 ans prenant effet le 1er janvier 2015, renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation par l'une des parties avec un préavis de 6 mois.
Le 16 octobre 2020, à l'occasion des travaux de forage-minage consistant dans des tirs de mine, la société Exploroc a constaté la défaillance des boosters 750gr de la marque STV fournis par la société EPC France.
Par lettre recommandée du 26 novembre 2020, la société Exploroc a dénoncé le contrat de fourniture avec la société EPC France ne souhaitant plus d'exclusivité d'approvisionnement avec EPC.
Le contrat a pris fin le 31 décembre 2020.
Par acte d'huissier de justice du 14 janvier 2021, la société Exploroc a assigné la société EPC France devant le président du tribunal de commerce de Caen afin qu'un expert soit désigné avec pour mission de déterminer l'existence de défauts sur les produits défaillants fournis par la société EPC France à savoir les détonateurs de la marque DaveyBickford et les boosters 750gr de marque STV.
Par ordonnance du 18 mars 2021, M. [P] [G] a été nommé en qualité d'expert.
Le 12 juillet 2021, l'expert a déposé son rapport et a conclu à un défaut de fabrication des boosters 750gr de marque STV, à la responsabilité de la société EPC France, a évalué les conséquences financières pour la société Exploroc à une somme comprise entre 50.000 et 54.000 euros et a rejeté la responsabilité de la société EPC France pour les détonateurs de la marque DaveyBickford.
Par acte d'huissier de justice du 23 novembre 2021, la société Exploroc a saisi le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la condamnation de la société EPC France au paiement des différents montants au titre des préjudices subis du fait de la défaillance des détonateurs et des boosters.
Parallèlement à cette instance, au cours du mois de mars 2015, la société Exploroc a constaté un défaut de performance d'un autre produit fourni par la société EPC France, le Blendex 85A, un mélange explosif implanté dans les trous réalisés dans la roche pour accueillir l'explosif, et en a informé le fournisseur.
Par acte d'huissier de justice du 21 mai 2021, la société Exploroc a assigné la société EPC France devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour non-respect de ses engagements contractuels ainsi qu'en réparation du préjudice de surcoût injustifié du fait de l'inefficacité du Blendex 85A, pour le préjudice de perte de performance et un manque à gagner.
Ces deux instances en cours devant tribunal de commerce de Paris ont fait l'objet d'une jonction ordonnée par jugement du 8 juin 2022.
Dans ce contexte, le 25 mai 2021, la société Exploroc a adressé une lettre à plusieurs de ses clients pour les informer des difficultés rencontrées avec les boosters STV 750gr et le Blendex 85A.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 31 mai 2021, la société EPC France a enjoint la société Exploroc de cesser ces agissements qu'elle considère être des actes de dénigrement.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 8 juin 2021, la société Exploroc a contesté tout dénigrement, précisant que l'objet de son envoi était d'informer ses clients des difficultés rencontrées et des mesures mises en oeuvre pour y remédier.
Estimant que la société Exploroc continuait ses actes de dénigrement, la société EPC France l'a assignée, par acte d'huissier de justice du 5 octobre 2021, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Caen, afin d'obtenir la cessation des actes de dénigrement et, concomitamment, a engagé une action au fond afin d'obtenir la réparation des préjudices subis.
Par ordonnance de référé du 13 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de Caen, a dit n'y avoir lieu à référé aux motifs que la demande d'EPC France faisait l'objet de contestations sérieuses et que le tribunal de commerce de Caen était déjà saisi au fond.
Par jugement du 20 juillet 2022, le tribunal de commerce de Caen a :
- jugé que la lettre du 25 mai 2021 envoyée par la société Exploroc ne constitue pas un acte de dénigrement ;
- jugé que la société EPC France ne démontre pas un préjudice direct causé par l'envoi de cette lettre et qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'étendue de ses préjudices ;
- débouté la société EPC France de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté la société Exploroc de toutes ses autres demandes ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour chacune des parties ;
- condamné la société EPC France aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s'élevant à la somme de 72,13 euros dont TVA 12,02 euros.
Par déclaration en date du 26 juillet 2022, la société EPC France a fait appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées le 4 décembre 2022, la société EPC France demande à la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société Exploroc de 'toutes ses autres demandes',
Et, statuant à nouveau,
- Juger que la diffusion le 25 mai 2021 de la lettre circulaire d'Exploroc est constitutive d'un acte de dénigrement fautif engageant la responsabilité civile d'Exploroc à l'égard d'EPC France,
- Juger que la société Exploroc a causé à EPC France un préjudice moral consistant dans l'atteinte portée à son image et à sa réputation, ainsi qu'un préjudice matériel distinct consistant dans le temps consacré par ses salariés pour répondre aux questions et dissiper les inquiétudes exprimées par ses clients et prospects à la suite du courrier circulaire d'Exploroc du 25 mai 2021,
En conséquence,
A titre de réparation de son préjudice moral,
- Autoriser EPC France à faire publier un avis reprenant le dispositif de la décision à intervenir dans les gazettes professionnelles spécialisées 'Le Moniteur' et 'Mines et Carrières', ainsi que sur le site internet 'Le Moniteur', aux frais de la société Exploroc dans la limite de 3.000 euros HT par publication,
Subsidiairement,
- Enjoindre Exploroc de publier un avis identique sur son site internet pour une durée de 90 jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de l'arrêt,
A titre de réparation de son préjudice matériel,
- Condamner la société Exploroc à payer à EPC France la somme de 50.000 euros de dommages-intérêts,
- Condamner la société Exploroc à payer à la société EPC France la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Exploroc de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la débouter de toutes ses demandes et prétentions plus amples ou contraires.
Par dernières conclusions déposées le 12 décembre 2023, la société Exploroc demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société Exploroc de toutes ses autres demandes et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour chacune des parties ;
Et par conséquent, statuant à nouveau :
- Condamner la société EPC France à verser à la société Exploroc la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2023.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
SUR CE, LA COUR
Le courrier litigieux est le suivant :
«Chers clients,
Nous souhaitons porter à votre connaissance deux difficultés produits que nous avons rencontrées.
Booster STV 750
Notre fournisseur nous a livré pour la 1ère fois un nouveau Booster le 16 octobre dernier, ce qui a conduit à un raté de tir (11 Boosters non explosés sur 27). Nous lui avons immédiatement demandé de ne plus nous livrer ce modèle. Notre fournisseur nous écrivait le 4 novembre qu'il s'agissait à sa connaissance du seul problème rencontré. Nous avons toutefois reçu par erreur son rapport faisant état de 5 ratés de tirés dans l'Ouest de la France sur ce même mois d'octobre.
Blendex Alu
Nous venons de clôturer une série de tests avec moitié du tir avec Aluminium et moitié du tir sans
Aluminium et les retours des conducteurs d'engins sont unanimes sur toutes les carrières. Le Blendex 85 standard donne de meilleurs résultats que le Blendex 85A à l'aluminium. Les carreaux sont plus réguliers, les engins pénètrent plus facilement dans les zones traitées sans aluminium.
Par principe, l'aluminium était censé remplacer la dynamite en pied en améliorant les performances du Blendex Standard. Pour information, l'aluminium doit être pulvérulent (surface de contact maximale) si on veut attendre une performance. L'indice de pureté est également déterminant. S'il n'a pas ces qualités, l'aluminium devient un inerte qui diminue la performance. Pour des raisons internes, notre fournisseur a modifié plusieurs fois l'aluminium, ce qui avait déjà conduit à des difficultés de tirs. A ce jour, le fournisseur ne souhaite plus communiquer sur le sujet et, au vu des constats, nous préférons interrompre l'utilisation de ce produit.
Par souci de transparence, nous avons voulu porter à notre connaissance ces évènements qui nous conduisent à nous adapter en conséquence et à rester mobilisés. Nous continuerons de suivre la conformité des produits, l'extraction aux cotes altimétriques et vous tiendrons informés de l'avancée de nos investigations.
Nous restons bien entendu à votre disposition pour toute demande de précisions de votre part.»
Sur le dénigrement
Aux termes de l'article 1240 du code civil,tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Constitue un dénigrement la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent peu important qu'elle soit exacte et peu important l'existence d'une concurrence réelle entre les produits/services/sociétés en cause.
En l'espèce, le courrier vise deux produits commercialisés par la société EPC, celle-ci étant de surcroît le fabricant du Blendex 85A.
C'est justement que le tribunal de commerce a retenu que la société EPC pouvait facilement être identifiée comme étant le fournisseur visé par le courrier compte tenu de la branche d'activité très spécifique et restreinte dans laquelle interviennent les parties.
Selon la pièce émanant de la société Exploroc, le courrier litigieux a été adressé le 25 mai 2021 par voie électronique à :
- 6 personnes de la société Eiffage
- 3 personne de la société Carrières de l'ouest
- 2 personnes de la société Basaltes
- 4 personnes de la société Gfcie
- 1 personne de la société Hervé groupe
- 2 personnes de la société Eurovia
- 2 personnes de la société Limites Be
- 2 personnes de la société Minier
- 7 personnes de la société Colas.
Il s'agit de clients de la société Exploroc.
La société EPC justifie toutefois que les sociétés Basaltes, Eiffage, Eurovia et Colas étaient également ses clients en 2021 même si elle ne précise pas pour quelles activités.
Par ailleurs, il n'est pas contesté que la société EPC exerce également une activité de forage-minage, concurrente à celle de la société Exploroc, et pour laquelle les sociétés citées ci-dessus et destinataires du courrier du 25 mai 2021peuvent faire appel à elle. Dès lors, même si ces sociétés n'ont pas vocation à acheter directement les produits explosifs, elles ne peuvent être indifférentes à la qualité des produits utilisés par la société EPC dans le cadre de son activité de forage-minage.
Concernant le Booster STV 750, il sera relevé que la réalité d'un raté de tir le 16 octobre 2020 à la carrière de Vaubadon n'est pas contestée, 11 charges sur 27 n'ayant pas explosé.
Il résulte des pièces communiquées que la société Exploroc a effectivement reçu par erreur un rapport de la société EPC faisant état de 5 ratés de tirs en octobre 2020 impliquant des Boosters 750 STV.
Le 9 novembre 2020, la société Exploroc a rempli une fiche de non-conformité concluant à la suspension de l'utilisation des explosifs Boosters 750 dans l'attente de l'analyse du fabricant.
Il est relevé qu'à la date du 25 mai 2021, une expertise judiciaire était en cours afin de déterminer notamment l'existence de tout défaut, défectuosité, non-conformité affectant les boosters modèle 750 gr de la marque STV.
Le rapport d'expertise judiciaire déposé le 12 juillet 2021 conclut à un défaut de fabrication affectant un nombre réduit de boosters dans un même lot.
Ainsi, au vu de ces éléments, il apparaît que les propos tenus sur le Boosters STV 750 dans le courrier du 25 mai 2021 reposent sur une base factuelle suffisante, qu'ils sont objectifs et mesurés et qu'ils ne présentent pas de connotations dépréciantes.
Ils ne sont donc pas une critique malveillante du produit en question qui serait constitutive d'un dénigrement.
Concernant le Blendex 85A, produit fabriqué par la société EPC, il est présenté comme moins performant que le Blendex standard et à l'origine de difficultés de tirs.
Les remarques relatives au fait que la société EPC ne maîtrise pas la qualité de l'aluminium utilisé pour la fabrication du Blendex 85A et qu'elle ne souhaite plus communiquer sur le sujet renforce la présentation négative du produit.
La société Exploroc soutient que le dénigrement n'est pas constitué dès lors, elle n'a fait qu'exécuter un devoir de conseil en avertissant ses clients précisant qu'en tant que prestataire elle était fondée à informer ses clients des manquements imputables à la société EPC afin de dédouaner sa responsabilité et limiter l'atteinte à sa réputation et qu'elle n'a fait qu'adresser un courrier reposant sur des faits exacts objectivement établis, ne comportant que des propos mesurés, factuels et non malveillants.
Il ressort toutefois des pièces communiquées :
- que l'explication de difficultés d'extraction après l'utilisation du Blendex 85A est avancée par la société Exploroc et non par ses clients ;
- que les deux clients qui attestent n'avoir pas constaté de différences entre l'utilisation du Blendex 85 A et l'utilisation du Blendex standard ont rédigé leurs attestations bien après l'envoi du courrier litigieux et ils n'indiquent pas s'être plaints auprès de la société Exploroc de l'utilisation du Blendex 85A ;
- qu'il n'est pas établi que tous les destinataires du courrier électronique représentant diverses carrières avaient utilisé le Blendex 85A ni qu'ils avaient connu des problèmes de tirs ;
- que la société Exploroc se prévaut de rapports d'analyse établis à sa demande, de manière non contradictoire, et qui sont contestés par la société EPC quant à la méthode utilisée ;
- qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que la société EPC a reconnu une défaillance de son produit, les factures de remise en état invoquées par la société Exploroc ayant été émises par cette dernière et leur paiement n'étant pas démontré ;
- que le courrier a été envoyé alors qu'un contentieux était en cours entre les parties portant sur le Blendex 85A, l'assignation délivrée par la société Exploroc étant datée du 21 mai 2021 ;
- que par jugement du 8 mars 2023, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Exploroc de sa demande d'expertise relative à ce produit en énonçant que 'les éléments mis à sa disposition lui permettent de dire que le Blendex85A a une efficacité supérieure à celle du Blendex 85 par la simple addiction d'aluminium jouant un rôle catalyseur dans l'explosion du produit', et 'que la granulométrie du mélange a évolué au cours des années, sans affecter son agrément par l'INERIS, qu'en ces conditions la tromperie ne peut être recherchée dans lesdites modifications de granulométrie.',
- que dans ses conclusions, la société Exploroc reconnaît qu'elle souhaitait imputer à la société EPC des difficultés rencontrées lors de tirs en mettant en cause les produits vendus par celle-ci ;
- que les deux sociétés sont en concurrence quant à l'activité de forage-minage.
La critique du Blendex 85A dans ces circonstances ne peut être considérée comme une critique objective, neutre, justifiée, émise avec la prudence nécessaire et elle était de nature à jeter le discrédit sur le produit fabriqué par la société EPC dans un contexte de concurrence et de contentieux commercial préexistant entre les parties.
Sur l'existence de faits justificatifs
La société Exploroc fait valoir son droit d'informer sa clientèle de faits qui lui font griefs et de défendre ses intérêts commerciaux sans intention malveillante alors qu'elle est prestataire et qu'elle doit être transparente sur les produits qu'elle utilise même si les informations données ne sont pas positives.
Elle précise qu'elle n'a pas besoin d'invoquer son droit à la liberté d'expression pour écarter sa responsabilité mais qu'elle serait bien fondée à le faire quoiqu'il en soit dès lors que les informations données sont basées sur des éléments factuels, que les termes utilisés ne sont pas outranciers et qu'il est question de qualités techniques objectives d'un produit et de sécurité.
La société EPC fait valoir que la société Exploroc ne peut pas invoquer la liberté d'expression ni aucun autre fait justificatif ne remplissant pas les critères exigés par la jurisprudence.
La liberté d'expression protégée par la Convention européenne des droits de l'homme peut être invoquée pour s'opposer à la qualification de dénigrement si l'information divulguée se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.(Cass., Com; 9 janvier 2019, n°17-18.350)
En l'espèce, il ne peut être retenu que l'information divulguée se rapporte à un sujet d'intérêt général s'agissant au contraire d'intérêts commerciaux entre sociétés.
Si l'argument de la société Exploroc selon lequel en tant que prestataire elle doit informer ses clients de la qualité des produits qu'elle utilise peut être entendu, il suppose cependant que l'information même critique repose sur une base factuelle suffisante et se fasse en termes mesurés.
Pour les mêmes motifs que ceux retenus supra, Il ne peut être retenu que la lettre d'information du 25 mai 2021 repose sur une base factuelle suffisante et que la critique du produit est faite en termes mesurés.
Le dénigrement est donc constitué s'agissant de la critique portant sur le Blendex 85A.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
Sur le préjudice
La société EPC fait valoir l'existence d'un préjudice moral qui résulte de l'atteinte nécessairement portée à son image de marque et à sa réputation commerciale par les propos dénigrants de la société Exploroc qui a manqué aux règles générales de loyauté applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires.
Elle invoque également un préjudice matériel correspondant au temps passé et aux efforts réalisés par ses collaborateurs pour répondre aux questions et dissiper les inquiétudes des clients.
La société Exploroc soutient que la société EPC ne justifie d'aucun préjudice n'ayant subi aucune perte de chiffre d'affaires ou de clientèle. Elle précise que le préjudice doit être déterminable et ne peut être apprécié de manière forfaitaire.
Elle fait valoir en outre que la demande de publication de la décision à intervenir n'est pas justifiée alors que l'acte litigieux est isolé et ancien et qu'il n'a concerné qu'un nombre limité de clients.
Il s'infère nécessairement d'actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral. (Cass.Com., 11 janvier 2017, n°15-18.669)
Les propos dénigrants, sur le produit fabriqué et commercialisé par la société EPC, diffusés auprès de plusieurs clients dans un milieu professionnel restreint ont nécessairement causé à la société EPC un préjudice moral lié à l'atteinte portée à son image.
Il sera toutefois relevé que la société EPC n'a pas souffert d'une perte de son chiffre d'affaires et qu'elle ne conteste pas avoir travaillé avec des carrières dépendant de sociétés ayant reçu le message litigieux après l'envoi de celui-ci.
Au vu de ces éléments, la publication dans des journaux professionnels n'est pas justifiée.
Il apparaît en effet que la publication du dispositif du présent arrêt sur le site internet de la société Exploroc pour une durée de 90 jours est mieux adaptée pour réparer le préjudice moral subi, cette mesure de réparation n'étant pas une réponse excessive eu égard au trouble causé par le dénigrement.
Concernant le préjudice matériel allégué, sa réalité n'est établie par aucune pièce du dossier.
La demande de dommages et intérêts faite à ce titre sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Au vu de la solution donnée au litige, les dispositions du jugement entrepris relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens seront infirmées.
Il apparaît équitable de condamner la société Exploroc aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la société EPC la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Exploroc sera déboutée de sa demande formée au titre de l'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;
Infirme le jugement entrepris dans les limites de l'appel ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ,
Dit que la diffusion du message éléctronique du 25 mai 2021 par la société Exploroc constitue un acte de dénigrement commis à l'encontre de la société EPC France relativement au produit Blendex 85A ;
Condamne la société Exploroc à la publication du dispositif de la présente décision sur son site internet pendant une durée de 90 jours à titre de réparation du préjudice moral subi par la société EPC France et ce, dans un délai de 8 jours à compter de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant 60 jours ;
Déboute la société EPC France de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel ;
Condamne la société Exploroc à payer à la société EPC France la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Exploroc de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Exploroc aux dépens de première instance et d'appel.