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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 27 février 2024, n° 22/03452

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

LBM (SARL)

Défendeur :

ABL (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clement, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Cressard, Me Samson

CA Rennes n° 22/03452

26 février 2024

FAITS ET PROCEDURE :

La société à responsabilité limitée d'architecture LBM détenait la totalité des parts sociales de la société Agence William Gohier Associés - Architecture et Urbanisme (la société AWGA), devenue depuis la société Atelier des Loges.

La société LBM était détenue par MM. [D], architecte, [G], architecte, et [U], ingénieur, chacun pour 1.000 parts.

Le 10 novembre 2020, les associés ont signé un protocole prévoyant notamment l'apport par M. [D] de ses titres à la société ABL dans laquelle il était majoritaire et le rachat de ces parts par la société LBM auprès de la société ABL moyennant le prix de 570.000 euros.

Le même jour, en application de ce protocole, M. [D] a apporté ses parts à la société ABL.

Le 18 mars 2021, estimant que M. [D] avait commis un dol au préjudice de MM. [U] et [G] dans le cadre de la signature du protocole, MM. [U] et [G] et les sociétés LBM et Atelier des Loges ont assigné M. [D] devant le tribunal judiciaire de Rennes en réduction du prix des parts sociales détenues par M. [D] dans le capital de la société LBM et du rachat de ses comptes courants la somme totale de un euro symbolique et condamnation de M. [D] à payer la somme de 132.298 euros à la société Atelier des Loges à titre de dommages-intérêts.

Le 13 décembre 2021, l'assemblée générale mixte de la société LBM a, en sa première résolution, 'constaté' que M. [D] était réputé à l'égard de la société LBM être demeuré associé et titulaire de 1.000 parts sociales et, en sa deuxième résolution, modifié l'article 7 des statuts pour retenir que le capital social était réparti entre MM. [U], [D] et [G] à hauteur de 1.000 parts chacun.

Le 31 décembre 2021, estimant que l'apport fait par M. [D] de ses parts à la société ABL ne respectait par les statuts faute d'avoir été agréé et faute pour la société ABL d'être inscrite à l'ordre des architectes, MM. [U] et [G] et la société LBM ont assigné M. [D] et la société ABL devant le tribunal de commerce de Rennes en annulation de l'apport du 10 novembre 2020.

Par jugement du 17 mai 2022, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Dit que la société ABL est régulièrement appelée à la cause,

- Débouté M. [G], M. [U] et la société LBM de leur demande de nullité de l'apport par M. [D], à la société ABL, des 1.000 parts sociales de la société LBM qu'il détenait,

- Annulé la deuxième résolution de l'assemblée générale extraordinaire de la société LBM du 13 décembre 2021 et condamné la société LBM à publier, dans un délai de 8 jours à compter de la signification du présent jugement les statuts rectifiés de la société LBM, auprès du greffe du tribunal de Rennes, en précisant la qualité d'associé de la société ABL à hauteur de l.000 parts dans la société LBM,

- Débouté M. [D] et la société ABL du surplus de leur demande sur ce chef,

- Condamné la société LBM et M. [G], M. [U] au rachat de la totalité des parts sociales qui appartiennent à la société ABL moyennant le prix préalablement convenu entre les parties, de 570.000 euros,

- Subordonné l'exécution provisoire de ce jugement à la production par la société ABL, d'un cautionnement par une banque de premier rang établie en France couvrant en cas d'appel le remboursement de la somme de 570.000 euros, versée ou titre du présent jugement,

- Débouté M. [D] et la société ABL de leur demande de dommages-intérêts,

- Débouté la société LBM, M. [G] et M. [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Débouté M. [D] et la société ABL de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

- Condamné solidairement la société LBM, M. [G] et M. [U] à payer à la société ABL la somme de 2.500 euros ainsi qu'à payer à M. [D] la somme de 2.500 euros, ce au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté M. [D] et la société ABL du surplus de leurs demandes à ce titre,

- Dit que la société LBM, M. [G] et M. [U] conservent solidairement la charge des entiers dépens.

MM. [U] et [G] et la société LBM ont interjeté appel le 2 juin 2022.

La société Atelier des Loges, anciennement Agence William Gohier Associés - Architecture et urbanisme, est intervenue volontairement à l'instance devant la cour d'appel.

Par ailleurs, dans le cadre de l'instance en cours devant le tribunal judiciaire de Rennes, par ordonnance du 4 mai 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes a ordonné le sursis à statuer jusqu'à l'extinction de l'instance pendante devant la chambre commerciale de la cour d'appel de Rennes enregistrée sous le numéro 22/03452.

Les dernières conclusions de MM. [U] et [G] et des sociétés LBM et Atelier des Loges sont en date du 5 décembre 2023. Les dernières conclusions de M. [D] et de la société ABL sont en date du 5 décembre 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS :

MM. [U] et [G], la société LBM et la société Atelier des Loges demandent à la cour de :

- Déclarer recevable l'intervention volontaire de la société atelier des loges,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [G], M. [U], et la Société LBM de la demande de nullité de l'apport des 1.000 parts sociales de la société LBM détenues par M. [D] à la société ABL,

Statuant à nouveau :

- Prononcer la nullité de l'apport des 1.000 parts sociales de la société LBM détenues par M. [D] à la société civile ABL,

- Annuler et à titre subsidiaire infirmer le jugement en ce qu'il a annulé la deuxième résolution de l'AGE de la société LBM du 13 décembre 2021 et condamné la société LBM à publier dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement les statuts rectifiés de la société LBM en précisant la qualité d'associé de la société ABL à hauteur de 1000 parts dans la société LBM,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] et la société ABL du surplus de leurs demandes de ce chef,

- Annuler et à titre subsidiaire infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société LBM et M. [G], M. [U] (sic) au rachat de la totalité des parts sociales qui appartiennent à la société ABL moyennant le prix préalablement convenu entre les parties de 570.000 euros,

- Juger l'existence d'un dol commis par M. [D] lors de la signature du protocole d'accord en date du 10 novembre 2020,

- Juger y avoir lieu à réduction du prix du rachat des parts sociales détenues par M. [D] dans le capital social de la société LBM et du rachat de ses comptes courants à la somme totale de 1 euros symbolique,

- Condamner M. [D] à verser à la société Atelier des Loges, la somme de 132.298 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

- Débouter M. [D] et la société ABL de leur demande de condamnation de la société LBM à leur verser la somme de 570.000 euros et les condamner solidairement au remboursement de la somme versée,

En toute hypothèse :

- Condamner M. [D] à payer à la société Atelier des Loges :

- La somme de 19.718,54 euros au titre du remboursement de son compte courant débiteur chez Atelier des Loges,

- La somme de 7.120,06 euros euros au titre du remboursement des dépenses injustifiées via sa CB,

- La somme de 6.281.94 euros,

- Condamner M. [D] à céder ses 30 parts de la SCI BML à MM. [G] (à hauteur de 15 parts) et [U] (à hauteur de 15 parts) moyennant la somme de un euro dans les 15 jours de la signification de l'arrêt,

A défaut d'exécution de la condamnation dans le délai sus visé, dire que l'arrêt tiendra lieu d'acte de cession des 30 parts de la SCI BML appartenant à M. [D] à MM. [G] (à hauteur de 15 parts) et [U] (à hauteur de 15 parts) moyennant la somme de un euro,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] et la société ABL de leurs demandes de dommages intérêts et de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société LBM, M. [G], et M. [U] à payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- Condamner solidairement M. [D] et la société ABL à verser à M. [J] [G], M. [U], et la société LBM la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner solidairement M. [D] et la société ABL aux entiers dépens.

M. [D] et de la société ABL demandent à la cour de :

- 1/ Juger que la demande de cession des 30 parts sociales détenues par M. [D] dans la SCI BML pour la somme de 1 euro, n'ayant jamais été formée en première instance et ne tendant pas aux mêmes fins que la demande d'annulation de l'apport des 1.000 parts sociales détenues par M. [D] dans la société LBM à la société ABL formée en 1 ère instance, est irrecevable pour avoir été formulée pour la 1 ère fois en cause d'appel et juger que les appelants n'ont pas qualité à formuler cette demande,

- 2/ Juger que la demande de « juger l'existence d'un dol lors de la signature du protocole d'accord » et que la demande de voir « juger y avoir lieu à réduction du prix du rachat des parts sociales détenues par M. [D] dans la société LBM et du rachat des comptes courants à la somme totale de 1 euro symbolique » sont des demandes nouvelles en cause d'appel et doivent donc être rejetée car irrecevables,

- 3/ A défaut rejeter comme infondée demande de « juger l'existence d'un dol lors de la signature du protocole d'accord »,

- 4/ Juger que la demande de voir réduire le prix de rachat des parts sociales détenues par M. [D] dans le capital social de la société LBM à la somme totale de 1 euro symbolique est irrecevable car elle constitue une contradiction au détriment d'autrui lors du débat judiciaire,

- 5/ Juger que la demande des appelants de voir M. [D] condamné à verser la somme de 132 298 euros de dommages et intérêts à la société Atelier des Loges est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel,

- 6/ A défaut, rejeter la demande de paiement de la somme de 132.298 de dommages et intérêts formulées par la société Atelier des Loges, aucun préjudice n'étant ni établi, ni démontré,

- 7/ Juger que la demande des appelants de voir M. [D] condamné à leur verser la somme de 19.718.54 euros somme au titre d'un compte courant d'associés détenu dans la société Atelier des Loges est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel,

- 8/ Juger que les demandes des appelants de voir M. [D] condamné à leur verser la somme de 7.120 euros au titre de remboursement de dépenses par carte bancaire et de la somme de 6 281.94 euros pour un vélo électrique acheté au sein de la société Atelier des Loges sont irrecevables comme étant nouvelles en cause d'appel,

- 9/ En toute hypothèse, juger comme étant irrecevables devant la cour d'appel la demande de voir « juger y avoir lieu à réduction du prix du rachat des parts sociales détenues par M. [D] dans la société LBM et du rachat des comptes courants à la somme totale de 1 euro symbolique » la cour d'appel ne disposant pas du pouvoir d'imposer à M. [D] cette réduction du prix de rachat de ses parts sociales dans la société LBM et du prix de rachat de ses comptes courants,

- 10/ Confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a débouté M. [G], M. [U] et la société LBM de leur demande de nullité de l'apport par M. [D] à la société ABL de ses 1.000 parts sociales de la société LBM pour cause d'autorité de la chose jugée attachée au protocole transactionnel du 10 novembre 2020,

- 11/ A défaut de confirmer le jugement sur ce point, statuer à nouveau et débouter M. [G], M. [U] et la société LBM de leur demande de nullité de l'apport par M. [D] à la société ABL de ses 1.000 parts sociales de la société LBM pour avoir confirmé, y compris expressément, à plusieurs reprises la légalité de l'apport des parts sociales de M. [D] à la société ABL,

- 12/ En conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G], M. [U] et la société LBM au rachat des parts sociales qui appartiennent à ABL moyennant le prix préalablement convenu entre les parties de 570.000 euros,

- 13/ Confirmer le jugement en ce qu'il a annulé la 2 ème résolution de l'assemblée générale extraordinaire de la société LBM du 13 décembre 2021 et condamné LBM à publier dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir les statuts rectifiés de la société LBM auprès du greffe du tribunal de Rennes en précisant la qualité d'associé de la société ABL à hauteur de 1 000 parts dans la société LBM,

- 14/ En toutes hypothèses, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il a condamné LBM à publier dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir les statuts rectifiés de la société LBM auprès du greffe du tribunal de Rennes en précisant la qualité d'associé de la société ABL à hauteur de 1.000 parts dans la société LBM,

- 15/ Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société LBM, M. [G] et M. [U] à payer la somme de 2.500 euros à la société ABL et 2.500 euros à M. [D],

- 16/ Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [D] et de la société ABL,

Et statuant à nouveau :

- 17/ Condamner MM. [U], [G] et la société LBM à verser à M. [D] et à la société » ABL 20.000 euros de dommages et intérêts,

- 18/ Condamner MM. [U], [G] et la société LBM à verser à M. [D] et à la société ABL 30.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur l'intervention de la société Atelier des Loges :

La société Atelier des Loges n'était pas partie à l'instance devant les premiers juges.

Le litige porte notamment sur la répartition du capital de sa société holding. S'agissant d'une société d'architecte, la composition du capital de sa société holding est soumis à certaines conditions. Elle justifie donc d'un intérêt à intervenir dans la présente instance.

En revanche, les demandes de condamnation à son profit qu'elle forme devant la cour n'ont pas été formulées en première instance. Il n'est pas justifié que la formulation de ces demandes soit liée à une évolution du litige depuis le jugement.

Il y a lieu de déclarer irrecevables les demandes formées à son profit par la société Atelier des Loges.

Sur le renvoi de certaines demandes de condamnation à paiement devant le tribunal judiciaire :

Le 18 mars 2021, MM [U] et [G] et les sociétés LBM et Atelier des loges ont assigné M. [D] devant le tribunal judiciaire de Rennes en réduction du prix de cession des parts sociales de la société LBM et des sommes dues au titre des comptes courants à la somme de un euro, en invoquant un dol lors de la signature du protocole, et condamnation de M. [D] à payer à la société Atelier des Loges la somme de 132.298 euros à titre de dommages-intérêts.

La société ABL est intervenue à l'instance et a notamment demandé la condamnation solidaire des demandeurs, ou à défaut solidaire de MM. [U] et [G], à payer à la société ABL la somme de 570.000 euros au titre des parts sociales rachetées à M. [D].

Des demandes de paiement au profit de la société ABL sont ainsi formées devant le tribunal judiciaire, au titre du prix de vente des parts sociales et du montant des comptes courant d'associés. Elles sont cependant formées contre MM. [U] et [G] et les sociétés LBM et Atelier des loges solidairement ou, subsidairement, contre MM. [U] et [G].

Ces demandes ne sont donc pas identiques à celles dont la cour est saisie qui visent une condamnation de la seule société LBM au profit de la société ABL au titre de la cession des parts sociales.

Mais ces demandes sont cependant connexes et il existe un risque de contrariété de décision.

Il apparait d'une bonne administration de la justice d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de renvoi de ces demandes devant le tribunal judiciaire et de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'elle vise au rachat des parts sociales de la société LBM appartenant à la société ABL et à fixer les conditions de prix de ce rachat.

La demande d'annulation du jugement en ce qu'il a statué au fond sur le demande de condamnation à payer la somme de 570.000 euros est donc sans objet.

Sur l'annulation de l'apport des parts sociales détenues par M. [D] à la société ABL :

La Loi n°2016-1547 a supprimé l'autorité de la chose jugée reconnue, entre les parties à la transaction.

MM. [G] et [U] et la société LBM font valoir que l'apport à la société ABL par M. [D] des parts de la société LBM qu'il détenait serait nul. Ils font valoir en ce sens que la cession en question n'aurait pas été consentie par la majorité des associés représentant au moins les deux tiers des parts sociales.

La cession des parts sociales d'une Sarl à un tiers étranger à la société doit être consentie par la majorité des associés et le projet de cession doit leur être préalablement notifié :

Article L223-14 du code de commerce :

Les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte.

Lorsque la société comporte plus d'un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications prévues au présent alinéa, le consentement à la cession est réputé acquis.

Si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil, sauf si le cédant renonce à la cession de ses parts. Les frais d'expertise sont à la charge de la société. A la demande du gérant, ce délai peut être prolongé par décision de justice, sans que cette prolongation puisse excéder six mois.

La société peut également, avec le consentement de l'associé cédant, décider, dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les conditions prévues ci-dessus. Un délai de paiement qui ne saurait excéder deux ans peut, sur justification, être accordé à la société par décision de justice. Les sommes dues portent intérêt au taux légal en matière commerciale.

Si, à l'expiration du délai imparti, aucune des solutions prévues aux troisième et quatrième alinéas ci-dessus n'est intervenue, l'associé peut réaliser la cession initialement prévue.

Sauf en cas de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux, ou de donation au profit d'un conjoint, ascendant ou descendant, l'associé cédant ne peut se prévaloir des dispositions des troisième et cinquième alinéas ci-dessus s'il ne détient ses parts depuis au moins deux ans.

Toute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite.

Les statuts de la société LBM prévoient un agrément de la cession des parts sociales par la majorité des associés représentant aux moins les deux tiers des parts sociales :

Article 13 ' Cession de parts ' agrément :

[']

Les parts ne peuvent être cédées à quelque personne que ce soit, à titre onéreux ou gratuit, qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins les deux tiers des parts sociales.

Comme le font remarquer les appelants, M. [D] et la société ABL se prévalaient devant le premier juge de l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la cession présentée par MM. [U] et [G] et la société LBM.

Saisi d'une demande d'irrecevabilité de la demande d'annulation de la cession des parts au profit de la société ABL, le tribunal a rejeté cette demande. Il se devait cependant, s'il ne faisait pas droit à la demande d'irrecevabilité, d'examiner le bien fondé de la demande d'annulation de la cession présentée par MM. [U] et [D] et la société LBM au vu de la motivation qu'ils développaient en ce sens. Les défendeurs contestaient la demande en question.

Le tribunal n'a donc pas statué ultra petita.

En tout état de cause, la cour d'appel de Rennes est juge d'appel du tribunal de commerce de Rennes et est saisie par effet dévolutif. Il convient de statuer sur la régularité de la cession.

Le procès verbal des décisions collectives et unanimes des associés de la société LBM en date du 10 novembre 2020, signé par MM. [U], [D] et [G], a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Rennes le 13 novembre 2020.

Il mentionne, au titre des décisions prises à l'unanimité, l'autorisation d'apport des parts sociales entre M. [D] et la société ABL et la répartition des parts sociales en résultant à raison de 1.000 parts pour M. [U], 1.000 parts pour M. [G] et 1.000 parts pour la société ABL.

Le procès verbal mentionne également une décision selon laquelle la société ABL sera propriétaire des 1.000 parts sociales dès son immatriculation, que ces parts lui seront rachetées par la société LBM pour la somme de 570.000 euros réglée en une seule échéance et que le capital social de la société LBM sera alors réduit à 2.000 parts détenues par MM. [U] et [G].

Il apparaît ainsi que l'agrément de la société ABL comme nouvel associé a été délivré à l'unanimité des associés.

La société ABL a été immatriculée le 13 novembre 2020 et est alors devenue titulaire des parts sociales.

Le protocole transactionnel a été signé entre d'une part M. [D] et, d'autre part, MM. [G] et [U], avec l'intervention de la société LBM représentée par MM. [G] et [U] « ayant tous pouvoirs à l'effet des présentes ainsi que le confirme M. [D] ».

Au titre des concessions réciproques, ce protocole prévoyait :

- le retrait de M. [D] et de la société ABL du capital de la société LBM, précisant qu'il avait été procédé à l'apport des titres que M. [D] détenait à la société ABL par acte en date de ce jour, M. [D] demeurant garant et solidairement responsable des droits et obligations. MM. [U] et [G] s'engageaient à acquérir auprès de M. [D] ou de la société ABL les parts détenues par M. [D] pour la somme de 570.000 euros,

- la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée entre la société AWGA et M. [D] et sa démission de toutes ses fonctions,

- la conclusion d'un avenant au pacte d'associés, en prévoyant sa résiliation, sans indemnité de part et d'autre,

- la renonciation à des recours réciproques contre chacune des parties et les sociétés.

MM. [G] et [U] s'étaient donc engagés à acquérir les parts de M. [D], que ce soit directement à lui ou à la société ABL à laquelle M. [D] devait, momentanément et pour les besoins du protocole, transférer ses parts. Ils sont irrecevables à invoquer le non respect des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L223-14 du code de commerce.

La société LBM était présente au protocole de transaction et y était représentée par MM. [G] et [U], ses co-gérants. Les trois associés de la société ont signé le protocole prévoyant la cession de titre avec transfert momentané à une société tierce créée pour l'occasion. La société LBM est donc irrecevable à se prévaloir du non respect des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L223-14 du code de commerce.

MM [G] et [U] et la société LBM « rappellent » en outre que du fait de l'apport de 1.000 parts sociales à la société ABL, elle même non inscrite auprès de l'ordre des architectes, le capital de la société LBM ne serait plus détenu à plus de la moitié par des architectes ou sociétés d'architecture :

Article 13 de la Loi n°77-7 du 3 janvier 1977 sur l'architecture :

Toute société d'architecture doit se conformer aux règles ci-après :

1° Les actions de la société doivent revêtir la forme nominative ;

2° Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doivent être détenus par un ou plusieurs architectes personnes physiques ou une ou plusieurs personnes physiques établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen et exerçant légalement la profession d'architecte dans les conditions définies aux 1° à 4° de l'article 10 ou à l'article 10-1 ou éventuellement par des sociétés d'architecture. Un des associés au moins doit être une des personnes physiques mentionnées à la phrase précédente détenant 5 % minimum du capital social et des droits de vote qui y sont affectés ;

3° Les personnes morales associées qui ne sont pas des sociétés d'architecture ne peuvent pas détenir plus de 25 % du capital social et des droits de vote des sociétés d'architecture ;

4° L'adhésion d'un nouvel associé est subordonnée à l'agrément préalable de l'assemblée générale statuant à la majorité des deux tiers;

Cette disposition ne s'applique pas lorsque la société d'architecture est constituée sous la forme d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée.

5° Le président du conseil d'administration, le directeur général s'il est unique, la moitié au moins des directeurs généraux, des membres du directoire et des gérants, ainsi que la majorité au moins des membres du conseil d'administration et du conseil de surveillance doivent être des personnes mentionnées à la première phrase du 2°.

Le non respect de ces dispositions n'est pas sanctionné par la nullité d'une cession de parts sociales qui viendrait à modifier la répartition du capital au sein d'une société d'architectes. Mais une telle société ne pourrait plus être inscrite au tableau régional des architectes et être autorisée à exercer cette profession :

Article 12 :

Pour l'exercice de leurs activités, les architectes et les personnes physiques établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen et exerçant légalement la profession d'architecte dans les conditions définies aux 1° à 4° de l'article 10 ou à l'article 10-1 peuvent constituer des sociétés civiles ou commerciales entre eux ou avec d'autres personnes physiques ou morales. Ils peuvent également constituer une société à associé unique. Seules les sociétés qui respectent les règles édictées à l'article 13 et qui sont inscrites au tableau régional des architectes peuvent porter le titre de sociétés d'architecture et être autorisées à exercer la profession d'architecte. Ces sociétés peuvent grouper des architectes ou des sociétés d'architecture inscrits à différents tableaux régionaux.

Toute société d'architecture doit communiquer ses statuts, la liste de ses associés ainsi que toute modification statutaire éventuelle au conseil régional de l'ordre des architectes sur le tableau duquel elle a demandé son inscription.

Il y lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la cession des parts à la société ABL et ordonner la mise en conformité des statuts en conséquence. Il y a lieu d'assortir la condamnation à mettre les statuts en conformités d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard, pendant 60 jours, passé un délai d'un mois à compter de la signification de la présente.

Sur la cession des parts de la SCI :

M. [D] détient des parts dans la SCI LBM. Devant la cour, pour la première fois, MM. [G] et [U] demandent la condamnation de M. [D] à leur céder ces parts.

Cette demande est sans lien avec celles présentées et débattues en première instance. Elle est irrecevable.

Sur l'annulation du jugement en ce qu'il a statué sur la demande d'annulation de la délibération du 13 décembre 2021 :

MM. [U] et [G] et la société LBM demandent l'annulation du jugement en ce qu'il a annulé la deuxième résolution de l'assemblée générale extraordinaire de la société LBM du 13 décembre 2021 et condamné la société LBM à publier les statuts rectifiés dans les huit jours. Ils font valoir en ce sens que le tribunal aurait statué ultra petita et sans respecter le principe de la contradiction.

Dans leurs conclusions devant le tribunal, M. [D] et la société ABL demandaient la condamnation sous astreinte de MM. [U] et [G] et la société LBM à publier au RCS les statuts de la société LBM faisant apparaître la société ABL comme associée à hauteur de 1.000 parts. Ils ne demandaient pas l'annulation du procès verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société LBM en date du 13 décembre 2021.

Le tribunal a statué ultra petita en prononçant cette nullité. Il revient à la cour, saisie par effet dévolutif, de réparer cette irrégularité et de retrancher cette partie du dispositif du jugement.

Il y a lieu de rejeter la demande d'annulation du jugement sur ce point. En tout état de cause, la cour d'appel de Rennes est juridiction d'appel du tribunal de commerce de Rennes et doit statuer au fond sur ce point.

Le 13 décembre 2021 a été réunie une assemblée générale de la société LBM à laquelle ont été convoqués MM. [U], 1.000 parts, M. [D], 1.000 parts, et M. [G], 1.000 parts.

Comme il a été vu supra, la société ABL est devenue propriétaire des 1.000 parts sociales de M. [D] dès son immatriculation, c'est à dire dès le 13 novembre 2020.

La société ABL n'ayant pas été convoquée, il convient d'annuler les délibérations du 13 décembre 2021.

Sur la demande de paiement de dommages intérêts formée par M. [D] et la société ABL:

Même si MM. [U] et [G] et les sociétés LBM et Ateliers des Loges ont engagé deux procédures connexes devant deux juridictions distinctes dans des conditions pour le moins discutables, il n'est pas justifié qu'il l'aient fait dans un but autre que celui de faire valoir leurs droits en justice.

La cour ayant renvoyé devant le tribunal judiciaire l'examen du paiement du prix de vente, les conséquences du retard du paiement de ce prix ne relèvent pas de sa compétence.

Il y a lieu de rejeter la demande de paiement de dommages-intérêts en ce qu'elle est fondée sur le caractère abusif de l'instance et de la déclarer irrecevable en ce qu'elle est formée devant la cour au titre des conséquences du retard de paiement du prix de cession des parts sociales.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner MM. [U] et [G] et des sociétés LBM et Atelier des Loges aux dépens d'appel et à payer à M. [D] et à la société ABL la somme globale de 30.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Reçoit la société Atelier des Loges en son intervention mais déclare irrecevables les demandes formulées au fond à son profit devant la cour,

- Retranche du dispositif du jugement la mention :

'- Annule la deuxième résolution de l'assemblée générale extraordinaire de la société LBM du 13 décembre 2021,'

- Rejette les demandes d'annulation du jugement,

- Déclare irrecevable la demande formée par MM. [U] et [G] tendant à :

- Condamner M. [D] à céder ses 30 parts de la SCI BML à MM. [G] (à hauteur de 15 parts) et [U] (à hauteur de 15 parts) moyennant la somme de un euro dans les 15 jours de la signification de l'arrêt,

- A défaut d'exécution de la condamnation dans le délai sus visé, dire que l'arrêt tiendra lieu d'acte de cession des 30 parts de la SCI BML appartenant à M. [D] à MM. [G] (à hauteur de 15 parts) et [U] (à hauteur de 15 parts) moyennant la somme de un euro,

- Infirme le jugement en ce qu'il a :

- Condamné la société LBM et M. [G], M. [U] au rachat de la totalité des parts sociales qui appartiennent à la société ABL moyennant le prix préalablement convenu entre les parties, de 570.000 euros,

- Subordonné l'exécution provisoire de ce jugement à la production par la société ABL, d'un cautionnement par une banque de premier rang établie en France couvrant en cas d'appel le remboursement de la somme de 570.000 euros, versée ou titre du présent jugement,

- Renvoie l'affaire devant le tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'elle vise au rachat des parts sociales de la société LBM appartenant à la société ABL et à fixer les conditions de prix de ce rachat,

- Déclare irrecevable la demande de condamnation à paiement de dommages-intérêts formée par M. [D] et la société ABL en ce qu'elle est fondée sur les conséquences du retard dans le paiement du prix de cession des parts sociales de la société LBM appartenant à la société ABL,

- Confirme le jugement pour le surplus,

- Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Annule les délibérations de l'assemblée générale de la société LBM en date du 13 décembre 2021,

- Dit que la condamnation la société LBM à publier, dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement, les statuts rectifiés de la société LBM, auprès du greffe du tribunal de Rennes, en précisant la qualité d'associé de la société ABL à hauteur de l.000 parts dans la société LBM, est assortie d'une astreinte de 1.000 euros par jour, pendant 60 jours, passé un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision,

- Condamne MM. [U] et [G] et des sociétés LBM et Atelier des Loges à payer à M. [D] et à la société ABL la somme globale de 30.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que le dossier sera transmis, ainsi qu'une copie de la présente décision, par le greffe de la cour au tribunal judiciaire de Rennes pour poursuite de la procédure sur les demandes renvoyées par la cour,

- Rejette les autres demandes des parties,

- Condamne MM. [U] et [G] et des sociétés LBM et Atelier des Loges aux dépens d'appel.