CA Versailles, ch civ.. 1-4 copropriete, 28 février 2024, n° 21/07011
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Époux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Trarieux
Vice-président :
Mme Paccioni
Conseiller :
Mme Romi
Avocats :
Me Dupuis, Me Didier, Me Nalet
M. [D] [P] et Mme [J] [K] épouse [P] sont propriétaires, selon acte notarié en date du 21 décembre 1988, d'une maison à usage d'habitation située [Adresse 3], constituant le lot n° 10 de la résidence [7] sise [Adresse 3] à [Adresse 5] et [Adresse 1], à [Localité 8], soumis au statut de la copropriété.
Les lots n° 9 et 10, constitués de deux pavillons appartenant respectivement aux époux [P] et aux époux [X], sont construits sur une ancienne carrière souterraine de calcaire.
Le 6 septembre 2012, le préfet des Yvelines a publié un arrêté portant approbation du Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN) de la commune de [Localité 8], dont l'objet principal concerne les risques de mouvements de terrain liés aux anciennes carrières souterraines, présents dans cette zone.
Aux termes d'une assemblée générale des copropriétaires en date du 30 juin 2015, une autorisation a été donnée à M. [X] et à M. [P] de faire procéder, à leur frais, aux sondages de reconnaissance concernant les lots 9 et 10, renvoyant à une prochaine assemblée afin de déterminer qui, de la copropriété ou des copropriétaires, supporterait la charge des études, consultations préalables, travaux de sondages et éventuellement de comblement et leurs contrôles.
La société Thergeo, mandatée par les époux [P], ayant conclu, dans un rapport du 10 décembre 2015, à la nécessité de procéder à des travaux d'injections de béton au droit de la carrière, M. [P] a demandé à M. [X], alors syndic bénévole, de faire inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires devant se réunir le 2 février 2016, plusieurs résolutions dont l'objet était la prise en charge, par la copropriété, des travaux de comblement de la carrière. Lors de cette assemblée générale, le principe de cette prise en charge a été rejeté.
Lors de l'assemblée générale du 22 mai 2017, les mêmes résolutions ont été soumises au vote des copropriétaires, à la demande des époux [P], et ont été adoptées. Ces résolutions ont fait l'objet d'une action en annulation à l'initiative des époux [L]. Afin de mettre un terme à cette procédure, lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 19 octobre 2017, une résolution visant à l'annulation des résolutions attaquées a été adoptée.
M. et Mme [P] ont alors mandaté le bureau d'études 1G Solutions, afin établir une note technique et de donner un avis sur les deux rapports précédents (Thergeo mandaté par eux-mêmes, et GSOL mandaté par les époux [X]), lequel a conclu, les 8 et 16 juin 2018, à la nécessité de prévoir un traitement par injections des remblais de comblement de l'ancienne carrière souterraine.
De son côté, la société JL Immo, désignée en qualité de syndic lors de l'assemblée générale du 11 janvier 2018, a mandaté M. [C] en qualité d'expert-ingénieur, aux fins d'établir un rapport contradictoire en reprenant l'ensemble des études d'ores et déjà réalisées.
Dans son rapport définitif, en date du 16 juillet 2018, M. [C] conclut que la carrière, qui se trouve sous les lots n° 9 et 10 de la copropriété, ne présente, en l'état, aucun danger et mérite le classement B2 qui lui est actuellement attribué dans le PPRN. Il considère en outre que le risque de formation d'un fontis est minime, pour ne pas dire inexistant.
En vue de l'assemblée générale ordinaire du 4 juin 2019, les époux [P] ont une nouvelle fois demandé au syndic d'inscrire à l'ordre du jour des projets de résolutions relatifs à la mise en œuvre des travaux d'injections de béton au sein de l'ancienne carrière souterraine.
Ces résolutions n'ayant pas été adoptées, les époux [P] ont, suivant exploit d'huissier en date du 12 novembre 2019, assigné devant le Tribunal judiciaire de Versailles le syndicat des copropriétaires de la résidence [7] à [Localité 8] pour obtenir, à titre principal, l'annulation de l'assemblée générale du 4 juin 2019 dans son intégralité et, subsidiairement, l'annulation des résolutions n° 13, 14 et 15 de ladite assemblée générale.
Par jugement du 18 novembre 2021, le Tribunal judiciaire de Versailles a :
- déclaré M. et Mme [P] irrecevables en leur demande d'annulation de l'assemblée générale des copropriétaires du 4 juin 2019 dans son entier ;
- déclaré M et Mme [P] recevables en leur demande d'annulation des résolutions des résolutions n°13, 14 et 15 de ladite assemblée générale ;
- débouté M et Mme [P] de leur demande de dommages et intérêts ;
- rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par le syndicat des copropriétaires pour procédure abusive ;
- condamné in solidum M et Mme [P] à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [7] à [Localité 8] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum M et Mme [P] aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Fargues conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
M. [D] [P] et Mme [J] [K] épouse [P] ont interjeté appel de ce jugement suivant déclaration du 25 novembre 2021.
Ils demandent à la Cour, dans leurs dernières conclusions transmises par RPVA le 31 août 2023, au visa des dispositions de l'article 15,17, 44 4°) du décret du 17 mars 1967 et l'article 35 du règlement de copropriété de la résidence [7] du 20 octobre 1988, 14-2 I, 18 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 4 alinéas 1 et 2 du décret du 14 mars 2005, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il :
* les a déclarés recevables en leur demande d'annulation des résolutions n°13, 14 et 15 de l'assemblée générale des copropriétaires du 4 juin 2019 ;
* a rejeté les demandes de dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires pour procédure abusive ;
- infirmer le jugement en ce qu'il :
* les a déclarés irrecevables en leur demande d'annulation de l'assemblée générale des copropriétaires du 4 juin 2019 dans son intégralité ;
* les a déboutés de leur demande d'annulation des résolutions n°13, 14 et 15 de l'assemblée générale des copropriétaires du 4 juin 2019 ;
* les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;
* les a condamnés in solidum à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les a condamnés in solidum aux dépens.
Et, statuant à nouveau :
- les déclarer recevables à solliciter l'annulation de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence [7] du 4 juin 2019 dans son intégralité ;
Au fond :
À titre principal,
- prononcer l'annulation de ladite assemblée générale dans son intégralité ;
À titre très subsidiaire, sur les demandes d'annulation de certaines résolutions votées par cette assemblée générale :
Sur la demande d'annulation de la résolution n°8 :
- les déclarer recevables et bien fondés en leur demande d'annulation de la résolution n°8 ;
- juger que les frais et honoraires résultant d'expertises constituent des dépenses et charges exceptionnelles exclues du budget prévisionnel et soumises au régime de l'article 4 alinéas 1 et 2 du décret n°2005-240 du 14 mars 2005 ;
- juger que les avis techniques ou expertises ne sauraient être qualifiés de travaux urgents au sens de l'article 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;
- juger que les avis techniques ou expertises, non votés préalablement et à l'unanimité par une assemblée générale des copropriétaires et dont le coût n'a pas été comptabilisé lors de l'exercice de leur réalisation, ne sauraient être ratifiés a posteriori par l'assemblée générale des copropriétaires ;
En conséquence, prononcer l'annulation de la résolution n°8 votée par l'assemblée générale du 4 juin 2019 ;
- sur la demande d'annulation des résolutions n°13, 14 et 15 pour manœuvres frauduleuses :
- constater que les projets de résolutions soumis par M. [P] au syndic JL Immo, pour être inscrits à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 4 juin 2019, ont été frauduleusement amputés ou modifiés et que cette fraude a vicié le consentement des copropriétaires de la résidence [7] sur la question des "travaux-carrière" ;
- en conséquence, prononcer l'annulation des résolutions n°13, 14 et 15 litigieuses ;
- Sur la demande d'annulation des résolutions n°13, 14 et 15 pour abus de majorité :
- constater qu'en refusant, sans motifs sérieux, l'adoption des résolutions n°13, 14 et 15 relatives aux travaux de sécurité indispensables visant à combler les vides et à traiter les anomalies de la carrière souterraine, prescrits notamment par le plan de prévention des risques naturels de la commune de [Localité 8], les copropriétaires opposants ont commis un abus de majorité ;
- constater que cette opposition est contraire à l'intérêt général de la copropriété qui, faute de travaux, ne pourra jamais obtenir le déclassement en zone grise d'une partie de son sol ;
- en conséquence, prononcer l'annulation des résolutions n°13, 14 et 15 de l'assemblée générale du 4 juin 2019 ;
En toute hypothèse,
- condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence [7] à leur payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- dire que, conformément à l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, ils seront exonérés de leur quote-part pour les dépens, frais et honoraires exposés par le syndicat des copropriétaires dans la présente procédure, en première instance comme en appel, au titre des charges générales d'administration ainsi que pour les dommages-intérêts auxquels ledit syndicat serait condamné.
Le syndicat des copropriétaires de la résidence les Soudanes demande à la Cour, par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 mai 2022, de :
- confirmer le jugement ;
- Y ajoutant, rejeter la demande d'annulation de la résolution n°8 pour absence de violation de l'article 10 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;
- condamner in solidum M. et Mme [P] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner in solidum aux entiers dépens de la présente instance, qui pourront être recouvrés directement par la Selarl Feugas avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires expose que M. et Mme [P] savaient depuis l'année 1989 qu'il existait une carrière souterraine, et que les deux études qui ont été réalisées ont abouti à des conclusions différentes, l'une indiquant qu'il y avait lieu de procéder à des injections de béton et l'autre qu'il n'existait aucun risque, si bien qu'un expert (judiciaire) a été mandaté par lui, l'intéressé concluant à une absence de danger. Il ajoute que l'assemblée générale du 4 juin 2019 litigieuse a été suivie d'une autre assemblée générale du 25 février 2020 qui a rétracté la précédente, si bien que les demandes des époux [P] sont devenues sans objet.
Le syndicat des copropriétaires soutient qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'assemblée générale du 4 juin 2019 au visa de l'article 15 du décret du 17 mars 1967, car la désignation d'un scrutateur est facultative, qu'il importe peu qu'un seul ait été nommé, alors que le règlement de copropriété n'édicte aucune sanction en la matière. Il ajoute que cette assemblée générale n'a pas à être annulée au visa de l'article 17 du décret du 17 mars 1967, le procès-verbal en ayant été signé du président et du scrutateur, alors que la violation du formalisme ne peut avoir de conséquences que si le contenu dudit procès-verbal ne reflète pas la réalité des débats. Il fait valoir que la demande d'annulation de la résolution n° 8 en application de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 est infondée, car en cas d'urgence, il pouvait de sa propre initiative procéder à l'exécution de tous travaux nécessaires, au vu de l'inquiétude manifestée par les époux [P], si bien que les frais engagés pour rémunérer M. [C] doivent être inclus dans les charges.
S'agissant des résolutions n° 13, 14 et 15, le syndicat des copropriétaires rappelle que M. et Mme [P] ont sollicité l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale d'un certain nombre de questions qui ont été reprises telles quelles, sans fraude.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2023.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la demande tendant à obtenir l'annulation de l'assemblée générale du 4 juin 2019 en son entier :
Le tribunal a relevé à juste titre que l'assemblée générale querellée a été suivie de deux autres assemblées générales du 25 février 2020, lesquelles ont d'une part rétracté les dispositions de la précédente, d'autre part voté d'autres résolutions, notamment la validation de l'expertise de M. [C]. Ces secondes assemblées générales ne sont pas définitives pour être présentement contestées devant le Tribunal judiciaire de Versailles par M. et Mme [P] suivant assignation datée du 27 avril 2020. Ces derniers peuvent donc critiquer celle objet du litige, laquelle n'est pas à ce jour définitivement rétractée en ses dispositions.
Toutefois, un copropriétaire ne peut demander l'annulation de l'entièreté d'une assemblée générale dès lors qu'il a voté en faveur de certaines des décisions prises, ce qui est le cas ici, et ses diverses contestations sur la forme ne lui confèrent pas la qualité d'opposant ou de défaillant à l'ensemble des décisions en cause ; le tribunal en a exactement déduit que la demande susvisée était irrecevable.
Sur la demande d'annulation des résolutions n° 13, 14 et 15 pour fraude :
S'agissant de la demande des époux [P] de voir inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale des questions relatives aux travaux dans la carrière, partie commune, sous les lots 9 et 10, portée dans les lettres recommandées des 24 janvier et 8 mars 2019 et par courriels des 24 janvier, 28 février et 9 mars 2019, elle était formulée de manière fort complexe, sur de nombreuses pages. Elle comprenait un exposé préalable, et des projets de résolutions rédigés confusément, incluant les observations de M. [P] et portant d'une part, sur l'examen de plusieurs documents (arrêt du Conseil d'Etat du 12 mars 1999, lettre de la préfecture du 18 septembre 2014, courrier d'Allianz, assureur de la copropriété, du 4 mai 2017, rapport complet Thergeo, rapport complet GSOL, notice de l'inspection générale des carrières du 15 janvier 2003, courriel de l'inspection générale des carrières du 11 décembre 2015, notices techniques de 1G Solutions), d'autre part, sur l'examen et l'approbation de plusieurs devis relatifs à la maîtrise d'oeuvre spécialisée, à l'assistance à maîtrise d'ouvrage (trois devis), à des travaux d'injections sous les lots 9 et 10 (deux devis), et à des sondages de contrôle (un devis).
La convocation à l'assemblée générale du 4 juin 2019 en date du 10 mai 2019 et le procès-verbal montrent que les résolutions critiquées sont intitulées ainsi qu'il suit : n° 8 ratification de l'expertise de M. [C] ; résolution n° 10 : A la demande de M. et Mme [P], examen de la lettre de la préfecture du 18 septembre 1999 ; résolution n° 11 : A la demande de M. et Mme [P], examen de l'arrêt du Conseil d'Etat du 12 mars 1999 ; résolution n° 12 : A la demande de M. et Mme [P], examen complet du rapport Thergeo du 10 octobre 2015 ; résolution n° 13 : A la demande de M. et Mme [P], examen et approbation pour la maîtrise d'oeuvre spécialisée, assistance à maitre d'ouvrage ; résolution n° 14 : A la demande de M. et Mme [P], travaux sur le lot n° 10 (article 24) ; résolution n° 15 : A la demande de M. et Mme [P], travaux sur le lot n° 10 (article 24). Devant la longueur et la complexité des demandes des intéressés, le syndic n'a eu d'autre choix que de les résumer et les synthétiser dans la formulation des questions posées à l'assemblée générale, dès lors qu'elles n'étaient pas dénaturées. La Cour observe que certaines d'entre elles étaient en réalité dépourvues d'objet, telles que la demande d'examen d'une décision rendue par le Conseil d'Etat. C'est à juste titre que le tribunal a refusé d'annuler l'assemblée générale du 4 juin 2019 pour ce motif.
Sur la demande d'annulation des résolutions n° 13, 14 et 15 pour abus de majorité :
Une décision d'assemblée générale ne peut être annulée pour abus de majorité que s'il est établi qu'elle est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires. Il appartient à ces derniers, en l'espèce les époux [P], de rapporter la preuve de l'abus commis et d'un préjudice injustement infligé à eux. En l'espèce, les intéressés objectent que certains copropriétaires se sont opposés à M. [P] et l'ont même dénigré, qu'ils ont contesté des assemblées générales devant le tribunal, qu'une assemblée générale du 19 octobre 2017 a annulé des précédentes résolutions, qu'ils ont dénoncé en vain les erreurs contenus dans le rapport de M. [C], et que M. [X] a été systématiquement élu président des assemblées générales. Tous ces éléments établissent un climat conflictuel qui règne au sein de la copropriété et qui se traduit par une contestation quasi systématique des décisions qui sont prises par M. et Mme [P], lesquels ont saisi le Tribunal judiciaire de Versailles à cette fin à plusieurs reprises. Mais ils ne caractérisent pas pour autant un abus de majorité ni surtout la prise de décisions qui seraient contraires aux intérêts de la copropriété. Dans ces conditions, M. et Mme [P] échouent dans l'administration de la preuve d'un abus de majorité, et l'annulation des résolutions n° 13, 14 et 15 de l'assemblée générale du 4 juin 2019 pour ce motif n'a pas à être prononcée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. et Mme [P].
Sur la demande d'annulation de la résolution n°8 : les appelants invoquent la violation de l'article 4 du décret du 4 mars 2005 ; ce texte prévoit que les charges constatées pour les travaux et opérations exceptionnelles comprennent les sommes, versées ou à verser, pour les travaux prévus par l'article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée et décidés par l'assemblée générale des copropriétaires. Les charges sont à comptabiliser par le syndicat au fur et à mesure de la réalisation des travaux ou de la fourniture des prestations. Il s'agit là du projet de plan pluriannuel de travaux, qui n'est pas en jeu ici.
En revanche, l'article 18 I de la loi du 10 juillet 1965 dispose qu'indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l'article 47 ci-dessous :
(...) d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci. Ce texte englobe nécessairement des travaux d'étude urgents.
En l'espèce, M. [C] a été mandaté par le syndicat des copropriétaires au début du mois de mai 2018, aux fins de donner un avis sur la dangerosité d'une ancienne carrière souterraine de calcaire vis-à-vis des immeubles sis aux [Adresse 3] et [Adresse 4] à [Localité 8] ; l'intéressé a conclu à un risque faible, motif pris de ce que le mode de remblaiement était classique, que le toit de la carrière variait entre 2 et 5 m d'épaisseur et était doté de bonnes qualités mécaniques, que la moyenne des pressions limites était acceptable, et que les vides résiduels entre le ciel de carrière et le remblai de bourrage donnaient un rapport qui excluait toute susceptibilité de remontée au jour d'un fontis.
Mais M. [C] avait été saisi dans un contexte d'urgence dont l'existence était avancée par les consorts [P] eux-mêmes. Il sera rappelé que depuis plusieurs années M. [P] avait soutenu que lorsqu'un fontis éclaterait à la surface de son lot, cela pourrait endommager gravement sa maison et que ni les assurances ni la copropriété ne garantiraient le sinistre. Il répétait que le risque était connu. Puis par mail du 11 juin 2018, M. [P] indiquait qu'il ne faisait aucun doute qu'il était nécessaire de procéder à des injections de béton dans toute la carrière en vue de la mettre en sécurité selon les obligations du PPRN daté du 6 septembre 2012 ; c'est également lui qui avait mandaté une entreprise, le bureau 1G Solutions, aux fins d'effectuer le diagnostic de l'état de la carrière sous l'emprise de sa maison ; l'intéressé avait également donné mission à la sté Thergeo d'effectuer le diagnostic de l'état de la carrière sous l'emprise de sa maison. Cette société avait exécuté des sondages et avait mis en évidence des zones de vide francs et de matériaux décomprimés. Enfin, l'analyse du rapport GSOL faisait état d'un remblai de bourrage situé sous l'immeuble de M. et Mme [P] et plus ou moins altéré, et mettait en avant, en outre, un risque de fuite important sur les réseaux et la nécessité évoquée par la préfecture de la mise en sécurité du site ; un traitement par injection de remblais était évoqué. M. [P] s'était aussi plaint de fuites dans sa piscine. Il avait, le 14 juin 2018, prétendu qu'il était nécessaire de consolider les remblais de carrière. Il résulte de tout cela que M. [P] entretenait des inquiétudes au sujet du devenir de son immeuble et n'avait cessé d'invoquer une situation de péril. Dans ces conditions, il ne peut pas être reproché au syndicat des copropriétaires d'avoir mandaté M. [C] dans un contexte d'urgence, sans faire voter au préalable en assemblée générale la mise en oeuvre de cette étude. Si l'article 37 du décret du 17 mars 1967 prévoit qu'en pareil cas, le syndic doit informer les copropriétaires et convoquer immédiatement une assemblée générale, et que le nécessaire n'a pas été fait, M. et Mme [P] ne pouvaient pas ignorer la désignation de M. [C] puisque
ce dernier s'est rendu sur leur fond pour opérer, et le fait que l'assemblée générale n'ait pas été tenue immédiatement au sujet de cette désignation n'est pas de nature à en entraîner la nullité. La demande d'annulation de la résolution n°8 sera donc rejetée.
M. et Mme [P], qui succombent en leur appel, seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
- CONFIRME le jugement ;
y ajoutant :
- REJETTE la demande d'annulation de la résolution n°8 de l'assemblée générale du 4 juin 2019 ;
- CONDAMNE in solidum M. et Mme [P] à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [7] à [Localité 8] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE in solidum M. et Mme [P] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par la Selarl Feugas conformément à l'article 699 du code de procédure civile.