CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 22 février 2024, n° 20/04417
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Finance et Tradition (SARL), Apridia Invest (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chalbos
Conseillers :
Mme Vignon, Mme Martin
Avocats :
Me Ugo, Me Guedj
EXPOSE DU LITIGE
La société Finance et tradition a été constituée en 1995 par M. [X] [S] et sa soeur Mme [O] [S] pour exploiter un fonds de commerce de courtier en assurances et de gestion de patrimoine.
En 2007, M. [X] [S] et Mme [O] [S] ont cédé 95 % de leurs parts sociales au sein de la société Finance et tradition à la société Apridia invest, M. [X] [S] conservant 5% du capital social.
Le 31 juillet 2007, les sociétés Apridia invest et Finance et tradition ont conclu une convention financière aux termes de laquelle il était stipulé que :
- l'une ou l'autre des sociétés, pourra, pour le compte de l'autre, effectuer les règlements de frais, charges ou engagements sociaux afin de ne pas la rendre en difficulté financière,
- les montants versés ou paiements pour compte seront portés en compte courant ou d'avance et pourront faire l'objet d'une rémunération au taux légal en vigueur .
Les sociétés Finance et tradition et Apridia invest ont fait l'objet de jugements du tribunal de commerce de Cannes :
- par jugements en date du 13 novembre 2012, il était ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice des deux sociétés,
- par jugements en date du 22 juillet 2014, il était arrêté le plan de sauvegarde des deux sociétés pour une durée de 10 ans.
Le montant du compte courant de la société Apridia invest au sein de la société Finance et tradition était débiteur de 206 162, 63 euros au 31 décembre 2022.
Un conflit s'est noué entre M. [X] [S] (associé minoritaire et fondateur de la société Finance et tradition) et la société Apridia invest au sujet de prêts sans intérêts accordés par la société Finance et tradition à cette dernière.
Plus précisément, l'associé minoritaire reprochait à l'associée majoritaire d'avoir bénéficié d'avances de trésorerie de la part de la société Finance et tradition pour faire face à ses propres dettes et dépenses et ce sans comptabiliser d'intérêts sur les avances consenties.
M. [X] [S] estimait que la société Apridia invest s'était ainsi octroyée des avances de trésorerie auprès de la société Finance entre juillet 2014 et jusqu'au 31 décembre 2017 à hauteur d'une somme totale de 330 516 euros.
Par acte d'huissier du 29 novembre 2018, M. [X] [S] a fait assigner devant le tribunal de commerce de Cannes les société Apridia invest et Finance et tradition pour demander d'une part la condamnation de la première à lui régler personnellement une somme au titre des dividendes et d'autre part la condamnation de cette même société à rembourser ses dettes à la société Finance et tradition.
Par jugement du 13 février 2020, le tribunal de commerce de Cannes a:
- vu les articles L 223-12, L 223-19, L 223,-20, L223.22, L 223-23 du code de commerce
- débouté M. [X] [S] de ses demandes en paiement des sommes de :
17 396 euros au titre de dividendes par la société Finance et tradition pour les exercices 2015, 2016 et 2017,
5 000 euros au titre de dommages et intérêts réclamés à la société Finance et tradition,
408 392 euros au titre du remboursement des sommes consenties en avances de trésorerie par la société Finance et tradition à la société Apridia invest,
5 000 euros au titre de dommages et intérêts par la société Apridia invest,
- condamné M. [X] [S] aux entiers dépens,
- condamné M. [X] [S] à payer à chacune des sociétés défenderesses les sommes de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit ne pas avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.
Pour se déterminer ainsi concernant le rejet de la demande de M. [X] [S] de faire rembourser par la société Apridia invest à la société Finance et tradition les sommes octroyées au titre des avances de trésorerie, le tribunal a retenu que M. [X] [S] n'avait aucune qualité à agir pour le compte de a société Finance et tradition n'étant associé qu'à hauteur de 5 % et ne ne disposant d'aucun pouvoir de représentation de cette dernière.
Pour motiver son rejet de la demande de M. [X] [S] de dommages-intérêts, le tribunal retenait que la non rémunération d'avances de trésorerie était fiscalement condamnable, mais ne constituait pas la cause directe d'un dommage à M. [X] [S]. Le tribunal précisait que le fait que la trésorerie de la société Finance et tradition soit diminuée était sans conséquence sur les droits du plaignant à Distribution de dividendes.
M. [X] [S] a formé un appel le 2 avril 2020.
La déclaration d'appel est ainsi rédigée : 'L'appel tend à la réformation du jugement en ce qu'il a débouté M. [S] des demandes suivantes :
- condamner la société Apridia invest à payer à la société Finance et tradition la somme de 408 392,00 euros,
- subsidiairement, pour le cas où le tribunal ferait droit à cette exception, condamner la société Apridia invest à payer à la société Finance et tradition la somme de 185 732,74 euros pour les avances consenties par Finance et tradition à Apridia invest entre le 29 novembre 2015 et le 31 décembre 2018,
- condamner la société Finance et tradition à payer à M. [X] [S] société la somme de 5000euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Apridia invest à payer à M. [X] [S] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Finance et tradition à payerM. [X] [S] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens,
- condamner la société Apridia invest à payer à M. [X] [S] la somme de 3000 euros sur le fondement de'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens,
- débouter les demanderesses de toutes leurs prétentions.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 octobre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 juin 2022, M. [X] [S] demande à la cour de :
vu les articles 223-19, L 223-20 et L 223-22 du code de commerce, vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Apridia invest à payer à la société Finance et tradition :
à titre principal la somme de 408 392,00 euros pour les avances consenties par Finance et tradition à Apridia invest entre le jugement du 1 er janvier 2014 et le 31 décembre 2018,
à titre subsidiaire la somme de 185 732,74 euros pour les avances consenties par Finance et tradition à Apridia invest entre le 29 novembre 2015 et le 31 décembre 2018.
- condamner la société Finance et tradition et la société Apridia invest à lui payer, chacune d'entre elles, la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Finance et tradition à lui payer 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
- débouter les intimées de toutes leurs prétentions.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 octobre 2023, la société Apridia invest demande à la cour de :
- vu les dispositions de l'article L 223-19, L 223-20, L 223-21, L 223-22, L 223-23, L 622-7, L 622-21, L 626-11 du code de commerce et l'article L 511-7 du code monétaire et financier;
- constater que la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'est pas saisie des dispositions du jugement du 20 février 2020 en ce qu'elles ont :
- débouté M. [S] de sa demande de paiement d'une somme de 17 396 euros au titre des dividendes par la société Finance et tradition pour les exercices 2015, 2016 & 2017
- condamné M.[X] [S] à payer la somme de 1.500 euros à la société Finance et tradition au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile 28
- condamné M. [X] [S] à payer la somme de 1.500 euros à la société Apridia invest au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
sur les demandes présentées au titre des avances de trésorerie :
à titre principal
- juger que M. [X] [S] est dépourvu de qualité pour agir à l'encontre de la société Apridia invest en paiement de sommes au profit de la société Finance et tradition,
- juger que M. [X] [S] est dépourvu d'intérêt pour agir à l'encontre de la société Apridia invest en paiement de sommes au profit de la société Finance et tradition,
- déclarer en conséquence irrecevables l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [X] [S] tenant à la condamnation de la société Apridia invest au paiement de sommes au profit de la société Finance et tradition,
à titre subsidiaire
- juger que les demandes de M. [S] sont prescrites à hauteur de la somme de 222.659, 26 euros
- débouter en conséquence M. [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions tenant à la condamnation de la société Apridia invest au paiement de sommes au profit de la société Finance et tradition
à titre infiniment subsidiaire
- juger que les demandes de M. [S] sont prescrites pour la période antérieure au 29 novembre 2015
- juger que le montant des sommes mises à la charge de la société Apridia invest ne saurait excéder la somme de 6.560, 02 euros et, subsidiairement, en l'absence de prescription, celle de 15.787,70 euros,
à titre très infiniment subsidiaire
juger que les demandes de M. [S] sont prescrites pour la période antérieure au 29 novembre 2015
juger que les demandes de M. [S] sont prescrites à hauteur de la somme de 222.659, 26 euros
- déclarer en conséquence irrecevable les prétentions de M. [S] à hauteur de 222.659, 26 euros
- juger que les avances de trésorerie s'élèvent au 31 décembre 2022 à la somme de 206.262, 63 euros,
- juger que les sommes inscrites à l'actif du bilan de la société Finance et tradition comprennent une somme de 67.218,56 euros, somme inscrite au passif de la société Apridia invest et intégralement gelée dans le cadre du plan de sauvegarde de ladite société,
- débouter en conséquence M. [S] de ses demandes à hauteur de la somme de 67 218, 56 euros,
- juger en conséquence que les prétentions de M. [S] ne sauraient excéder la somme de 138 944, 07 euros (206.262, 63 ' 67.218, 56)
à titre encore plus infiniment subsidiaire,
- débouter M. [X] [S] de ses demandes à hauteur de la somme de 67 218, 56 euros,
- juger en conséquence que les prétentions de M. [X] [S] ne sauraient excéder la somme de 138 944, 07 euros (206.262, 63 ' 67.218, 56)
à titre encore plus infiniment subsidiaire,
- débouter M. [X] [S] de ses demandes à hauteur de la somme de 67 218, 56 euros,
- juger en conséquence que les prétentions de M. [X] [S] ne sauraient excéder la somme de 341 173, 33 euros,
sur les demandes de condamnation à titre de dommages-intérêts présentées à l'encontre des société Finance et tradition et Apridia invest
- débouter M. [X] [S] de ses demandes,
sur le surplus
- débouter M. [X] [S] du surplus de ses demandes,
- condamner M. [X] [S] au paiement, au profit de la société Finance et tradition et au profit de la société Apridia invest d'une somme de 3.000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamner M. [X] [S] aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel distraits au profit de son avocat sur son offre de droit.
MOTIFS
D'abord, la cour relève que les intimées lui présentent des 'demandes' tendant à lui faire constater que l'appelant n'a pas formé appel contre certaines dispositions du jugement et que la cour n'est donc pas saisie de ces dernières.
Or, la cour ne saurait statuer sur ces observations des intimées, qui ne constituent pas de vraies prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
En tout état de cause en application de l'article 562 du code de procédure civile, l'effet dévolutif de l'appel n'opère que pour les seuls chefs de jugement expressément critiqués, de sorte que la cour ne statuera pas sur ceux contre lesquels l'appelant n'a pas formé un appel (chefs de jugement relatifs aux dividendes à l'article 700).
1-sur les demandes de l'associé minoritaire présentées au nom et pour le compte de la société Finance et tradition :
- sur l'action en réparation de l'associé minoritaire au nom de la société Finance et tradition fondée sur les conséquences préjudiciables de la convention financière réglementée du 31 juillet 2007 (action ut singuli et action découlant de l'article L 223-19 du code de commerce)
L'article L223-19 du code de commerce dispose :Le gérant ou, s'il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l'assemblée ou joint aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l'un de ses gérants ou associés. L'assemblée statue sur ce rapport. Le gérant ou l'associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.Toutefois, s'il n'existe pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé sont soumises à l'approbation préalable de l'assemblée.Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, lorsque la société ne comprend qu'un seul associé et que la convention est conclue avec celui-ci, il en est seulement fait mention au registre des décisions.Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société.Les dispositions du présent article s'étendent aux conventions passées avec une société dont un associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire ou membre du conseil de surveillance, est simultanément gérant ou associé de la société à responsabilité limitée.
Selon article L223-22 du code de commerce :Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Si plusieurs gérants ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.
Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués.
Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée, ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action.
Aucune décision de l'assemblée ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour faute commise dans l'accomplissement de leur mandat.
M. [X] [S] présente des demandes en indemnisation pour le compte de la société Finance et tradition qu'il a fondée, en invoquant un cas de responsabilité spéciale du gérant ou de l'associé contractant dans l'hypothèse d'une convention réglementée non approuvée préjudiciable pour la société.
On peut également considérer que bien que M. [X] [S] ne vise pas l'article L 223-22 du code de commerce (relatif à l'action ut singuli), il exerce tout de même bien ladite action.
En effet, il est constant que M. [X] [S] détient des parts sociales de la société Finance et tradition et qu'il en est l'un des associés. De plus, son action ne tend nullement à la réparation d'un préjudice personnel mais à la condamnation de la société contractante (société Apridia invest) au paiement de sommes au profit de la personne morale présentée comme ayant subi les effets néfastes de conventions réglementées non approuvées .
Il n'est donc nullement question d'une action personnelle en réparation d'un dommage propre ; l'instance s'inscrit dans le cadre général de l'action sociale intentée ut singuli de l'article L. 223-22 qui permet à tout associé d'agir au bénéfice de la personne morale .
La particularité en l'espèce est que cette action ut singuli de l'associé minoritaire s'articule autour de l'exercice d'une autre procédure résultant des dispositions de l'article L. 223-19 précité, procédure tendant faire supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, au gérant et à l'associé contractant, les conséquences du contrat préjudiciables à la société).
M. [X] [S] pouvait donc agir seul sur le double fondement de l'action ut singuli et de l'action découlant de l'article L 223-19, nonobstant le fait qu'il n'a pas de pouvoir de représentation de la société pour le compte de laquelle il intervient.
En revanche, comme le relève à juste titre la société Apridia invest, l'action ut singuli de M. [X] [S] n'est pas en l'espèce dirigée contre la personne du gérant mais contre l'associée contractante, ce qui est problématique. En effet, l'action ut singuli est uniquement autorisée contre la personne du gérant.
Or, en l'espèce, la société Apridia invest, contre laquelle M. [X] [S] dirige sa demande en indemnisation, n'est pas investie de la qualité de gérante de sorte que la demande de ce dernier est irrecevable sur le double fondement de l'action ut singuli et de l'action découlant de l'article L 223-19 du code de commerce.
Infirmant le jugement en ce qu'il a débouté l'intimé de sa demande de dommages-intérêts pour le compte de la société Finance et tradition au titre des avances de trésorerie consenties, la cour déclare irrecevables lesdites demandes.
Concernant l'action de M. [X] [S] sur le double fondement de l'action ut singuli et de l'article L 123-19 du code de commerce, la cour ayant fait droit à la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour se défendre de la société tierce, elle n'est pas tenue d'examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par les intimées relatifs au défaut d'intérêt et à agir et à la prescription.
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- sur l'action en réparation de l'associé minoritaire au nom de la société Finance et tradition fondée sur l'abus de majorité
Selon l'article 1382 du code civil dans sa version applicable au moment de la conclusion de la convention financière du 31 juillet 2007 :Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Les demandeurs naturels de l'action en nullité pour abus de majorité sont les associés minoritaires.
De plus, il est de principe qu'une décision d'une assemblée générale peut être annulée pour abus de majorité si elle a été prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser des membres de la majorité au détriment de membres de la minorité. Seul l'actionnaire majoritaire qui a commis l'abus de majorité doit en répondre à l'égard du minoritaire dès lors que ses agissements fautifs lui ont causé un préjudice personnel.
En l'espèce, la cour observe d'abord que M. [X] [S], qui allègue d'un abus de majorité, n'indique pas précisément quelles sont les décisions votées de l'assemblée générale qui ont constitué un abus de majorité à son détriment.
Ensuite, M. [X] [S], associé minoritaire qui invoque l'abus de majorité commis par l'associé majoritaire ne se prévaut pas d'un préjudice propre et personnel mais du préjudice subi par la société. En effet, M. [X] [S] présente sa demande de dommages-intérêts pour le compte de la société Finance et tradition et non pour son propre compte alors même que l'action fondée sur l'abus de majorité, qui est une action en réparation, suppose un préjudice subi par la minorité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
En outre, s'agissant en l'espèce de prêts entre les sociétés du même groupe, lorsqu'à l'intérieur d'un groupe de sociétés, les dirigeants communs ont systématiquement utilisé les fonds de l'une d'elles pour permettre aux autres de survivre ou de s'enrichir, il convient, pour apprécier si les intérêts de la société prêteuse ont été sauvegardés, d'analyser les opérations non pas isolément, mais dans leur ensemble et dans leur succession.
En l'espèce, l'associé minoritaire ne démontre pas suffisamment en quoi les prêts qui ont été accordés par la société Finance et tradition à son associée, la société Apridia invest sont contraires à l'intérêt de la société prêteuse, étant donné qu'il peut être dans son intérêt que son associée majoritaire survive ou s'enrichisse.
Par ailleurs, s'agissant de l'absence de distribution de dividendes à M. [X] [S], c'est à juste titre que la société Apridia invest fait valoir qu'il n'est pas suffisamment démontré qu'une telle décision serait contraire à l'intérêt social dés lors que la décision d'affecter les bénéfices au compte report à nouveau permet de renforcer les fonds d'une société.
Ainsi, les conditions de succès de l'action en réparation fondée sur l'abus de majorité ne sont pas réunies et il y a lieu de rejeter une telle action .
2-sur les demandes de l'associé minoritaire présentées pour son propre compte
M. [X] [S] sollicite ensuite des dommages-intérêts pour son propre compte au titre des agissements fautifs des sociétés Finance et tradition et Apridia invest, invoquant un abus de droit et une volonté de lui nuire, mais sans indiquer de fondement légal. Il ne détaille pas non plus ses préjudices, se limitant à demander une somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts.
Vu les articles 1382 du code civil (ancien) et 1240 du même code,
Il est de principe que la recevabilité de l'action en responsabilité engagée à l'encontre d'un cocontractant de la société est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même.
Outre le fait que M. [X] [S] ne détaille pas en quoi consiste l'abus de droit invoqué ni la volonté de nuire reprochés aux sociétés appelantes, il ne démontre pas non plus l'existence d'un préjudice propre distinct de celui de la société Finance et tradition.
Si on suppose que ce dernier demande réparation au titre des avances de trésorerie consenties par la société Finance et tradition à la société Apridia invest, il s'agirait alors d'un préjudice social et non pas d'un préjudice propre à l'associé minoritaire. En outre, il a été jugé que les conditions de l'abus de majorité n'étaient pas en l'espèce réunies.
Si on suppose que ce dernier invoque, au titre de ces préjudices, la mise en réserve des bénéfices et l'absence de distribution de dividendes, il y a lieu de rappeler que la mise en réserve des bénéfices n'est pas nécessairement en elle-même ni contraire à l'intérêt social ni constitutive d'un abus de majorité.
M. [X] [S] échoue à démontrer le bien-fondé de sa demande en réparation d'un préjudice personnel.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté une telle demande.
3-sur les frais du procès
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes des sociétés Apridia invest et Finance et tradition contre M. [X] [S].
M. [X] [S], dont les demandes sont rejetées en appel, est débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et est condamné aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :
- confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté M. [X] [S] de ses demandes en indemnisation pour le compte de la société Finance et tradition au titre des avances consenties sur le double fondement de l'action ut singuli et de l'article L 223-19 du code de commerce,
statuant à nouveau et y ajoutant,
- déclare irrecevables les demandes M. [X] [S] en indemnisation pour le compte de la société Finance et tradition au titre des avances consenties sur le double fondement de l'action ut singuli et de l'article L 223-19 du code de commerce,
- rejette les demandes de M. [X] [S] sur le fondement de l'abus de majorité en indemnisation pour le compte de la société Finance et tradition au titre des avances consenties,
- rejette les demandes des sociétés Finance et tradition et Apridia invest au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [X] [S] aux entiers dépens.