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Décisions

CA Pau, ch. soc., 7 mars 2024, n° 21/01639

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 21/01639

7 mars 2024

AC/SB

Numéro 24/807

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 07/03/2024

Dossier : N° RG 21/01639 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H32N

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[K] [J]

C/

S.A.S. SPIE OIL & GAS SERVICES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Mars 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 03 Mai 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame PACTEAU, Conseiller

Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [K] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.S. SPIE OIL & GAS SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU et Maître BROUD de la SELARL RACINE, avocat au barreau de Paris

sur appel de la décision

en date du 12 AVRIL 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU

RG numéro : 19/00121

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [K] [J] (le salarié) a été embauché par la société par actions simplifiée (SAS) Spie Oil&Gas Services (l'employeur/ Spie OGS)':

- du 25 mars 2008 au 23 mai 2008, suivant contrat à durée déterminée, en qualité de géophysicien, position 1.2, coefficient 100,

- à compter du 24 mai 2008, en contrat à durée indéterminée selon la même position et coefficient,

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques cabinet d'ingénieurs, conseils, société de conseil (SYNTEC).

A compter du 1er janvier 2011 et par avenant au contrat de travail, M. [K] [J] a occupé le poste de développeur applications informatiques, statut cadre, selon convention de forfait jour, position 2.2, coefficient 130.

Le 17 novembre 2017, M. [K] [J] a été placé en arrêt de travail, prolongé pendant un an.

Le 3 décembre 2018, dans le cadre d'une visite de reprise, le médecin du travail a prononcé un avis d'inaptitude considérant que «'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'».

Le 12 décembre 2018, M. [K] [J] a été convoqué à un entretien préalable à un'licenciement pour inaptitude, fixé le 20 décembre 2018.

Entre temps, le 14 décembre 2018, M. [K] [J] a adressé à la CPAM de Pau une déclaration d'accident de travail, survenu le 17 novembre 2017, avec pour nature des lésions décrites': «'lésions psychiques. Syndrome anxio dépressif lié à un syndrome d'épuisement au travail'». Par décision du 7 mars 2019, la CPAM a refusé de prendre cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 26 décembre 2018, il a été licencié pour inaptitude.

Le 7 mai 2019, M. [K] [J] a saisi la juridiction prud'homale au fond en contestation de son licenciement.

Par jugement du 12 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Pau a':

- débouté M. [K] [J] de sa demande de communication de pièces sous astreinte,

- débouté M. [K] [J] de ses demandes fondées sur la rupture du contrat de travail,

- déclaré la convention de forfait annuelle inopposable au salarié,

- condamné la société Spie Oil & Gas Services à payer à M. [K] [J] les sommes de 26.919,93 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires, outre 2.691,99 euros de congés payés,

- dit que les créances de nature salariale porteront intérêt au [K] [J] au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de jugement, date de la présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception à la partie défenderesse et celles qui ont une nature indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

- débouté M. [K] [J] de ses autres demandes,

- dit qu'il sera fait masse des dépens qui seront supportés pour moitié par chacune des parties,

- débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

Le 14 mai 2021, M. [K] [J] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 27 septembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [K] [J], demande à la cour de':

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il déclare la convention de forfait-jours nulle et inopposable au salarié et condamne l'employeur à payer 26.919,93 euros de rappel d'heures supplémentaires, outre 2.691,99 euros de congés et en ce qu'il a dit que les créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

- réparer l'omission de statuer concernant le repos compensateur,

- débouter l'intimée de son appel incident, de toutes ses demandes fins et conclusions,

- prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, l'employeur n'apportant pas la preuve, qui lui incombe, d'avoir pris toutes les mesures pour respecter l'obligation de sécurité en matière de santé et l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail, l'inaptitude étant en lien avec les manquements de l'intimée,

- prononcer la nullité ou l'inopposabilité de la convention de forfait-jours, aucune nouvelle convention de forfait n'ayant été régularisée par l'appelant depuis la signature de la convention de forfait le 22 février 2011 alors que les dispositions de l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale SYNTEC ont été annulées par la Cour de cassation et qu'aucune nouvelle convention de forfait n'a été soumise au salarié alors que l'avenant de révision de l'accord collectif insuffisant a été conclu en 2015, avant l'entrée en vigueur de la loi Travail du 8 août 2016, ou, à titre subsidiaire, l'employeur ne prouvant pas avoir respecté les stipulations de l'accord ARTT, ni contrôlé la charge de travail, ni l'amplitude horaire, ni l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée,

- faire droit aux demandes relatives aux heures supplémentaires, repos compensateur et travail dissimulé, le salarié, qui ne supporte pas la charge de la preuve et n'a pas à étayer sa demande, présentant des éléments contractuels et factuels et produisant des pièces, revêtant un minimum de précision, alors que l'employeur est défaillant dans l'administration du mécanisme probatoire propre aux heures supplémentaires en l'absence de contrôle du temps de travail réel, en violation des articles 31 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, L.3171-2, L.3171-3 et L.3171-4 du code du travail,

- prononcer l'irrecevabilité de la demande nouvelle de remboursement des RTT et, à titre subsidiaire, rejeter les pièces 31 et 32 adverses constituant des preuves fabriquées à soi-même, dont les éléments sont, au surplus, invérifiables et contestés,

- condamner, en conséquence, Spie Oil & Gas Services à payer :

* 90.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en écartant le barème Macron, contraire aux articles 30 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 24 de la Charte sociale européenne, 10 de la convention n°158 de l'OIT et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ou bien en faisant une appréciation du préjudice in concreto, ou subsidiairement, 42.234,46 euros sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

* 12.484,74 euros d'indemnité de préavis outre 1.248,47 euros de congés,

* 8.037,77euros de reliquat d'indemnité de licenciement égale au double de l'indemnité de l'article L.1234-9 du code du travail en application de l'article L.1226-14 du code du travail,

* 8.000 euros de dommages-intérêts pour violation des obligations de prévention des risques professionnels et de l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail,

* 26.919,93 euros de rappel d'heures supplémentaires, outre 2.691,99 euros de congés afférents sur le fondement sur le fondement des articles 31 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, L.3171-2, L.3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne et de la Cour de cassation,

* 7.708,45 euros de rappel de contrepartie obligatoire en repos compensateur sur le fondement des articles L 3121-30 et L 3121-38 du code du travail,

* 30.018,72 euros d'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé de l'article L.8223-1 du code du travail sur le fondement des traités de l'union et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne interprétés à la lumière la jurisprudence de la CJUE,

* 12.000 euros de dommages-intérêts au titre de la violation de la durée du travail et pour non-respect des règles relatives au repos posée par les articles L 3121-18 et L 3131-1 du code du travail, sur le fondement des principes constitutionnels du droit au repos et à la santé et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la CJUE,

* 4.209,02 euros au titre des congés acquis pendant les arrêts maladie, en écartant tout texte et jurisprudence contraires à la norme européenne, sur le fondement du principe de primauté de la norme européenne et de l'article 31 paragraphe 2 de de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, d'effet direct horizontal,

* 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre des brevets du fait de la violation de l'article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle,

* 3.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343- 2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts.

- condamner Spie Oil & Gas Services aux entiers dépens.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 17 septembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Spie Oil & Gas Services, formant appel incident, demande à la cour de':

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a':

* jugé que le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle de M. [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

* débouté M. [J] de sa demande de communication de pièces sous astreinte,

* débouté M. [J] de ses demandes fondées sur la rupture du contrat de travail,

* débouté M. [J] de ses autres demandes, exception faite de la demande relative aux heures supplémentaires,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a':

* déclaré la convention de forfait annuelle inopposable au salarié,

* condamné en conséquence la Société à payer à M. [J] tes sommes de 26.919,93 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires, outre 2.691,99 euros de congés payés,

* dit que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de jugement, date de la présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception à la partie défenderesse et celles qui ont une nature indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la décision,

* débouté la Société de sa demande au titre des frais irrépétibles,

* dit qu'il sera fait masse des dépens qui seront supportés pour moitié par chacune des parties,

Et, statuant à nouveau de ces chefs de demande, il est demandé à la cour d'appel de Pau de':

> A titre principal

- juger que le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle de M. [J] est bien fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse,

>> A titre subsidiaire, sur le licenciement,

- juger que le barème d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu par les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail est conforme aux dispositions de l'article 10 de la Convention n°158 de POIT, l'article 24 de la Charte sociale européenne ainsi qu'à l'article 6§1 de la CEDH,

- limiter le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail, soit 12.627 euros,

- rejeter la demande d'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L1226-14 du code du travail ainsi que l'indemnité compensatrice de préavis,

- juger que la Société a respecté son obligation de prévention des risques professionnels, et notamment la prévention des risques psychosociaux,

- juger la convention de forfait annuel en jours de M. [J] valide,

>> A titre subsidiaire, en cas de nullité de la convention de forfait annuel en jours,

- juger que M. [J] ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires,

- juger que la Société n'a pas commis l'infraction de travail dissimulé,

- juger que la Société a respecté tes dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire

>> A titre infiniment subsidiaire, en cas de nullité de la convention de forfait en heures, si la cour d'appel faisait droit à la demande d'heures supplémentaires de M. [J],

- réduire le quantum de la demande d'heures supplémentaires, en déduisant les sommes indûment perçues au titre des jours de repos/RTT représentant un total de 4.865,49 euros bruts,

- juger que M. [J] ne démontre pas être l'auteur d'une seconde invention brevetable,

- juger qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de communication de pièce sous astreinte,

> En tout état de cause

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [J] à verser à la Société de la somme de 2.500 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [J] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour constate que M. [J] ne sollicite plus dans son dispositif l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de communication de pièces sous astreinte.

I - Sur le licenciement

A - Sur le caractère réel et sérieux du licenciement

Principe

En vertu de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité et de protection de la santé et de la sécurité physique et mentale doit en assurer l'effectivité en mettant en place des mesures de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et une organisation et des moyens adaptés.

L'employeur, alerté, manque à son obligation de sécurité dès lors qu'il est établi que l'altération de la santé du salarié résulte de la dégradation de ses conditions de travail et qu'il n'a pris aucune mesure pour y remédier.

M. [J] demande à la cour de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir que l'employeur n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'avoir pris toutes les mesures pour respecter l'obligation de sécurité en matière de santé et l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail, l'inaptitude étant en lien avec les manquements de l'intimée.

Pour s'y opposer l'employeur relève notamment que':

- M. [J] ne démontre pas la réalité de sa charge de travail, les arguments médicaux apportés n'étant pas probants, son travail de nuit effectif étant minime,

- la réduction des effectifs du bureau d'études n'est que la conséquence d'une baisse drastique d'activités du service géosciences pendant une longue période et de ses résultats catastrophiques, liées principalement à la chute du prix du baril de pétrole et des investissements des compagnies pétrolières et parapétrolières et que la réduction d'effectifs a été faite dans la même proportion que la réduction d'activité du bureau d'études, afin que la charge de travail des salariés ne s'en trouve pas impactées,

- qu'il n'a jamais été alerté de la situation personnelle de M. [J],

- il a mis en place de nombreuses mesures concrètes pour prévenir les risques psychosociaux ou la surcharge de travail tant antérieurement que postérieurement à son arrêt de travail,

A titre liminaire, la cour constate que':

- l'avenant au contrat de travail de 2011 désignant de M. [J] développeur applications informatiques, statut cadre, n'apporte aucune précision sur les fonctions du salarié. De même n'est produite aucune fiche de fonction.

- aucun organigramme n'est produit de nature à apprécier les fonctions de M. [J] au sein de son service,

- aucun élément n'est produit sur les résultats et chiffres d'affaires réalisés par le service géoscience, voire bureau d'étude, postérieurement à l'annonce du plan de 2015.

La lecture attentive des pièces du dossier permet de mettre en avant les éléments suivants':

Lors de la réunion du comité d'entreprise du 15 septembre 2015 de la société Spie Oil & Gas Services, la direction annonçait envisager d'adapter la structure du service du secteur d'activité géoscience (service STG) et donc de son service technique considérant la baisse drastique d'activité et la pression accrue des prix. Elle annonçait vouloir supprimer, dans ce service, 23 postes (sur) 41 en CDI (Page 40) (le service comprenant en tout 50 personnes dont 1 non rattachée à cette société (pièce employeur n°13)). Sur les 49 membres du service technique géosciences appartenant à la société partie, 17 relevaient du bureau (BE) d'étude dont M. [J], 27 au sein de l'assistance technique et 5 en administration/ commercial.

Au terme de ce document, le service technique géosciences (STG) fait partie d'un des 5 services du business unit (BU) «'service expertise'», département spécialisé de la société laquelle comprend également 4 autres business unit.

Il est relevé en page 15 du rapport que ce service STG propose une gamme complète de services allant de l'acquisition et la gestion de données à la modélisation géologique et simulation de réservoirs.

Au sein de ce service STG, les prévisions produites évoquent deux sous services en souffrance'(Pages 34 et 35) : le pôle bureau d'étude et celui de l'assistance technique. Toutefois l'employeur indique en page 38 faire le choix de réduire au strict minimum le bureau d'étude et se concentrer sur le service assistance technique plus compétitif.

Relevant une baisse d'activité et projetant une réduction de l'activité par 4, l'employeur indique envisager la suppression de 14 postes sur les 17 présents du bureau d'étude.

Il n'est pas expressément justifié du nombre de postes supprimés à la suite de cette annonce et des conditions exactes de cette suppression. Cependant, dans le cadre du PSE mis en place par la société en 2017, le nombre de personnes affectées au service géosciences n'est plus que de 14 (Page 110 pièce 16), soit une disparition de 36 postes entre 2015 et 2017 dans le service, contre 23 envisagés en 2015.

L'employeur relève dans l'entretien professionnel du 7 mars 2016 produit par le salarié que ce dernier gère depuis 2010 une équipe de 6 personnes, soit au regard de la réduction en cours des effectifs, une grande partie du service. L'employeur relève deux activités notables du salarié': la «'gestion de problèmes «'exotiques'» variés entraînant le développement d'outils spécifiques'» et la «'conception et réalisation de solutions logicielles utilisées quotidiennement par les 5 équipes du bureau d'étude'».

Dans cet entretien, le salarié indique de : «'très gros changement(s) de structure et de prestation. Bureau réduit avec pour conséquences réduction du poste en transverse'(')'» Il fait également valoir qu'il ne peut pas se projeter dans une évolution vu que son poste change de lui-même considérant'la suppression de son apport en tant que support transverse compromis par la réduction drastique du BE (divisé par 4) et l'arrivée d'une nouvelle prestation dimensionnante en transcription.

Il est également expressément noté':'«'Organisation du travail dans les contraintes fortes du chômage partiel. Gestion d'équipe peu motivée dans le contexte du chômage partiel et du PSE'».

Le commentaire du supérieur hiérarchique, qui souligne à cette occasion que «'la période nous oblige à repenser nos services et à développer des produits et solutions innovants. Nous explorons notamment le domaine du data mining et les compétences de [K] seront sollicitées sur des développements'», témoigne de ce que les fonctions du salarié ne sont alors pas ou peu définies, floues, amenées à évoluer et à se multiplier dans un contexte de restructuration.

Ce témoignage contredit donc l'analyse de la société en 2015 selon laquelle les activités de M. [J] et du service se sont réduites.

En 2017, la société a lancé un projet d'accord sur un plan de départ volontaire et un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) entre janvier et mars de la même année. (Pièce n°16)

Dans le cadre de la réunion du 17 mars 2017 produite partiellement par le salarié et dans son intégralité par l'employeur (pièce employeur n°36), si le président du CHSCT indique ignorer si les conditions de travail se sont dégradées et que cette hypothèse doit être vérifiée, le CHSCT consacre plusieurs pages à l'analyse des arrêts maladie entre 2015 et 2016, point expressément à l'ordre du jour. Les arrêts supérieurs à 15 jours, en nette augmentation, intéressent selon un membre élu du CHSCT «'les salariés qui sont en détresse'», le Président du CHSCT d'indiquer expressément qu'il s'agit d'un «'indicateur de mal-être'».

Le PV de réunion souligne également que le comité d'entreprise n'a pas été consulté l'année précédente sur la politique sociale, l'emploi et les conditions de travail.

Dans le cadre de ce CHSCT, des plans d'actions y sont envisagés, notamment une enquête de satisfaction menée dans la société pour détermination d'un plan d'action, dont il n'est pas justifié qu'elle ait été réalisée.

A cette date du 17 mars 2017, l'employeur était d'ores et déjà informé par le CHSCT d'un mal être des salariés au sein de la société et plus particulièrement de difficulté au sein du service par M. [J], qui l'avait déjà prévenu un an auparavant.

Malgré tout, la société a continué à réduire le bureau d'études où M. [J] travaillait le réduisant en décembre 2017 à 5 personnes, contre 14 début 2017. (Page 57 du rapport syndex ' Pièce 34)

L'arrêt de travail de M. [J] du 17 novembre 2017 est intervenu dans ce contexte.

En parallèle, un organisme indépendant a été missionné pour enquêter et établir un diagnostic organisationnel suite au plan de départ volontaire et les conséquences sur les conditions de travail des salariés. Le rapport Syndex a été déposé en décembre 2017 (Pèce salarié 34).

Il y est ainsi relevé que le bureau d'étude est toujours composé de 4 principaux pôles d'activité alors que le service ne comprend plus que 5 personnes, dont M. [J], responsable, fait partie.

Le rapport relève expressément, en page 60 que les différents changements organisationnels ont entrainé une augmentation significative de la charge de travail des salariés restants, relevant que les salariés ont dû notamment faire face à':

- l'absorption de la charge de travail de l'ancien responsable et l'accroissement de la charge de travail pour ceux se retrouvant à gérer seuls l'ensemble de l'activité d'un pôle,

- la multiplication de «'coups de main aux équipes en fonctions'» des salariés travaillant en assistance technique chez le client,

- une «'charge de travail fluctuante et surtout imprévisible'», entrainant une «'déstabilisation'»,

- la «'double pression du client dont les charges se durcissent et de la société voulant maintenir la marge'»,

- une «'forme de pression'» avec des quotas de documents, une demande de reporting conséquente, des «'objectifs chiffrés de productivité dans un contexte d'effectifs réduits'»,

- l'absence d'encadrement de proximité, de «'manager de proximité'», la personne en charge de cette fonction n'étant plus présente depuis un an,

- un «'fonctionnement du bureau d'étude à la commande'»,

- un «'manque de soutien de la part de la hiérarchie'», résultant d'un décalage entre les retours positifs des clients et les remontées négatives faites par l'encadrement, l'absence de visite du directeur général à la suite du PSE, des maladresses dans la communication,

Le rapport constate également une «'intensification de la charge de travail pour les encadrants qui voient leur périmètre d'activité augmenter'», fait déploré dès 2016 par M. [J], dont la qualité de responsable fait qu'il est directement visé par ce constat.

Le rapport retient ainsi comme élément marquant': des réorganisations qui viennent modifier les conditions de travail depuis plusieurs années, de multiples remaniements organisationnels non récents, une dégradation des conditions de travail et de santé des salariés.

Si la société revendique l'existence d'un DUER 2016/2018 prenant en compte les risques psychosociaux (Doc 15 employeur), le rapport considère qu'au sein de l'entreprise, au-delà de facteurs et risques psychosociaux, les troubles psychosociaux sont bien présents. Il est ainsi relevé des situations d'épuisement professionnel, des épisodes dépressifs, des arrêts maladie longues durées, une fatigue intense, une porosité des temps de travail, des problèmes de sommeil, des symptômes physiques.

Le rapport relève ainsi l'importance et l'urgence que la direction mette en œuvre des actions concrètes au regard des risques psychosociaux constatés, notamment au sein du bureau d'étude.

Les trois attestations produites par le salarié confirment la multiplication des tâches de M. [J], la dégradation de ses conditions de travail et la fragilisation psychologique qui s'en est suivie, avec pour point d'orgue la journée du 16 novembre 2017 où le salarié s'est mis à pleurer devant un collègue, M. [C], alors qu'il lui expliquait son poste.

M. [J] ne reprendra pas son travail, les différents arrêts de travail relevant systématiquement des troubles en lien avec le travail': troubles du sommeil, syndrome anxio-depressif, état de stress, crises d'angoisses, syndrome d'épuisement.

Les pièces médicales corroborent également le contexte dénoncé dans le rapport, les attestations et les arrêts de travail.

A cette date de novembre 2017, à l'exception du rapport syndex, l'employeur n'a pris aucune mesure concrète de nature à prévenir la situation. Plus avant, il n'a eu de cesse par ses multiples plans de réduction des effectifs de mettre en difficulté les dernières personnes se trouvant dans le service.

Le 19 janvier 2018 (Pièce employeur 19) la direction des ressources humaines a mis en place un plan d'action pour l'ensemble de la société. Concernant le service BE géosciences, après avoir pris acte d'un sentiment d'insécurité et d'isolement, ainsi que d'une charge de travail accrue, des préconisations sont évoquées': mise en place d'un manager de proximité, une meilleure communication sur les orientations de l'entreprise, évaluer la charge de travail, s'interroger sur la mise en place d'un plan d'action pour réduire les situations de surcharge.

Il est constant que la société ne produit plus aucun chiffre sur l'activité générée par le service Géosciences depuis le rapport de 2015 et ses prévisions à la baisse.

Pour justifier d'une prise en charge de la situation, l'employeur produit deux rapports QVT des 26 avril et 30 mai 2018 détaillés totalement illisibles, mais repris dans ses conclusions. Pour actions, il était prévu une réunion collective avec le directeur adjoint de la BU et le DRH, deux embauches, un éventuel déménagement, une planification régulière des visites manager et RH et des entretiens annuels et entretiens forfait jour. A la lecture du seul rapport de mai 2018, sans aucun autre justificatif produit par l'employeur, à l'exception de la réunion collective, aucune des actions visées n'était finalisée. L'employeur ne justifie d'ailleurs pas de la concrétisation des différents plans d'actions.

Les synthèses de ces actions de mai (Pièce 27) et juillet 2018 (Pièce 25) se contentent d'évoquer pour le service Géosciences un possible déménagement avec travaux en octobre 2018, et plus particulièrement pour le bureau d'étude, un développement en cours de la proximité du management. (Pièce 25)

Le recrutement du manager de proximité ne se fera qu'en décembre 2018, soit concomitamment au licenciement du salarié, étant observé que lors de la réunion du CSE du 21 mars 2019, la situation du Bureau d'étude à l'ordre du jour montrera une situation toujours, si ce n'est plus alarmante au sein de l'équipe.

Il n'est pas justifié par l'employeur d'autres mesures, l'arrivée d'un nouveau manager de proximité s'étant révélée au demeurant totalement insuffisante voire contreproductive, empirant l'état du service, déjà critique.

Ces faits sont à l'origine de la dégradation de l'état de santé du salarié en présence de mesure insuffisante voire contreproductive à l'origine de l'inaptitude, ce dont l'employeur était au courant.

L'examen de l'ensemble de ces éléments démontre que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, que ce manquement est incontestablement à l'origine de l'inaptitude professionnelle de M. [J].

Le licenciement pour inaptitude doit être considéré comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé.

Sur les conséquences financières

a. Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [J], qui ne sollicite pas la réintégration, réclame la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 90.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en écartant le barème Macron, ou subsidiairement, 42.234,46 euros sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail.

La société Spie OGS qui s'oppose à la demande, relève notamment que d'une part, il n'y a pas lieu à écarter le barème Macron et que d'autre part, le montant global à attribuer ne pourrait excéder la somme de 42090 euros.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous, dans les entreprises de plus de 11 salariés :

Ancienneté du salarié dans l'entreprise

(en années complètes)

Indemnité minimale

(en mois de salaire brut)

Indemnité maximale

(en mois de salaire brut)

10

3

10

Les dispositions ci-dessus sont compatibles avec l'article 10 de la Convention n°158 de l'Organisation internationale du travail et ne peuvent faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la Charte sociale européenne, qui n'est pas d'effet direct.

Le salaire de référence est fixé à la somme de 4223,44 euros.

M. [J] qui à la date de son licenciement avait une ancienneté de 10 ans et était âgé de 41 ans, justifie s'être inscrit au chômage le 14 janvier 2019, sans pour autant, comme relevé par l'employeur indiquer avoir perçu des droits à chômage. Il ressort des pièces produites par l'employeur que M. [J] a trouvé un emploi à compter de mars 2019, sa situation de santé commençant à s'améliorer le 24 janvier 2019.

Il y a lieu de lui allouer la somme de 25 350 euros de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

b. Sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [J] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 12.484,74 euros d'indemnité de préavis, correspondant à trois mois de salaire outre 1.248,47 euros de congés.

En application des articles L. 1226-16 et L. 1234-1 à L.1234-5 du code du travail, le salarié justifiant d'une ancienneté de plus de deux ans a droit à une indemnité compensatrice d'un préavis de deux mois.

L'article 4.2 de la convention collective prévoit quant à lui une durée de préavis pour les cadres de trois mois.

De même, l'indemnité compensatrice de préavis ouvre droit à congés payés.

Le salarié est bien fondé à solliciter le paiement de la somme de 12484,74 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 1248,47 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé sur ces points.

B ' Sur l'origine de l'inaptitude

En application de l'article L.1226-10 du code du travail, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre la maladie professionnelle et l'inaptitude.

Les juges se déterminent au regard d'un faisceau d'indices et apprécient souverainement l'origine professionnelle de l'inaptitude et la connaissance, par l'employeur, de cette origine.

M. [J] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 8.037,77euros de reliquat d'indemnité de licenciement. Cette somme correspond à la différence entre la somme qu'il aurait dû percevoir au titre du doublement de l'indemnité légale de licenciement soit 23.238,12 euros déduction faite de la somme perçue de 15.203,35euros correspondant à l'indemnité conventionnelle de licenciement.

L'employeur sollicite la confirmation du jugement sur ce point, relevant que la déclaration d'accident du travail est intervenue tardivement, qu'aucun témoignage ne permet de corroborer les faits invoqués dans la déclaration et que par décision du 7 mars 2019, la CPAM a refusé de reconnaître l'origine professionnelle de l'accident, décision non contestée par le salarié.

Il résulte de la lecture attentive des pièces du dossier que':

- M. [J] a été arrêté à compter du 17 novembre 2017 pour état de stress, crises d'angoisses réactionnel au travail. Les arrêts de travail vont se succéder de manière continue, sans interruption jusqu'au 30 novembre 2018. Tous les arrêts relèvent des troubles du sommeil, syndrome anxio-depressif, état de stress, crises d'angoisses, syndrome d'épuisement en lien avec le travail.

- Pour le mois de décembre 2018, aucune des parties n'indique ou ne soutient que M. [J] a repris le travail jusqu'à son licenciement pour inaptitude, déduction corroborée par le bulletin de paie,

- Considérant les précédents développements, l'arrêt de travail de M. [J] s'inscrit dans un contexte de crise du service, avec réduction drastique des effectifs et surcharge de travail,

- A compter de cet arrêt de travail, M. [J] justifie de plusieurs visites médicales':

* 15 novembre 2017': le médecin du travail relève après que le salarié ait évoqué ses conditions de travail': «'Salarié en larmes prend Norset'», (Pièce salarié 35)

* le 11 janvier 2018': le docteur [V] relève l'absence d'antécédents médicaux, retrace les dires du salarié et l'incompréhension quant à son évolution, de conclure «'au total burn out non stabilisé, non apte'» (Pièce 37 compte rendu CPAM)

* 2 avril 2018': le docteur [G] relève que le salarié est pris en charge par un psychologue du travail depuis le début de l'arrêt, «'examen': en cours d'amélioration, arrive à maîtriser ses pleurs mais encore angoissé'»

* 11 septembre 2018': le docteur [E] relève que le salarié est sous traitement mirtazapine, qu'à la remarque qu'il faut qu'il tourne la page, il a les larmes aux yeux.

* 1er octobre 2018': attestation du psychologue du travail selon laquelle «'l'analyse du discours fait apparaître une dégradation de ses conditions de travail et montre un épuisement professionnel important'», de préciser «'l'état de santé psychique de M. [J] contre indique définitivement sa reprise de travail au sein de l'entreprise'», reprise qui représenterait un danger immédiat pour sa santé, (Pièce salarié 16)

* 23 octobre 2018': attestation du docteur [M] qui indique que les propos, l'état de santé présentent un danger grave et immédiat, ne permettant pas au salarié une reprise d'activité au poste de travail dans l'entreprise, de relever qu'il est en arrêt pour troubles anxiodépressifs, nécessitant un traitement antidépresseur, avec sommeil variable, appétit limité, perte de poids de 10kg et reprise, dévalorisation et perte de confiance, (Pièce salarié 15)

- Le salarié a adressé le 14 décembre 2018, une déclaration d'accident de travail à la CPAM, pour lésions psychiques et syndrome anxio dépressif survenu le 17 novembre 2017, le salarié dans son courrier d'accompagnement de préciser que la date de l'accident est possiblement le 16 novembre 2017. Ce courrier relève que le 16 novembre 2017, M. [J] a eu deux réunions particulièrement éprouvantes en lien avec deux prestations importantes pour et chez son client principal voire unique Total. Le salarié retient que « ces deux réunions ont eu un effet dévastateur », ce qui est confirmé par son collègue M. [C], lequel relève que le jeudi 16 novembre 2017, « le soir même, [K] vient me voir pour m'expliquer ce que je suis sensé faire et se met à pleurer lors de notre discussion. Le lendemain, il sera en arrêt longue durée pour burn-out ». Le 17 novembre 2017, M. [J] indique s'être retrouvé tétanisé et en pleur dans sa voiture avec impossibilité d'aller travailler. La CPAM va d'ailleurs retenir comme date d'accident le 16 novembre 2017,

Si la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) n'a pas reconnu l'accident du travail au titre de la législation sur les risques professionnels, la constance du discours du salarié quant aux raisons professionnelles de sa détresse, associée à la multiplicité des constats médicaux et sources médicales différentes, lesquels constatent tous une dégradation nette de sa santé, en lien avec une surcharge de travail et conditions de travail dégradées démontrées par le salarié, permettent de retenir que l'inaptitude a une origine professionnelle.

Si le 7 mars 2019, la CPAM a refusé de prendre en charge l'accident de travail au titre de la législation sur les risques professionnels considérant qu''«'il n'existe pas de preuve que l'accident invoqué se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail, ni même de présomptions favorables précises et concordantes en cette faveur'», et que l'employeur a fait ses observations le 15 janvier 2019, soit postérieurement au licenciement du salarié, dans ce même courrier (Pièce de la société n°11), la société reconnaît avoir eu connaissance de la déclaration du salarié transmise par la CPAM le 19 décembre 2018, soit la veille de l'entretien préalable au licenciement de M. [J] et quelques jours avant son licenciement pour inaptitude, étant en outre observé que l'entreprise était parfaitement informé(e) du mal être des salariés du bureau d'étude du service géosciences.

L'origine professionnelle de l'inaptitude étant reconnue, M. [J] est bien fondé à solliciter le versement de la somme non contestée de 8.037,77euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

II ' Sur l'indemnisation du préjudice autonome en l'absence de prévention des risques professionnels

En application de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Si la prévention qui incombe à l'employeur commence par la prise en compte du danger dans les mesures d'organisation qu'il décide, elle lui impose également de s'abstenir de mettre en place une organisation de nature à compromettre la santé de ses salariés et donc par exemple un mode de management induisant des dangers ou les germes d'un danger.

L'employeur ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou s'il ne pouvait anticiper le risque auquel le salarié a été exposé et qu'il a pris des mesures pour faire cesser la situation de danger. En cas de litige, il lui incombe de justifier qu'il a pris des mesures nécessaires pour s'acquitter de cette obligation.

L'appréciation par les juges du fond des éléments de fait et de preuve dont ils déduisent que l'employeur a, ou non, manqué à son obligation de sécurité, est souveraine.

M. [J] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 8.000 euros de dommages-intérêts pour violation des obligations de prévention des risques professionnels et de l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail.

L'employeur s'y oppose faisant notamment valoir que la société a pris toutes les mesures afin de préserver la santé mentale de ses salariés et de prévenir les risques psychosociaux et que M. [J] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct.

Les précédents développements témoignent de ce que la société Spie Oil&Gas Services, qui connaissait parfaitement l'état de souffrance du service, et celle de M. [J], ne justifie pas avoir pris de mesure particulière autre que la désignation d'un nouveau manager, laquelle est intervenue concomitamment au départ de M. [J] en décembre 2018.

La charge de travail n'a cessé d'augmenter à mesure de la réduction des effectifs du service, sans prise en compte de l'impact sur les salariés et sur M. [J], plus particulièrement, lequel justifie que sa dégradation de santé est en lien avec sa charge de travail.

Il y a lieu de condamner l'employeur à lui verser la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de protection de la santé.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

III ' Sur la nullité ou l'inopposabilité de la convention de forfait-jours et ses conséquences

L'employeur sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré la convention de forfait annuelle inopposable au salarié,

- condamné en conséquence la Société à payer à M. [J] les sommes de 26.919,93 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires, outre 2.691,99 euros de congés payés.

Le salarié fait valoir que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité ou l'inopposabilité de la convention de forfait-jours. Il soutient d'une part qu'aucune nouvelle convention de forfait a été régularisée par l'appelant depuis la signature de la convention de forfait le 22 février 2011 alors que les dispositions de l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale SYNTEC ont été annulées par la Cour de cassation. De même, aucune nouvelle convention de forfait n'a été soumise au salarié alors que l'avenant de révision de l'accord collectif insuffisant a été conclu en 2015, avant l'entrée en vigueur de la loi Travail du 8 août 2016. D'autre part, l'employeur ne prouve pas avoir respecté les stipulations de l'accord ARTT, ni contrôlé la charge de travail, ni l'amplitude horaire, ni l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

M. [J] sollicite donc la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 26.919,93 euros de rappel d'heures supplémentaires, outre 2.691,99 euros de congés afférents sur le fondement des articles 31 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, L.3171-2, L.3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne et de la Cour de cassation.

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

Il résulte ensuite de l'article 17, § 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Cette exigence passe par la mise en place d'un système de suivi et de contrôle destiné à permettre à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé.

L'invalidité de l'accord collectif faute de prévoir un dispositif propre à assurer la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires entraîne la nullité de la convention individuelle de forfait en jours qui lui est adossée.

En revanche, en cas de non-respect par l'employeur des clauses précisément destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, la convention individuelle de forfait en jours est privée d'effet et partant, inopposable au salarié. (Sous rapport du Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 17-18.725)

Le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail. (Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-11.706)

Tant l'examen du respect ou non par l'employeur des stipulations de l'accord relatives au suivi et au contrôle de la charge de travail et des temps de repos journaliers et hebdomadaires que la vérification de l'existence et du nombre d'heures supplémentaires relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Au cas d'espèce,

- Selon contrat à durée indéterminée, M. [J] a été embauché à compter du 24 mai 2008, en qualité de géophysicien, statut IC, position1.2, coefficient 100, régi par la régi par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques cabinet d'ingénieurs- conseils, société de conseil (SYNTEC) du 15 décembre 1987.

- Selon accord du 31 décembre 2004, conclu à durée indéterminée applicable à compter du 1er janvier 2005, et pris en application des dispositions légales et de l'accord national du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, la société Amec Spie Oil&Gas services et les organisations syndicales ont pris des dispositions pour l'aménagement et le temps de travail des salariés. Les dispositions de l'article 4.2 relatives aux cadres positions 2.2 (le cas de M. [J]), 2.3, 3.1 et 3.2 notamment dispose': «'Pour tenir compte des exigences de l'activité des cadres, de leur autonomie en terme d'organisation et de temps de travail, cette catégorie de collaborateurs réalisera ses prestations en référence à une durée de travail maximale de 218 jours par période annuelle. La période annuelle de référence est fixée du 1er janvier au 31 décembre. Pour permettre à cette catégorie de cadres de s'inscrire dans la durée maximale de 218 jours sur l'année, ils bénéficient de 12 jours de RTT par an'». Aucune mention n'est faite sur l'existence d'un système de suivi et de contrôle du temps de travail, destiné à permettre à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé. De même il n'est au demeurant pas justifié du dépôt de l'accord à la DIRECCTE.

- Par avenant au contrat de travail du 9 février 2011, M. [J] est devenu, à compter du 1er janvier 2011, « développeur applications informatiques », statut cadre, position 2.2, coefficient 130, selon la même convention. Aux termes de l'article 2 relatif à la durée du travail : « En sa qualité de cadre et eu égard, d'une part, à la nature de ses fonctions et d'autre part, à la latitude qui lui est laissée dans l'organisation de ses horaires de travail, attestée par le niveau de ses responsabilités et de sa rémunération, l'horaire de travail de M. [K] [J] ne peut être prédéterminé. M. [K] [J] relève de la catégorie des « cadres autonomes » visés par l'article L. 3121-40 du code du travail, ainsi que par l'article 4.2 de l'accord collectif d'entreprise en date du 31 décembre 2004 relatif à l'aménagement et au temps de travail, modifié par son avenant du 16 décembre 2008 relatif à la journée de solidarité.

Dans ces conditions, M. [K] [J] est soumis à une mesure forfaitaire de son temps de travail. Aux termes dudit accord, et à la date de signature du présent contrat, M. [K] [J] sera soumis à une durée maximale de travail de 218 jours par année complète et ce dans la limite des règles applicables en matière de repos journalier et hebdomadaire. La durée annuelle en jours de travail étant directement liée à l'accord du 31 décembre 2004 précité, sa révision ou sa dénonciation entrainerait de façon automatique une modification du nombre de jours travaillés par an, ce que reconnaît et accepte M. [K] [J]. Les temps de travail effectif accomplis par M. [K] [J], au-delà du nombre de jours visés ci-dessus, lui seront rémunérés conformément aux règles légales et conventionnelles en vigueur ».

- Depuis un arrêt du 24 avril 2013, la Cour de cassation affirme que les dispositions de l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. (Soc., 24 avr. 2013, n 11-28398, Soc., 14 mai 2014, n 12-35033).

- Le 1er avril 2014 a été signé un avenant de révision de l'article 4 du chapitre 2 de l'accord national du 22 juin 1999 sur la durée du travail de la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, étendu par arrêté en date du 26 juin 2014.

- l'employeur se prévaut et produit un document qualifié d''«'avenant n°2 à l'accord «'Aménagement et réduction du temps de travail (ARTT) «'forfait jour'»'»'» en date du 8 juin 2015, lequel vise l'avenant national du 1er avril 2014. L'article 1 relève qu'il s'agit d'un avenant à l'accord du 31 décembre 2004 susvisé, ayant pour objet la mise en place des conventions de forfait en jours et l'application des nouvelles dispositions aux forfaits jours en cours dans l'entreprise. Cet accord qui aurait été conclu avec deux organisations syndicales n'est pourtant signé et paraphé que par une seule de ces deux organisations syndicales. Il n'est pas non plus justifié du dépôt de l'accord à la DIRECCTE. En l'absence de ces éléments il ne peut être considéré comme entré en application au sein de l'entreprise.

- Aucune convention individuelle relative au forfait jour postérieure à la publication de l'arrêté d'extension de juin 2014 n'est produite, l'employeur indiquant au demeurant dans ses écritures qu'il n'était pas nécessaire d'établir une nouvelle convention de forfait avec M. [J].

A défaut d'avoir soumis, à M. [J], une nouvelle convention de forfait en jours, postérieurement au 4 juillet 2014, date de l'entrée en vigueur de l'arrêté d'extension du 26 juin 2014 de l'avenant du 1er avril 2014 à l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, l'employeur ne peut se prévaloir des dispositions de ce texte postérieurement à sa date de publication.

Il s'ensuit que la convention de forfait en jours du salarié, fondée sur les dispositions de la convention collective antérieure à cet avenant étendu, est nulle.

Le jugement sera infirmé.

Constatant la nullité de la convention de forfait en jours, la demande relative aux heures supplémentaires est recevable.

> Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919)

La Société Spie Oil&Gas Services sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la convention de forfait-jours nulle et inopposable au salarié et l'a condamné à payer 26.919,93 euros de rappel d'heures supplémentaires, outre 2.691,99 euros de congés et en ce qu'il a dit que les créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation devant le conseil de prud'hommes.

Au soutien de sa demande de confirmation, M. [J] produit notamment':

- ses bulletins de paie de décembre 2015 à novembre 2018 (Pièce 9). Sur ces feuilles de salaire apparaissent invariablement le salaire mensuel en lien avec le forfait de 218 jours par an. En ce sens et par exemple, aucune mention n'apparait quant aux interventions justifiées de M. [J] du samedi 20 et dimanche 21 septembre 2016,

- un tableau contenant le nombre d'heures journalier effectué avec précision des heures d'entrée de sortie et du temps de pause déjeuner depuis le 4 janvier 2016 et faisant apparaitre un montant total impayé de 26.919,93 euros. Le temps hebdomadaire y est régulièrement de plus de 40 heures pour atteindre sur quelques semaines plus de 50 h avec un maximum atteint à 59,03h la semaine du 15 au 21 février 2016. Apparaissent sur ce décompte, à plusieurs reprises des heures effectuées le samedi et/ou le dimanche.

- 11 mails professionnels envoyés par M. [J] de nuit ou alors qu'il était en congés payés ou en week-end,

- plusieurs échanges de messages de type texto relevant des interventions de nuit les 20 et 21 février 2016,

- deux mails de son supérieur hiérarchique demandant au salarié dans un premier temps de revenir sur ses congés posés en juillet 2015 et de travailler en août 2015, alors que le bureau d'études était fermé,

- une attestation de M. [W] confirmant la présence de M. [J] en juillet 2015 malgré les congés imposés par la société,

- une attestation de M. [R] concernant la période de septembre à novembre 2017 évoquant une dégradation des conditions de travail de M. [J], la multiplication des tâches de ce dernier, une responsabilité sur deux sites,

M. [J] produit ainsi à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pendant les WE, nuits et congés payés afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Pour s'y opposer, l'employeur renvoie à deux types de documents': deux documents de décompte des jours travaillés/non travaillés l'un pour 2016 (P29), l'autre pour 2017 (P30) et deux documents qualifiés de synthèse de l'activité de M. [J] l'un pour l'année 2016 (P31), l'autre pour l'année 2017 (P32).

Les deux premiers documents renvoient à une liste d'évènements et de commentaires ne faisant l'objet d'aucune explication sur des jours ou périodes d'activités, moyennant un volume d'heures. Ces deux documents ne permettent pas de vérifier le volume horaire journalier réalisé par le salarié, ni les jours éventuellement non travaillés.

Les deux autres, dont le salarié demande à les écarter (voir développements ultérieurs) correspondent à deux synthèses de l'activité au titre des années 2016 et 2017. Ces documents ne précisent pas les volumes horaires du salarié, ni même qu'il s'agit bien du salarié, étant également observé que la synthèse d'activité de l'année 2017 témoigne d'une difficulté sur le nombre de jour(s) travaillé(s), qui, associé au nombre de jours de maladie, excède le nombre de 218 jours de forfait prévu au contrat, en sus d'une catégorie inexpliquée enregistrée sous stand by de 13 jours.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées et qu'il n'a pas été rempli de ses droits en ce qui concerne la contrepartie obligatoire en repos.

L'employeur doit en conséquence être condamné à lui verser la somme de 25289,62 euros à ce titre, outre 2528,96 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ce point.

IV ' Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de remboursement des RTT

Lorsque la convention de forfait à laquelle le salarié est soumis est privée d'effet, ce dernier doit rembourser à l'employeur la somme correspondant aux jours de réduction du temps de travail (RTT) dont il a bénéficié en application de ladite convention, et qui présentent alors un caractère indu.

L'employeur sollicite la condamnation de M. [J] au remboursement de la somme de 4865,49 euros perçue à tort à titre de paiement de jours de repos.

M. [J] oppose l'irrecevabilité de la demande nouvelle de remboursement des RTT formulée pour la première fois en appel, en se référant à l'article 564 du code de procédure civile et, à titre subsidiaire, demande le rejet les pièces 31 et 32 adverses constituant des preuves fabriquées à soi-même, dont les éléments sont, au surplus, invérifiables et contestés.

> Sur la fin de non-recevoir opposée par M. [J]

L'article 564 du code de procédure civile dispose :

«'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'»

Les articles 565 et 566 du code de procédure civile rajoutent :

«'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'»

La demande de la société Spie OGS, qui revêt un caractère reconventionnel comme émanant du défendeur en première instance, se rattache par un lien suffisant aux prétentions originaires du salarié qui poursuit la nullité de sa convention de forfait en jours et, subsidiairement, la privation d'effet de celle-ci. (Soc., 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-19.890)

La société est donc recevable à solliciter le remboursement des éventuels RTT versées.

> Sur la demande tendant au rejet des pièces 31 et 32

M. [J] sollicite le rejet des pièces 31 et 32 adverses considérant qu'il s'agit de preuves fabriquées à soi-même, contestées, inconnus et invérifiables.

Aux termes de l'article 1358 du code civil, «'Hors le cas où la loi en dispose autrement la preuve peut être rapportée par tout moyen'»

Dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Le juge apprécie, dans le cadre de son pouvoir souverain, la valeur probante des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis.

Au cas d'espèce, le salarié ne soutient ni ne démontre que les pièces sont contraires à la loi, illicites et/ou illégales, de telle sorte que sa demande d'écarter les pièces 31 et 32 doit être rejetée.

> Sur le fond

L'employeur soutient que le salarié a pris 15 jours de RTT au titre de l'année 2016 et produit en ce sens la pièce n°31. S'il n'est effectivement pas justifié de l'origine du document ou qu'il s'agit bien de M. [J], le nombre de jour visé correspond au nombre de RTT visé dans les bulletins de salaire.

Il en est de même pour l'année 2017, le tableau de l'employeur, pièce n°32, correspondant aux bulletins de salaires de la même année.

Le salarié sera donc condamné à verser à l'employeur la somme de 4032,90 euros en remboursement des jours de RTT accordés.

V ' Sur le repos compensateur

Aux termes des dispositions de l'article L.3121-3 et L. 3121-38 du code du travail, à défaut d'accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l'article L. 3121-30 est fixée à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Le salarié soutient que le conseil des prud'hommes a omis de statuer sur cette demande et sollicite 7.708,45 euros de rappel de contrepartie obligatoire en repos compensateur sur le fondement des articles L 3121-30 et L 3121-38 du code du travail, selon le calcul suivant':

- en 2016 sur les 330 heures supplémentaires, 110 sont hors du contingent, soit une demande de 3052,50 euros,

- en 2017, sur les 389 heures supplémentaires, 169 sont hors contingent soit une indemnité de 4655,95'euros.

L'employeur ne fait valoir aucune observation sur ce point.

Il apparait que les demandes du salarié sur ce fondement ont été formulées dans le cadre de ses conclusions responsives et récapitulatives n°3 déposées au conseil des prud'hommes le 22 décembre 2020 et ne sont pas reprises dans le jugement.

Il résulte des précédents développements, lesquels permettent d'établir que M. [J] a bien accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent que le salarié est bien fondé à solliciter le versement de la somme de 6404,2 euros.

En application de ces dispositions, il convient d'ajouter à la décision déférée.

VI ' Sur violation de la durée du travail et pour non-respect des règles relatives au repos

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.

M. [J] sollicite 12.000 euros de dommages-intérêts au titre de la violation de la durée du travail et pour non-respect des règles relatives au repos posée par les articles L 3121-18 et L 3131-1 du code du travail.

La société Spie OGS s'y oppose et soutient que la convention en forfait annuel en jour est parfaitement valable, que la société a respecté ses obligations en matière de durée du travail, et que le salarié a bénéficié de deux jours de repos en contrepartie du WE travaillé les 20 et 21 février 2019.

A titre liminaire et a contrario l'employeur reconnait à minima des interventions du salarié le WE du 20 et 21 février 2019. S'il soutient que le tableau produit, d'ores et déjà commenté (Pièce employeur 29) permet de confirmer l'existence d'une contrepartie au WE travaillé de février 2016, aucun élément dans ce tableau ne permet de le confirmer. La prétendue contrepartie n'apparait en outre pas sur les bulletins de salaire, lesquels font inversement apparaitre que M. [J] a posé deux jours de RTT la semaine qui a suivi l'astreinte, soit le 25 et 26 février 2016.

En lecture des précédents développements, l'employeur n'apporte aucun élément sur la durée du temps de travail au titre des années 2016 et 2017.

Inversement, le salarié produit des temps de travail détaillé lesquels font apparaitre plusieurs journées de travail de plus de 10 heures et établit que cette charge de travail a eu un impact sur sa santé.

Il y a lieu de faire droit à sa demande indemnitaire et de fixer le montant des dommages-intérêts à la somme de 2 000 euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

VII ' Sur l'indemnité compensatrice de congés payés acquis pendant la maladie

Aux termes de l'article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés.

Selon les articles L.3141-1 et L.3141-3 du code du travail, l'acquisition des droits à congés payés est subordonnée à l'exécution d'un travail effectif.

Toutefois, il a été récemment jugé, par ailleurs, que les dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail doivent être écartées en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-9 du même code.

M. [J] demande la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 4.209,02 euros correspondant à 4 semaines de congés payés acquis pendant les arrêts maladie, sans que l'employeur ne fasse valoir d'arguments sur ce point.

En l'espèce, M. [J] a été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 17 novembre 2017 au 30 novembre 2018, de sorte qu'il a acquis, durant cette période, des droits à congés payés.

Il convient donc de lui attribuer la somme de 3926,04 euros à ce titre.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

VIII ' Sur le travail dissimulé

Selon les dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail :

'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche,

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie,

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'

Selon les dispositions de l'article L.8223-1 du code du travail :

'En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi salarié prévu par l'article L8221-5 du code du travail n'est caractérisé que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.'

Le salarié sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 30.018,72 euros d'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé de l'article L.8223-1 du code du travail.

Au titre de l'élément matériel, M. [J] se prévaut de l'absence sur le bulletin de salaire de la durée de travail effective du salarié, laquelle n'avait pas lieu d'être mentionnée dès lors qu'il s'agissait initialement d'une convention en forfait jour. Pour justifier l'élément intentionnel, il produit':

- un mail du 5 juin 2016 qu'il s'est autoenvoyé (pièce salarié 19),

- les échanges SMS du 20 et 21 février 2016, son intervention n'étant pas contestée par l'employeur,

Il se prévaut également du refus de communiquer des entretiens annuels signé. En l'espèce, cela ne caractérise pas une intention de dissimuler l'activité du salarié, pas plus que le fait d'avoir prétendument laissé perdurer la situation pendant 5 ans après que la cour de cassation ait annulé les dispositions de la convention syntec, l'employeur justifiant à minima avoir entamé des discussions avec une organisation syndicale.

Les éléments produits au dossier ne permettent pas de caractériser le caractère intentionnel d'une dissimulation de la part de l'employeur.

M. [J] sera donc débouté de sa demande au titre du travail dissimulé, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point.

IX - Sur le préjudice subi au titre des brevets

Le salarié sollicite 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre des brevets du fait de la violation de l'article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle. Il fait valoir que la société Spie OGS n'a perçu aucune rémunération pour son invention «'seep repetitivite'» qui a pour objet la détection d'hydrocarbures, invention finalement brevetée par la société Total et différente de celle pour laquelle il a perçu une rémunération, celui qualifié de «'vectorisation couleur'».

La société s'y oppose.

Au soutien de sa demande, M. [J] produit':

- deux courriers distincts des 4 mai 2012 et 1er février 2012 émanant d'un organisme ORES, en charge de demande de brevet,

- des mail du 1er décembre 2011 et 2 février 2012 sur le brevet «'vectorisation couleur'»,

- une fiche Inpi relatif à un procédé de détection de gisements d'hydrocarbures.

En lecture des courriers des 4 mai 2012 et 1er février 2012, M. [J] rapporte bien l'existence de deux projets. Les pièces produites par l'employeur permettent de confirmer qu'un brevet «'vectorisation couleur'» a bien été déposé, M. [J] y apparaissant bien comme inventeur. Ce dernier ne conteste d'ailleurs pas avoir reçu une prime en lien avec le dépôt de ce brevet.

Cela étant, si M. [J] soutient être l'inventeur du deuxième brevet «'seep repetitive'», il n'en justifie pas, comme le soutient l'employeur. De même, s'il est rendu destinataire du courrier de la société en charge de la rédaction de brevet, celle-ci propose à la société Spie OGS de commencer la rédaction d'une demande de brevet. Il n'est pas justifié des suites données. Il n'est pas plus justifié que le procédé de détection de gisement d'hydrocarbures, déposé par Total correspondrait au projet de M. [J].

La demande de M. [J] sur ce fondement doit être rejetée et le jugement confirmé.

X ' Sur les demandes accessoires

Sur les indemnités chômage

Suivant l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En application de ces dispositions, il convient d'ajouter à la décision déférée et d'ordonner le remboursement par la société Spie OGS des indemnités de chômage versées à M. [J], dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les intérêts légaux et leur anatocisme

Les sommes dues au titre des créances salariales et l'indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande que la société Spie OGS supporte les entiers dépens, y compris ceux de première instance.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [J] une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 12 avril 2021 sauf en ce qu'il a débouté M [K] [J] de':

- sa demande d'indemnité forfaitaire spéciale de 30.018,72 euros pour travail dissimulé,

- sa demande de dommages et intérêts de 10000 euros en réparation du préjudice subi au titre des brevets,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

dit que le licenciement de M. [K] [J] est sans cause réelle et sérieuse,

dit que l'inaptitude de M. [K] [J] est d'origine professionnelle,

dit que la convention individuelle de forfait-jours de M. [K] [J] est nulle,

déboute M. [K] [J] de sa demande d'écarter le barème Macron,

condamne la société Spie Oil & Gas Services à verser à M. [K] [J] :

* 25 350 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 12 484,74 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 248,47 euros de congés payés y afférents,

* 8 037,77euros de reliquat d'indemnité de licenciement,

* 4 000 euros de dommages-intérêts pour violation des obligations de prévention des risques professionnels,

* 25 289,62 euros de rappel d'heures supplémentaires,

* 2 528,96 euros de congés afférents au rappel d'heures supplémentaires,

* 6 404,2 euros de rappel de contrepartie obligatoire en repos compensateur,

* 2 000 euros de dommages-intérêts au titre de la violation de la durée du travail et pour non-respect des règles relatives au repos,

* 3 926,04 euros au titre des congés acquis pendant les arrêts maladie,

condamne M. [K] [J] à verser à la société Spie Oil & Gas Services la somme de 4 032,90 euros en remboursement des jours de RTT accordés,

dit que les sommes dues au titre des créances salariales et l'indemnité de licenciement porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil,

condamne la société Spie Oil & Gas Services à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [K] [J], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités,

condamne la société Spie Oil & Gas Services aux entiers dépens,

condamne la société Spie Oil & Gas Services à payer à M. [K] [J] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,