Livv
Décisions

CA Rennes, 5e ch., 6 mars 2024, n° 23/04679

RENNES

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

H.E.S (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Champion

Conseillers :

Mme Parent, Mme Hauet

Avocats :

Me Verrando, Me Erileri, Me Greff, Me Le Berre Boivin

CA Rennes n° 23/04679

5 mars 2024

Suivant acte authentique du 18 mai 2021, Mme [X] [Y] et M. [I] [T] ont donné à bail commercial un immeuble à usage commercial et d'habitation comprenant au rez-de-chaussée, une salle de restaurant, cuisine, WC, remise et à l'étage, deux chambres salles de bains, WC, salon cuisine, cour, sis [Adresse 4] sur la commune de [Localité 2] à la société HES, pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 18 mai 2021 pour se terminer le 17 mai 2030, moyennant un loyer annuel de 15 600 euros TTC payable en douze termes égaux de 1 300 euros chacun, et d'avance les premiers de chaque mois.

Invoquant le non-paiement des taxes foncières de 2021 et de 2022, un défaut d'attestation d'assurance, ainsi qu'un changement de distribution, Mme [X] [Y] et M. [I] [T] ont fait délivrer le 7 mars 2023 à M. [S] [M] un commandement de payer visant la clause résolutoire et mise en demeure d'avoir à respecter les clauses du bail pour la somme de

1 757,88 euros correspondant aux taxes foncières de 2021 et 2022 impayées et au coût de l'acte.

Par exploit de commissaire de justice du 18 avril 2023, Mme [X] [Y] et M. [I] [T] ont fait assigner la société HES devant le président du tribunal judiciaire de Quimper, statuant en matière de référés, aux fins de constater l'acquisition de la clause résolutoire.

Par ordonnance en date du 28 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Quimper a :

- dit y avoir lieu à référé,

- constaté l'acquisition au profit de Mme [X] [Y] et M. [I] [T] du bénéfice de la clause résolutoire inscrite au contrat de bail commercial du 18 mai 2021, et la résiliation du dit contrat à compter du 8 avril 2023,

- ordonné l'expulsion de la société HES ainsi que de tous occupants de son chef, des lieux qu'elle occupe sis [Adresse 4] sur la commune de [Localité 2], dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance et ce avec le concours de la force s'il y a lieu,

- autorisé le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles du choix de l'huissier de justice aux frais et aux risques du locataire conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles,

- condamné la société HES à payer, à titre de provision, à Mme [X] [Y] et M. [I] [T] la somme de 1 631,31 euros représentant le montant des taxes foncières impayées des années 2021 et 2022, suivant décompte arrêté au 8 avril 2023, date de résiliation du bail commercial, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

- condamné la société HES à payer à titre de provision, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, exigible à compter du 8 avril 2023 jusqu'à libération effective des lieux,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de Mme [X] [Y] et M. [I] [T] tendant au versement d'une provision à valoir sur les loyers d'avril et mars 2023,

- condamné la société HES à payer à Mme [X] [Y] et M. [I] [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société HES aux entiers dépens, comprenant le coût du commandement de payer du 7 mars 2023, lesquels seront recouvrés par la Selarlu Nathalie Greff, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Le 28 juillet 2023, la société HES a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 22 septembre 2023, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel de l'ordonnance de référé rendue 28 juin 2023 par le président du tribunal judiciaire de Quimper,

Y faisant droit :

- annuler l'ordonnance et à tout le moins l'infirmer en tous ses chefs critiqués et particulièrement en ce qu'elle :

* a dit y avoir lieu à référé,

* a constaté l'acquisition au profit de Mme [X] [Y] et M. [I] [T] du bénéfice de la clause résolutoire inscrite au contrat de bail commercial du 18 mai 2021, et la résiliation du dit contrat à compter du 8 avril 2023,

* a ordonné son expulsion ainsi que de tous occupants de son chef, des lieux qu'elle occupe sis [Adresse 4] sur la commune de [Localité 2], dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance et ce avec le concours de la force s'il y a lieu,

* a autorisé le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles du choix de l'huissier de justice aux frais et aux risques du locataire conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles,

* l'a condamnée, à titre de provision, à payer à Mme [X] [Y] et M. [I] [T] la somme de 1 631,31 euros représentant le montant des taxes foncières impayées des années 2021 et 2022, suivant décompte arrêté au 8 avril 2023, date de résiliation du bail commercial, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

* l'a condamnée à payer à titre de provision, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, exigible à compter du 8 avril 2023 jusqu'à libération effective des lieux,

* l'a condamnée à Mme [X] [Y] et M. [I] [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamnée aux entiers dépens, comprenant le coût du commandement de payer du 7 mars 2023, lesquels seront recouvrés par la Selarlu Nathalie Greff, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

- juger n'y avoir lieu de prononcer la résiliation du bail et l'acquisition des effets de la clause résolutoire,

- dire n'y avoir lieu de prononcer son expulsion,

A titre subsidiaire :

- juger que le constat de l'acquisition de la clause résolutoire se heurtait à une contestation sérieuse et qu'il n'y avait lieu à référé,

A titre plus subsidiaire :

- suspendre les effets de la clause résolutoire,

- ramener à la somme de 1 016, 20 le montant des sommes dues à titre provisionnel par elle au titre de la taxe foncière,

- lui octroyer des délais de paiement rétroactifs de 12 mois pour s'en acquitter à compter de la date du commandement de payer visant la clause résolutoire,

En tout état de cause :

- rejeter toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamner in solidum Mme [X] [Y] et M. [I] [T] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 31 octobre 2023, Mme [X] [Y] et M. [I] [T] demandent à la cour de :

A titre principal

- écarter des débats la pièce 3 communiquée par la société HES sans traduction ainsi que la pièce 6 totalement illisible,

- juger irrecevables comme étant nouvelles les demandes de la société HES au visa de l'article 564 du code de procédure civile,

En conséquence,

- débouter la société HES de toutes ses demandes,

- confirmer l'ordonnance rendue le 28 juin 2023 par le président du tribunal judiciaire de Quimper en ce qu'elle a :

* dit y avoir lieu à référé,

* constaté l'acquisition à leur profit du bénéfice de la clause résolutoire inscrite au contrat de bail commercial du 18 mai 2021, et la résiliation du dit contrat à compter du 8 avril 2023,

* ordonné l'expulsion de la société HES ainsi que de tous occupants de son chef, des lieux qu'elle occupe sis [Adresse 4] sur la commune de [Localité 2], dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance et ce avec le concours de la force s'il y a lieu,

* autorisé le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles du choix de l'huissier de justice aux frais et aux risques du locataire conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles,

* condamné la société HES à leur payer, à titre de provision, la somme de 1 631,31 euros représentant le montant des taxes foncières impayées des années 2021 et 2022, suivant décompte arrêté au 8 avril 2023, date de résiliation du bail commercial, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

* condamné la société HES à payer à titre de provision, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, exigible à compter du 8 avril 2023 jusqu'à libération effective des lieux,

* dit n'y avoir lieu à référé sur leur demande tendant au versement d'une provision à valoir sur les loyers d'avril et mars 2023,

* condamné la société HES à leur payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société HES aux entiers dépens, comprenant le coût du commandement de payer du 7 mars 2023, lesquels seront recouvrés par la Selarlu Nathalie Greff, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

* rejeté toute demande plus ample ou contraire,

* rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

A titre subsidiaire et si par impossible l'ordonnance dont appel était annulée et la société HES déclarée recevable en ses demandes :

- constater que la société HES ne sollicite pas la nullité de l'assignation et a conclu sur le fond,

En conséquence évoquant,

- constater que la société HES ne justifie pas du règlement des sommes dues,

- constater que la société HES reste à leur devoir la somme de 1 631,31 euros en principal, réclamée au commandement de payer visant la clause résolutoire, au titre des taxes foncières de 2021 et de 2022,

En conséquence ;

- constater à la date du 8 avril 2023 l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial en date du 18 mai 2021, et reprise dans le commandement de payer en date du 7 mars 2023,

- prononcer l'expulsion de la société HES et celles de toutes personnes de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, des locaux commerciaux sis [Adresse 4] à [Localité 2], dans le délai de huit jours à compter de la signification de la décision à venir,

- constater que les taxes foncières de 2021 et de 2022 n'ont pas été réglées pour un montant total de 1 631,31 euros,

- condamner la société HES à leur payer, à titre provisionnel, le total en souffrance de 1.631,31 euros avec intérêts légaux sur un montant de

1 631,31 euros dû au jour du commandement de payer à compter de la date de délivrance de celui ci,

- condamner la société HES à leur payer une provision mensuelle de 1 300 euros à compter du 8 avril 2023 et jusqu'au départ effectif des lieux, à titre d'indemnité d'occupation,

- débouter la société HES de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,

A titre infiniment subsidiaire :

- déclarer irrecevable et en tout état de cause mal fondée la société HES en sa demande de nullité du commandement de payer et l'en débouter,

- constater l'absence de contestation sérieuse fondée notamment sur la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire,

En conséquence ;

- constater que la société HES reste à leur devoir la somme de 1 631,31 euros en principal, réclamée au commandement de payer visant la clause résolutoire, au titre des taxes foncières de 2021 et de 2022,

- constater à la date du 8 avril 2023 l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial en date du 18 mai 2021, et reprise dans le commandement de payer en date du 7 mars 2023,

- prononcer l'expulsion de la société HES et celles de toutes personnes de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, des locaux commerciaux sis [Adresse 4] à [Localité 2], dans le délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à venir,

- constater que les taxes foncières de 2021 et de 2022 n'ont pas été réglées pour un montant total de 1 631,31 euros,

- condamner la société HES à leur payer, à titre provisionnel, le total en souffrance de 1 631,31 euros avec intérêts légaux sur un montant de 1 631,31 euros dû au jour du commandement de payer à compter de la date de délivrance de celui ci,

- condamner la société HES à leur payer une provision mensuelle de 1 300 euros à compter du 8 avril 2023 et jusqu'au départ effectif des lieux, à titre d'indemnité d'occupation,

- débouter la société HES de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,

A titre très infiniment subsidiaire :

- constater que la société HES reste à leur devoir la somme de 1 631,31 euros en principal, réclamée au commandement de payer visant la clause résolutoire, au titre des taxes foncières de 2021 et de 2022 et ne justifie d'aucun motif légitime de non-paiement,

- constater que la société HES ne justifie pas de sa situation financière et la débouter en conséquence de sa demande de délais de paiement rétroactifs et de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire,

- constater à la date du 8 avril 2023 l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial en date du 18 mai 2021, et reprise dans le commandement de payer en date du 7 mars 2023,

- prononcer l'expulsion de la société H.E.S et celles de toutes personnes de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, des locaux commerciaux sis [Adresse 4] à [Localité 2], dans le délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à venir,

- constater que les taxes foncières de 2021 et de 2022 n'ont pas été réglées pour un montant total de 1 631,31 euros,

- condamner la société HES à leur payer, à titre provisionnel, le total en souffrance de 1 631,31 euros avec intérêts légaux sur un montant de

1 631,31 euros dû au jour du commandement de payer à compter de la date de délivrance de celui ci,

- condamner la société HES à leur payer une provision mensuelle de 1 300 euros à compter du 8 avril 2023 et jusqu'au départ effectif des lieux, à titre d'indemnité d'occupation,

- débouter la société HES de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires, et notamment sur sa demande d'octroi de délais de paiement,

En tout état de cause

- débouter la société HES de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la société HES à leur régler la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les actes dressés par la SCP Tanguy Brelivet (procès-verbal de constat, commandement de payer') et seront recouvrés pour ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

- Sur la demande de voir écarter des débats la pièce n°3 et la pièce n°6 produites par la société HES

M. et Mme [T] demandent de voir écarter la pièce n°3 produite par la société HES en ce qu'elle est rédigée en langue turque sans traduction et la pièce n°6 en ce qu'il s'agit d'un relevé de compte illisible.

La société HES n'a pas conclu sur ce point.

Aux termes des dispositions de l'article 16 alinéa 1er du code précité, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

La production de la pièce n°3 rédigée en langue étrangère en l'absence de production d'une traduction en langue française doit être écartée des débats en ce qu'elle porte atteinte au principe du contradictoire. Il sera fait droit à la demande des intimés de voir écarter cette pièce.

En revanche, il n'y a pas lieu d'écarter des débats la pièce n°6 s'agissant de relevés de compte bancaire. Cette pièce est parfaitement lisible et la cour appréciera, le cas échéant, sa valeur probatoire.

- Sur la demande d'irrecevabilité des demandes de la société HES

M. et Mme [T] soulèvent l'irrecevabilité des demandes de la société HES au visa de l'article 564 du code de procédure civile. Ils soutiennent que la société HES a été valablement touchée par le commandement de payer visant la clause résolutoire, par l'assignation et par la signification et par le commandement de quitter les lieux et que les prétentions qu'elle formule en appel n'ont pas été formulées devant les premiers juges de sorte qu'elles doivent être considérées comme nouvelles et donc irrecevables.

La société HES n'a pas conclu sur ce point.

L'article 564 du code de procédure civile dispose ' à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

L'article 567 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

La société HES n'était ni comparante ni représentée devant le juge des référés. Devant le juge des référés, la procédure est sans représentation obligatoire. Il en résulte qu'elle est orale. Il s'ensuit que la partie doit comparaître et que ses moyens ne sont pris en compte que si elle s'est présentée à l'audience, le juge actant les demandes et moyens des parties réitérées à l'audience dans l'hypothèse où un écrit a été formalisé préalablement. Il en résulte que si une partie ne comparaît pas en première instance, le juge des référés n'est saisi d'aucune demande émanant de celle-ci.

La demande principale de la société HES, présentée pour la première fois en appel, tendant à demander à juger n'y avoir lieu de prononcer la résiliation du bail et l'acquisition de la clause résolutoire et dire n'y avoir lieu de prononcer son expulsion s'analyse comme une demande tendant à faire écarter les prétentions adverses et est donc recevable. Il en est de même de sa demande subsidiaire tendant à juger qu'il existe une contestation sérieuse et qu'il n'y a lieu à référé.

S'agissant de ses demandes présentées à titre infiniment subsidiaire de suspendre les effets de la clause résolutoire, de ramener à la somme de

1 016,20 euros la somme due à titre de provision au titre de la taxe foncière et de lui accorder des délais de paiement, elles doivent s'analyser comme des demandes reconventionnelles en ce qu'elles tendent à obtenir un avantage autre que le simple rejet des prétentions originaires et se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant aux termes des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile. Elles sont donc parfaitement recevables.

M. et Mme [T] seront déboutés de leur fin de non-recevoir tirée des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

- Sur les conditions d'acquisition de la clause résolutoire

La société HES sollicite, à titre principal, que l'ordonnance entreprise soit annulée ou réformée au motif que la clause résolutoire ne peut être acquise au bailleur faute de l'avoir mise en oeuvre de bonne foi.

Elle soutient que les motifs invoqués par le bailleur, dans le commandement de payer visant la clause résolutoire, ne sont pas fondés. Elle expose qu'elle a réglé la taxe foncière 2021 par chèque du 24 juin 2021 et qu'elle ignorait l'exigibilité de la taxe foncière 2022, le bailleur ne lui ayant jamais notifiée celle-ci. Elle conteste le défaut d'assurance qui lui est reproché en arguant qu'elle a toujours été assurée et qu'il appartenait au bailleur de lui demander le justificatif avant d'invoquer un tel manquement. Elle réfute également le changement de destination que lui oppose le bailleur en indiquant que le mur qu'elle a érigé sur la terrasse avait été autorisé par ce dernier qui est ensuite revenu sur son accord et ajoute que la construction de ce mur ne peut être assimilée à un changement de distribution. Elle en déduit que le bailleur a délivré le commandement de payer de mauvaise foi.

A titre subsidiaire, la société HES soulève l'existence de contestation sérieuse en raison de la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire. Elle expose que le commandement de payer vise trois manquements alors que le juge des référés n'a pas relevé que le courrier de mise en demeure visait ces mêmes manquements.

M. et Mme [T] font valoir qu'ils ont délivré le commandement de payer visant la clause résolutoire de bonne foi. Ils exposent que, malgré de nombreuses relances orales et la mise en demeure adressée par LRAR le 30 janvier 2023, la société HES ne s'est pas acquittée de son obligation de règlement de la taxe foncière et ce sans motif légitime. Ils soutiennent que la société HES ment lorsqu'elle soutient ne pas avoir reçu la demande de paiement des taxes foncières. Ils indiquent que la locataire ne s'est pas exécutée dans les 30 jours de la délivrance du commandement de payer délivré le 7 mars 2023 de sorte que la clause résolutoire est acquise.

Ils exposent que la société HES n'a rien réglé depuis le 1er avril 2023, ni les taxes foncières ni les indemnités d'occupation et qu'elle se maintient dans les locaux en dépit de la décision de référé, exécutoire de plein droit. Ils ajoutent que la société HES ne leur a pas adressé le justificatif de son obligation d'assurance et qu'elle a procédé à un changement de distribution des lieux en érigeant un mur sans leur autorisation. Ils précisent avoir évoqué ces éléments de contexte pour éclairer le juge des référés.

A titre préliminaire, il convient de relever que l'appelante sollicite l'annulation de la décision entreprise mais ne précise pas pour quel motif ni sur quel fondement juridique.

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'acte authentique conclu entre les parties comporte, en page 17, une clause résolutoire qui prévoit qu'en cas de non-exécution, totale ou partielle, ou de non-respect, par le preneur de la clause de destination, du paiement à son échéance de l'un des termes du loyer, des charges et impôts récupérables par le bailleur, des travaux lui incombant, des horaires d'ouverture pouvant être imposés par une réglementation ou un cahier des charges, de son obligation d'assurance et un mois après un simple commandement de payer, le bail sera résilié de plein droit.

Il est constant que le 7 mars 2023, M. et Mme [T] ont fait délivrer à la société HES un commandement de payer, visant la clause résolutoire stipulée dans le bail, pour un montant de 1 757,88 correspondant aux taxes foncières 2021 et 2022 impayées. Les bailleurs ont également entendu se prévaloir du non-respect de la clause relative au changement de distribution et du non-respect de l'obligation d'assurance.

Les bailleurs justifient avoir adressé au preneur un courrier de mise en demeure en date du 30 janvier 2023 dans lequel ils lui demandent régler une somme de 615,41 euros TTC au titre de la taxe foncière 2021 et une somme de 1 016,20 euros TTC au titre de la taxe foncière 2022. Ce courrier a été adressé par LRAR à la société HES mais celle-ci ne l'a pas réclamé. La société HES ne peut, dans ces conditions, reprocher à M. et Mme [T] de ne pas lui avoir demandé le versement de ces impôts. Le fait de lui avoir adressé une mise en demeure en LRAR qu'elle n'a pas réclamée ne peut caractériser la mauvaise foi du bailleur invoquée par l'appelante.

Paradoxalement, la société HES, qui affirme ignorer l'exigibilité de cette imposition faute pour les bailleurs d'avoir sollicité le règlement, soutient qu'elle a réglé la taxe foncière 2021 par chèque du 24 juin 2021. Elle produit une copie du chèque d'un montant de 3 310 euros à l'ordre de M. et Mme [T] et la copie de son relevé de compte qui fait apparaître au débit le 26 juin 2021 un chèque d'un montant équivalent. La société HES expose que cette somme de 3 310 euros correspond au loyer du mois de mai 2021 pour 780 euros, au loyer de juin 2021 pour 1 300 euros et au paiement de la taxe foncière 2021 pour 1 230 euros. Or les bailleurs font justement remarquer qu'ils n'avaient pas réceptionné le montant de la taxe foncière 2021 en juin 2021 et ils justifient que le montant de cette taxe n'était que de 825 euros dont une somme de 615,41 euros à la charge du preneur. Le montant invoqué par la société HES ne correspond pas au montant de la taxe foncière 2021 lui incombant. Les bailleurs indiquent que la somme de 3 310 euros correspond aux stocks restant dans le restaurant lors de la cession et en justifie par la production des factures correspondantes. La société HES ne peut soutenir qu'elle a réglé la taxe foncière 2021 et que les bailleurs ont délivré le commandement de payer de mauvaise foi. La société HES ne conteste pas n'avoir jamais réglé le montant de la taxe foncière 2022.

S'agissant du changement de distribution, il est établi et non contesté que la société HES a fait ériger un mur en parpaing de deux mètres de hauteur et un portail pour lequel elle ne justifie pas de l'accord de M. et Mme [T] hormis par affirmation. La société HES ne justifie pas non plus de son obligation d'assurance, le bail précisant qu'il appartient au preneur d'adresser aux bailleurs dans les 15 jours une attestation détaillée des polices d'assurance souscrite. La société HES ne peut ainsi invoquer la mauvaise foi des bailleurs à ces titres.

S'agissant de la demande de nullité du commandement formulée à titre subsidiaire par l'appelante, il convient de rappeler que toute nullité de procédure doit être soulevée in limine litis à peine d'irrecevabilité au visa de l'article 114 du code de procédure civile. De surcroît, la société HES invoque à l'appui de sa demande de nullité les dispositions de loi n°89-462 du 6 juillet 1989 relatives aux baux d'habitation alors que le présent litige se rapporte à un bail commercial pour lequel les dispositions de l'article L.145-41du code de commerce précité s'appliquent. Il résulte du commandement de payer qu'il vise précisément l'infraction à laquelle il doit être mis fin et ce qui doit être fait pour y remédier dans le délai d'un mois, qu'il reproduit les termes de la clause résolutoire figurant dans le bail et qu'il reproduit les termes de l'article L.145-17 1 du code de commerce de sorte qu'il comporte toutes les mentions obligatoires. La société HES ne justifie d'aucune contestation sérieuse tenant à la nullité du commandement.

Il est ainsi établi que la société HES n'a pas régularisé la cause du commandement du 7 mars 2023 dans le délai de 30 jours de la délivrance du commandement de payer de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 8 avril 2023 et a ordonné son expulsion et le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux.

S'agissant du montant de la provision qui n'est pas contesté par l'appelant aux termes de ses écritures, la décision entreprise a condamné, à bon droit, la société HES à payer aux bailleurs la somme provisionnelle de 1 631,31 euros au titre des taxes foncières 2021 et 2022 et une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges exigibles à compter du 8 avril 2023 et jusqu'à libération effective des lieux.

L'ordonnance entreprise sera confirmée.

- Sur la demande de délais de paiement

La société HES, qui ne s'estime redevable que d'une somme de 1 016,20 euros correspondant à la taxe foncière 2022, sollicite de se voir allouer des délais de paiement de 12 mois pour régler cette somme et demande de voir suspendre les effets de la clause résolutoire durant ces délais.

M. et Mme [T] s'opposent à l'octroi de délais de paiement. Ils font valoir que la société HES n'a pas réglé la moindre somme au titre des loyers ou de l'indemnité d'occupation depuis le 1er avril 2023 alors qu'elle se maintient dans les lieux. Ils ajoutent qu'elle ne verse aucune pièce justifiant de sa situation financière.

Aux termes des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

A l'appui de sa demande, la société HES ne verse strictement aucune pièce sur sa situation financière. De plus, elle ne démontre pas avoir effectué le moindre versement qu'il s'agisse du montant de la taxe foncière ou du montant de l'indemnité d'occupation depuis avril 2023 de sorte qu'elle ne peut être considérée comme étant de bonne foi.

Dans ces conditions, la société HES sera déboutée de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en son appel, la société HES sera condamnée à verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :

Ecarte des débats la pièce n° 3 communiquée par la société HES ;

Déboute M. [I] [T] et Mme [X] [Y] épouse [T] de la leur demande tendant à voir écarter des débats la pièce n°6 communiquée par la société HES ;

Déboute M. [I] [T] et Mme [X] [Y] épouse [T] de leur fin de non-recevoir visant les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société HES de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamne la société HES à payer à M. [I] [T] et Mme [X] [Y] épouse [T] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la société HES aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.