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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 7 mars 2024, n° 23/06790

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Seventy Pressing (SAS)

Défendeur :

Paris Store (SAS), Garnier (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mollat

Conseillers :

Mme Pelier-Tetreau, Mme Lacheze

Avocat :

Me Meurin

T. com. Meaux, du 24 mars 2023, n° 20230…

24 mars 2023

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous signature privée du 1er septembre 2006, la SCI Man Nguon Choisy a consenti un bail commercial à la société Paris Store avec faculté de sous-location.

La société Paris Store a consenti une sous-location à la société Seventy Pressing par acte du 28 juin 2017 pour une durée de dix mois moyennant un loyer de 25 200 euros hors taxes hors charges.

Depuis lors, la société Paris Store est devenue propriétaire des lieux par levée d'option d'achat.

Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal de commerce de Meaux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Seventy Pressing et désigné Me [U], ès qualités de mandataire judiciaire.

La date de cessation des paiements a été provisoirement fixée au 1er décembre 2019.

Par jugement du 28 juin 2021, le tribunal de commerce a maintenu la période d'observation et la poursuite de l'activité de la société Seventy Pressing jusqu'au 30 novembre 2021.

La SAS Paris Store a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux, aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et l'expulsion de la société Seventy Pressing, en raison d'impayés de loyer durant le Covid-19.

Par ordonnance du 23 septembre 2020, le juge des référés a fait droit aux demandes de la bailleresse et condamné la société à régler 44 798,59 euros à titre du solde des loyers et indemnités d'occupation.

La société Seventy Pressing a interjeté appel de cette ordonnance, en raison de la procédure de redressement judiciaire ouverte dans l'intervalle.

Par arrêt du 13 octobre 2021, la cour d'appel de Paris a infirmé la dite ordonnance sur le fondement de l'article L. 622-21 I du code de commerce et dit n'y avoir lieu à référé.

Par jugement du 15 novembre 2021, le tribunal de commerce de Meaux a prononcé le renouvellement de la période d'observation jusqu'au 31 mai 2022, afin, notamment, de pouvoir vérifier le passif de la société.

Par jugement du 11 avril 2022, le même tribunal a renouvelé la période d'observation jusqu'au 30 novembre 2022.

Dans le cadre de la procédure de redressement, la SAS Paris Store a déclaré une créance de 62 248,36 euros, le 21 juin 2021, à titre privilégié.

Cette créance a été contestée le 29 mars 2022 par la société Seventy Pressing, pour un montant de 31 853,34 euros.

Par jugement en date du 28 novembre 2022, le tribunal de commerce de Meaux a arrêté le plan de redressement de la société Seventy Pressing.

Dans le cadre de la vérification des créances devant le juge-commissaire, la société Paris Store a transmis les justificatifs de sa créance et, par ordonnance du 24 mars 2023, le juge-commissaire a admis au passif de la société Seventy Pressing la créance déclarée pour un montant de 62 248,36 euros, à titre privilégié.

Toutefois, la société Seventy Pressing conteste le décompte communiqué par la société Paris Store, au motif qu'elle ferait apparaître une reprise de solde non justifiée.

Par déclaration du 7 avril 2023, la société Seventy Pressing a interjeté appel de l'ordonnance, et sollicite son infirmation en ce que le juge a admis la créance de la société Paris Store SAS, à hauteur de 62 248,36 euros à titre privilégié.

***

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 23 juin 2023, la société Seventy Pressing demande à la cour, au visa de l'article L. 624-2 du code de commerce, de :

' Infirmer l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal judiciaire de Meaux du 24 mars 2023 en ce qu'elle a admis la créance de la société Paris Store, déclarée au passif de la société Seventy Pressing à hauteur de 62 248,36 euros à titre privilégié ;

Et statuant à nouveau,

' Juger que la créance de la société Paris Store à déclarer au passif de la société Seventy Pressing ne serait être supérieure à 40 082,35 euros ;

' Condamner la société Paris Store à verser à la société Seventy Pressing la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner la société Paris Store aux entiers dépens.

***

La société Paris Store et la SELARL Garnier-[U], ès qualités de mandataire de la SAS Seventy Pressing, ont été régulièrement assignés, mais n'ont pas constitué avocat.

Par lettre du 21 novembre 2022, le liquidateur a indiqué à la cour qu'il n'était en possession que d'un seul accusé de réception pour l'ensemble des créances contestées et que ne disposant pas des fonds nécessaires, il n'était pas en mesure de se faire représenter dans le cadre de la procédure d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bien fondé de l'appel

La société Seventy Pressing, poursuivant l'infirmation de l'ordonnance quant au montant retenu de la créance de la société Paris Store, soutient que, s'agissant de créances antérieures au jugement d'ouverture, le montant à admettre est celui au jour de l'ouverture de la procédure collective ; qu'en l'espèce, la créance querellée doit correspondre aux loyers et charges impayés au 31 mai 2021, date du jugement d'ouverture, alors que la société Paris Store a produit un décompte qui présente un solde négatif de 22 166, 01 euros. Elle conclut qu'en l'absence de justification de ce montant, il y a lieu de le déduire de la créance réclamée, de sorte que la créance du bailleur à son passif ne peut pas être de 62 248,36 euros, mais de 40 082,35 euros.

Sur ce,

L'article L. 624-2 du code de commerce dispose qu'Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

S'agissant des créances dont le fait générateur est antérieur à l'ouverture de la procédure de liquidation, le montant à admettre est celui au jour de l'ouverture de la procédure collective.

Enfin, il résulte de l'article L. 622-16 du code de commerce que le bailleur n'a privilège que pour les deux dernières années de loyers avant le jugement d'ouverture de la procédure.

En l'espèce, le jugement d'ouverture est intervenu le 31 mai 2021, ce dont il se déduit que la créance privilégiée doit correspondre aux loyers et charges impayées à cette date.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 21 juin 2021, la société Paris Store a déclaré sa créance à hauteur de 62 248,36 euros.

Or, la cour observe que le créancier bailleur produit un décompte présentant un solde négatif de 22 166,01 euros, sans justification de ces montants.

Malgré une demande renouvelée de justificatif de la reprise du solde, la société Paris Store n'a transmis aucun élément de nature à expliquer le quantum de sa créance, de sorte que la créance à admettre devra être limitée à la somme de 40 082,35 euros (62 248,36 - 22 166,01).

Aussi, convient-il d'infirmer l'ordonnance du juge-commissaire en ce qu'elle a admis une créance de 62 248,36 euros à titre privilégié et, statuant à nouveau, d'admettre la créance privilégiée de la société Paris Store au passif de la société Seventy Pressing pour une somme de 40 082,35 euros.

Sur les frais du procès

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens.

Les dépens de première instance et d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.

Il convient en outre de rejeter la demande de la société Seventy Pressing formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a admis la créance de la société Paris Store, déclarée au passif de la société Seventy Pressing à hauteur de 62 248,36 euros ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Admet la créance de la société Paris Store au passif de la société Seventy Pressing pour un montant de 40 082,35 euros à titre provilégié ;

Dit que les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective ;

Rejette la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.