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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-6, 7 mars 2024, n° 22/05074

VERSAILLES

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pages

Conseillers :

Mme Deryckere, Mme Nerot

Avocats :

Me Lafon, Me Convain, Me Gourlaouen, Me Herbreteau

TGI Nanterre, du 08 juin 2022, n° 19/034…

8 juin 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon acte sous seing privé du 12 avril 2007, la Sci Baudin-Wilson (aux droits de laquelle vient depuis 2010 monsieur [V]) a donné à bail commercial, à effet au 1er juillet 2006 et pour une durée de neuf années, aux consorts [S]-[L] (aux droits desquels sont venus les époux [D]) des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4] destinés à l'usage de commerce de vin, liqueur, restaurant, PMU, Loto, Jeux de la Française des Jeux, tabac et composés d'une boutique et de ses dépendances en rez-de-chaussée, d'une cave et d'un logement de deux pièces situé au troisième étage de l'immeuble.

Par acte du 29 juillet 2011, les époux [D] ont cédé leur fonds de commerce à monsieur [O] et, dans le cadre de la procédure de renouvellement du bail initiée le 28 août 2015, monsieur [O] qui en avait accepté le principe a contesté le montant du loyer révisé.

Après expertise ordonnée avant dire droit aux fins de permettre la fixation de sa valeur locative, le tribunal judiciaire de Nanterre, suivant jugement du 13 mai 2019 confirmé par arrêt de la 12ème chambre de la présente cour rendu le 06 mai 2021 a retenu une cause de déplafonnement et fixé le loyer annuel du bail renouvelé à la somme de 53.500 euros hors taxes et hors charges.

Le 31 mai 2019, le bailleur a fait délivrer à son locataire un commandement de payer valant saisie-vente puis fait pratiquer une saisie-attribution le 18 juin 2019 et, par pli recommandé du 1er juillet 2019, lui a adressé une demande de révision triennale des loyers.

Par ailleurs monsieur [V] avait fait délivrer à monsieur [O], par exploit du 22 novembre 2018, un commandement visant la clause résolutoire contenant sommation de mettre un terme, dans le délai d'un mois, à trois infractions au contrat de bail, à savoir : des travaux non autorisés, une sous-location illicite et un défaut d'entretien du logement précité constatées le 24 novembre 2017 par l'expert lors des opérations d'expertise précédemment ordonnées.

Informé de la contestation de ces infractions par le preneur, suivant acte du 21 mars 2019 dénoncé aux créanciers inscrits (soit : la Caisse d'Epargne et de Prévoyance, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France et la société Brasseries Kronenbourg) monsieur [V] a assigné monsieur [O] en acquisition de la clause résolutoire faute de régularisation des infractions visées dans ce commandement.

Par jugement contradictoire rendu le 08 juin 2022 le tribunal judiciaire de Nanterre a, en assortissant sa décision de l'exécution provisoire :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial du 12 avril 2007 renouvelé le1er avril 2016, à effet du 23 décembre 2018, consécutivement à la délivrance du commandement du 22 novembre 2018,

ordonné, à défaut de départ volontaire, l'expulsion de monsieur [R] [O], ainsi que de tout occupant de son chef des lieux donnés à bail situés au rez-de-chaussée, au sous-sol et au 3ème étage de l'ensemble immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 4], si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

ordonné, en tant que de besoin, le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, aux frais, risques et périls de monsieur [R] [O] après avoir été listés, décrits avec précision et photographiés par l'huissier chargé de l'exécution,

fixé l'indemnité d'occupation due par monsieur [R] [O], à monsieur [U] [V] à compter du 23 décembre 2019 (sic) et jusqu'à la libération effective des lieux, au montant du loyer trimestriel, augmenté des charges et taxes afférents, qu'il aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié de plein droit,

condamné monsieur [R] [O] à monsieur [U] [V] (sic) l'indemnité d'occupation ainsi fixée jusqu'à la libération des locaux par la remise des clés,

ordonné à monsieur [R] [O] de supprimer le conduit d'aération et de remettre en état le mur de la cour dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement,

dit qu'à défaut de ce faire, monsieur [O] devra lui régler une somme de 50 euros par jour de retard, à titre d'astreinte qui courra durant un délai de quatre mois,

débouté monsieur [U] [V] du surplus de ses demandes,

débouté monsieur [R] [O] de sa demande reconventionnelle de travaux sous astreinte,

condamné monsieur [R] [O] aux dépens de l'instance qui comprendront le coût du commandement de payer du 22 novembre 2018,

condamné monsieur [R] [O] à payer à monsieur [U] [V] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 23 février 2023, monsieur [R] [O], appelant de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 29 juillet 2022, demande à la cour au visa des articles 9, 1219, 1719, 1720 du code civil et L 145-41 du code de commerce :

à titre principal

d'infirmer le jugement du 08 juin 2022 en ce qu'il constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial du 12 avril 2007 renouvelé le 1er avril 2016, à effet du 23 décembre 2018, consécutivement à la délivrance du commandement du 22 novembre 2018 ainsi que toutes ses conséquences,

et statuant à nouveau

de débouter monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes et de son appel incident,

à titre subsidiaire si par extraordinaire la cour confirmait le jugement en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire,

d'octroyer des délais rétroactifs jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir,

de suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire stipulée au bail en date du 12 avril 2007, pendant les délais octroyés en application de l'article L.145-41 du code de commerce,

en tout état de cause

de condamner monsieur [V] au paiement de la somme de 6.000 euros à monsieur [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile (ainsi qu') aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article du 699 du 'CPC'.

Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 22 septembre 2023 monsieur [U] [V], visant les articles L 145-31 et L 145-41 du code de commerce, 547, 606, 1103, 1104, 1355, 1728 et 1741 du code civil, prie la cour :

de débouter monsieur [O] de l'intégralité de ses demandes,

de réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas condamné monsieur [O] au paiement d'une indemnité d'occupation majorée, en ce qu'il a débouté monsieur [V] de sa demande en paiement de la somme de 38.400 euros au titre de la sous-location illicite au motif de l'autorité de chose jugée, et qu'il n'a pas assorti la libération des lieux sous astreinte,

en conséquence

de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, ordonné l'expulsion de monsieur [O], ordonné la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, dans telle resserre ou garde-meuble qu'il plaira au requérant de désigner et ce aux risques et périls du défendeur,

subsidiairement

de prononcer la résiliation judiciaire du bail pour manquements graves et répétés aux clauses du bail, sur le fondement des articles 1741 et 1728 du code civil,

statuant à nouveau

d'ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de monsieur [O] et celle de tous occupants de son chef, conformément aux dispositions du code des procédures civiles d'exécution, et ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu, à peine d'astreinte comminatoire de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et jusqu'à parfait délaissement,

d'enjoindre à monsieur [O] de procéder à l'enlèvement des encombrants et au nettoyage complet du site (logement et local), à ses frais exclusifs, sous astreinte de 50 euros par jour de

retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir,

de condamner monsieur [O] à payer une indemnité d'occupation égale au double du montant du dernier loyer révisé en vigueur à compter du jour de la résiliation jusqu'à celui de la libération des locaux et de la restitution des clés,

de condamner monsieur [O] au paiement de la somme de 38.400 euros au titre de la sous-location illicite,

de condamner monsieur [O], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de ce jour:

' à la remise en état du sous-sol des percements des murs et plafonds des caves, suppressions de la canalisation en PVC, des canalisations d'eau et des branchements et câbles installés de manière sauvage, sous la surveillance de l'architecte de l'immeuble,

' au débistrage-dégoudronnage-ramonage complet de la cheminée du restaurant,

de condamner monsieur [O] à payer à monsieur [V] la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a retenu la régularité formelle du commandement signifié le 22 juillet 2018 qui visait les trois infractions reprochées à des clauses du bail renouvelé qu'il a jugées claires et précises.

Portant son appréciation sur chacune, il a écarté le grief tenant à la sous-location de l'appartement occupé par une employée du preneur en considérant qu'il avait tiré les conséquences du commandement dans le délai d'un mois imparti par celui-ci mais jugé que tant le défaut d'entretien incombant au preneur que le percement non autorisé d'un mur étaient établis et qu'ils perduraient selon constat d'huissier du 11 janvier 2019.

Avant de contester les infractions qui lui sont reprochées, l'appelant poursuit devant la cour l'infirmation du jugement en se prévalant de la nullité du commandement et en ajoutant divers moyens à son argumentation première tandis que l'intimé y réplique, approuvant le tribunal sauf en son appréciation de l'infraction relative à l'occupation du logement.

Sur le moyen tiré de la nullité du commandement délivré le 22 novembre 2018

Tirant argument de la nécessaire bonne foi du bailleur dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire, monsieur [O] soutient qu'à cet égard, la mauvaise foi de son bailleur est caractérisée.

Il invoque le fait que lors de la délivrance de ce commandement son bailleur, dont la seule volonté était de récupérer un fonds de commerce acquis en 2011 au prix de 800.000 euros, avait connaissance depuis trois ans du percement du mur litigieux et avait accepté le renouvellement du bail en toute connaissance de cause, qu'il n'ignorait pas non plus, depuis la réception d'un courriel de son gestionnaire du 13 octobre 2016, la mise à disposition du logement qualifié par ce dernier de 'sous-location' et qu'il connaissait parfaitement la difficulté qui serait la sienne, en période hivernale et dans le délai d'un mois, pour trouver une solution de remplacement pour chauffer son local commercial ou reloger son employée ou encore pour satisfaire à l'obligation d'entretien exprimée de manière imprécise par le commandement.

Il conclut, par conséquent, à la nullité de cet acte délivré de mauvaise foi, ce qui conduit à le priver d'effet, et distinctement à sa nullité en ce que l'injonction de faire cesser 'le défaut d'entretien du logement attenant au restaurant' était par trop imprécise pour lui permettre d'y remédier dans le délai d'un mois.

Ceci étant exposé, il y a lieu de considérer, comme le fait valoir monsieur [V], que le contrat de bail contenait une clause claire et précise prévoyant, ainsi qu'en dispose l'article L 145-1 du code de commerce, sa résiliation de plein droit un mois après délivrance d'un commandement demeuré infructueux, ceci 'en cas d'inexécution de l'une ou l'autre des conditions du bail' et qu'il comportait effectivement des obligations contractuelles conditionnant, en cas d'infraction et quelle qu'en soit la gravité, la mise en oeuvre de la clause résolutoire.

Si monsieur [O] peut être suivi en soutenant que la loyauté du comportement contractuel attendu des parties exige, notamment, que le bailleur agisse de bonne foi dans la mise en oeuvre de cette prérogative, il ne peut valablement lui reprocher d'avoir tardé, dans un commandement cumulant trois infractions, à s'en prévaloir dès lors que le seul écoulement du temps ne peut caractériser un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer à se prévaloir de la clause résolutoire, comme cela résulte de la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 3ème, 19 mars 2008, pourvoi n° 07-11194 // 05 juin 2013, pourvoi n° 12-19634, publiés au bulletin).

Il ne saurait, non plus, se prévaloir de la déloyauté du bailleur quant à la date de délivrance de ce commandement dès lors qu'un an auparavant, il avait parfaitement conscience du grief de son bailleur tenant à ce que ce dernier considérait comme une sous-location illicite de l'appartement figurant au rang des infractions identifiées dans le commandement.

A cet égard, monsieur [V] verse une attestation de l'employée datée du 04 juillet 2019 (pièce n° 26) relatant :

'avant la visite de l'expert du 24 novembre 2017, monsieur [O] m'a demandé les clés du logement, fait sortir ma fille et dissimulé nos effets personnels pour justifier à l'expert que ce logement était une salle de repos destinée au personnel et dissimuler le fait que je logeais avec ma fille. A la suite de cette visite, il a résilié mon abonnement EDF prétextant que j'avais déménagé et l'a repris à son nom'.

Et il est constant que, bien que n'ayant quitté les lieux qu'en juillet 2019, cette employée a été admise comme prioritaire dès le 12 décembre 2018 dans le cadre du dispositif du Droit à un logement opposable (ou DALO).

La question de la délivrance du commandement en période hivernale est donc, sur ce point, indifférente.

Par ailleurs, toujours sur le grief tenant à la date de délivrance du commandement en période hivernale nécessitant, selon les explications de monsieur [O], la présence d'un chauffage pour exploiter le fonds, il est établi par le bailleur que monsieur [O] avait été mis en demeure par le mandataire du bailleur, dès le 06 mars 2015, de modifier son installation relative à une sortie d'air à l'origine de nuisances (pièce n° 6).

De même, concernant la brièveté du délai imparti, monsieur [O] a pu se rendre compte du défaut d'entretien du logement lors des opérations d'expertise menées en novembre 2017 dans le cadre de la procédure de fixation du loyer commercial et, pour autant, il n'y a pas spontanément remédié pas plus qu'il n'a pris d'initiatives destinées à la mise en oeuvre de travaux propres à mettre fin aux infractions en cause comme en atteste le constat d'huissier dressé le 11 janvier 2019 (pièce n° 11), soit un mois et demi après la date de délivrance du commandement.

Et pas davantage peut-il se prévaloir de l'imprécision du commandement relativement aux infractions constatées, monsieur [V] observant que le preneur s'est résolu, sans difficulté de compréhension, à procéder aux travaux en exécution du jugement dont appel, observant toutefois qu'il a fallu attendre trois années pour qu'il se conforme à ses obligations.

Il suit de là que monsieur [O], qui ne procède, en outre, que par affirmation sur la volonté du bailleur de l'évincer pour céder le fonds de commerce, échoue en sa demande d'annulation du commandement pour les raisons ainsi développées entraînant, conséquemment, la disparition de ses effets.

Sur la contestation des trois infractions litigieuses

1 - sur la sous-location ou cession illicite du logement compris dans l'assiette du bail

Alors que l'appelant s'approprie la motivation du jugement retenant, sur ce point, la régularisation de la situation dans le délai imparti, et se prévaut subsidiairement du fait qu'il ne s'agissait pas d'une sous-location en ajoutant que cette prétendue infraction était le fait, sans que cela soit contesté, de l'ancien propriétaire du fonds de commerce, monsieur [V], au terme d'une argumentation destinée à obtenir paiement d'une somme de 38.400 euros en raison de ce qu'il analyse en une sous-location illicite (demande qui sera examinée distinctement), soutient qu'il n'a pas régularisé la situation dans le délai d'un mois imparti, l'occupante n'ayant pu être relogée qu'au mois de juillet 2019 dans le cadre du dispositif DALO que cette employée avait sollicité dès 2016 et ceci grâce à la procédure de résiliation du bail qu'il a lui-même engagée.

Il convient de considérer, ceci dit, qu'au paragraphe intitulé 'charges et conditions' du bail renouvelé il était expressément indiqué qu'il était consenti à condition de 'ne pouvoir sous-louer en totalité ou en partie' les lieux loués et que, quelle que soit la qualification des faits d'occupation par l'employée, par ailleurs débattue, c'est par motifs pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont retenu qu'il était démontré que cette employée occupant le logement du troisième étage avait été admise comme prioritaire, le 12 décembre 2018, consécutivement à la demande formée dans le cadre du dispositif DALO et que monsieur [O] avait tiré les conséquences du commandement signifié le 22 novembre 2018 avant le délai d'un mois imparti, conformément aux dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce.

Et il ne peut être reproché à monsieur [O] une efficacité tardive de cette diligence liée aux difficultés que rencontre le secteur du logement social et indépendante de sa volonté.

2 - sur le percement non autorisé du mur donnant sur la cour intérieure de l'immeuble

Faisant état du courrier daté du 06 mars 2015 du mandataire de son bailleur le mettant en demeure de modifier l'installation d'un système de ventilation donnant sur la cour de l'immeuble et du congé avec offre de renouvellement du bail qui lui est postérieur, soit le 28 août 2015, il soutient d'abord qu'à cette dernière date monsieur [V] avait parfaitement connaissance de ce percement du mur et qu'il ne peut, par la suite, demander la résiliation du bail sur ce motif . Il lui appartenait, alors, de refuser le renouvellement pour motif grave et légitime.

Il en conclut que le jugement doit être infirmé en ce qu'il retient cette infraction pour constater l'acquisition de la clause résolutoire.

Il s'estime, ensuite, légitime à opposer à son bailleur, sur le fondement de l'article 1219 (nouveau) du code civil, une exception d'inexécution pour défaut d'exécution de son obligation de délivrance en exposant qu'à la suite de l'abandon du chauffage collectif au charbon, en 2011, il a dû installer, en 2013, une chaudière à condensation pour chauffer son local en période hivernale.

Ceci exposé et sur le premier point, il résulte du paragraphe intitulé 'charges et conditions' du bail renouvelé qu'il stipulait expressément qu'il était consenti à condition de 'ne pouvoir faire aucun percement de murs ou cloisons, ni aucun changement de distribution, sans le consentement par écrit de la bailleresse' et, par ailleurs, à condition 'de ne pouvoir rien faire qui puisse troubler la tranquillité de la maison ou apporter un trouble de jouissance aux autres occupants ni par eux, ni par leur personnel'.

Et il est tout aussi constant que les travaux destinés à supprimer ce percement non autorisé n'ont pas été entrepris dans le délai d'un mois suivant le commandement.

Si l'intimé consacre vainement des développements à une autorisation de travaux de 2013 invoquée en première instance (et jugée inopérante du fait qu'elle ne concernait pas le percement litigieux) dès lors que l'appelant ne la soumet pas de nouveau à la cour et s'il invoque tout aussi vainement le trouble de jouissance causé aux autres occupants de l'immeuble du fait du système de ventilation qui a conduit au percement du mur dès lors que cette infraction ne figurait pas expressément au rang de celles visées dans le commandement du 22 novembre 2018, il s'abstient de débattre de la portée de l'acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail.

Sur cette question, il a certes été jugé, au visa des articles L 145-10 al 4 et L 145-11 du code de commerce que 'l'acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail, sous la seule réserve d'une éventuelle fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé, manifeste la volonté du bailleur de renoncer à la résolution de celui-ci en raison des manquements du locataire aux obligations en découlant et dénoncés antérieurement' (Cass civ 3ème, 11 mai 2022, pourvoi n° 19-13738, publié au bulletin).

Mais au cas présent il n'est pas établi ni même prétendu que monsieur [V] ait, antérieurement au renouvellement du bail en 2015, lequel s'analyse en un nouveau bail, dénoncé l'infraction dont s'agit, à savoir le percement d'un mur sans autorisation, mentionnée dans le commandement en visant la clause résolutoire.

Alors que dans l'espèce dont a eu à connaître la Cour de cassation dans l'arrêt précité les manquements avaient été antérieurement dénoncés par un commandement visant la clause résolutoire et que le verbe 'dénoncer' est défini dans le dictionnaire de l'Académie française comme 'signifier, notifier par voie officielle ou judiciaire' force est de considérer que le courrier du 06 mars 2015 dont il fait état, adressé par le mandataire du propriétaire, indiquait simplement (pièce n° 6 de l'appelant) :

'nous vous mettons en demeure de modifier votre installation en prévoyant l'évacuation en toiture suivant un projet que vous nous soumettrez pour approbation dans un délai qui ne saurait excéder un mois' .

Faute de s'analyser en une dénonciation par le bailleur, il ne s'en infère pas une renonciation à la résolution du contrat opposable à monsieur [V].

Sur le second point relatif à l'exception d'inexécution que monsieur [O] oppose à son bailleur, il convient de considérer qu'il ne produit aucun élément sur l'absence d'alternative au système de chauffage dont il fait état ou au conduit d'évacuation qu'il a mis en place par percement de la cloison en s'abstenant, ce faisant, de recueillir l'autorisation préalable de son bailleur.

Et qu'il laisse sans réponse l'argumentation adverse selon laquelle 'l'évacuation de sa cuisine percée dans le mur de la cour n'a strictement aucun lien avec le système de chauffage', monsieur [V] ajoutant que l'appartement est muni de radiateurs électriques, qu'il a installé des convecteurs électriques dans le restaurant, qu'il est le seul à utiliser le gaz dans l'immeuble et qu'il a choisi d'installer une chaudière à ses frais pour la production d'eau chaude.

Si monsieur [O] pourrait invoquer non point l'article 1219 mais l'article 1220 du code civil qui introduit l'exception d'inexécution par anticipation, il convient de constater que les conditions d'application de ce texte ne sont pas satisfaites dès lors qu'il n'est pas démontré que l'inexécution à venir soit 'manifeste' pas plus qu'il n'est établi que les conséquences de la défaillance soient 'suffisamment graves' et enfin, en suite de la délivrance du commandement en novembre 2018, que la suspension de l'exécution en cause (soit le rebouchage du mur) ait été notifiée 'dans les meilleurs délais' comme l'impose le texte.

Par suite, le tribunal doit être suivi en ce qu'il retient l'existence de cette infraction.

3 - sur le défaut d'entretien du logement situé au troisième étage

Les premiers juges ont repris divers éléments, étayés par des photographies, issus du rapport d'expertise judiciaire du 21 mars 2018 établi dans le cadre de la procédure devant le juge des loyers commerciaux concluant à un 'très mauvais d'entretien' et à une décote de 30% de sa valeur locative, notamment, le fait que les panneaux de verre de la véranda (où le précédent preneur avait installé la cuisine) étaient ébréchés, que les murs peints sont piqués de moisissures au droit de l'évier, que du vert-de-gris est visible sur les extrémités des arrivées d'eau sous l'évier, qu'une baguette en bois est cassée, que le plâtre est dégradé au niveau du mur percé pour faire passer la canalisation de l'évier qui se déverse dans l'évacuation de la cuvette des toilettes ou encore que sont défraîchis tant les peintures que les revêtements muraux.

Et, rappelant l'obligation d'entretien qui pèse sur le preneur ainsi que la présomption de réception en bon état des locaux résultant des articles 1754 et 1731 du code civil, ils se sont fondés sur ces éléments, comme sur les déclarations de l'employée quant à la carence de monsieur [O], pour retenir l'existence de cette infraction.

S'appuyant sur le procès-verbal de l'huissier dressé le 11 janvier 2019, soit un mois et demi après le commandement, le tribunal a jugé que le preneur n'y avait pas remédié.

Pour contester l'infraction et se prévaloir d'une insuffisance de motivation, monsieur [O] soutient que ce constat d'huissier doit être écarté des débats du fait qu'il n'était pas présent lors de son établissement et, portant une appréciation critique sur les photographies ou sur le caractère parcellaire des désordres recensés, soutient qu'en tout état de cause le défaut d'entretien qui lui est imputé à faute n'est que prétendu.

Il objecte aussi qu'aucun des constats produits ne permet de discerner ce qui ressort de l'obligation d'entretien du preneur, de la vétusté de l'immeuble ou de l'obligation de délivrer un logement décent à la charge du bailleur.

Et il reprend l'argument précédemment avancé concernant l'imprécision du commandement, lacunaire en ce qu'il ne mentionnait pas les réparations qui étaient attendues de lui.

Ceci étant rappelé, il résulte du contrat de bail commercial que cette obligation d'entretien des lieux 'présentement loués dans l'état où ils se trouvent actuellement' y figurait bien, le locataire s'engageant en particulier à 'jouir des lieux en bon père de famille et de les rendre en fin de location en bon état de réparations locatives et d'entretien'

C'est à juste titre que monsieur [V], reprenant l'historique de l'occupation des lieux qui avaient fait l'objet de travaux de rénovation en 2004, oppose à monsieur [O], qui n'administre pas la preuve contraire, le fait qu'il s'est abstenu d'émettre des réserves lors de l'acquisition du fonds de commerce et qu'il ne lui a jamais adressé la moindre réclamation relative à ce logement occupé par son employée durant huit années, ajoutant que c'est d'initiative, dès qu'il en a eu connaissance lors des opérations d'expertise, qu'il a lui-même fait réparer à ses frais les fenêtres de la véranda.

Et si monsieur [O] conteste le défaut d'entretien qui lui est reproché en stigmatisant le caractère lacunaire des constatations de l'expert judiciaire, force est de considérer que les éléments consignés dans son rapport et repris par le tribunal attestent de sa carence.

Il ne produit d'ailleurs aucune pièce de nature à faire échec au défaut d'entretien de cet appartement reproché.

S'agissant, enfin, de la recevabilité du moyen de preuve dont se prévaut le bailleur pour démontrer que le preneur n'a pas porté remède à cette infraction dans le délai imparti d'un mois, à savoir le constat d'huissier dressé le 09 janvier 2019, monsieur [O] qui ne précise pas s'il invoque une preuve illicite (en violation d'une règle de droit) ou déloyale (au moyen d'un stratagème) se borne à dire qu'il n'était pas présent lors de ce constat dressé en la seule présence de sa salariée et qu'il n'avait pas donné son autorisation pour faire entrer l'huissier dans les lieux.

Mais il se réclame d'une jurisprudence non publiée au bulletin de la Cour de cassation concernant des locataires (Cass civ 3ème, 22 juin 2017, pourvoi n° 15-26940) sans s'attacher à démontrer juridiquement qu'elle est transposable au cas d'espèce alors qu'à l'occasion de l'établissement du constat d'huissier du 30 novembre 2017 son employée a produit à l'huissier (pièce n° 7 de l'intimé, annexe 5) 'un avenant au contrat de travail à durée déterminée entre l'entreprise [O] [R] et mademoiselle [G] [J] [H] en date du 1er avril 2014 aux termes duquel (article I) - logement de fonction : l'employeur met à la disposition de la salariée un logement de fonction sis [Adresse 2] ) à compter du 1er avril 2014 (...)'.

Il peut être incidemment relevé que par un récent arrêt (Cass Ass pl, 22 décembre 2023, pourvoi n° 20-20648, publié au bulletin) la Cour de cassation énonce, en visant l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, la jurisprudence européenne et sa propre position en matière pénale que, 'dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi'.

Et que rien ne permet de juger, ici, que cette preuve porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.

Ceci d'autant plus que monsieur [O] ne produit aucun élément de preuve venant contredire les constatations de l'huissier quant à son défaut d'exécution de travaux dans le délai d'un mois et qu'il a fait procéder à des travaux ressortant de l'obligation qui incombe au preneur non point dans le délai d'un mois mais en exécution du jugement entrepris rendu en 2022.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu le manquement de monsieur [O] à cette obligation contractuelle.

Par voie de conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il constate l'acquisition de la clause résolutoire.

Sur la demande subsidiaire de l'appelant portant sur l'octroi de délais rétroactifs avec suspension des effets de la clause résolutoire et le sort de la relation contractuelle

Au soutien de cette demande, monsieur [O] se fonde sur les dispositions de l'article L 145-41 al 2 du code de commerce selon lequel le titulaire d'un bail commercial peut demander des délais et la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'a pas été constatée par une décision passée en force de chose jugée.

Il fait valoir qu'il a satisfait aux causes du commandement du 22 novembre 2018 en ayant supprimé le conduit d'aération et rénové l'appartement, comme en attestent les constats d'huissier dressés, respectivement, les 28 juillet et 05 septembre 2022, ces éléments ayant été transmis au conseil de son adversaire par courriel officiel du 15 septembre 2022.

Il précise que ces délais d'exécution sont justifiés par le fait qu'il ne pouvait effectuer ces travaux dans le délai d'un mois imparti par le commandement, qu'il a cherché à trouver une solution au désordre relatif au percement du mur par un courrier du 18 décembre 2018 mais que monsieur [V] à préféré l'assigner et qu'en tout état de cause, il ne pouvait 'enlever' le chauffage à cette date, sauf à ne point pouvoir exploiter paisiblement son fonds et accueillir du public ; que, par ailleurs, l'imprécision du commandement quant aux travaux concernant l'appartement et le caractère lacunaire de l'expertise ne lui permettaient pas de les connaître et que ce n'est que l'assignation du bailleur et les pièces transmises qui ont permis de l'éclairer.

L'intimé conteste la réalité de ces obstacles à la réalisation de travaux, faisant valoir qu'ils ont été effectués en huit jours pour les premiers, en un mois pour les seconds, mais trois ans après la délivrance du commandement et non point durant la première instance mais à son issue

Il s'oppose à cette demande de délais rétroactifs, à son sens trop tardive et injustifiée, ajoutant qu'en sus de retards de paiement récurrents d'autres désordres et manquements sont intervenus en 2022. Il fait état d'un dégât des eaux en octobre et de nouvelles violations du bail consistant en des travaux non autorisés révélant un danger imminent pour le plancher et un risque d'incendie dû à la proximité de réseaux électriques et de l'eau, comme il en atteste par un constat d'huissier et le rapport d'un plombier. Il évoque également un défaut de ramonage de la cheminée susceptible d'entraîner un risque d'incendie et soutient que ces risques menacent non seulement le fonds mais l'entièreté de l'immeuble et ses occupants, déplorant la passivité de monsieur [O] durant onze mois.

Ceci étant relaté, la recevabilité de cette demande de délais n'est pas contestée et elle peut être demandée pour la première fois en cause d'appel.

Sur le fond, s'il convient de considérer que monsieur [O] a fourni des efforts pour mettre fin aux infractions reprochées, il résulte de ce qui précède que les arguments qu'il invoque pour expliquer sa défaillance à réception du commandement n'emportent pas la conviction de la cour.

Et monsieur [V] est fondé à opposer à sa demande l'écoulement d'un délai singulièrement long et non justifié pour mettre fin à ces infractions, étant relevé que ces travaux ont été exécutés dans le contexte de la procédure d'appel initiée par monsieur [O].

Au surplus, bien que les nouveaux désordres et atermoiements imputés à faute à monsieur [O], pièces à l'appui, sans qu'il n'y réplique, ne soient introduits qu'au soutien d'une demande subsidiaire en résiliation judiciaire du bail sur laquelle il n'y a pas lieu de statuer du fait de l'accueil de la demande de confirmation présentée à titre principal, ils ne sont pas indifférents pour apprécier le comportement de ce dernier.

Il en résulte que monsieur [O] sera débouté de cette demande et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il constate la résiliation de plein droit du contrat de bail renouvelé du fait de l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 23 décembre 2018, ordonne conséquemment, à défaut de départ volontaire, l'expulsion de monsieur [R] [O], ainsi que de tout occupant de son chef des lieux donnés à bail outre le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les locaux et fixe une indemnité d'occupation au paiement de laquelle il a condamné monsieur [R] [O] (devenu occupant sans droit ni titre) jusqu'à la libération des locaux par la remise des clés.

Il en résulte également qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de bail pour manquements graves et répétés aux obligations contractuelles du preneur présentée à titre subsidiaire par monsieur [V] sur le fondement de l'article 1728 du code civil.

S'agissant de la demande de monsieur [V] tendant à voir condamner sous astreinte monsieur [O], sur la base d'un constat d'un commissaire de justice du 31 octobre 2022 et d'une note aux parties du 28 novembre 2018 d'un expert agissant dans le cadre d'un référé préventif, à la 'remise en état du sous-sol des percements des murs et plafonds des caves, suppressions de la canalisation en PVC, des canalisations d'eau et des branchements et câbles installés de manière sauvage, sous la surveillance de l'architecte de l'immeuble' ainsi qu'au 'débistrage-dégoudronnage-ramonage complet de la cheminée du restaurant', la cour observe qu'elle est présentée dans le corps de ses écritures dans un chapitre II (pages 23 à 27/31) consacré à la résiliation judiciaire du bail mais distinctement dans le dispositif de ses conclusions.

A considérer qu'il s'agisse d'une demande autonome, il y a lieu de dire qu'à juste titre le tribunal a rejeté la demande d'exécution de travaux présentée devant lui par le preneur à l'encontre de son bailleur (à laquelle monsieur [O] renonce en appel) au motif que le bail s'est trouvé résilié de plein droit à effet au 23 décembre 2018 consécutivement à l'acquisition de la clause résolutoire du bail, de sorte qu'il n'était plus fondé à invoquer les dispositions de l'article 1719 du code civil.

Ce même motif conduit la cour à débouter monsieur [V], invoquant les stipulations relatives aux charges et conditions du bail et particulièrement ses articles 5 et 17, de sa demande de condamnation sous astreinte de monsieur [O] à exécuter, sur ce fondement contractuel, lesdits travaux.

Sur les demandes du bailleur relatives aux effets de la résiliation de plein droit

Si, sur appel incident, monsieur [V] demande à la cour d'assortir la mesure d'expulsion d'une astreinte dont la finalité est précisée à l'article L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, il y a lieu de considérer qu'il n'est fait état d'aucune circonstance faisant apparaître la nécessité d'assortir d'une astreinte la mesure d'expulsion ordonnée.

Et il en va de même de la demande d'astreinte destinée à assurer la libération des lieux, la cour confirmant la disposition du jugement qui a 'ordonné, en tant que de besoin, le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, aux frais, risques et périls de monsieur [R] [O] après avoir été listés, décrits avec précision et photographiés par l'huissier chargé de l'exécution' sans qu'il y ait lieu d'y ajouter l'injonction réclamée.

Enfin, s'agissant de l'indemnité d'occupation due par l'occupant, monsieur [V] poursuit le doublement de son montant en regard du dernier loyer révisé, comme il le demandait en première instance.

Il échet, toutefois, de considérer que les premiers juges n'ont pas fait droit à la demande quant au quantum réclamé en fixant cette indemnité au montant trimestriel des loyers, augmentée des charges et taxes afférents, que monsieur [O] aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié de plein droit et qu'en contravention aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, l'intimé ne développe aucun moyen de fait ou de droit au soutien de cette demande d'infirmation.

Il n'y a donc pas lieu de se prononcer.

L'ensemble de ces demandes sera par conséquent rejeté.

Sur la demande en paiement du bailleur au titre de l'occupation du local d'habitation

Monsieur [V] sollicite également, sur appel incident et sur le fondement de l'article 547 du code civil relatif au droit d'accession des fruits civils, la condamnation de monsieur [O] à lui verser une somme de 38.400 euros.

Il se prévaut des dispositions de l'article L 145-31 du code de commerce selon lequel 'sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite' ainsi que des stipulations du contrat de bail commercial en cause qui, en leur point 14, ne permettent pas la sous-location en totalité ou en partie, se réclame d'une définition donnée par la Cour de cassation selon laquelle il y a sous-location lorsque l'installation d'un tiers dans les lieux s'opère dans son intérêt et celui de son locataire et comporte des prestations réciproques et entend démontrer que monsieur [O] s'est livré à une sous-location illicite, la mise à disposition de lieux loués à un employé par un locataire commercial constituant bien, à son sens, une sous-location.

Il estime que cette sous-location non autorisée a procuré un avantage financier à monsieur [O] qui a déduit de la feuille de paie de son employée la somme mensuelle de 102,80 euros puis, comme en atteste le témoignage du 04 juillet 2019 de celle-ci, a retiré cet avantage de ses feuilles de paie mais a concomitamment augmenté son salaire de la somme de 400 euros sans modification des conditions de travail.

Il considère donc qu'à la faveur de cette sous-location illicite et volontairement dissimulée monsieur [O] a réalisé, sans dépenses liées à l'entretien et aux consommations courantes, une économie de 400 euros par mois durant huit années et c'est sur cette base qu'il calcule le montant de la somme qu'il lui réclame.

Enfin, en réplique à la motivation du tribunal et, par ailleurs, à l'argumentation adverse, il soutient qu'il ne peut être tiré aucune autorité de chose jugée attachée à la décision du juge des loyers commerciaux pas plus que ne peut être regardée comme pertinente l'explication donnée par monsieur [O] tenant à son souhait de permettre à son employée d'accéder, grâce à une rémunération majorée, à un logement social en augmentant, pour cette simple raison, son salaire de 20% en 2019.

Monsieur [O] s'approprie, quant à lui, la motivation des premiers juges en ce qu'ils ont opposé à cette demande l'autorité attachée à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 06 mai 2021, jugeant de manière définitive que sa salariée occupait le logement à titre gratuit et qu'il ne percevait aucun loyer dans le cadre de l'avantage en nature accordé.

Et, à rebours de l'argumentation adverse, il se prévaut de l'absence d'un quelconque avantage, la lecture complète des bulletins de salaire qu'il a communiqués faisant apparaître que l'avantage en nature de 103,80 euros dans la rubrique 'à payer' est déduite dans la rubrique 'à déduire'.

Ceci étant exposé, ne saurait être accueillie la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée (sanctionnée par l'irrecevabilité de la demande et qu'au demeurant monsieur [O] ne formule pas dans le dispositif de ses conclusions) dès lors que l'article 1355 du code civil dispose que 'l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement' et qu'en l'espèce il n'y a pas identité entre la chose demandée au juge du loyer commercial et ce qui fait l'objet de la présente procédure.

De surcroît, selon la stricte application de ce texte par la jurisprudence, l'autorité de la chose jugée est limitée au dispositif de la décision dont il est, aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, l'énoncé et qu'elle ne s'étend pas aux motifs de la décision sur lesquels s'appuie uniquement monsieur [O], fussent-ils décisoires ou décisifs, pas plus qu'à ce qui a pu implicitement être jugé.

S'agissant du droit d'accession revendiqué par monsieur [V], il est vrai que le droit du propriétaire de percevoir les fruits de son bien constitue, sauf limitation légale ou conventionnelle, un attribut de son droit et il a pu être jugé que 'sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire' (Cass civ 3ème, 12 septembre 2019, pourvoi n° 18-20727).

Encore faut-il que les fruits civils qui englobent, selon l'article 584 du même code, 'les loyers des maisons' aient été produits par le bien en cause pour donner lieu à restitution.

Et monsieur [O] est, sur ce point, fondé à se prévaloir, de l'absence de perception de fruits civils dès lors qu'à l'examen des bulletins de salaire de son employée produits, l'avantage en nature de 103,80 euros figure tant dans la colonne à payer (rubrique n° 5020) que dans celle à déduire (rubrique n° 7010).

En toute hypothèse, dès lors qu'il est constant que l'employée a quitté les lieux en juillet 2019, monsieur [V] (déclarant, incidemment, qu'à cette sous-location illicite a succédé un usage d'entrepôt constituant un nouveau manquement aux stipulations du bail) ne saurait prétendre à une quelconque somme à compter de cette libération.

Et il ne peut, comme il le fait, tirer argument de manière à tout le moins hypothétique de la libre négociation entre monsieur [O] et son employée relative à son salaire pour affirmer que l'augmentation accordée correspondait à la créance de loyers dont il poursuit la restitution.

Il s'en évince que le jugement doit être confirmé en ce qu'il déboute monsieur [V] de cette demande.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de condamner monsieur [O] à verser à monsieur [V] la somme complémentaire de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Débouté de ce dernier chef de demande, monsieur [O] qui succombe sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement entrepris et, y ajoutant ;

Déboute monsieur [R] [O] de sa demande d'annulation du commandement de payer délivré le 22 octobre 2018 à la requête de monsieur [V] ;

Déboute monsieur [R] [O] de ses demandes subsidiaires tendant à se voir octroyer des délais rétroactifs ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire pendant les délais octroyés;

Déboute monsieur [U] [V] de ses demandes formées sur appel incident tendant au prononcé d'astreintes, au doublement du montant de l'indemnité d'occupation et à la réalisation de travaux présentés comme de nouvelles infractions au contrat de bail ;

Condamne monsieur [R] [O] à verser à monsieur [U] [V] la somme complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.