CA Caen, 2e ch. civ., 7 mars 2024, n° 22/01884
CAEN
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Interplages (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Emily
Conseillers :
Mme Courtrade, M. Gouarin
Avocats :
Me Thill, Me Daniault, Me Mons, Me Brizon
Suivant acte sous seing privé en date du 28 janvier 2009, M. [O] [Y] a donné à bail à la SARL Interplages, société spécialisée dans l'administration de biens, les transactions immobilières et les locations saisonnières, la parcelle [Cadastre 6], sur laquelle est édifié un immeuble dénommé '[Adresse 11]' situé [Adresse 1] comprenant notamment 16 appartements et studios, un parking extérieur, une terrasse, un local chaufferie clos et divers emplacements destinés au stationnement des vélos et des véhicules.
Ce bail a été consenti pour une durée de 12 années entières et consécutives à compter du 1er janvier 2009 pour se terminer le 31 décembre 2020, moyennant un loyer annuel de 100.000 euros réduit à 80.000 euros la première année et à 90.000 euros la seconde année.
M. [X] [C], partie intervenante au bail comme 'obligé solidaire', s'obligeait, aux termes de I'article 13 du bail, solidairement avec la société Interplages, à l'exécution de l'ensemble des charges, clauses et conditions du bail et de ses éventuels renouvellements, cette solidarité étant une condition déterminante du bail consenti à la société Interplages.
Par jugement du 21 février 2020, le tribunal judiciaire de Lisieux a fait droit aux demandes de M. [O] [Y] et prononcé la résiliation de plein droit du bail commercial, l'expulsion de la société Interplages et de tout occupant de son chef de l'immeuble '[Adresse 11]' et la condamnation de la SARL Interplages et de M. [X] [C], en sa qualité de coobligé solidaire, au paiement d'une indemnité d'occupation fixée au montant du dernier loyer exigible augmenté de 30%.
La SARL Interplages et M. [X] [C] ont fait appel de cette décision.
En parallèle, M. [O] [Y] a refusé à la SARL Interplages le renouvellement du contrat de bail litigieux, sans versement d'indemnité d'éviction, estimant que le preneur ne peut pas se prévaloir du statut des baux commerciaux prévus par les articles L.145-1 et suivants du code de commerce.
M. [Y] a donné congé à la société Interplages par acte d'huissier de justice du 24 février 2020, pour le 31 décembre 2020, date d'expiration du bail.
Le congé donné à la SARL interplages a été dénoncé à M. [X] [C] par acte d'huissier de justice du 25 mars 2020.
Par actes d'huissier de justice en date des 13 avril, 20 mai et 28 mai 2021, M. [O] [Y] a assigné la SARL Interplages et M. [X] [C] devant le tribunal judiciaire de Lisieux afin de voir dire que la SARL Interplages ne peut prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux s'agissant des locaux dont elle est preneuse dans le cadre de la '[Adresse 11]', de voir valider le congé notifié à la SARL Interplages, sans renouvellement et sans indemnité d'éviction et d'ordonner l'expulsion de la SARL Interplages.
Par jugement du 1er juillet 2022, le tribunal judiciaire de Lisieux a :
- constaté l'absence de droit au renouvellement de son bail commercial de la SARL Interplages et de M. [X] [C] ;
- ordonné en conséquence l'expulsion de la SARL Interplages, de M. [X] [C] et de tout occupant de son chef de l'immeuble « [Adresse 11] », sis [Adresse 1] ;
- dit que l'indemnité d'occupation due solidairement par la SARL Interplages et M. [X] [C] en cas de maintien dans les lieux sera fixée au montant du dernier loyer exigible augmenté de 30% ;
- condamné solidairement la SARL Interplages et M. [X] [C] à verser la somme de 1.500 euros à M. [O] [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement la SARL Interplages et M. [X] [C] aux entiers dépens.
Par déclaration du 27 juillet 2022, M. [X] [C] et la SARL Interplages ont relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées le 12 octobre 2023, M. [C] et la SARL Interplages demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau,
- débouter M. [O] [Y] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner M. [O] [Y] à payer à la société Interplages et à M. [C] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
Par conclusions déposées le 19 janvier 2023, M. [O] [Y] demande à la cour de débouter les appelants de toutes leurs prétentions, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner in solidum la SARL Interplages et M. [X] [C] à verser à hauteur d'appel la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 décembre 2023.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
SUR CE, LA COUR
L'article L145-1 du code de commerce énonce que :
'I- Les dispositions du du présent chapitre s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce, et en outre :
1° Aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal. En cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe ;
2° Aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées - soit avant, soit après le bail - des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire.
II. - Si le fonds est exploité sous forme de location-gérance en application du chapitre IV du présent titre, le propriétaire du fonds bénéficie néanmoins des présentes dispositions sans avoir à justifier de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.
III. - Si le bail est consenti à plusieurs preneurs ou indivisaires, l'exploitant du fonds de commerce ou du fonds artisanal bénéficie des dispositions du présent chapitre, même en l'absence d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers de ses copreneurs ou coindivisaires non exploitants du fonds.
En cas de décès du titulaire du bail, ces mêmes dispositions s'appliquent à ses héritiers ou ayants droit qui, bien que n'exploitant pas de fonds de commerce ou de fonds artisanal, demandent le maintien de l'immatriculation de leur ayant cause pour les besoins de sa succession.'
Le tribunal a jugé que le statut des baux commerciaux et notamment le droit au renouvellement n'était pas applicable aux locaux donnés à bail dès lors que l'inscription au RCS de la société Interplages ne mentionnait pas l'adresse des lieux loués.
Au soutien de leur appel, la société Interplages et M. [C] font valoir que l'activité d'administration de biens exercée par la société Interplages se fait exclusivement à son siège social situé [Adresse 5] et qu'aucune activité commerciale n'est exercée dans l'immeuble loué qui ne peut être considéré comme un établissement secondaire puisqu'aucun fonds de commerce n'y est exploité et que dès lors aucune immatriculation n'était nécessaire, seuls les locaux principaux étant soumis à l'immatriculation à l'exclusion des locaux accessoires.
M. [Y] soutient que le principe de l'immatriculation du preneur doit porter sur l'ensemble des locaux où s'exerce l'activité.
L'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, qui conditionne le droit au renouvellement du bail ou au paiement d'une indemnité d'éviction, doit être effectuée au titre de l'activité exercée dans les lieux loués.(Civ.3°, 22 septembre 2016, n°15-18.456)
En l'espèce, il résulte de l'extrait Kbis communiqué que la société Interplages est inscrite au RCS pour une activité d'administration de biens, transactions immobilières, locations saisonnières exercée au [Adresse 5].
La société Interplages exploite à cette adresse une agence immobilière.
Le bail commercial litigieux porte sur une parcelle cadastrée [Cadastre 6] située [Adresse 1] sur laquelle est édifié un immeuble composé d'appartements et studios, d'un sous-sol comprenant notamment divers emplacements de stationnement de véhicules, et sur un terrain comprenant notamment un parking extérieur.
Le preneur est autorisé à exercer l'activité de mise à disposition gratuite ou rémunérée des studios et appartements et des emplacements de parking et/ou stationnement dès lors que la nature de l'occupation consentie par le preneur n'est pas régie par des dispositions d'ordre public.
Il en résulte que l'immeuble situé à [Localité 7] ne peut être considéré comme un local accessoire à celui dans lequel est exploité l'activité d'agence immobilière.
Le tribunal a justement retenu que c'est à l'adresse de l'immeuble donné à bail que l'activité commerciale autorisée est exercée.
Dès lors, la société Interplages avait l'obligation d'être immatriculée au RCS à l'adresse des locaux donnés à bail, ce qui n'était pas le cas à la date du congé délivré le 24 février 2020.
C'est donc à bon droit que le tribunal a constaté l'inapplicabilité du statut des baux commerciaux et l'absence de droit au renouvellement du bail commercial de la SARL Interplages.
Le jugement sera confirmé sur ce point et sur les dispositions relatives à l'expulsion et à la fixation de l'indemnité d'occupation qui ne sont pas utilement contestées.
La disposition précisant que l'indemnité d'occupation est due solidairement par les appelants vaut titre exécutoire et est suffisant à établir la contrainte de payer.
M. [Y], qui n'a pas fait d'appel incident, sera débouté de sa demande tendant à voir ordonner la condamnation des appelants au paiement de l'indemnité d'occupation.
Les dispositions du jugement entrepris relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, exactement appréciées, seront confirmées.
Les appelants, qui succombent en leur appel, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel, à payer à M. [Y] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et seront déboutés de leur demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, dans les limites de l'appel ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ,
Condamne in solidum la SARL Interplages et M. [X] [C] à payer à M. [O] [Y] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL Interplages et M. [X] [C] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la SARL Interplages et M. [X] [C] aux dépens d'appel;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.