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Décisions

Cass. com., 18 janvier 2000, n° 96-16.223

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi

Rapporteur :

Mme Graff

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Defrenois et Levis, Me Hemery, SCP Boré, Xavier et Boré, SCP Piwnica et Molinié

Poitiers, ch. civ. sect. 2, du 20 févr. …

20 février 1996

Donne acte à MM. X..., Y... et B... de ce qu'ils se sont désistés de leur pourvoi en tant que dirigé contre la société Ward ;

Met, sur sa demande hors de cause la société Eurofiltec, venant aux droits des sociétés A.F.C. et Ardwin, à l'encontre de laquelle n'est formulé aucun grief ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. A..., ès qualités d'administrateur judiciaire ad hoc de la société Mécanique et chaudronnerie du Poitou ;

Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif déféré, que dans le cadre du redressement judiciaire de la société Mécanique et chaudronnerie du Poitou (société MCP), la société en formation Ateliers du Poitou (société ADP) a proposé au Tribunal la reprise de la totalité des actifs de la société MCP ; que, par jugement du 30 juin 1987, le Tribunal a arrêté un plan de cession globale au profit de la société ADP moyennant le prix de 4 800 000 francs payable en 20 semestrialités de 240 000 francs chacune à compter du 31 décembre 1987, outre la prise en charge des dettes "article 40" contractées au cours de la poursuite d'exploitation de la société MCP ; que la cession a été régularisée devant notaire le 17 septembre 1987 ; que le cessionnaire n'a payé que deux semestrialités, avant d'être lui-même mis en redressement puis liquidation judiciaires ; que le commissaire à l'exécution du plan de la société MCP, cédant, a poursuivi la banque de l'Union européenne, aux droits de laquelle est venue la Compagnie financière de CIC et de l'Union européenne (la banque), en prétendant qu'elle s'était portée caution du paiement du prix de cession ; que celle-ci a appelé en garantie trois des actionnaires de la société ADP, MM. X..., Y... et B..., au motif qu'ils s'étaient portés sous-cautions de son engagement ;

Sur l'intervention de la Compagnie financière de CIC et de l'Union européenne :

Attendu que, dans les délais impartis pour le dépôt du mémoire en défense, la banque a déclaré intervenir à titre accessoire et demandé, à titre principal, la cassation de l'arrêt sur la base du premier moyen et, à titre subsidiaire, le rejet du second moyen ;

Mais attendu qu'à la date du 22 mai 1996, la banque s'est pourvue contre le même arrêt, puis s'est désistée de son pourvoi ; que ce désistement a été constaté par ordonnance du premier président de la Cour de Cassation du 12 août 1996 ; qu'une même personne, agissant en la même qualité, ne peut former qu'un seul pourvoi en cassation contre la même décision ; que, par application de ce principe, nul ne peut, sous la forme d'une intervention à titre accessoire, demander la cassation d'un arrêt après avoir frappé lui-même cette décision d'un pourvoi dont il s'est désisté ;

Attendu que l'intervention de la banque n'est donc recevable que dans la mesure où son mémoire a été déposé au soutien des intérêts, de M. A..., ès qualités d'administrateur ad hoc de la société MCP ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que MM. X..., Y... et B... font grief à l'arrêt d'avoir constaté l'existence et la validité de l'engagement de caution du 25 septembre 1987 émis par la banque de l'Union européenne au profit de la société ADP et d'avoir en conséquence condamné la Compagnie financière de CIC et de l'Union européenne à payer à la société MCP la somme de 1 680 000 francs avec intérêts à compter du 6 septembre 1993, alors, selon le pourvoi, que le cautionnement résultant d'un contrat, la garantie qu'il est censé procurer n'existe que si chacune des parties y a consenti et si leurs consentements se sont rencontrés ;

qu'en retenant l'existence et la validité de l'engagement de caution du 25 septembre 1987, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société MCP l'avait accepté, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 2011 et suivants du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que, dès le début des pourparlers relatifs à la cession de la société MCP, une caution pour garantir au moins une partie du prix de cession avait été exigée, que le jugement d'arrêt du plan de cession du 30 juin 1987 avait érigé cette garantie en condition de la cession et que cette condition avait été discutée entre le candidat à la reprise et l'administrateur judiciaire et entre la société repreneuse et la caution, l'arrêt retient que dans ces circonstances, la banque de l'Union européenne avait délivré son cautionnement par acte du 25 septembre 1987 conformément à la demande qui en avait été faite deux mois plus tôt et de nature à répondre aux exigences du Tribunal et de l'acte de cession passé devant notaire ;

qu'ayant ainsi caractérisé l'accord de volontés des parties au contrat de cautionnement, et abstraction faite des motifs erronés critiqués, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu que MM. X..., Y... et B... reprochent encore à l'arrêt d'avoir jugé que les actionnaires de la société ADP étaient tenus de garantir la banque de toute condamnation à son encontre en principal, intérêts et frais, à hauteur de la participation de chacun dans le capital de la société ADP soit, pour M. B... 9,9 %, pour M. Y... 6,5 % et pour M. X... 15 %, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de la lettre du 20 juillet 1987 que la volonté des actionnaires de faire en sorte que la banque "n'encourt aucune perte au titre des opérations avec la société ADP" avait pour objet l'émission par la banque de l'Union européenne d'une caution "d'ordre de la société ADP" ; qu'en retenant néanmoins que les actionnaires s'étaient engagés à garantir la caution des pertes subies en raison de l'opération garantie, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société ADP avait donné ordre à la banque d'émettre une quelconque caution, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'effectuant la recherche prétendument omise, l'arrêt retient que les associés de la société ADP avaient personnellement sollicité le cautionnement de la banque à une époque où la société qu'ils avaient fondée était constituée et aurait pu, par le truchement de ses organes, le demander elle-même et que la caution avait bien donné son consentement conformément à "l'ordre" de celui pour lequel le débiteur, "demandeur de la garantie", s'obligeait ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen est sans fondement ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu les articles 1134 et 2015 du Code civil, 91 et 160 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour condamner la banque à payer à la société MCP la somme de 1 680 000 francs correspondant à l'engagement de la caution à la date de la première mise en demeure par voie d'assignation le 6 septembre 1993, l'arrêt retient "que la précédente échéance demeurée impayée était passée depuis plus de quinze jours, délai de rigueur pour une réclamation éventuelle passée la date d'échéance" ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la situation d'un "dépôt de bilan" du bénéficiaire de la garantie et des conséquences d'une telle procédure n'avaient pas été prévues dans l'engagement de caution du 25 septembre 1987, alors que la déchéance du terme convenu résultant du jugement ayant arrêté le plan de cession du débiteur principal ou prononcé sa liquidation judiciaire n'avait d'effet qu'à l'égard de celui-ci et ne pouvait pas être étendue à la caution, de telle sorte que devait être respectée à l'égard de celle-ci la clause du contrat de cautionnement imposant une mise en demeure de la caution au plus tard quinze jours après la date d'échéance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE en son intervention à titre accessoire la Compagnie financière de CIC et de l'Union européenne en tant qu'elle tend à une annulation partielle de l'arrêt et la reçoit pour le surplus ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.