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Décisions

Cass. 3e civ., 31 mars 2010, n° 09-11.969

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

M. Jacques

Avocat général :

M. Bruntz

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, Me Foussard

Caen, du 9 déc. 2008

9 décembre 2008

Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 9 décembre 2008), que par acte reçu le 21 avril 1998 par la société civile professionnelle B...- C... (la SCP), M. Y... a vendu au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres (le Conservatoire du littoral), au prix de 35 825, 52 euros, une parcelle de terre sur laquelle avaient été construits en 1959 deux bungalows appartenant l'un à Mme Z... et l'autre aux époux X..., lesquels occupaient la parcelle en vertu d'un bail verbal ; que le prix de vente avait été fixé en fonction d'une évaluation des services fiscaux qui tenait compte de la valeur des bungalows, estimée à 28 660, 42 euros ; que, soutenant que M. Y... s'était enrichi sans cause, Mme Z... et les époux X..., aux droits desquels vient Mme X..., l'ont assigné en indemnisation puis ont agi en responsabilité contre le notaire, qui a appelé en garantie le Conservatoire du littoral ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande contre M. Y... fondée sur l'enrichissement sans cause, alors, selon le moyen :

1° / que nul ne peut s'enrichir injustement au détriment d'autrui ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond avaient retenu que M. Y... avait bénéficié d'un enrichissement sans cause légitime dès lors que la somme qu'il avait perçue du Conservatoire du littoral au titre de la vente du terrain couvrait, non seulement la valeur du terrain nu, mais encore la valeur des bungalows qui ne lui appartenaient pas, pour être la propriété de Mme Z... et des époux X... ; que la circonstance que l'opération ait également entraîné un " appauvrissement " du Conservatoire du littoral, en ce que ce dernier avait payé une somme supérieure à ce qu'il aurait dû, n'était pas de nature à exclure corrélativement un appauvrissement des consorts X..., dès lors qu'il s'incarnait dans la perte des bungalows ou en tout cas de leur valeur ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé l'article 1371 du code civil, ensemble les principes qui régissent l'enrichissement sans cause ;

2° / que la faute de l'appauvri ne le prive du droit d'exercer l'action en enrichissement sans cause que si elle revêt le caractère d'une faute lourde ; qu'à supposer que les juges du fond aient considéré comme fautif le fait pour les consorts X... de ne pas avoir récupéré les bungalows, peu important leur vétusté et les difficultés qu'auraient engendrées les opérations de démontage, ils n'ont cependant pas pour autant caractérisé une faute lourde de sorte qu'à cet égard encore, ils ont violé l'article 1371 du code civil, ensemble les principes qui régissent l'enrichissement sans cause ;

Mais attendu qu'ayant relevé que si Mme X... soutenait à juste titre que le patrimoine de M. Y... s'était enrichi sans cause légitime de la plus-value correspondant aux bungalows, leurs propriétaires ne pouvaient justifier que d'une occupation précaire, de sorte qu'aucun droit au bail ne pouvait être valorisé, et que l'impossibilité de les démonter et de les remonter sans les détériorer et les rendre inutilisables ne pouvait résulter que de la vétusté de ces bungalows, qui consistaient en des chalets de bois mis en place depuis plus de quarante ans, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que les consorts Z...- X... ne justifiaient pas d'un appauvrissement corrélatif à l'enrichissement de M. Y..., a déduit, à bon droit, de ces seuls motifs, que Mme X... devait être déboutée de sa demande ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que Mme X... produisait une lettre de M. Y... du 11 juin 1996, l'informant de la décision d'acquérir prise par le Conservatoire du littoral, et ne justifiait pas avoir réglé un quelconque loyer à partir de cette date et que contrairement à ce que soutenaient les consorts Z...- X..., ils ne pouvaient affirmer ne pas avoir eu connaissance du transfert de propriété du terrain, la cour d'appel a pu en déduire qu'il ne pouvait être reproché à M. Y... d'avoir laissé les propriétaires des bungalows dans l'ignorance de la vente ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande contre la SCP, alors, selon le moyen :

1° / que le notaire doit prendre toutes précautions utiles pour que l'acte qu'il instrumente ne porte pas atteinte aux droits des tiers ; qu'au cas d'espèce, il résulte des propres constatations des juges du fond que le notaire savait que des bungalows appartenant à des tiers étaient posés sur le terrain vendu ; que le notaire devait dès lors prendre toutes précautions utiles à l'effet que le droit de propriété exercé par les tiers sur les biens en question soient préservés à l'occasion de la vente ; que peu importait, à cet égard, que l'acheteur ait déclaré être parfaitement informé de la situation et vouloir en faire son affaire personnelle ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé l'article 1382 du code civil ;

2° / que Mme X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le notaire était parfaitement informé que le prix de vente versé par le Conservatoire du littoral comprenait, non seulement la valeur du terrain nu, mais encore la valeur des bungalows qui y étaient situés et qui n'appartenaient pas au vendeur, dès lors qu'il avait déjà instrumenté par des cessions de terrains situés au même lieu, au profit du Conservatoire du littoral, cessions à l'occasion desquelles une ventilation du prix entre le terrain nu et d'autres bungalows avait été opérée ; que faute de s'être prononcés sur ce point, les juges du fond ont en tout état de cause privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3° / que le motif selon lequel de toute façon, l'acheteur serait devenu propriétaire des bungalows par le jeu de l'accession ne saurait restituer une base légale à l'arrêt attaqué, dès lors que si l'article 553 du code civil prévoit au profit du propriétaire du fonds une présomption de propriété des biens qui s'y trouvent, cette présomption est simple et peut être renversée lorsqu'il est démontré que les biens en question appartiennent à un tiers, ce qui était le cas de l'espèce puisqu'il résultait des propres constatations de l'arrêt que les bungalows étaient la propriété des consorts X..., ce qui était connu tant des parties que du notaire ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la vente ne portait que sur un bien immobilier décrit comme une parcelle de terre et que si le notaire était avisé de ce que le terrain était occupé par des chalets appartenant à des tiers, les propriétaires des bungalows, qui ne possédaient aucun droit immobilier sur la parcelle vendue et dont le bail verbal avait été résilié antérieurement à la vente, n'avaient pas vocation à percevoir une part du prix de vente de la parcelle et ne pouvaient prétendre qu'à une indemnisation en cas d'éviction avec appropriation de leurs biens mobiliers, dont il étaient encore propriétaires en mars 2001, au moment où le Conservatoire du littoral les avait avisés de son intention de les démolir, la cour d'appel, qui a retenu qu'à supposer même qu'elle n'ait pas été avisée en 1998 de la passation de l'acte, Mme X... n'avait subi aucun préjudice dès lors qu'elle avait été, d'une part, autorisée à occuper les lieux pendant une durée de trois années et, d'autre part, invitée à récupérer les bungalows, a pu déduire, de ces seuls motifs, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que Mme X... devait être déboutée de sa demande ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande formée contre le Conservatoire du littoral, alors, selon le moyen :

1° / que toute personne a droit au respect de ses biens ; qu'un propriétaire ne peut voir son bien approprié ou détruit par un tiers qu'à la condition, soit que ce tiers en soit devenu propriétaire par une voie régulière, soit que le bien ait été volontairement abandonné ; qu'au cas d'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que les bungalows étaient restés la propriété des consorts X... ; que Mme X... faisait valoir que si même le Conservatoire du littoral l'avait invitée à récupérer les bungalows, une telle opération se serait révélée extrêmement difficile, sachant que le démontage des constructions aurait nécessairement entraîné leur détérioration et, partant, leur caractère inutilisable ; qu'en s'abstenant de rechercher si, en raison de ces circonstances, il n'était pas exclu que les consorts X... aient entendu abandonner les bungalows, de sorte qu'une indemnisation ne pouvait pas leur être refusée à partir du moment où le Conservatoire du littoral avait détruit lesdits bungalows, les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des articles 544 et 545 du code civil, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2° / qu'en détruisant les bungalows situés sur le terrain qu'il venait d'acquérir, quand il était constant que ces biens étaient la propriété de tiers, sans qu'aucune indemnisation ne leur soit accordée, le Conservatoire du littoral a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de Mme X..., de sorte que l'arrêt a été rendu en violation de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que le désistement du pourvoi emportant acquiescement à l'arrêt et, en conséquence, soumission aux chefs de celui-ci, l'auteur du désistement n'est pas recevable à remettre en cause un chef de dispositif concernant la partie au profit de laquelle il s'est désisté ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le deuxième moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.