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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 3 octobre 2023, n° 22/01466

POITIERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Pharmathèque CIE (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pascot

Conseillers :

M. Vetu, M. Lecler

Avocats :

Me Pilon, Me Anceret, Me Barriere

T. com. La Roche-sur-Yon, du 26 avr. 202…

26 avril 2022

Le 6 octobre 2020, Madame [T] [C] et Monsieur [U] [K] (les mandants), co-associés de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie [S] (la société [S]), ont signé un mandat de vente sans exclusivité portant sur les parts sociales de leur société au prix de 3.150.000 euros auprès de la société à responsabilité limitée Pharmathèque C.I.E. (la mandataire).

Le 4 novembre 2020 un acquéreur, Monsieur [H], a formulé une proposition par l'intermédiaire de la mandataire.

Les mandants ont décliné cette offre arguant d'une offre d'achat antérieure formulée par Madame [Z], par la suite devenue effectivement cessionnaire des parts.

Le 2 avril 2021, la mandataire a attrait la société Pharmacie [S] devant le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon.

La société [S] a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et de droit d'agir de la société Pharmathèque à son endroit puisque les signataires du mandat de vente étaient les associés qui la composaient.

La mandataire a alors fait délivrer une assignation en intervention forcée aux associés et mandants, Monsieur [K] et Madame [C].

Dans le dernier état de ses demandes, la mandataire a demandé de :

- la déclarer recevable en ses demandes ;

- mettre hors de cause la société [S] ;

- condamner les mandants à lui payer la somme de 120.000 euros hors taxes (ht), outre taxe sur la valeur ajoutée (tva), à titre d'indemnité forfaitaire pour le préjudice subi ;

- dire que cette somme serait assortie d'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 novembre 2020 ;

- condamner solidairement les mandants à lui payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, la société [S] et les mandants ont demandé de:

- débouter la mandataire de ses demandes à l'endroit de la société [S] tirée du défaut de qualité et de droit d'agir à son endroit ;

- débouter la mandataire de sa demande de réalisation forcée de la vente ;

- débouter la mandataire de ses demandes indemnitaires ;

- condamner la mandataire à verser une somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement en date du 26 avril 2022, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a:

- mis hors de cause la société Pharmacie [S] ;

- débouté la mandataire de sa demande réalisation forcée de la vente ;

- débouté la mandataire de ses demandes indemnitaires en l'absence de fautes contractuelles commises par les mandants ;

- condamné la mandataire à payer aux mandants la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 9 juin 2022, la mandataire a relevé appel de ce jugement, en intimant les mandants.

Le 19 juin 2023 , la mandataire a demandé d'infirmer le jugement du 26 avril 2022 en ce qu'il l'a :

- déboutée de sa demande de « réalisation forcée de la vente » ;

- déboutée de ses demandes indemnitaires ;

- condamnée à verser 2000 euros au titre des frais irrépétibles aux mandants ;

et statuant à nouveau, de :

- déclarer irrecevables les demandes des mandants tendant à obtenir la nullité du mandat et de la clause pénale ;

- débouter les mandants de leur demande tendant à obtenir la nullité du mandat et de la clause pénale et plus généralement de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner solidairement les mandants à lui payer la somme de 120.000 euros ht, outre tva, à titre d'indemnité forfaitaire pour le préjudice subi, comme stipulé au mandat, à titre subsidiaire la réduire ;

- dire que cette somme serait assortie d'intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 novembre 2020 ;

- condamner solidairement les mandants à lui payer la somme de 8000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Le 15 juin 2023 , les mandants ont demandé de :

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

- débouter la société Pharmathèque de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- ramener le montant de la clause pénale à de plus justes proportions, qui ne pourraient au demeurant être fixées au-delà de la somme de 5000 euros ;

En tout état de cause,

- condamner la société Pharmathèque à leur régler la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties déposées aux dates susdites.

Le 20 juin 2023 , a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.

Le 20 juin 2023 , les consorts [S] ont déposé de nouvelles écritures n°7 et de nouvelles pièces n°15, 16 et 17, en sollicitant notamment leur admission à la procédure et le report de la clôture à l'audience de plaidoirie du 21 juin 2023 .

Le 21 juin 2023 , la société Pharmathèque a demandé le rejet de ces nouvelles écritures et pièces adverses, en indiquant s'opposer à la demande adverse de report de la clôture.

MOTIVATION:

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture sollicitée par les intimés et sur la recevabilité de leurs écritures et pièces notifiées le 20 juin 2023 :

Selon l'article 802 alinéa 1 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Selon l'article 803 alinéa 1 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

L'article 15 du code de procédure civile impose aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les éléments de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent, et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 16 du même code fait obligation au juge d'observer et de faire observer le principe de contradiction en toutes circonstances, sans pouvoir retenir dans sa décision des éléments dont les parties n'auraient pas été en mesure de discuter contradictoirement.

Ces textes imposent de caractériser les circonstances particulières ayant porté atteinte au principe de la contradiction.

Il résulte de ces textes que pour écarter des écritures et pièces communiquées tardivement, il convient de rechercher si celles-ci appelaient une réponse, notamment en soulevant des prétentions ou moyens nouveaux.

Les conclusions signifiées le jour de l'ordonnance de clôture sont présumées avoir été signifiées avant celle-ci (Cass, com., 4 juillet 2006, n°04-19.577, Bull. n°164).

Ces conclusions sont donc recevables, sauf si elles n'ont pas été signifiées en temps utile pour assurer le respect du contradictoire (Cass, com., 22 mai 2007, n°06-11.526).

Le 29 décembre 2022, le greffe a transmis aux parties le calendrier de procédure, fixant la clôture au 24 mai 2023 et l'audience au 21 juin suivant.

Le 25 mai 2023 , sur demande des parties, la clôture a été reportée au 15 juin 2023 .

Le 15 juin 2023 , sur demandes des parties, la clôture a été reportée au 20 juin 2023 .

Le 20 juin 2023 , a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.

Le même jour, les consorts [S], intimés, ont déposé de nouvelles écritures n°7 et de nouvelles pièces n°15, 16 et 17, sollicitant leur admission à la procédure, ainsi que le report de la clôture à l'audience du 21 juin 2023 .

Déposées le jour de l'ordonnance de clôture, ces écritures et pièces sont réputées l'avoir été avant celle-ci.

Mais ces écritures et pièces comportent des moyens nouveaux tendant à démontrer l'antériorité du contrat d'entremise passé par les consorts [S] avec un cabinet concurrent de la société Pharmathèque, et surtout l'antériorité de la présentation aux mandants l'offre d'achat formulée par un acquéreur présenté par un cabinet concurrent, par rapport respectivement au contrat de mandat passé avec la société Pharmathèque et surtout par rapport à l'offre d'achat présentée par l'entremise de la société Pharmathèque par Monsieur [H].

Même si cette antériorité était déjà en débat dans les écritures et pièces précédentes, ces derniers éléments, nouveaux, nécessitaient ainsi une réponse spécifique par la société Pharmathèque.

La cour se trouve confortée dans une telle analyse, alors que par sommation de communiquer du 26 mai 2023 , la société Pharmathèque avait déjà enjoint aux consorts [S] de produire les mandats de vente passés avec son concurrent, et ce à quoi les intéressées ne sont soumis qu'à l'occasion de la communication, ce 20 juin 2023 , de leurs pièces n° 16 et 17.

Et l'extrême brièveté des délais, y compris par report de la clôture à l'audience de plaidoirie, à l'évidence, n'a pas ménagé un temps suffisant pour permettre concrètement à la société Pharmathèque d'y répliquer.

Il y aura donc lieu de rejeter les écritures n°7 et pièces n°15, 16 et 17, déposées le 20 juin 2023 par les consorts [S], et de rejeter leur demande tendant au report de la clôture à l'audience de plaidoirie du 21 juin 2023 .

Sur la recevabilité des demandes des mandants tendant à la nullité du mandant et de la clause pénale, invoquée par la mandataire :

Selon l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Selon l'article 564 du même code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Selon l'article 954 alinéa 3 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Au regard des deuxième à quatrième de ces textes, la mandataire demande de déclarer irrecevables les demandes des mandants tendant à obtenir la nullité du mandat et de la clause pénale.

Mais au regard du premier d'entre eux, les mandants soulignent n'avoir fait que soulever des moyens nouveaux à hauteur de cour , mais ne pas avoir présenté de demandes nouvelles à hauteur d' appel , pour se borner à solliciter la confirmation intégrale du jugement.

Avec les intimés, il y a lieu d'observer que le dispositif de leurs écritures se borne à solliciter à titre principal la confirmation intégrale du jugement déféré et le débouté des prétentions adverses, à titre subsidiaire, la réduction de la clause pénale, et en tout état de cause, la condamnation de la mandante à leur verser une indemnité de procédure.

Ils n'ont ainsi formé aucune prétention tendant à prononcer la nullité du mandat et de la clause pénale.

Il conviendra donc de déclarer sans objet la demande de la société Pharmathèque, tendant à déclarer irrecevable la demande des consorts [S] tendant à la nullité du mandat et de la clause pénale.

Sur la demande en réalisation de la vente forcée :

Selon les articles 4 et 5 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

Le premier juge a débouté la mandataire de sa demande en réalisation de la vente forcée.

Mais une lecture attentive des écritures de l'intéressée, soutenues oralement à l'audience du premier juge, et ressortant du jugement, met en évidence que celle-ci n'avait jamais formé une telle demande.

Le premier juge a ainsi modifié l'objet du litige et a statué sur une prétention dont il n'était pas saisi.

Il y aura donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la mandataire de sa demande en réalisation de la vente forcée, pour constater que cette demande n'avait pas été formulée.

Sur la nullité du mandat et de la clause pénale :

Dans les motifs de leurs écritures, les mandants sollicitent la nullité du mandat et de la clause pénale.

Mais ils n'ont présenté aucune demande en ce sens dans le dispositif de leurs écritures.

Et l'invocation de ces nullités, bien loin de s'analyser comme un seul moyen opposant, doivent s'analyser en réalité comme des demandes qu'il y a lieu de formuler selon les dispositions qui leur sont applicables.

Or, en vertu du dernier des textes cités plus haut, la cour n'est pas saisie d'une telle prétention, qui n'a pas été formulée au dispositif des écritures des intimés, et à laquelle elle n'est pas tenue de répondre.

Sur la faute contractuelle des mandants:

Selon l'article 101 du Code civil,

Le contrat est un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destinées à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.

Selon l'article 1103 du Code civil,

Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l'article 1104 du même code,

Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.

Selon l'article 1583 du même code,

Elle (la vente) est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'est pas encore été livrée ni le prix payé.

Il résulte des dispositions du dernier de ces textes que la vente est un contrat consensuel qui exige un accord de volonté sur la chose et sur le prix, et qui n'est soumis à aucune condition de forme.

Reposant sur la rencontre d'une offre et d'une acceptation, la perfection de la vente suppose l'émission d'une offre valable, qui doit être précise, renfermant les éléments essentiels du contrat en projet, mais également ferme, c'est à dire manifestant la volonté d'être lié en cas d'acceptation.

A cette offre, doit correspondre une acceptation, portant sur les éléments essentiels du contrat projeté, et ne contenant aucun élément de contre-proposition, lequel disqualifiait alors immédiatement l'acceptation en offre.

La vente est parfaite entre les parties dès lors qu'on est convenu de la chose et du prix, et lorsque le contrat a été conclu purement et simplement, il n'est pas possible à l'une des parties d'invoquer un défaut d'accord sur les modalités de la vente pour se soustraire à son exécution.

Un simple contrat d'entremise, consistant dans la recherche d'acquéreur, ne permet pas au mandataire d'engager son mandant pour l'opération envisagée (Cass. 1ère civ., 14 décembre 2004, n°03-10.528).

Et il importe peu que le mandat comporte une clause au terme de laquelle le mandant s'engage à ratifier la vente à tout acquéreur présenté par le mandataire, acceptant les prix, charges et conditions du mandat (Cass. 1ère civ., 7 juillet 1992, n°90-21.779).

Le mandat, même exclusif, donné un agent immobilier lui confère seulement une mission d'entremise et n'a pas pour effet de le substituer à son mandant pour la réalisation de l'opération envisagée, à moins qu'une clause spéciale ne l'y autorise expressément, pour une opération déterminée dans les termes de l'article 72, alinéa 3, du décret du 20 juillet 1972 (1ère civ., 6 mars 1996, n°93-19.262, Bull. 1996, I, n°114).

À défaut d'une telle clause, expresse, le mandant n'est pas tenu de réaliser la vente avec la personne que le mandataire lui a présentée; il ne peut donc commettre une faute en refusant de contracter, fût-ce aux conditions prévues pour la mise en vente du bien ; les parties restent libres jusqu'au bout de conclure une opération que l'intermédiaire immobilier a seulement reçu mission de faciliter et de négocier (Cass. 1ère civ., 28 juin 2012, n°10-20.492, Bull. 2012, I, n°143).

Le mandat litigieux, signé le 6 octobre 2020 respectivement par Monsieur [K] et Madame [C], comporte notamment des clauses suivantes:

- Au paragraphe 'désignation':

La mention que le mandat porte sur la vente des parts sociales de la société [S], avec indication de son adresse et de son numéro de Siret ;

- Au paragraphe 'conditions de la vente 'clauses particulières ', en sa rubrique 'prix et modalités de paiement':

que les parts sociales détenues dans la société devront être présentées au prix découlant d'une revalorisation de la totalité du fonds de commerce (éléments corporels et incorporels) au prix de 3'150'000 €, auxquels s'ajoutera l'actif circulant et se retranchera les dettes; les comptes courants étant payés par l'acheteur s'ils figurent au passif et remboursés par le vendeur s'ils figurent à l'actif ;

une clause de garantie d'actif et passif de trois ans plus l'année en cours, sans limitation du montant sera consenti par le vendeur à l'acheteur;

le mandant reconnaît et accepte que le prix auquel il demande au mandataire de vendre le fonds de commerce ou les parts sociales, n'exclut pas la rémunération du mandataire, prévus ci-dessous;

- Et en sa sous-rubrique 'conditions particulières':

« la vente des parts ne se fera qu'à la condition que 100 % des parts de la société ne soient vendus;

- Au paragraphe « durée du mandat non exclusif »,

* Le présent mandat est consenti sans exclusivité, pour une durée de 24 mois partant du jour de sa signature, et dont les trois premiers mois sont irrévocables.

Passée la période d'irrévocabilité, il pourra être dénoncé à tout moment par chacune des parties, à charge pour celle qui entend y mettre fin d'en aviser l'autre partie 15 jours à l'avance, par lettre recommandée avec avis de réception;

* le présent mandat prendra fin au cas où la vente aurait été conclue avec une personne non présentée par le mandataire, sans alors aucune obligation à la charge du mandant que celle d'en informer dans un délai de trois jours le mandataire, par lettre recommandée avec une réception, avec mention du prix de vente finale, de l'identité précise du ou des acheteurs et dans le cas où il s'agit d'une personne morale, des éléments d'identification précis de celle-ci et de l'ensemble de ses associés et dirigeants; le mandant informera également le mandataire de l'identité du rédacteur de la cession ainsi que, le cas échéant, de l'intermédiaire intervenu;

* Il est expressément convenu que pendant la durée du mandat et dans les 18 mois qui suit son terme, quel qu'en soit la cause, le mandant s'interdit de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ayant visité les locaux avec lui, ou ayant été informé tant dans les locaux du mandataire que par courrier ou ayant reçu du mandataire des documents relatifs aux biens vendus, étant précisé que le mandataire s'oblige à informer le mandant jusqu'à son terme, des personnes ainsi informées et contactées ;

* A défaut de respecter cette obligation, le mandant s'engage expressément à verser au mandataire une indemnité forfaitaire, qu'il accepte entièrement et définitivement, d'un montant égal à celui de la rémunération du mandataire stipulé dans le présent mandat pour l'opération à réaliser ;

cette rémunération ayant été fixée à 5 % hors taxes du prix du fonds de commerce revalorisé majoré de la tva ;

- Au paragraphe « pouvoirs du mandataire »,

le présent mandat comporte tous pouvoirs et habilitations pour le mandataire de vendre et d'engager son mandant par la signature, en son nom, d'un compromis de vente de tout autre accord engageant en même temps l'acquéreur sous les conditions et au prix ci-dessus précisé.

Au paragraphe « obligations particulières du mandant »,

au surplus, de convention expresse et à titre de condition essentielle et présente convention, le mandant s'engage :

A signer aux prix, charges et conditions convenues, toute promesse de vente ou tout compromis de vente, quand bien même y aurait-il une condition suspensive d'obtention de prêts, puis à ratifier la vente une fois les éventuelles conditions suspensives levées.

A titre liminaire, il y a lieu d'observer que la mandataire sollicite l'indemnité forfaitaire venant réparer son préjudice découlant de l'irrespect par les mandants de leurs obligations contractuelles, et non pas la rémunération de l'opération réalisée par son entremise.

C'est dès lors de manière inopérante que ceux-ci font grief à celle-là de prétendre à la perception de sa rémunération, alors que celle-ci, aux termes contractuels, n'est exigible qu'en cas de réalisation du mandat, et plus spécialement au jour où l'opération est constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties.

* * * * *

En premier lieu, il résulte de la clause insérée au paragraphe 'pouvoirs du mandataire', conférant à ce dernier tous pouvoirs et habilitation de vendre et d'engager son mandant, que celui-ci a expressément donné pouvoir à celui-là de le représenter pour conclure la vente.

Ainsi, il ne leur était plus loisible de refuser de donner suite à la proposition d'un acquéreur proposant l'achat aux prix et termes convenus, alors qu'ils étaient représentés par l'agent immobilier.

Ainsi, le contrat de mandat litigieux doit s'analyser en un mandat de vente par les consorts [S], permettant à la société Pharmathèque d'engager ceux-ci par l'acceptation d'un éventuel acquéreur.

* * * * *

En deuxième lieu, les consorts [S] soutiennent ne pas avoir émis une offre de vente, ni avoir accepté la proposition de Monsieur [H], de sorte que les éléments invoqués par son adversaire ne peuvent témoigner d'un accord de volonté sur la chose et le prix, marquant la perfection de la vente.

Au regard des clauses afférentes à la désignation, aux conditions de la vente et aux clauses particulières, il apparaît que le mandat porte sur la vente des parts sociales de la société [S], au prix de 3 150 000 euros, avec stipulation d'une clause de garantie d'actif et passif de trois ans plus l'année en cours, sans limitation du montant, qui sera consenti par le vendeur à l'acheteur, et sous réserve de la vente de l'intégralité des parts sociales.

Ainsi, par la précision de la définition de la chose et du prix, ce contrat de mandat, par lequel les mandants ont confié au mandataire le pouvoir de les engager à vendre, constitue une offre de vente.

Et, l'examen de la proposition émanant de Monsieur [H] du 4 novembre 2020 met en évidence que celui-ci propose de manière ferme et définitive l'achat de la totalité des parts de la société [S] au prix exactement convenu dans le mandat.

Il s'en déduit que cette offre est donc précise, renferme les éléments essentiels du contrat projeté, et manifeste la volonté de son auteur d'être liée en cas d'acceptation.

Certes, cette offre d'achat comporte notamment :

- une clause de non-concurrence, faisant interdiction aux cédants de s'établir dans un rayon de 15 km à vol d'oiseau de la pharmacie cédée pendant 5 ans;

- une garantie de passif, prévoyant un montant d'indemnisation de 700 000 euros avec un seuil de déclenchement à 1000 euros ;

- l'engagement, par la Selarl [S] de s'obliger préalablement à se transformer en Selas, les frais de transformation restant à charge de l'acquéreur.

Mais alors que le mandat n'avait pas prévu de stipulation particulière s'agissant d'une clause de non-concurrence, ou d'un quelconque engagement préalable s'agissant de la modification de la forme de la société dont les parts devaient être cédées, les mandants sont mal venus à faire grief à l'agent immobilier la prévision de telles clauses par son prospect.

De même, alors que le mandant avait prévu qu'une clause de garantie d'actif et passif de trois ans plus l'année en cours, sans limitation du montant, qui serait consentie par le vendeur à l'acheteur il sera observé que la clause y afférente insérée dans l'offre répond exactement à ces prévisions contractuelles.

Et alors que celle-ci n'avait prévu aucun montant d'indemnisation ni aucun seuil de déclenchement, et bien plus avait expressément prévu une absence de limitation de montant de la garantie, les mandants ne peuvent faire aucun grief à l'offre ainsi présentée d'avoir prévu des modalités à ces égards, pour justifier leur refus de n'y pas consentir.

Ainsi, sous réserve de l'antériorité analysée plus bas, l'acceptation par Monsieur [H] serait susceptible de matérialiser la rencontre des volontés sur la chose et le prix proposées dans l'offre de vente des consorts [S].

* * * * *

En troisième lieu, il y aura lieu de déterminer la chronologie des deux offres concurrentes évoquées par les parties.

Car il sera rappelé que selon les termes du mandat litigieux, celui-ci prendrait fin au cas où la vente aurait été conclue avec une personne non présentée par le mandataire

Les mandants produisent l'offre d'achat en date du 2 novembre 2020, présentée par Madame [Z], (conforme au mandat litigieux donné à hauteur de 3 150 000 euros), ainsi qu'une offre ultérieure de celle-ci au prix de 3 160 000 euros, reçue par l'intermédiaire du cabinet [B], autre mandataire sollicité par les associés.

Une lecture littérale de cette offre montre l'accord de son émettrice quant à la chose et au prix, ainsi que sa volonté d'être liée en cas d'acceptation.

Dans ses écritures (page 7), la société Pharmathèque concède, notamment au regard du courrier évoqué ci-après, que cette offre n'a pas été antidatée pour les besoins de la cause.

Mais elle persiste à soutenir que l'offre y afférente n'aurait pas été la première à être notifiée aux vendeurs.

Cependant, il ressort du courriel du conseil de Madame [Z] et du cabinet [B] du 18 novembre 2020, mettant en demeure les vendeurs de signer une promesse de vente dans les termes de l'offre d'achat de celle-là du 2 novembre 2020, que les vendeurs reconnaissent avoir eu connaissance de cette offre à cette date.

De plus, il ressort de l'écrit émanant du cabinet [B] que ce dernier y atteste que l'offre signée par Madame [Z] le 2 novembre 2020 a été présentée le même jour par son préposé Monsieur [N] [W] à Monsieur [K] et à Madame [C].

Et la circonstance que l'offre du 2 novembre 2020 ne comporte pas l'état civil complet et l'adresse des consorts [S], pour se borner sur ce point à faire état de leurs seuls noms et prénoms, au regard du consensualisme propre à la vente, n'est pas de nature à porter atteinte à la perfection de cette offre, comportant tous les autres éléments utiles sur la chose et le prix.

La circonstance que Madame [Z] ait formulé une seconde offre, d'un prix légèrement supérieur, qui a été celui finalement retenu dans l'acte de cession des parts sociales du 26 août 2021 finalement passé avec celle-ci, n'est pas de nature à démontrer que son offre initiale n'aurait pas été notifiée aux mandants le 2 novembre 2020, mais l'aurait été à une date ultérieure.

Ainsi, il est établi que l'offre de Madame [Z], présentée par l'entremise du cabinet [B], a été portée à la connaissance des consorts [S] le 2 novembre 2020.

La présentation de cette offre, par ailleurs en tout point conforme à la chose et aux prix objet du mandat de vente litigieux passé avec la société Pharmathèque, est donc antérieure à la présentation par cette dernière de l'offre de Monsieur [H] formulée par ce dernier le 4 novembre 2020.

* * * * *

A l'issue de cette analyse, il y aura lieu de retenir que l'offre d'achat de Madame [Z], recueillie par le cabinet [B], a été portée à la connaissance des consorts [S] dès le 2 novembre 2020, tandis que l'offre de Monsieur [H], recueillie par la société Pharmathèque, n'a été présentée à ceux-ci que le 4 ou 5 novembre 2020.

Et l'offre d'achat de Madame [Z], s'agissant de la chose et du prix, est en tout point semblable à celle objet du contrat de mandat litigieux, de telle sorte qu'elle manifeste un accord des volontés sur la chose et le prix, marquant la perfection de la vente.

Il s'en déduira donc que par la présentation antérieure de cette première acceptation, le contrat de mandat liant la société Pharmathèque aux consorts [S] avait pris fin, sans que la présentation ultérieure par la mandataire de l'offre de Monsieur [H] du 4 novembre 2020 puisse modifier cette analyse.

Ainsi, le refus des consorts [S] de donner suite à l'offre de Monsieur [H] n'est pas fautif, et ne peut ouvrir droit à indemnisation du chef de la mandataire.

* * * * *

Selon l'article 1190 du Code civil, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016, applicable au litige,

Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.

Le contrat litigieux, dans son « durée du mandat non exclusif », a stipulé que:

Le présent mandat est consenti sans exclusivité, pour une durée de 24 mois partant du jour de sa signature, et dont les trois premiers mois sont irrévocables.

Passée la période d'irrévocabilité, il pourra être dénoncé à tout moment par chacune des parties, à charge pour celle qui entend y mettre fin d'en aviser l'autre partie 15 jours à l'avance, par lettre recommandée avec avis de réception ;

- le présent mandat prendra fin au cas où la vente aurait été conclue avec une personne non présentée par le mandataire, sans alors aucune obligation à la charge du mandant que celle d'en informer dans un délai de trois jours le mandataire, par lettre recommandée avec une réception, avec mention du prix de vente finale, de l'identité précise du ou des acheteurs et dans le cas où il s'agit d'une personne morale, des éléments identifiés question précis de celle-ci et de l'ensemble de ses associés et dirigeants; le mandant informera également le mandataire de l'identité du rédacteur de la cession ainsi que, le cas échéant, de l'intermédiaire intervenu ;

- Il est expressément convenu que pendant la durée du mandat et dans les 18 mois qui suit son terme, quel qu'en soit la cause, le mandant s'interdit de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ayant visité les locaux avec lui, ou ayant été informé tant dans les locaux du mandataire que par courrier ou ayant reçu du mandataire des documents relatifs aux biens vendus, étant précisé que le mandataire s'oblige à informer le mandant jusqu'à son terme, des personnes ainsi informées et contactées ;

A défaut de respecter cette obligation, le mandant s'engage expressément à verser au mandataire une indemnité forfaitaire, qu'il accepte entièrement et définitivement, d'un montant égal à celui de la rémunération du mandataire stipulé dans le présent mandat pour l'opération à réaliser ;

Pour réclamer paiement de l'indemnité forfaitaire, la société Pharmathèque soutient aussi que les consorts [S] auraient manqué tant à leur obligation de bonne foi qu'à leur obligation d'information prévue par la clause susdite.

Avec la mandataire, il échet d'observer que les intéressés ne l'ont pas informée de la conclusion de la vente avec Madame [Z] dans les 3 jours de celle-ci, et encore par lettre recommandée avec accusé de réception, et sont restés totalement silencieux à l'égard des demandes de la société Pharmathèque à compter du 5 novembre 2020.

Car ce n'est que par courrier de leur conseil en date du 18 décembre 2020 qu'ils ont informé la société Pharmathèque de l'antériorité d'une offre concurrente, et encore en se refusant expressément à donner le moindre élément d'identification de l'acquéreur ainsi présenté.

Ils ont ainsi commis une faute contractuelle : le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la mandante de ses demandes indemnitaires en l'absence de faute contractuelle des intéressés.

Mais la lecture de la clause susdite, à tout le moins ambiguë, ne permet pas de déterminer à quelle obligation, dont le défaut de respect ouvre droit à l'indemnitaire forfaitaire, sanctionnable au cas d'espèce, est-il exactement fait référence.

Par contiguïté, il peut être retenu avec certitude que l'obligation, unique, à laquelle il est fait référence, et avec l'emploi d'un pronom démonstratif marquant la proximité, est constituée par l'interdiction de traiter avec un prospect présenté par l'intermédiaire pendant la durée du mandant, et dans les 18 mois suivant son terme.

Mais il n'est pas évident que cette sanction porte également sur le manquement des mandants à leur obligation d'information du mandataire, dans l'hypothèse d'une conclusion de la vente avec une personne non présentée par la société Pharmathèque, cette obligation n'étant plus contiguë à la sanction édictée.

Ainsi, cette clause doit s'interpréter en faveur des consorts [S] et au détriment de la société Pharmathèque, pour en retenir que celle-ci ne peut pas prétendre à l'indemnité forfaitaire en cas de manquement des mandants à leur obligation contractuelle d'information.

Et enfin, le contrat liant les parties ne prévoit pas que le manquement des mandants à leur obligation de bonne foi les oblige au paiement de l'indemnité contractuelle susdite.

Ainsi, la société Pharmathèque ne pas prétendre au paiement de l'indemnité contractuelle susdite.

La société Pharmathèque sera donc déboutée de sa demande y afférente, et le jugement sera infirmé de ce chef.

* * * * *

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Pharmathèque aux dépens de première instance, et à payer aux consorts [S] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

Succombante à hauteur de cour , la société Pharmathèque sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances, et sera condamnée aux dépens d' appel et à payer aux consorts [S] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d' appel .

PAR CES MOTIFS:

La Cour ,

statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette les écritures n°7 et les pièces n°15, 16 et 17, déposées le 20 juin 2023 par Madame [T] [C] et Monsieur [U] [K] ;

Rejette la demande de Madame [T] [C] et de Monsieur [U] [K] tendant au report de la clôture à l'audience de plaidoirie du 21 juin 2023 ;

Déclare sans objet la demande de la société à responsabilité limitée Pharmathèque C.I.E. , tendant à déclarer irrecevable la demande de Madame [T] [C] et de Monsieur [U] [K] tendant à la nullité du mandat et de la clause pénale ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a:

- débouté la société à responsabilité limitée Pharmathèque C.I.E. de sa demande de réalisation forcée de la vente ;

- débouté la société à responsabilité limitée Pharmathèque C.I.E. de ses demandes indemnitaires en l'absence de fautes contractuelles commises par Madame [T] [C] et de Monsieur [U] [K] ;

Infirme le jugement déféré de ces seuls chefs ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Constate que la la société à responsabilité limitée Pharmathèque C.I.E. n'avait pas demandé la réalisation forcée de la vente ;

Déboute la société à responsabilité limitée Pharmathèque C.I.E. de sa demande à titre d'indemnité forfaitaire ;

Déboute la société à responsabilité limitée Pharmathèque C.I.E. de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d' appel ;

Condamne la société à responsabilité limitée Pharmathèque C.I.E. aux dépens d' appel et à payer à Madame [T] [C] et à Monsieur [U] [K] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d' appel.