CA Nancy, 1re ch., 11 mars 2024, n° 22/01816
NANCY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Polymonde (SARL)
Défendeur :
Press Art (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cunin-Weber
Conseillers :
Mme Buquant, Mme Olivier-Vallet
Avocats :
Me Bach-Wassermann, Me Begel, Me Toussaint, Me Millot-Logier, Me Ringeisen, Me Toussaint, Me Delbecq
EXPOSÉ DU LITIGE
La Société par Actions Simplifiée Press Art fabrique et commercialise depuis le 1er juillet 2015 un presse-citron individuel de table sous la marque "Press Art" déposée notamment comme marque française verbale sous le n° 3663550 le 10 juillet 2009 et enregistrée le 18 décembre 2009 pour protéger les produits et services relevant des classes 7, 8 et 21 de la classification de [Localité 5].
Monsieur [H] [I] travaille au sein de la société Proengitech International Co., Ltd, sise à [Localité 3] qui développe une activité de fabrication de produits manufacturés notamment au travers de la société de droit thaïlandais CPIM Thaïland dont il est le dirigeant.
Monsieur [I] a déposé le 14 juin 2016, en son nom personnel, auprès de l'Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI), un dessin et modèle n° 20163075 d'un presse-agrumes. Le modèle a été publié le 26 août 2016.
La Société à Responsabilité Limitée (SARL) Polymonde, dont le siège social est situé à [Localité 4], commercialise différents produits lors de foires ou de salons. Elle a notamment commercialisé des presse-citrons "Press Art" dans un stand à l'occasion du marché de Noël de La Défense fin 2015.
Par courrier du 28 octobre 2016, la SAS Press Art a mis en demeure Monsieur [I] de procéder au retrait du dessin et modèle enregistré à l'INPI sous le n° 20163075, de fournir l'ensemble des éléments relatifs à la fabrication et à la commercialisation du presse-citron contrefaisant le presse-citron de la marque "Press Art" et de s'engager à ne pas porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la SAS Press Art.
Par courrier du 24 novembre 2016, la SAS Press Art a mis en demeure la SARL Polymonde de cesser les atteintes portées à ses droits et d'indemniser ses préjudices.
Par ordonnance du 2 décembre 2016, la SAS Press Art a été autorisée à faire procéder à une saisie-contrefaçon sur le stand n° 161 du marché de Noël de La Défense occupé par la SARL Polymonde.
Le 3 décembre 2016, la SAS Press Art a fait dresser un constat par huissier afin d'établir que la SARL Polymonde continuait de vendre le presse-citron litigieux sur ce stand.
Par actes d'huissier délivrés les 28 et 29 decembre 2016, la SAS Press Art a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nancy Monsieur [I] et la SARL Polymonde en contrefaçon de droit d'auteur sur le presse-citron qu'elle exploite, de condamner la SARL Polymonde et Monsieur [I] à lui verser la somme de 215800 euros en réparation des actes de contrefaçon de droit d'auteur et 130000 euros au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement contradictoire du 24 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- déclaré la SAS Press Art recevable à agir en contrefaçon à l'encontre de la SARL Polymonde et de Monsieur [I],
- débouté la SARL Polymonde et Monsieur [I] de leurs demandes,
- dit que la SARL Polymonde a commis des actes de contrefaçon du presse-citron individuel de table "Press Art" en important et commercialisant sur le territoire français les presse-citrons litigieux présentés sous la dénomination "L'indispensable",
- dit que Monsieur [I] a commis des actes de contrefaçon du presse-citron individuel de table "Press Art" en déposant le dessin et modèle n° 20163075 et, en tant que dirigeant de la société CPIM Thaïland, en fournissant à la SARL Polymonde les presse-citrons litigieux,
- condamné in solidum la SARL Polymonde et Monsieur [I] à payer à la SAS Press Art, les sommes de :
* 49600 euros au titre du préjudice de perte d'exploitation,
* 39212 euros au titre du bénéfice retiré de l'atteinte aux droits,
* 10000 euros au titre du préjudice moral,
- condamné Monsieur [I] à payer la somme de 1000 euros au titre du préjudice résultant du depôt du modèle n° 20163075,
- prononcé la nullité du modèle n° 20163075,
- ordonné la transmission de la décision à l'INPI aux fins d'inscription au registre national des dessins et modèles,
- condamné in solidum la SARL Polymonde et Monsieur [I] à payer à la SAS Press Art la somme de 10000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- interdit à la SARL Polymonde et Monsieur [I] de reproduire, de représenter, de fabriquer, d'importer, d'exporter et de commercialiser des copies du presse-citron individuel de table 'Press Art' sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision,
- ordonné la remise par la SARL Polymonde des moules permettant la fabrication des copies du presse-citron individuel de table 'Press Art' à la SAS Press Art en vue de leur destruction,
- ordonné le rappel des copies du presse-citron individuel de table 'Press Art' déjà mises sur le marché et la destruction de ces copies ainsi que de tout stock contrefaisant détenu directement ou indirectement par Polymonde ou Monsieur [I] à ses frais,
- ordonné la publication judiciaire du jugement à intervenir sur la page d'accueil de son site internet situé à l'adresse et de la SAS Press Art situé à l'adresse pendant une durée de deux mois ainsi que dans trois revues ou journaux au choix de la SAS Press Art et aux frais avancés par Monsieur [I] et par la SARL Polymonde, dans la limite de 5000 euros par publication,
- condamné in solidum la SARL Polymonde et Monsieur [I] aux dépens, en ce compris l'ensemble des frais et charges exposés au titre de la saisie contrefaçon réalisée,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que la SAS Press Art avait qualité à agir en contrefaçon au motif qu'elle était cessionnaire des droits d'exploitation du presse citron individuel de table 'Press Art' créé par Madame [J] depuis le 1er août 2015 et qu'elle l'exploitait de manière non équivoque.
Il a estimé que la demande en nullité de la saisie-contrefacon était recevable bien que la nullité n'ait pas été soulevée in limine litis conformément aux articles 71 et 72 du code de procédure civile dès lors qu'il s'agissait d'une défense au fond mais l'a jugée mal fondée au motif que l'huissier avait régulièrement signifié l'ordonnance autorisant la mesure et procédé aux actes nécessaires à établir l'origine, la consistance et l'étendue de la contrefaçon sans excéder les pouvoirs que lui conférait l'ordonnance.
Le tribunal a rejeté l'argument tiré de l'article 2.7 de la Convention de Berne, considérant que le presse-citron en cause était éligible à la protection du droit d'auteur prévue par la loi française dès lors que la France apparaissait comme son pays d'origine au regard du dépôt du dessin et modèle français n°070675 le 9 février 2007 réalisé par Madame [J].
Sur l'originalité, le tribunal après avoir rappelé que le défaut de nouveauté était inopérant a dit que la combinaison des formes et du matériau choisis conféraient au presse-citron 'Press Art' une esthétique propre reflétant la personnalité de son auteur de sorte qu'il constituait une oeuvre protégeable au titre du droit d'auteur.
Sur la contrefaçon, le tribunal a estimé que le presse-citron commercialisé par la SARL Polymonde constituait une reproduction servile de celui opposé par la SAS Press Art, cette reproduction constituant une contrefaçon dont la SARL Polymonde était responsable dès lors qu'elle ne pouvait se prévaloir d'une autorisation donnée par la SAS Press Art.
Il a en outre jugé que Monsieur [I] avait participé aux actes de contrefaçon en déposant le modèle n°20163075 à l'INPI le 14 juin 2016, modèle à partir duquel SARL Polymonde a commercialisé le presse-citron litigieux.
Sur le préjudice, le tribunal a retenu que le dépôt du dessin et modèle auprès de l'INPI était assimilable à un acte de contrefacon, indemnisé le préjudice de la SAS Press Art à hauteur de 1000 euros et prononcé la nullité dudit modèle. Il a évalué le montant du préjudice résultant de la perte d'exploitation à 49600 euros au regard d'une marge de 4,96 euros pour chacun des 10000 exemplaires achetés à la SAS Proengitech International. Le préjudice résultant du bénéfice perdu a été évalué à 39212 euros sur la base de 10000 exemplaires contrefaisants vendus avec une marge de 4,12 euros par exemplaire, la SARL Polymonde a ainsi réalisé un bénéfice de 41200 euros duquel il convenait de déduire le montant d'une facture de 1440 euros ainsi que celle de 548 euros au titre de la décoration du stand. Au titre du préjudice moral le tribunal a retenu que la SARL Polymonde et Monsieur [I] avaient porté atteinte à l'image de la SAS Press Art du fait de la banalisation du produit résultant de sa vente à bas coût et fixé à 10000 euros le montant des dommages et intérêts de ce chef.
Par déclaration au greffe en date du 1er août 2022, la SARL Polymonde a interjeté appel du jugement rendu le 24 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy dans l'instance qui l'oppose à la SAS Press Art et à Monsieur [I], appel enregistré sous le n°RG 22/1816.
Par déclaration au greffe en date du 12 septembre 2022 enregistrée le 13 septembre 2022, Monsieur [I] a interjeté appel de ce même jugement, appel enregistré sous le n°RG 22/2068.
Par ordonnance d'incident en date du 19 juillet 2023, le magistrat de la mise en état a notamment :
- rejeté le moyen de caducité de l'appel de la SARL Polymonde,
- déclaré irrecevables les conclusions communiquées par voie électronique le 10 février 2023 par la SAS Press Art, tant au fond que sur incident,
- ordonné la jonction des procédures d'appel diligentées contre le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 24 juin 2022 tant par la SARL Polymonde (n°22/1816) que par Monsieur [I] (n°22/02068), sous le premier numéro,
- condamné la SAS Press Art aux dépens de la procédure sur incident.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Polymonde demande à la cour, sur le fondement des livres I, III et V du code de la propriété intellectuelle, des articles 1231-2 et 1240 du code civil, des articles 909, 699 et 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 24 juin 2022 en ce qu'il :
* a déclaré la SAS Press Art recevable à agir en contrefaçon à l'encontre de Polymonde,
* l'a déboutée de ses demandes,
* a dit qu'elle a commis des actes de contrefaçon du presse-citron individuel de table "Press Art" en important et commercialisant sur le territoire français les presse-citrons litigieux présentés sous la dénomination "L'indispensable",
* condamné in solidum Monsieur [I] et elle à payer à la SAS Press Art, les sommes de :
o 49600 euros au titre du préjudice de perte d'exploitation,
o 39212 euros au titre du bénéfice retiré de l'atteinte aux droits,
o 10000 euros au titre du préjudice moral,
* a condamné in solidum Monsieur [I] et elle à payer à la SAS Press Art la somme de 10000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* lui a interdit ainsi qu'à Monsieur [I] de reproduire, de représenter, de fabriquer, d'importer, d'exporter et de commercialiser des copies du presse-citron individuel de table « Press Art » sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision,
* a ordonné qu'elle remette les moules permettant la fabrication des copies du presse-citron individuel de table 'Press Art' à la SAS Press Art en vue de leur destruction,
* a ordonné le rappel des copies du presse-citron individuel de table "Press Art" déjà mises sur le marché et la destruction de ces copies ainsi que de tout stock contrefaisant détenu directement ou indirectement par Polymonde ou Monsieur [H] [I] à ses frais,
* a ordonné la publication judiciaire du jugement à intervenir sur la page d'accueil de son site internet situé à l'adresse www.Polymonde-boutique.com et de la SAS Press Art situé à l'adresse www.thePressArt.com pendant une durée de deux mois ainsi que dans trois revues ou journaux au choix de la SAS Press Art et aux frais avancés par Monsieur [I] et par elle, dans la limite de 5000 euros par publication,
* a condamnée in solidum Monsieur [I] et elle aux dépens, en ce compris l'ensemble des frais et charges exposés au titre de la saisie contrefaçon réalisée,
* a ordonné l'exécution provisoire de la décision,
Et statuant de nouveau,
A titre principal,
- constater qu'il existe des exploitations antérieures et concomitantes du presse-citron "Press Art" par des entités tierces à la SAS Press Art,
- constater que la SAS Press Art ne justifie pas d'une exploitation paisible et non équivoque du presse-citron "Press Art",
- juger que la cession de droits de propriété intellectuelle de Madame [J] au bénéfice de la SAS Press Art portant sur le presse-citron "Presse Art", en date du 1er août 2015 est nulle,
En conséquence,
- juger la SAS Press Art irrecevable à agir en contrefaçon à son encontre,
A titre subsidiaire,
- juger que le presse-citron 'Press Art' n'est pas une oeuvre originale protégeable par le droit d'auteur,
- juger qu'elle n'a pas commis d'actes de contrefaçon du presse citron individuel de table "Press Art" en important et en commercialisant sur le territoire français les presse-citrons litigieux présentés sous la dénomination "L'indispensable",
- juger qu'elle n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale ni parasitaires,
- rejeter l'ensemble des demandes formulées par la SAS Press Art à son encontre sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire,
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner in solidum Monsieur [I] et elle à verser à la SAS Press Art la somme de 9465 euros au titre des pertes d'exploitation,
- condamner in solidum Monsieur [I] et elle à verser à la SAS Press Art la somme de 6310 euros au titre des bénéfices retirés de l'atteinte aux droits,
- la condamner à verser à la SAS Press Art la somme d'un euro symbolique au titre du préjudice moral,
En tout état de cause,
- condamner la SAS Press Art à lui verser la somme de 20000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Press Art aux entiers frais et dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 28 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [I] demande à la cour, sur le fondement des livres I et III du code de la propriété intellectuelle, des articles 1240 et suivants du code civil, de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 24 juin 2022, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la SAS Press Art fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire, en retenant le dispositif suivant :
A titre principal,
- dire et juger que les conclusions au fond de la SAS Press Art du 10 février 2023 et du 6 novembre 2023 sont irrecevables,
- dire et juger que la SAS PressArt est irrecevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur, pour défaut de qualité à agir, dès lors qu'elle ne peut se prévaloir d'aucune présomption de titularité et d'aucune cession de droits,
- dire et juger que le presse-citron revendiqué par la SAS Press Art ne bénéficie d'aucune protection au titre du droit d'auteur en France, dès lors que sa description est trop vague pour donner prise au droit d'auteur, qu'il est dépourvu de toute originalité, et que la condition de réciprocité posée par l'article 2.7 de la Convention de Berne n'est pas remplie,
- dire et juger que la SAS PressArt est irrecevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur pour défaut de sa qualité à défendre,
Subsidiairement,
- dire et juger qu'il n'a commis aucun acte de contrefaçon au détriment de la SAS Press Art, et que sa responsabilité personnelle ne saurait être engagée,
- dire et juger qu'il n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire,
En conséquence,
- déclarer irrecevable la SAS Press Art de l'intégralité de ses demandes,
- rejeter et débouter la SAS Press Art de l'intégralité de ses demandes,
- rejeter les demandes formulées par la SAS Press Art sur le fondement de la contrefaçon, dès lors qu'il n'a commis personnellement aucun acte de contrefaçon de droits d'auteur au détriment de la SAS Press Art,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy rendu le 24 juin 2022 en ce qu'il a déclaré la SAS Press Art recevable à agir en contrefaçon à son encontre,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy rendu le 24 juin 2022 en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Polymonde et lui à payer à la SAS Press Art les sommes de :
* 49600 euros au titre du préjudice de perte d'exploitation,
* 39212 euros au titre du bénéfice retiré de l'atteinte aux droits,
* 10000 euros au titre du préjudice moral,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy rendu le 24 juin 2022 en ce qu'il l'a condamné à payer à la SAS Press Art la somme de 1000 euros au titre du préjudice résultant du dépôt du modèle n° 20163075,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy rendu le 24 juin 2022 en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Polymonde et lui à payer à la SAS Press Art la somme de 10000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy rendu le 24 juin 2022 en ce qu'il a prononcé la nullité du modèle n° 20163075 et ordonné la transmission de la décision à l'INPI aux fins d'inscription au registre national des dessins et modèles,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy rendu le 24 juin 2022 en ce qu'il lui a interdit de reproduire, de représenter, de fabriquer, d'importer, d'exporter et de commercialiser des copies du presse-citron "Press Art", sous astreinte de 500 euros par infraction à compter de la signification de la décision,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy rendu le 24 juin 2022 en ce qu'il a ordonné le rappel des copies du presse-citron "Press Art" ainsi que la destruction des stocks détenus directement ou indirectement par lui,
- condamner la SAS Press Art à lui verser la somme de 10000 suros au titre de la procédure abusive,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy rendu le 24 juin 2022 en ce qu'il a rejeté les demandes de la SAS Press Art fondée sur la concurrence déloyale et le parasitisme,
A titre subsidiaire,
- dire que l'entier préjudice indemnisable de la SAS Press Art ne saurait dépasser la somme de 6311 euros,
- condamner la seule SARL Polymonde à réparer l'entier préjudice de la SAS Press Art en écartant toute condamnation in solidum avec lui,
A titre encore plus subsidiaire,
- dire que sa participation dans la réparation sera limitée à un pourcentage symbolique, et limiter son éventuelle condamnation à ce pourcentage symbolique,
Et en tout état de cause,
- condamner la SAS Press Art à lui verser la somme de 35000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Press Art aux entiers dépens, qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour d'appel entrerait en voie de condamnation à son égard,
- ramener le quantum de ses condamnations à un montant purement symbolique.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 décembre 2023.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 12 décembre 2023 et le délibéré au 11 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par la SARL Polymonde 14 septembre 2023 et par Monsieur [I] 28 novembre 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 5 décembre 2023 ;
Surla recevabilité des conclusions de la société Press Art en date du 14 septembre 2023
L'intimée qui n'a pas remis ses conclusions au greffe dans le délai de trois mois fixé par l'article 909 du code de procédure civile n'est plus recevable à conclure ultérieurement. Elle est réputée s'approprier les motifs du jugement dont elle demande la confirmation. Les conclusions transmises au greffe par voie électronique le 14 septembre 2023 seront donc déclarée irrecevables d'office de même que les pièces énoncées dans le bordereau qui y est joint.
Sur la qualité à agir de la société Press Art,
La société Polymonde et Monsieur [I] opposent en premier lieu que la société Press Art ne justifie pas d'une cession régulière des droits patrimoniaux d'auteur sur le presse-citron litigieux dont il n'est pas contesté qu'il a été créé par Madame [J]. Monsieur [I] oppose en outre que la cession alléguée ne comportant aucune contrepartie s'analyse en une donation qui est nulle faute d'avoir été constatée par un acte notarié.
La cour relève que l'intimée ne s'est pas prévalue en première instance du bénéfice d'une cession des droits d'auteur de Madame [J], mais de la présomption prétorienne de titularité de ces droits résultant de l'exploitation du presse-citron litigieux de sorte que les développements consacrés par les appelantes à l'absence ou à la nullité de la cession de droit sont dépourvus de pertinence.
Sur la présomption de titularité des droits, les appelants font valoir que celle-ci ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce faute d'une exploitation paisible et non équivoque, plusieurs autres sociétés ou entreprises ayant commercialisé ce produit de manière antérieure ou concomitante.
En vertu de cette présomption, l'exploitation non équivoque d'une oeuvre par une personne physique ou morale, sous son nom et en l'absence de revendication de l'auteur, fait présumer à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l'oeuvre du droit de propriété incorporelle de l'auteur. Cette présomption peut être combattue par tous moyens.
La lettre en date du 1er août 2015 produite par la société Press Art (cf pièce n° 24 Polymonde) par laquelle la créatrice, qui indique être associée de cette société, "accorde, à titre exclusif, tous les droits pour assurer directement ou indirectement la fabrication, la commercialisation, la distribution et la promotion pour le monde entier, des presse-citrons individuels de table dénommés Press Art et lui permet à ce titre d'exploiter tous les droits de propriété intellectuelle qui s'y rapportent avec effet au plus tard, à la date de début d'activité de la société Press Art." n'a pas d'autre effet que de venir corroborer, s'il en était besoin, qu'il n'existe pas de revendication de l'auteur.
Les appelants versent aux débats un ensemble de factures propres à démontrer, selon eux, l'existence d'actes d'exploitation par des tiers.
Il convient de préciser d'une part que la société Press Art a été immatriculée au registre du commerce à compter du 9 septembre 2015, pour une activité qui a débuté le 15 juillet précédent ainsi que l'indique l'extrait produit par la société Polymonde et d'autre part, que les actes de contrefaçon reprochés portent sur la période comprise entre le 14 juin 2016, date du dépôt du modèle déposé par Monsieur [I] et les 2 et 3 décembre 2016, date de la saisie-contrefaçon et du constat d'huissier. C'est au cours de cette période qu'il convient d'examiner l'existence d'une exploitation non équivoque de la part de l'intimée.
Antérieurement à la création de la société Press Art, le presse-citron litigieux était exploité par la société Mark & Styl, dont la gérante était précisément Madame [J]. Cette société française, immatriculée depuis 2007, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 25 mars 2015 (cf.pièce n° 8- Polymonde).
Il suit de là que les 24 factures établissant que la société Polymonde se fournissait en presse-citron auprès de la société Mark & Styl entre octobre 2011 et novembre 2014 ne sont pas de nature à combattre utilement la présomption invoquée. La société Polymonde est d'autant moins fondée à soulever ce moyen, qu'après la liquidation de la société Mark & Styl, son fournisseur a précisément été la société Press Art, notamment pour l'approvisionnement de son stand au marché de Noël du Parvis de la Défense en 2015.
Les échanges de factures entre la société Mark & Styl et la société Aravis Injection au cours de la même période ne sont pas davantage pertinents, étant précisé que pour l'essentiel, ces factures montrent que la société Mark & Styl, confiait alors la fabrication des presse-citron à la société Aravis Injection.
Les autres factures concernant la période retenue, soit entre août 2015 et août 2016, portent sur l'achat d'un total de 6000 presse-citrons par la société Aravis Injection à une société Correia Consulting et la revente de 4518 de ces pièces en France par la société Aravis Injection. L'une des factures d'achat porte la mention "destockage".
Ayant été le fabricant des presse-citrons en cause, il est manifeste que l'exploitation qui en a été faite par la société Aravis Injection n'a pas été réalisée de bonne foi et ce d'autant moins qu'elle a acquis ces pièces auprès d'un consultant dont le coeur de métier n'est pas l'achat en vue de la revente. Il s'ensuit que l'existence d'un marché parallèle postérieurement à la liquidation de la société Mark & Styl, marché au demeurant restreint en nombre et géographiquement limité n'est pas suffisant à rendre équivoque l'exploitation réalisée par l'intimée.
Ce moyen sera donc écarté.
Sur le moyen d'irrecevabilité tiré de l'application de l'article 2.7 de la Convention de Berne.
Monsieur [I] oppose encore que le presse- citron litigieux ayant été divulgué pour la première fois en Suisse par la société Mark & Styl et en l'absence de preuve que ce type d'objet soit protégeable par le droit d'auteur dans ce pays, la condition de réciprocité prévue par ce texte ne serait pas satisfaite de sorte qu'il ne serait pas protégeable en France à ce titre.
L'article 2.7° de la Convention de Berne dispose que "Pour les oeuvres protégées uniquement comme dessins et modèles dans le pays d'origine, il ne peut être réclamé dans un autre pays de l'Union que la protection spéciale accordée dans ce pays aux dessins et modèles."
La cour relève que l'appelant ne démontre pas, alors que la charge de la preuve lui en incombe, - ni que le presse-citron Press Art ait été divulgué pour la première fois en Suisse, les justifications invoquées, à savoir les pièces n° 16 et 18 produites par la société Polymonde, étant pour la première une facture de presse-citron datée émise le 27 octobre 2016 par la société ProEngitech International domiciliée à Hong Kong et la seconde une lettre de mise en demeure adressée à la société Polymonde par la Société Press Art le 24 novembre 2016, dans laquelle cette dernière se prévaut notamment de droits d'auteur sur l'objet litigieux créé en 2005, - ni que la Suisse ne protégerait pas les objets d'art appliqués par le droit d'auteur, ce qui au demeurant est inexact (cf. article 2.f, titre 2, chapitre 1 de la loi fédérale sur les droits d'auteur du 9 octobre 1992 modifiée).
Ce moyen d'irrecevabilité sera également écarté.
En conséquence, le jugement contesté sera confirmé sur la recevabilité de l'action.
Sur l'originalité du presse-citron Press Art,
Le tribunal après avoir écarté le critère d'absence de nouveauté inopérant en matière de droit d'auteur, a retenu que le presse-citron en cause se caractérise par une somme de plusieurs éléments spécifiques formant un design particulier. D'un point de vue général, il représente à travers des lignes courbes et épurées le profil d'un petit oiseau. Les angles et les courbures choisies créent par ailleurs un équilibre visuel entre la poignée et le bec verseur, le tout formant des lignes fluides et harmonieuses. Le levier pressoir évoque quant à lui la queue de l'oiseau dont la courbe épouse le fond du presse-citron et dont l'extrémité assure la fermeture du pressoir. Le bec verseur représente le bec de l'oiseau et se caractérise par une ligne courbe pointant vers le bas dans le but d'optimiser son aspect visuel ainsi que son aspect pratique.
Outre le choix de la forme et des proportions, le design est fortement influencé par la matière transparente choisie, marquant une volonté de mettre en avant un style, un raffinement s'inscrivant dans la lignée de la gastronomie française. Ainsi, au-delà de son caractère fonctionnel évident, l'objet propose une valeur nouvelle et une esthétique propre qui lui confère son originalité.
Monsieur [I] estime que la description de l'objet telle qu'énoncée par la demanderesse en première instance est insuffisante à définir les contours de l'originalité qu'elle allègue et ne permet pas de limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans l'étendre à un genre insusceptible d'appropriation. Il oppose en outre que le modèle en cause appartient au domaine public depuis 2012 et constitue à ce titre une antériorité opposable aux droits d'auteurs revendiqués par la SAS Press Art dès lors qu'il a fait l'objet d'un dépôt le 9 février 2007 sous le n°070675 par Madame [J].
La société Polymonde expose pour sa part que le presse-citron "Press Art" ne présente pas de caractère d'originalité car il n'est pas le résultat d'un effort personnel de création de la part de la société Press Art ou d'une recherche esthétique dans la combinaison des éléments essentiels de l'oeuvre dès lors qu'il se limite à reprendre les caractéristiques usuelles d'un presse-citron en forme d'oiseau dont les modèles sont commercialisés depuis des décennies. Elle fait valoir qu'un simple changement de matériau procède d'une idée qui est de libre parcours.
La cour relève que la forme stylisée d'un oiseau est usuelle de longue date dans les arts de la table où elle a été employée d'abord pour réaliser des saucières en porcelaine en argent ou métal, ainsi que représentées dans les conclusions de Monsieur [I], selon un dessin progressivement plus épuré depuis le début du vingtième siècle, mais aussi des presse-citrons ainsi que le montre notamment la pièce n° 7 produite par Monsieur [I] qui est un catalogue d'une vente aux enchères datant l'objet de 1960 environ. Les photographies montrent un presse-citron individuel en métal dont le corps est en forme d'un petit oiseau, dont la base est à fond plat, sans support, et dont la partie haute, reliant l'oeil et la queue est constitué d'une partie mobile convexe telle qu'elle puisse appuyer sur la tranche de citron en s'emboîtant dans la partie concave du corps et dont l'extrémité droite fait office de manche qui vient reposer sur la queue de l'oiseau en position fermée alors que la partie droite laisse un espace libre avec le bec formant verseur. La partie mobile est montée sur un axe dont les écrous figurent l'oeil de l'oiseau. L'ensemble utilise un dessin très épuré. La vue de profil donne à voir des lignes évasées partant du fond plat qui ne se courbent qu'au niveau du bec et de la queue.
Les appelantes produisent d'autres pièces représentant des presse-citrons 'oiseau' en métal, dont le principe fonctionnel est identique, mais dont les dessins présentent des formes et des styles différents, ainsi :
La pièce 31.4 figure un oiseau dont le corps est presque en demi-cercle en partie basse et forme deux courbes en partie haute dont l'une est située au niveau des yeux. Par ailleurs le corps est orné de stries évoquant des plumes. L'objet repose sur un petit support rond.
La pièce 31.7 présente un presse-citron également très arondi en partie basse et monté sur un large support rond, alors que le haut du corps, entre le bout du bec et la queue est constitué d'une sorte de large feston en trois parties arondies de chaque côté, la queue est également arondie.
La société Polymonde produit en pièce 32 d'autres photographies de presse-citrons, notamment en matériau transparent, mais outre que les objets ne sont pas datés, leur mauvaise qualité ne permet pas de les exploiter utilement.
La cour relève que si l'appréciation de la nouveauté d'une création et celle de son originalité procèdent de deux démarches distinctes, il demeure que pour prétendre à l'originalité, une oeuvre doit se différencier de celles qui existent dans le même domaine. C'est l'existence de cette différence qui rend compte des choix délibérés et personnels effectués par l'auteur et permet d'apprécier si l'oeuvre, considérée dans son ensemble, constitue ou non une création propre à celui-ci, éligible à la protection du droit d'auteur.
Le modèle exploité par la société Press Art, s'inscrit dans un fond commun de presse-citrons individuels ayant adopté la forme d'un oiseau, ainsi que le montrent les descriptions qui en sont faites ci-dessus, cependant les caractéristiques de forme varient sensiblement et ce indépendamment de leur fonctionnalité.
Ce modèle se caractérise par une ligne très profondément arrondie dans sa partie basse qui s'évase doucement et longuement vers le bec, alors que la courbure menant à la queue est plus prononcée et plus courte, la queue étant notablement plus basse que le bec. Les parties supérieures présentent une courbe prononcée s'élevant de la queue vers le bec, courbure plus marquée à partir du milieu pour devenir effilée à la jonction de la partie basse située au niveau du bec qui pointe légèrement vers le bas. En position fermée, le presseur qui est constitué d'un arc de cercle évidé, s'emboîte presque totalement dans le fond du corps de sorte que, du fait de la transparence de la matière, il se confond visuellement avec le corps. L'extrémité du presseur formant poignée s'évase en pointe pour venir reposer sur la queue de forme identique. Le support est constitué d'une petite plaque de forme sensiblement ovale.
La réunion des caractéristiques ainsi décrites produit un modèle, qui, considéré dans son ensemble, présente une physionomie propre qui traduit un parti pris esthétique et reflète la personnalité de son auteur. Il apporte une valeur nouvelle dans le domaine de l'agrément, séparable de son aspect fonctionnel.
Il importe peu dans le présent cadre que Madame [J] ait déposé un modèle de presse-citron le 2 septembre 2007 dès lors que celui-ci n'est pas invoqué au soutien de la demande fondée exclusivement sur le droit d'auteur. Ce modèle pas été renouvelé à l'issue du délai de cinq ans, il n'était plus en vigueur depuis le 1er septembre 2012. Il y a lieu de préciser toutefois que les éléments d'originalité retenus ci-dessus ne se retrouvent pas dans ledit modèle.
Le jugement sera donc confirmé par substitution de motifs.
Sur la validité de la saisie-contrefaçon réalisée le 2 décembre 2016
Seul Monsieur [I] conteste à hauteur de cour la régularité des opérations de saisie-contrefaçon en ce que :
- l'huissier ne mentionne pas dans le procès-verbal avoir signifié et lu la requête aux fins de saisie,
- les pièces justifiant l'autorisation de la saisie-contrefaçon n'ont pas été remises au saisi préalablement ou postérieurement aux opérations, portant ainsi grief au défendeur,
- l'huissier a excédé ses pouvoirs dès lors qu'il a saisi les produits présents de manière large alors que l'ordonnance n'autorisait Press Art qu'à saisir les presse-citrons en matière transparente et non de couleur,
- l'huissier instrumentaire aurait excédé ses pouvoirs en procédant à la fois à une saisie-contrefaçon réelle et à une saisie-contrefaçon descriptive avec prélèvement d'échantillons contrairement aux termes de l'ordonnance judiciaire,
- les opérations de saisie sont nulles faute pour l'huissier de justice d'avoir payé ou proposé de payer le prix des produits saisis comme il en avait l'obligation.
La cour relève que le procès-verbal de saisie mentionne que la requête aux fins de saisie-contrefaçon et l'ordonnance ont été signifiées par acte séparé, préalablement au début des opérations, soit à 15 heures trente et que l'huissier a donné lecture de l'ordonnance à la vendeuse présente sur le stand du marché de Noël de la Défense à 15 heures 45. Aucune disposition n'impose à l'huissier instrumentaire de donner lecture de la requête présentée au président du tribunal ou à son délégué, dès lors qu'elle a été régulièrement signifiée, ni de remettre au saisi ou au détenteur des objets suspectés de contrefaçon les pièces annexées à ladite requête.
L'ordonnance autorisait l'huissier instrumentaire à réaliser une saisie réelle des presse-citron tels que décrits dans la requête, ce qu'il a fait, étant observé que les presse-citrons présents sur le stand, transparents ou de couleur présentent tous la même forme, de sorte que la saisie opérée est conforme aux termes de l'ordonnance dont, par ailleurs, il n'est pas établi qu'elle avait prévu le paiement des objets saisis. En tout état de cause, Monsieur [I], qui n'est pas le propriétaire desdits objets, n'est pas recevable à soulever ce moyen dès lors qu'il ne peut lui faire grief.
Enfin, l'huissier n'a pas procédé à une saisie descriptive contrairement à ce qui est prétendu, mais bien à une saisie réelle.
En conséquence, les moyens de nullité seront écartés et la saisie-contrefaçon validée ainsi que l'a retenu le tribunal.
Sur la validité du procès-verbal de constat du 3 décembre 2016
Monsieur [I] fait valoir que le constat d'huissier du 3 décembre 2016 est nul dès lors qu'en procédant à la description détaillée de l'objet litigieux et en émettant des opinions ou appréciations subjectives sur la forme de celui-ci, l'huissier a réalisé une saisie-contrefaçon. En outre, il expose que la SAS Press Art a fait intervenir un tiers qui, en l'absence de toute pièce d'identité, pouvait avoir un lien avec la requérante.
La cour relève que le procès-verbal de constat comporte une description du stand et de l'activité de démonstration déployée au moment de son intervention. La description du modèle de presse-citron est très vague ' un objet en plastique en forme de saucière et d'oiseau' et de nature essentiellement fonctionnelle pour le surplus. Elle permet tout au plus d'identifier sommairement le modèle considéré sans être d'aucune possible utilité pour caractériser sa forme précise. Quant à la personne requise pour effectuer un achat, l'huissier indique qu'elle est sans lien avec le requérant sans qu'aucun indice puisse laisser à penser qu'il en ait un avec la société Polymonde, laquelle n'émet aucune critique à l'encontre de ce procès-verbal.
Il y a dès lors lieu de rejeter ce moyen.
Sur la contrefaçon,
La SARL Polymonde soutient que le presse-citron qu'elle commercialise ne reprend pas les caractéristiques essentielles du presse-citron "Press Art" et qu'il se distingue en revanche par la présence du terme "Lemon" gravé en lettres capitales, un pied différent et une poignée en forme de boucle et qu'il se décline majoritairement dans les couleurs verte, noire, rouge, jaune, blanc et bleu et accessoirement seulement dans un modèle transparent.
La cour relève que la contrefaçon s'apprécie au regard des ressemblances et non des différences, ressemblances qui sont à rapprocher des critères d'originalités retenus.
Force est de constater que l'impression générale d'ensemble qui se dégage de la comparaison des modèles considérés n'est pas notablement affectée par la présence d'un pied carré et non ovale ou de la présence d'une petite boucle sous la queue servant de poignée, la mention "Lemon" étant quant à elle très peu visible. Au contraire, la forme générale du modèle est parfaitement identique à celui exploité par l'intimée dans ses formes et proportions telles que ci-dessus retenues, de sorte qu'elle apparait en constituer une copie quasi-servile.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le modèle 'Lemon' constituait une contrefaçon.
Sur la responsabilité de Monsieur [I] au titre de la contrefaçon.
La société Polymonde sollicite s'il y a lieu la condamnation solidaire de Monsieur [I] avec elle, dès lors que le modèle de presse-citron a été acheté à la SAS CPIM Thaïland dont il est le représentant ; qu'aucune licence ou transfert de propriété entre Monsieur [I] et la CPIM Thaïland n'est inscrit au registre des dessins et modèles français.
Monsieur [I] soutient qu'il ne peut être considéré comme ayant personnellement participé, d'une quelconque manière, à la commercialisation des produits litigieux en France. Il soutient que le simple dépôt du modèle français n° 20163075 ne constitue pas un acte de contrefaçon au sens de l'article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle et qu'il n'existe aucun lien nécessaire entre le dépôt d'un dessin ou modèle et la commercialisation d'un produit. Monsieur [I] relève que l'action dirigée contre lui est irrecevable et infondée dès lors que c'est la SAS CPIM Thaïland, dont il est le dirigeant, qui a fourni les modèles litigieux. Il estime qu'il n'a commis aucune faute détachable de ses fonctions et a agi de bonne foi, notamment en sollicitant préalablement au dépôt du modèle une étude d'antériorité auprès de l'INPI.
Il ajoute qu'il n'a pas d'activité en France et que le modèle n° 20163075 qu'il a déposé le 14 juin 2016 n'encourt pas la nullité dès lors que la SAS Press Art n'a pas qualité à agir sur ce point et que se dépôt ne porte donc pas atteinte à ses droits d'auteur.
La cour relève qu'il est reconnu par la société Polymonde qu'elle se fournissait entre 2011 et 2014 auprès de la société Mark & Styl, ce qui résulte des nombreuses factures qu'elle a versées au dossier. Elle reconnaît pareillement qu'alors que la société Mark &Styl était liquidée, elle a vendu le modèle litigieux de manière régulière sur le marché de Noël du parvis de la Défense en 2015 en se fournissant auprès de la société Press Art. D'où il suit qu'elle avait parfaitement connaissance du circuit légal de commercialisation de ce modèle.
Monsieur [I] pour sa part, a pris l'initiative de déposer le modèle en cause, le 14 juin 2016 auprès de l'INPI, sous une forme très légèrement modifiée qui suffit à établir sa mauvaise foi. Or, c'est précisément ce modèle contrefaisant qu'il a fait fabriquer en Thaïlande par la société CPIM Thaïland, dont il admet qu'il est le dirigeant, et qu'il a ensuite vendu à la société Polymonde, notamment pour approvisionner le stand de cette dernière au marché de Noël du parvis de la Défense en décembre 2016. Le procès- verbal de saisie contrefaçon comporte la photographie d'une étiquette montrant que les produits contrefaisants proviennent bien de la société CPIM Thaïland.
Etant rappelé qu'il n'entre pas dans les fonctions d'un mandataire social de commettre des actes illicites, dont il lui revient au contraire de supporter personnellement les conséquences, la responsabilité de Monsieur [I] sera retenue du chef de contrefaçon, solidairement avec la société Polymonde. Le modèle déposé par l'intéressé sera annulé, sans qu'il soit tenu compte ici de la note en délibéré transmise pas la société Polymonde dans laquelle elle indique que ce modèle n'aurait pas été renouvelé dans le délai de cinq ans, note qui n'a pas été expressément autorisée par la cour.
Monsieur [I] sera en outre débouté de sa demande reconventionnelle fondée sur un abus de droit d'agir en justice
Sur la concurrence déloyale et parasitaire,
La cour relève que le tribunal a omis de statuer de ce chef. La société Press Art n'ayant pas déposé de conclusions recevables en appel, la cour n'est pas saisie.
Surles mesures réparatrices,
Sur les dommages et intérêts,
La sociéré Polymonde et Monsieur [I] relèvent que :
- le tribunal n'a pas justifié son recours à un cumul des postes de préjudice distingués à l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle et a commis une erreur en additionnant les préjudices de la perte subie et du bénéfice réalisé par le contrefacteur en se fondant sur le même stock, ce qui revient, selon lui, à indemniser deux fois le même dommage,
- la SAS Press Art n'a subi aucune perte dès lors qu'elle ne s'adressait pas à la même clientèle que la SARL Polymonde,
- la masse contrefaisante ne concerne que les produits effectivement vendus et non sur les produits commandés, soit sur 3155 exemplaires et non 10 000,
- la somme de 10000 euros allouée au titre du préjudice moral de la SAS Press Art n'est pas justifiée en l'absence d'éléments démontrat l'atteinte portée à l'image de la SAS PressArt,
- la marge retenue par le tribunal ne repose sur aucun élément comptable et omet la prise en compte des charges nécessaires à la commercialisation des produits litigieux. Il estime cette marge à 2 euros par presse-citron de sorte que l'indemnisation ne saurait dépasser 6310 euros.
Il souligne enfin qu'il n'a pas profité de la commercialisation des produits litigieux.
L'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
- 1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée ;
- 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
- 3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissement intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits."
Il n'a pas été sollicité d'indemnisation forfaitaire ainsi que ce texte en prévoit la possibilité ;
Sur le gain manqué : la masse contrefaisante est ici nécessairement constituée par la totalité des produits importés dans la mesure où il est établi et reconnu qu'en 2015 la société Polymonde s'était fournie auprès de la société Press Art pour le même marché de Noël et qu'en 2016, elle a commandé 10000 pièces contrefaisantes à la société CPIM Thaïlande.
Ainsi, ce sont donc bien 10000 pièces que la société Press Art n'a pas vendues à Polymonde alors qu'elle était en capacité de le faire. Il convient d'appliquer à ce poste de préjudice le taux de marge brute de la titulaire des droits, soit 4,96 euros. Il sera alloué à la société Press Art la somme de 49600 euros ainsi que l'a retenu le tribunal.
Sur perte subie : en l'état du dossier tel qu'il se présente à elle, ce poste de préjudice n'ayant pas été considéré isolément par le premier juge, la cour ne dispose d'aucun élément permettant d'établir que les actes de contrefaçon retenus auraient généré une désorganisation de l'activité de société Press Art en terme de volume, de prix pratiqué ou plus généralement de perte de chance.
Sur le préjudice moral : il y a lieu de considérer que la diffusion du presse-citron contrefaisant a eu pour effet la banalisation de ce produit sur le marché alors qu'il s'agit là du seul que la société Press Art commercialise. Par ailleurs, la commercialisation des produits contrefaits a été réalisée à l'endroit même où la société Polymonde vendait le presse-citron Press Art l'année précédente.Cette atteinte à son image sera réparé par l'allocation de la somme de 10000 euros .
Sur les bénéfices réalisés par les contrefacteurs: ces bénéfices ne peuvent à l'évidence être calculés que sur les ventes effectivement réalisées, soit en l'espèce 3155 pièces, chiffre non contesté, sur les 10000 achetées à CPIM Thaïland et en fonction de la marge brute réalisée par la société Polymonde. Celle-ci a acquis les produits à 0,88 euros hors taxes l'unité pour les revendre à 5euros HT. Au titre des charges le tribunal a retenu une facture de personnel de 1440 euros et une facture de décoration du stand de 548 euros, soit 1988 euros au total. Les appelantes qui évaluent leur marge à 2 euros pièce, ne fournissent pourtant aucune autre justification de charge de sorte que le bénéfice s'établit à 11010, 60 euros.
En conséquence, la société Polymonde et Monsieur [I] seront condamnés in solidum à payer à la société Press Art la somme totale de 70610,60 euros en réparation de son entier préjudice.
Sur les mesures complémentaires,
Il sera fait droit aux mesures d'interdiction, de destruction du stock contrefaisant, de remise des moules aux fins de destruction et de publication selon les modalités précisées au dispositif ci-dessous.
Sur les dépens et les frais,
Monsieur [I] et la société Polymonde seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.
Il seront en outre condamnés sous la même solidarité à payer à la SAS Press Art la somme de 15000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Déclare irrecevables les conclusions déposées le 14 septembre 2023 par la SAS Press Art ainsi que les pièces qui y sont annexées,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 24 juin 2022 en ce qu'il a :
- déclaré recevable la société Press Art à agir en contrefaçon du presse-citron 'Press Art' sur le fondement des droits d'auteur qu'elle exploite,
- dit que la société Polymonde a commis des actes de contrefaçon en important et en commercialisant sur le territoire français un modèle de presse-citron constituant une copie du presse-citron "Press Art",
- dit qu'en déposant à titre personnel la copie de presse-citron ' Press Art' à titre de dessin et modèle enregistré à l'INPI, sous le n° 20163075 et en fournissant la société Polymonde en produits contrefaits fabriqués par la société CPIM Thaïland dont il est le dirigeant, Monsieur [H] [I] a commis des actes de contrefaçon,
- prononcé la nullité de ce modèle et ordonné la transmission de la décision à l'INPI aux fins d'inscription de celle-ci au registre des dessins et modèles,
- condamné in solidum Monsieur [H] [I] et la SARL Polymonde au paiement des sommes de QUARANTE NEUF MILLE SIX CENTS EUROS (49600 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du gain manqué et de DIX MILLE EUROS (10000 euros) au titre du préjudice moral,
- interdit à la SARL Polymonde et à Monsieur [H] [I] de reproduire, fabriquer, importer, exporter et commercialiser la copie contrefaisante de presse-citron "Press Art" sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision,
Réforme ce jugement pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Dit que la cour n'est pas saisie du chef de concurrence déloyale et parasitaire,
Condamne in solidum la SARL Polymonde et Monsieur [H] [I] à payer à la SAS Press Art la somme de DIX MILLE SIX CENT DIX EUROS (10610,60 euros) à titre de dommages et intérêts au titre des bénéfices réalisés du fait de la contrefaçon,
- Ordonne la remise par la SARL Polymonde et par Monsieur [H] [I] des moules permettant la réalisation des copies contrefaisantes en vue de leur destruction à leurs frais avancés in solidum,
- Ordonne la destruction du stock contrefaisant saisi aux frais avancés in solidum par la SARL Polymonde et Monsieur [H] [I],
- Autorise la publication du dispositif du présent arrêt sur la page d'accueil du site internet de la SAS Press Art et ordonne à la SARL Polymonde de publier ce dispositif sur son site internet www. polymonde-boutique.com, pendant une durée de deux mois ainsi que dans deux journaux au choix de la SAS Press Art et aux frais avancés par la société Polymonde et Monsieur [I] in solidum dans la limite de deux mille cinq cents euros (2500 euros) par publication,
- Condamne in solidum la SARL Polymonde et Monsieur [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme totale de QUINZE MILLE EUROS (15000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.