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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 8 mars 2024, n° 23/06523

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 23/06523

8 mars 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

- ASSIGNATION A JOUR FIXE-

DU 08 MARS 2024

N°2024/ 50

RG 23/06523

N° Portalis DBVB-V-B7H-BLIYU

[M] [O]

C/

S.A.R.L. CTG IMMOBILIER

Copie certifiée conforme transmise par LRAR le 8 Mars 2024 à :

- Madame [M] [O]

- S.A.R.L. CTG IMMOBILIER

Copie exécutoire délivrée

le 8 Mars 2024 à :

- Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V131

- Me Sonia OULED-CHEIKH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V52

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Mai 2023 enregistré au répertoire général sous le n° F 22/01468.

APPELANTE

Madame [M] [O], demeurant [Adresse 2]

comparante en personne, représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Raphaël - antony CHAYA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.R.L. CTG IMMOBILIER, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sonia OULED-CHEIKH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Thierry MUNOS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargéEs du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2024.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Le 1er juillet 2012, Mme [M] [O] a signé avec la société CTG Immobilier, un mandat d'agent commercial immobilier.

Le 4 février 2021, Mme [O] a donné sa démission.

Se prévalant d'un contrat de travail, Mme [O] a saisi par requête du 12 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Marseille de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Selon jugement du 4 mai 2023, le conseil de prud'hommes s'est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Marseille et a réservé les dépens.

Le conseil de Mme [O] a interjeté appel par déclaration du 11 mai 2023 et présenté le 15 mai 2023 une requête aux fins d'assignation à jour fixe.

Conformément à l'ordonnance rendue le 6 juin 2023, Mme [O] a assigné la société CTG Immobilier par acte d'huissier du 15 juin 2023 pour l'audience du 5 décembre 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 9 octobre 2023, Mme [O] demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement rendu le 04 mai 2023 en ce que le Conseil de prud'hommes de MARSEILLE s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître le litige qui lui était soumis au profit du Tribunal de commerce de Marseille.

En conséquence,

JUGER que le Conseil de prud'hommes de MARSEILLE est matériellement compétent pour connaître du litige.

JUGER que la Cour d'appel de céans fera usage de son pouvoir d'évocation et, à défaut, ordonnera le renvoi de la cause et des parties devant le Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE afin qu'il soit statué sur le fond du litige.

FAISANT USAGE DE SON POUVOIR D'EVOCATION ET STATUANT SUR LE FOND,

CONDAMNER la SARL CTG Immobilier, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Madame [O] les sommes suivantes :

- 48 744 € brut à titre de rappels de salaire, outre 4 874 € bruts à au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés à valoir sur cette somme ;

- 16 248 € net à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- 5 416 € brut à titre de rappel de préavis outre 541 € brut à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de préavis ;

- 4 118,4 € net à titre d'indemnité de licenciement ;

- 20 000 € net à titre de dommages et intérêt si le conseil juge que la rupture doit produire les effets d'un licenciement nul ;

- et subsidiairement 18 956 € net à titre de dommages et intérêt si le conseil juge que la rupture doit produire les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

- 10 000 € net à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi suite aux faits de harcèlement moral et sexuel ;

CONDAMNER la SARL CTG Immobilier à communiquer les bulletins de paie d'août 2018 à février 2021 avec mention du salaire et du 13ème mois outre les bulletins de paie à zéro de mars 2021 à août 2022, une attestation Pole emploi, un certificat de travail, et un reçu pour solde de tous comptes et ce, sous astreinte de 200 par jours de retard à compter du 15 jours ouvrable suivant celui de la notification de la décision à intervenir.

ASSORTIR ces condamnations des intérêts de droit avec capitalisation sur le montant des condamnations assorti des intérêts au taux légal, à compter de la date de saisine du Conseil de prud'hommes par application de l'article 1231-7 alinéa 2 du Code civil.

CONDAMNER la SARL CTG Immobilier à prendre en charge les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

SUBSIDIAIREMENT,

INFIRMER le jugement rendu le 04 mai 2023 en ce que le Conseil de prud'hommes de MARSEILLE s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître le litige qui lui était soumis au profit du Tribunal de commerce de Marseille.

RENVOYER en conséquence la cause et les parties par-devant le Conseil de prud'hommes de MARSEILLE afin qu'il soit statué sur les demandes de Madame [O].

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER la SARL CTG Immobilier au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 4 octobre 2023, la société demande à la cour de :

« IN LIMINE LITIS

Vu l'article 42 du code de procédure civile,

Vu l'article 75 du code de procédure civile,

CONFIRMER le jugement (RG F 22/01468) rendu par le conseil de Prud'hommes de Marseille,

En conséquence :

CONSTATER l'existence d'une clause attributive de juridiction,

Faire droit à l'exception d'incompétence et se dessaisir au profit du Tribunal de Commerce de Marseille.

AU FOND

Vu l'article L1417-1 du code du travail

Vu l'article L1471-1 du code du travail

Vu l'article L3245-1 du code du travail

A TITRE PRINCIPAL : SUR LA PRESCRIPTION DES ACTIONS & DEMANDES

CONSTATER que la rupture a été mise en œuvre par l'envoi d'une lettre de démission en date du 4 février 2021,

SUR LA RUPTURE DU PRETENDU CONTRAT

CONSTATER que la lettre de démission en date du 4 février 2021 ne fait pas mention de « harcèlement moral et sexuel »

RAPPELER les dispositions de l'article L1471-1 du code du travail (sur la prescription d'un (1) an (12 mois)

CONSTATER la prescription de l'action intentée le 5 aout 2022, comme étant postérieure de plus de 12 mois à la démission du 4 février 2021

SUR L'ACTION EN PAIEMENT

CONSTATER que la prescription des conséquences de la rupture pour démission en date du 4 février 2021,

En tout état de cause,

CONSTATER que la connaissance des faits à l'origine de l'action en paiement remonte au 31 aout 2015, soit le jour du défaut de paiement constatable du prétendu contrat du 1er aout 2015,

RAPPELER les dispositions de l'article L3245-1 du code du travail (sur la prescription de 3 ans)

CONSTATER la prescription de l'action en paiement intentée le 5 aout 2022, comme étant postérieure de plus de 3 ans à la connaissance des faits à l'origine de l'action

A TITRE SUBSIDIAIRE

DEBOUTER Madame [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

EN CONSEQUENCE :

CONDAMNER Madame [M] [O] à payer 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER Madame [M] [O] aux entiers dépens. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la compétence matérielle

Pour que le conseil des prud'hommes soit compétent, le litige doit nécessairement opposer un salarié et un employeur et s'élever à l'occasion de son contrat de travail.

Selon une jurisprudence constante, l'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

Conformément à l'article 1353 du code civil, la charge de la preuve de l'existence d'un contrat de travail incombe en principe à celui qui s'en prévaut.

L'appelante considère que le conseil de prud'hommes a renversé la charge de la preuve, pour décliner sa compétence, alors qu'elle a produit de nombreuses pièces démontrant la réalité de l'existence d'un contrat de travail.

Elle apporte aux débats les documents suivants :

- un contrat de travail à durée indéterminée signée par les parties, à effet du 1er janvier 2015 aux termes duquel Mme [O] est engagée pour exercer les fonctions d'employée de bureau négociatrice commerciale E1, avec une rémunération mensuelle brute de 2 500 euros pour 134,33 heures, avec répartition hebdomadaire des horaires (pièce 3),

- des échanges de sms avec le gérant de la société (pièce 10),

- des attestations ( pièces 6-7-8) de personnes ayant côtoyé Mme [O] à l'agence mentionnant des permanences organisées par «le patron M.[X]» pour «tous les agents commerciaux».

La société invoque les incohérences et la duplicité de Mme [O] laquelle ne demande pas une requalification mais un cumul d'emploi, alors que le fait de bénéficier, comme tous les autres agents commerciaux des avantages liés à l'exercice du mandat (mise à disposition d'un bureau, clés et moyens de communication de l'agence) ne peut permettre de retenir un statut de salarié, considérant qu'elle apporte au contraire des éléments sur la présomption de non-salariat.

Elle produit notamment les documents suivants :

- le contrat de mandat d'agent commercial immobilier signé entre la société et Mme [O] du 01/07/2012 mentionnant «le présent mandat n'est pas un contrat de travail. Il n'existe entre l'agent commercial, en sa qualité de mandataire indépendant, et son mandant, aucun lien de subordination, ce que reconnaissent expréssement les parties.» (pièce 2)

- le certificat d'inscription au répertoire Sirène de Mme [O] à compter du 12/07/2012 (pièce 3)

- la déclaration de Mme [O] au RSI de son chiffre d'affaires le 05/09/2012 (pièce 4)

- la lettre de démission de Mme [O] du 04/02/2021 (pièce 6)

- les statuts d'une société A2J immobilier créée trois jours après soit le 07/02/2021 par Mme [O] et M.[Y] ayant pour objet notamment la transaction sur immeubles et fonds de commerce (pièce 7),

- les différentes modifications intervenues quant à cette société devenue A2Clés Immobilier en octobre 2021, dont Mme [O] détenait 90% du capital et a été la directrice générale jusqu'au 25/02/2022 (pièces 10 à 15)

- des attestations d'agents commerciaux en immobilier dont Mme [J] déclarant notamment «Je suis agent commercial chez CTG Immobilier et j'ai travaillé avec Mme [O] qui était au même titre que moi, agent commercial et qui s'est toujours considérée comme agent commercial. Nous étions une équipe d'agents commerciaux et nous avions tous les clés de l'agence ce qui nous permettait d'y accéder à souhait, afin de réaliser des tâches administratives, photocopies, dossiers etc.. et de recevoir nos clients. Il nous arrivait donc par la force des choses d'ouvrir et de fermer l'agence. Je reçois des instructions de la part de M.[X] uniquement dans le cadre d'une estimation d'une visite ou d'une vente et dans un intérêt commun.» (pièces 19 à 20).

La seule production d'un élément matériel formel tel un contrat de travail ne peut suffire à démontrer une relation de travail, étant précisé que les messages téléphoniques sont courts, insignifiants pour la plupart et dépourvus de directives concernant une prestation précise demandée.

En outre, l'appelante ne démontre par aucune pièce, un lien de subordination juridique caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements.

Elle n'établit pas plus que le gérant déterminait unilatéralement les conditions d'exécution du travail, les rotations de permanence entre agents commerciaux permettant à l'agence de rester ouverte pour l'accueil de clients.

Alors que l'intimée a apporté, dès la première instance, la preuve du caractère fictif du contrat et de la qualité de mandataire professionnel indépendant de Mme [O], défini par l'article L.134-1 du code de commerce, comme étant chargé d'apporter des produits à commercialiser, de négocier et conclure des mandats en vue d'achat ou de vente de biens immobiliers au nom et pour le compte de son mandant, soit dépendant d'un statut de travailleur indépendant prévu aux articles L.8221-6-1 & suivants du code du travail, dans leur version antérieure au 1er septembre 2017, l'appelante n'a pas proposé d'élements supplémentaires contraires en cause d'appel.

En conséquence, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent matériellement.

La juridiction de la cour d'appel bénéficie du principe de plénitude de compétence fondé sur l'effet dévolutif énoncé par l'article 561 du code de procédure civile.

Cependant, l'intimée n'ayant conclu à l'évocation que de façon subsidiaire, uniquement dans le cadre d'une relation de travail, la cour n'usera pas de la faculté prévue à l'article 88 du code de procédure civile.

Sur les frais et dépens

L'appelante succombant totalement doit s'acquitter des dépens d'appel, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre, condamnée à payer à la société, la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à évocation,

Condamne Mme [M] [O] à payer à la société CTG Immobilier la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [O] aux dépens de la présente procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT