Livv
Décisions

CA Grenoble, ch. com., 7 mars 2024, n° 22/02286

GRENOBLE

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Roomy (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Faivre

Avocats :

Me Hays, Me Leveque, Me Bouchaibi, Me Mihajlovic, Me Lelievre

TJ Valence, du 12 mai 2022, n° 20/01208

12 mai 2022

Faits et procédure

La Sci Roomy qui a pour co-gérants M. [G] [Y] et Mme [D] [Y] est propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 5] à [Localité 6] constitué au rez de chaussée d'un local à usage commercial et au premier et dernier étage d'un appartement constituant la résidence principale des époux [Y].

Suivant acte notarié du 25 mars 2010, elle a consenti un bail commercial à la Sas [H] à compter du 1er avril, les lieux loués étant destinés à l'exploitation d'une activité de restauration à l'exclusion de tout autre même temporairement, le preneur pouvant toutefois adjoindre des activités connexes ou complémentaires dans les conditions prévues à l'article L 145-47 du code de commerce.

Le 31 décembre 2015, M. et Mme [H] ont cédé à M. [T] [M] et à Mme [O] [M] leurs parts sociales dans la Sas [H].

Par acte d'huissier du 5 octobre 2018, la Sci Roomy a dénoncé à la Sas [H] le procès-verbal de constat dressé le 7 août 2018 et l'a mise en demeure de libérer les espaces et terrains lui appartenant, de déposer l'enseigne avec la mention Bar et de cesser l'activité de bar.

Par courrier recommandé du 29 octobre 2018, la Sas [H] s'est inscrite en faux contre l'accusation d'exercer une activité de bar et de ne pas respecter la destination des lieux loués ; elle a indiqué que l'arrière cour faisait partie des lieux loués; elle a mis en demeure la Sci Roomy d'enlever les panneaux de bois installés dans l'espace poubelles et de cesser ses agissements qui perturbaient l'exploitation du fonds de commerce et la jouissance paisible des lieux par la locataire.

Par acte d'huissier de justice du 31 octobre 2018, la Sas [H] a sollicité le renouvellement du bail commercial aux charges et conditions initiales.

Par acte du 30 janvier 2019, la Sci Roomy a fait connaître à la Sas [H] son refus de renouveler le bail commercial et ce sans indemnité d'éviction pour les raisons suivantes :

- usage illicite d'un terrain appartenant à la Sci Roomy,

- privatisation d'une pièce commune en y entreposant divers objets et pièces alimentaires sans aucune autorisation,

- exercice d'une activité de bar tapas, bar et pizzeria en contravention avec les dispositions du bail commercial.

La Sas [H] a quitté les lieux le 24 février 2020.

Par acte du 27 mai 2020, la Sas [H] a assigné la Sci Roomy devant le tribunal judiciaire de Valence en paiement d'une indemnité d'éviction.

Par jugement du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Valence a :

- condamné la Sci Roomy à payer à la Sas [H] une indemnité d'éviction d'un montant de 345.541 euros, une indemnité de 13.267 euros en réparation du trouble commercial et la somme de 2.000 euros au titre des frais de licenciement,

- débouté la Sas [H] de sa demande au titre de l'indemnité de remploi, de la perte des aménagements spécifiques et de la liquidation préjudiciable de son stock, des frais de déménagement, du coût du transfert du siège social,

- débouté la Sas [H] du surplus de sa demande au titre des frais de licenciement et des coûts salariaux,

- débouté la Sas [H] de sa demande de dommages et intérêts en raison de la faute et des manquements commis,

- condamné la Sci Roomy aux dépens et à payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute prétention plus ample ou contraires des parties,

- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire.

Par déclaration du 10 juin 2022, la Sci Roomy a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a condamné la Sci Roomy à payer à la Sas [H] une indemnité d'éviction d'un montant de 345.541 euros, une indemnité de 13.267 euros en réparation du trouble commercial et la somme de 2.000 euros au titre des frais de licenciement, a rejeté les demandes de la Sci Roomy et a condamné la Sci Roomy aux dépens et à payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 novembre 2023.

Prétentions et moyens de la Sci Roomy

Dans ses conclusions remises et notifiées le 8 novembre 2023, elle demande à la cour de :

- recevoir comme régulier et bien-fondé l'appel de la Sci Roomy interjeté à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Valence rendu le 12 mai 2022 ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Valence en date du 12 mai 2022 en ce qu'il a :

* condamné la Sci Roomy au paiement d'une indemnité d'éviction d'un montant de 345.541 euros au profit de la Sas [H] ;

* condamné la Sci Roomy au paiement d'une indemnité d'un montant de 13.267 euros au titre d'un trouble commercial ;

* condamné la Sci Roomy au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre des frais de licenciement ;

* condamné la Sci Roomy aux frais tirés de l'article 700 et des dépens ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Valence en date du 12 mai 2022 en ce qu'il a :

* débouté la Sas [H] de sa demande d'octroi de la somme de 34.554 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

* débouté la Sas [H] de sa demande d'octroi de la somme de 500 euros au titre du coût du transfert de siège ;

* débouté la Sas [H] de sa demande d'octroi de la somme de 3.966,89 euros au titre de la perte des aménagements spécifiques et de la liquidation préjudiciable de son stock ;

* débouté la Sas [H] de sa demande d'octroi de la somme de 948,10 euros au titre du coût de déménagement ;

* débouté la Sas [H] de sa demande d'octroi de la somme de 18.615,68 euros au titre des indemnités de licenciement et des coûts salariaux ;

* débouté la Sas [H] de sa demande d'octroi de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la faute et des manquements commis.

Statuant à nouveau :

A titre principal,

- juger que la Sas [H] a commis une infraction de déspécialisation qui a perdurée au-delà du délai d'un mois à compter de l'acte extra judiciaire ;

- juger que la déspécialisation irrégulière réalisée par la Sas [H] constitue un motif grave et légitime ;

- juger que l'utilisation illicite de la partie commune du bail commercial constitue un motif grave et légitime ;

- juger que le stockage et l'entreposage de produits dangereux dans un lieu non compris dans le bail commercial constitue un motif grave et légitime ;

- juger que le refus de renouvellement du bail commercial de la Sci Roomy était justifié par l'existence d'un motif grave et légitime ;

- juger que la Sci Roomy justifie d'une exonération de versement d'une indemnité d'éviction au profit de la Sas [H] ;

- rejeter la demande de la Sas [H] d'octroi de la somme de 34.554 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

- rejeter la demande de la Sas [H] d'octroi de la somme de 500 euros au titre du coût du transfert de siège ;

- rejeter la demande de la Sas [H] d'octroi de la somme de 3.966,89 euros au titre de la perte des aménagements spécifiques et de la liquidation préjudiciable de son stock ;

- rejeter la demande de la Sas [H] d'octroi de la somme de 948,10 euros au titre du coût de déménagement ;

- rejeter la demande de la Sas [H] de la somme de 18.615,68 euros au titre des indemnités de licenciement et des coûts salariaux ;

- rejeter la demande de la Sas [H] d'octroi de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la faute et des manquements commis ;

- juger que l'indemnité relative au trouble commercial tirée des perturbations alléguées dans l'exploitation du fond de commerce constitue une indemnité accessoire à l'indemnité d'éviction et qu'elle n'est donc pas due à la Sas [H] ;

- juger que l'indemnité relative aux frais de licenciement constitue une indemnité accessoire à l'indemnité d'éviction et qu'elle n'est donc pas due à la Sas [H] ;

A titre subsidiaire,

S'agissant de l'indemnité d'éviction :

- juger que la Sci Roomy a valablement exercé son droit de repentir;

- juger que la Sci Roomy n'est pas tenue au versement d'une indemnité d'éviction ;

- juger que l'indemnité relative au trouble commercial tirée des perturbations alléguées dans l'exploitation du fonds de commerce constitue une indemnité accessoire à l'indemnité d'éviction et qu'elle n'est donc pas due à la Sas [H] ;

- juger que l'indemnité relative aux frais de licenciement constitue une indemnité accessoire à l'indemnité d'éviction et qu'elle n'est donc pas due à la Sas [H] ;

S'agissant de l'indemnité relative au trouble commercial :

- juger que la Sas [H] n'a subi aucun trouble commercial ;

- juger que l'indemnité tirée du trouble commercial ne peut être allouée à la Sas [H] du fait que celle-ci ne dispose plus de fonds de commerce et ne peut ainsi prétendre à l'existence de perturbations au sein de celui-ci ;

- juger qu'il n'y a pas lieu d'accorder une indemnité au titre du trouble commercial ;

S'agissant de l'indemnité relative aux frais de licenciement :

- juger qu'il n'y a pas lieu d'accorder une indemnité au titre des frais de licenciement ;

A titre infiniment subsidiaire

- procéder à un nouveau calcul de l'indemnité/réévaluation de l'indemnité ;

En tout état de cause :

- condamner la Sas [H] à payer la somme de 16.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Sas [H] aux entiers dépens.

Sur l'existence d'un motif grave et légitime l'exonérant du paiement de l'indemnité d'éviction, elle fait valoir que :

* sur la déspécialisation :

- l'extension de la destination des locaux même à une activité connexe ou complémentaire sans respecter les règles prévues pour cette déspécialisation restreinte constitue un motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction,

- en l'espèce, la Sas [H] n'a jamais informé la Sci Roomy de son intention d'adjoindre à l'activité de restauration celle de bar ou bar à tapas,

- elle l'a néanmoins exercée dès les mois suivants la reprise du restaurant par M. [T] [M],

- la Sas [H] a été mise en demeure de faire cesser cette déspécialisation irrégulière par acte d'huissier du 5 octobre 2018,

- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, si la Sas [H] a bien ôté les pancartes présentes sur la devanture de l'établissement, elle a poursuivi ses activités de bar et bar à tapas, le constat d'huissier du 18 octobre 2018 diligenté à son initiative ne permettant pas d'attester de son activité réelle et le constat d'huissier que la Sci Roomy a fait établir le 14 novembre 2021 démontrant au contraire que le volume d'alcool figurant dans les stocks est disproportionné par rapport à une activité de restauration normale,

- en faisant perdurer sur sa page de couverture Facebook les mentions 'Bar à manger' au-delà du délai d'un mois de la mise en demeure, la Sas [H] a poursuivi son infraction de déspécialisation, le message suivant 'partagez un verre ou des planchettes apéros entre amis' figurant sur l'onglet 'Lieux' impliquant aussi l'exercice d'une activité de bar à tapas qui s'apparente à une activité de bar,

- les comptes de résultat qui utilisent une formulation très large pour désigner les produits d'exploitation ne peuvent démontrer une absence d'activité de bar,

- la déspécialisation ayant perduré au-delà du délai d'un mois de la mise en demeure constitue un motif grave et légitime,

* sur l'entreposage et le stockage irrégulier des biens de la Sas [H] :

- le bail ne fait aucune référence à l'allée située à l'arrière du bâtiment qui ne peut être considéré comme un local accessoire dès lors qu'il ne s'agit pas d'un lieu clos et couvert et qu'il n'est pas établi son caractère indispensable à l'activité du preneur,

- il importe peu que le prétendu ancien preneur a utilisé ces lieux,

- plusieurs bombonnes de gaz sont entreposées dans cette allée et constituent un danger pour la sécurité des lieux,

- cette utilisation illicite et dangereuse constitue un motif grave et légitime,

- il est indéniable que les produits à usage alimentaire et les boissons se trouvant dans la pièce commune selon le constat d'huissier du 14 novembre 2018 sont la propriété de la Sas [H] et que les étagères du preneur occupent l'intégralité de l'espace commun pourtant destiné aux deux parties,

- l'usage exclusif de la pièce commune constitue aussi un motif grave et légitime de non renouvellement.

Subsidiairement, sur l'usage du droit de repentir, elle relève que l'exercice de ce droit peut être implicite, qu'elle souhaitait le renouvellement du bail et s'est présentée le 27 mars 2019 chez le notaire pour signer le renouvellement, la Sas [H] ayant toutefois refusé de venir signer, que les deux prétendus points de divergence, à savoir le versement d'un dépôt de garantie et les modalités d'entreposage des bouteilles, ne constituent pas des modifications substantielles du contrat de bail de sorte que le bailleur a renoncé sans équivoque à s'opposer au renouvellement du bail. Elle ajoute que la Sas [H] ne peut sérieusement présenter sa lettre adressée le 3 février 2020 comme une ultime tentative de renouvellement du bail commercial alors que M. [Y] était alors hospitalisé et n'avait aucun moyen d'en prendre connaissance et que plutôt d'attendre son retour, elle a quitté rapidement les lieux.

Plus subsidiairement, sur l'indemnité d'éviction, elle fait remarquer que :

- l'expertise non contradictoire prend en compte la totalité du chiffre d'affaires sans avoir soustrait les gains découlant de l'activité bar à tapas exercée en violation de la clause de destination du bail,

- elle se réfère à un chiffre d'affaires clos le 30 juin 2019 plus de 6 mois avant la date réelle de départ alors que l'indemnité d'éviction doit s'apprécier au plus près de la date d'éviction,

- la valorisation de l'expert-comptable sur des offres d'achat des 22 novembre 2018 et 1er février 2019 est dénuée de pertinence, la période Covid ayant eu un impact sur la valeur réelle du fonds de commerce,

- l'expertise qu'elle a fait diligenter conclut à une indemnité d'éviction de 195.000 euros tenant compte de la faible rentabilité du fond et de quatre ventes de fond de commerce dont deux ont une activité identique,

- le bailleur a dû concéder une diminution du montant du 'pas de porte' compte tenu de l'état dans lequel la Sas [H] a laissé les lieux, perte de 10.000 euros qui doit être répercutée sur le montant de l'indemnité d'éviction.

En ce qui concerne l'indemnité au titre d'un trouble de jouissance, elle fait observer à titre principal qu'en raison de l'existence d'un motif grave et légitime, cette indemnité accessoire à l'indemnité d'éviction n'est pas due et à titre subsidiaire que n'ayant aucune activité réelle et effective depuis son départ volontaire des locaux de la Sci Roomy, la Sas [H] ne peut arguer d'un trouble dans l'exploitation de son fonds de commerce.

Sur l'indemnité au titre des frais de licenciement, elle indique à titre principal qu'en raison de l'existence d'un motif grave et légitime, cette indemnité accessoire à l'indemnité d'éviction n'est pas due et à titre subsidiaire que l'indemnité de préavis et de congés payés découlent du contrat de travail et non de l'éviction et que les honoraires de la Sarl ARH ne constituent pas une indemnité liée au défaut de renouvellement du bail commercial.

Elle indique aussi que l'indemnité de remploi n'est pas justifiée en l'absence d'acquisition d'un nouveau fonds de commerce, qu'il n'est pas rapporté la preuve des frais de transfert du siège social, que les aménagements spécifiques ont déjà été indemnisés dans le cadre de l'indemnité d'éviction et qu'aucun manquement du bailleur justifiant des dommages et intérêts n'est établi.

Prétentions et moyens de la Sas [H]

Dans ses conclusions remises et notifiées le 3 novembre 2023, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* condamné la Sci Roomy à payer à la Sas [H] une indemnité d'éviction d'un montant de 345.541 euros,

* condamné la Sci Roomy à payer à la Sas [H] une indemnité de 13.267 euros en réparation du trouble commercial,

* condamné la Sci Roomy à payer à la Sas [H] une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- le réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau

- condamner le bailleur à payer à la Sas [H] la somme de 34.554 euros au titre de l'indemnité de remploi,

- condamner le bailleur à payer à la Sas [H] la somme de 500 euros au titre du coût du transfert de siège social,

- condamner le bailleur à payer à la Sas [H] la somme de 3.966, 89 euros au titre de la perte des aménagements spécifiques et de la liquidation préjudiciable de son stock,

- condamner le bailleur à payer à la Sas [H] la somme de 948,10 euros au titre du coût du déménagement,

- condamner le bailleur à payer à la Sas [H] la somme de 18.615, 68 euros au titre des indemnités de licenciement et des coûts salariaux,

- condamner le bailleur à payer à la Sas [H] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la faute et des manquements commis,

- condamner le bailleur à payer à la Sas [H] une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sci Roomy aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi que le coût de l'expertise confiée à monsieur [X].

Sur les motifs graves et légitimes allégués par le bailleur pour s'opposer au renouvellement, elle fait valoir que :

S'agissant de l'activité de bar,

- dès le 18 octobre 2018, un huissier de justice a constaté le respect par le preneur de l'occupation des lieux et l'absence sur l'enseigne et affiche du mot 'bar',

- elle s'est donc conformée à la mise en demeure notifiée le 5 octobre 2018 et il n'est pas justifié par le bailleur du renouvellement de l'infraction, ni de sa poursuite dans le temps,

- la page Facebook du père du dirigeant ne peut suffire à démontrer l'exercice d'une activité illicite,

- en tout état de cause, elle n'a jamais exercé d'activités contraires au bail, la mention 'bar à tapas, bar à manger, bar à pizza' s'entendant d'une consommation simultanée de nourriture et d'aliments qui ne correspond pas à une activité de bar,

- l'huissier n'a jamais constaté une activité de bar,

- la présence de boissons et de bouteilles d'alcool s'explique par l'activité de restauration,

- ses comptes de résultat mentionne seulement des recettes restaurant,

S'agissant de l'occupation de la partie arrière du bâtiment,

- elle a toujours existé et se trouve indispensable au bon fonctionnement de l'établissement pour entreposer les poubelles et autres encombrants,

Concernant la pièce commune,

- elle n'a pas entendu la privatiser.

En tout état de cause, en indiquant le 3 mars 2020 qu'il avait signé l'avenant de renouvellement du bail commercial, le bailleur a considéré implicitement qu'aucun motif légitime et sérieux ne justifiait le non renouvellement du bail.

Sur le droit de repentir du bailleur, elle fait observer que :

- en l'absence de réponse apportée par le bailleur à l'ultime demande du preneur formulée le 3 février 2020, la Sas [H] en a tiré les conséquences et a quitté les lieux le 24 février 2020,

- le droit de repentir ne peut plus s'exercer après le départ du preneur,

- aucun rendez vous de signature n'avait été fixé le 27 mars 2019 et les parties étaient en désaccord sur le projet d'avenant s'agissant de nouvelles conditions voulues par le bailleur,

- dès lors, la Sci Roomy ne démontre pas avoir renoncé sans équivoque à s'opposer au renouvellement et exercé de manière explicite son droit de repentir.

Elle relève que la Sci Roomy a provoqué le départ forcé du preneur afin d'installer un nouveau locataire commercial.

Sur l'indemnité d'éviction, elle indique que :

- le rapport établi par M. [X] ne souffre d'aucune contestation sérieuse en ce qu'il est étayé par de nombreuses références,

- le rapport du cabinet Amouroux retient une valorisation du fonds sur la base de 35% d'une année de chiffre d'affaires Ht alors que le barème fiscal est de 60 à 85% du chiffre d'affaire Ttc, les ventes retenues n'ont pas la même activité que celle de la Sas [H], il est allégué des dégradations imputables au preneur que la Sci Roomy s'est abstenue de réclamer.

Elle considère qu'elle a subi nécessairement des perturbations dans l'exploitation de son fonds consécutivement à la gestion de son éviction et a droit à une indemnité de trouble commercial, qu'elle a subi des coûts de rupture de contrats dont elle doit être indemnisée;

Elle ajoute que le bailleur a délivré de mauvaise foi un congé avec refus de renouvellement, que celui-ci a multiplié les manquements pour entraver l'exploitation normale des locaux, qu'il a agi de façon dilatoire, qu'il a abandonné ses motifs de non-renouvellement en affirmant faussement avoir régularisé un avenant, qu'elle est donc bien fondée à réclamer des dommages et intérêts.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

A titre liminaire, il est rappelé que les 'demandes' tendant à 'juger' qui ne développent en réalité que des moyens ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et, en conséquence, ne saisissent pas la cour.

1/ Sur le droit à une indemnité d'éviction

En application de l'article L.145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, il doit, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Aux termes de l'article L.145-17, le bailleur peut notamment refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser, cette mise en demeure devant, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire et préciser le motif invoqué et reproduire le texte de l'article L.145-17 1°.

Par acte extrajudiciaire du 5 octobre 2018 reproduisant le texte de l'article L.145-17 1°, la Sci Roomy a mis en demeure la Sas [H] de :

- libérer les espaces et terrain appartenant à la Sci Roomy, occupés sans droit, ni titre et ne dépendant pas du bail en cours,

- déposer l'enseigne avec la mention Bar,

- cesser l'activité de bar dans la mesure notamment où le contrat de bail prévoit l'exploitation des locaux donnés à bail pour une activité de restauration, à l'exclusion de tout autre, même temporairement.

Dans sa réponse à la demande de renouvellement du bail formée par la Sas [H] par acte extra judiciaire du 31 octobre 2018, la Sci Roomy a refusé le droit au renouvellement du preneur sans indemnité d'éviction pour :

- usage illicite d'un terrain appartenant à la Sci Roomy notamment en entreposant des déchets, encombrants et autres objets potentiellement dangereux ainsi que des poubelles en contravention avec le bail commercial,

- privatisation d'une pièce commune et notamment en y entreposant divers objets et des produits alimentaires sans aucune autorisation,

- exercice de l'activité de bar tapas, bar et pizzeria en contravention avec le bail commercial.

Sur l'exercice d'une activité de bar

Le bail commercial du 25 mars 2010 stipule que les locaux faisant l'objet du bail, doivent être consacrés par le preneur à l'exploitation de son activité de restauration à l'exclusion de tout autre même temporairement mais que toutefois, le preneur peut adjoindre des activités connexes ou complémentaires dans les conditions prévues par l'article L.145-47 du code de commerce, c'est-à-dire en faisant connaître son intention au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en indiquant les activités dont l'exercice est envisagée, cette formalité valant mise en demeure du propriétaire de faire connaître dans un délai de deux mois, à peine de déchéance, s'il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le preneur n'a pas informé le bailleur de son intention d'exercer des activités connexes ou complémentaires dans les conditions de l'article L.145-7 du code de commerce.

Le procès-verbal de constat établi le 7 août 2018 par Me [K], huissier de justice, a constaté s'agissant de l'exercice d'une activité de bar l'apposition sur la devanture, bien en vue, de 3 pancartes avec les mentions 'After work', 'Bar à tapas Bar à pizza' et 'restaurant Pizzeria'.

Les mentions 'Bar à tapas Bar à pizza' ne permettent pas de caractériser l'existence d'une activité de bar dès lors que l'expression 'bar à' s'applique à un établissement où l'on peut consommer un type particulier de boissons ou d'aliments et qu'en l'espèce, l'expression renvoie à une activité de restauration, à savoir les tapas ou les pizzas.

En revanche, l'expression 'After Work', dérivée d'un concept anglo-saxon, se définit comme un moment qui se veut convivial et consiste à partager un verre entre collègues après le travail.

Il résulte aussi du procès-verbal de constat dressé le 17 février 2021 par Me [K], huissier de justice, que sur le contenu public du site Facebook de M. [W] [M], père de [T] [M], président de la Sas [H], figure en page d'accueil une photographie publiée le 11 mars 2016 de ces deux hommes devant une enseigne lumineuse 'Miam' et en bandeau les mentions 'Miam! Restaurant à boire, Bar à manger' et qu'il est possible d'accéder avec l'onglet 'Lieux' à un texte rédigé de la façon suivante 'Choisissez une de nos tables pour déguster nos pizzas maison, un burger ou nos pièces de viande. Partagez un verre ou des planchettes apéro entre amis'.

Il résulte de ces éléments, comme exactement retenu par le premier juge, que la Sas [H] a offert à sa clientèle la possibilité de prendre des boissons sans nécessairement les accompagner de plats et a ainsi exercé l'activité de bar, non autorisée au bail, au moins jusqu'au 7 août 2018.

Néanmoins, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée pour s'opposer au paiement d'une indemnité d'éviction que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après la mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser.

Or il ressort du procès-verbal de constatations dressé le 18 octobre 2018 par Me [E], huissier de justice, soit dans le délai d'un mois de la mise en demeure du 5 octobre 2018, que l'enseigne de l'établissement et l'affiche présentes à l'entrée ne mentionnent plus le mot 'Bar'. En outre, les photographies de la devanture de l'établissement ne font plus apparaître une pancarte avec la mention 'After Work'.

Comme relevé par le premier juge, le fait que le père du président de la Sas [H] n'a pas modifié le contenu public de son compte Facebook depuis l'ouverture de l'établissement, ne permet pas d'établir que la Sas [H] a poursuivi ou renouvelé son exploitation d'activité de bar postérieurement au 5 novembre 2018.

Par ailleurs, si le constat d'huissier établi le 14 novembre 2018 fait état d'un stock de boissons telles que jus de fruit, boissons, bières et sirop et de trois seaux à champagne, ce stock est tout à fait compatible avec une activité de restauration laquelle permet de fournir des boissons au moment du repas et rien ne permet de caractériser la disproportion de ce stock au regard de l'activité de restauration.

Dès lors, il n'est pas justifié de la poursuite d'une activité de bar au-delà du délai d'un mois de la mise en demeure.

Sur l'entreposage de matériel dans l'allée arrière du local commercial

Le procès-verbal de constat établi le 7 août 2018 par Me [K], huissier de justice, mentionne le stockage de 3 bonbonnes dans un rak en fer, de divers détritus et encombrants, de caisses de bouteilles de verres, de bidons et caisses en plastique et de poubelles sur la petite allée bétonnée longeant le local commercial.

Le constat d'huissier de justice dressé le 14 novembre 2018 fait encore état de la présence de poubelles, de bombonnes en rack, de détritus et encombrants et de diverses caisses, bidons et fûts sur cette allée.

La description des locaux loués figurant dans le bail écrit du 25 mars 2010 est la suivante :

les parties déclarent que la désignation des locaux doit comprendre également des dépendances et stockages, une pièce commune comportant les communs (eau, électricité), ladite pièce commune devra restée accessible aux deux parties,

tels que lesdits locaux existent, s'étendent et se poursuivent et comportent, avec toutes leurs aisances et dépendances, sans aucune exception ni réserve et sans qu'il soit nécessaire d'en faire une plus ample désignation.

Le bailleur a en outre autorisé le preneur à utiliser en sus des locaux loués une place de parking ainsi que la terrasse sise devant le local.

Il résulte de cette description que le bail porte aussi sur des dépendances et espaces de stockage et une pièce commune.

La configuration des lieux telle qu'elle résulte du plan annexé au procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 30 décembre 2015 fait apparaître que l'allée est située à l'arrière du bâtiment, qu'elle est accessible par une porte s'ouvrant sur les cuisines et constitue un accès livraison pour les fournisseurs du restaurant.

Comme justement relevé par le premier juge, le bailleur y a lui-même aménagé un espace afin que le preneur puisse y entreposer ses poubelles, aucun autre lieu extérieur n'étant mis à sa disposition.

Le procès-verbal du 30 décembre 2015 fait déjà apparaître l'utilisation de cette allée comme lieu d'entreposage des poubelles et caisses et cageots. L'attestation de M. [U] [H] précise que la configuration du commerce rend impossible tout rangement à l'intérieur.

Dès lors, au regard de ces éléments et de la configuration des lieux, cette allée constitue nécessairement une dépendance qui est donc comprise et visée dans le bail.

Les développements de la Sci Roomy sur la notion de local accessoire sont inopérants en l'espèce dès lors qu'il ne s'agit pas de savoir si la dépendance louée peut bénéficier du statut des baux commerciaux mais seulement de déterminer si l'allée est comprise en tant que dépendance dans les locaux loués.

En conséquence, l'allée étant comprise dans le bail, son utilisation par le locataire ne peut revêtir un caractère illicite et constituer une infraction aux termes du bail.

Par ailleurs, s'agissant de l'entreposage de produits dangereux, la mise en demeure adressée le 7 août 2018 ne visait qu'une occupation sans titre sans mentionner un entreposage de matières dangereuses. Cet entreposage ne peut donc constituer une infraction persistante d'autant qu'il n'est pas précisé quelle est l'obligation du bail ainsi enfreinte.

Sur l'occupation de la pièce commune

Le bail désigne au titre des locaux loués une pièce commune comportant les communs (eau, électricité) et précise que ladite pièce commune devra restée accessible aux deux parties conformément aux plans ci-joints.

Les parties n'ont pas versé dans la présente instance les plans visés par le bail.

Il résulte du constat d'huissier dressé le 14 novembre 2018 que sur le mur droit de la pièce commune, sont installées des étagères sur lesquelles sont stockées des boissons et qu'au pied, se trouvent deux caisses en plastique et un bidon. Le locataire ne conteste pas être propriétaire de ces stocks qu'il entrepose dans la pièce commune.

Le constat fait aussi apparaître le stockage de sacs qui figurent également dans l'état de sortie des lieux démontrant ainsi que ces objets n'étaient pas entreposés par le locataire.

Par ailleurs, les photographies figurant dans le constat du 14 novembre 2018 permettent d'établir qu'il existe un accès possible aux compteurs d'eau et d'électricité se trouvant dans la pièce commune.

Dès lors, comme retenu à juste titre par le premier juge, l'usage prépondérant de cette pièce commune par le preneur qui n'exclut pas un libre accès aux compteurs d'eau et d'électricité ne constitue pas un motif grave et légitime justifiant qu'il soit privé d'une indemnité d'éviction.

Dès lors, faute pour le bailleur de justifier d'un motif grave et légitime, celui-ci ne peut s'exonérer du paiement d'une indemnité d'éviction.

2/ sur le droit de repentir

En application de l'article L.145-58 du code de commerce, le propriétaire peut, jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.

Il est constant que le droit de repentir ne peut plus être exercé lorsque le locataire a quitté régulièrement les lieux en exécution du congé après refus du renouvellement.

Par ailleurs, l'exercice par le bailleur de son droit de repentir emportant renouvellement du bail ne peut comporter la proposition d'un nouveau bail incluant une modification substantielle de ses modalités.

Comme relevé par le premier juge, les parties ont tenté de se rapprocher en vue de signer un renouvellement du bail.

Ainsi, par mail du 18 mars 2019, le notaire a adressé au locataire un projet d'acte ainsi qu'un projet de protocole et sollicitait ses disponibilités pour un rendez-vous de signature.

Néanmoins, par mail en réponse du 27 mars 2019, le preneur relevait que le bail comportait des modifications par rapport au bail initial s'agissant notamment du versement d'un dépôt de garantie non prévu initialement, qu'il n'était pas fait état de l'accord du bailleur sur l'emplacement des bouteilles de gaz et des bidons et qu'il s'opposait à signer un protocole d'accord relatif au règlement des dépenses de M. [Y] en considérant que cette signature constituait un chantage au renouvellement. Il indiquait donc ne pouvoir honorer une proposition de rendez-vous pour le même jour.

Me [V] attestait ainsi que le représentant de la société [H] n'avait pas honoré le rendez-vous de signature du 27 mars 2019 à la suite d'une discordance sur le projet d'acte.

Dès lors que le projet d'acte incluait une disposition nouvelle sur le dépôt de garantie et qu'il était soumis à la signature d'un protocole relatif à la prise en charge des dépenses de M. [Y], il ne peut être considéré que la Sci Roomy a exercé son droit de repentir et a renoncé sans équivoque à s'opposer au renouvellement du bail.

Postérieurement, par courrier du 3 février 2020, l'avocat de la société [H] a demandé au conseil de la Sci Roomy si celle-ci était disposée à signer l'avenant.

Sans réponse, par courrier du 24 février 2020, l'avocat de la société [H] a informé le bailleur du départ de son client.

La société [H] a quitté les lieux le 24 février 2020.

Si la Sci Roomy allègue que la société [H] a envoyé le courrier du 3 février 2020 à une période durant laquelle elle savait que M. [Y] était hospitalisé et qu'il n'avait aucun moyen d'en prendre connaissance, elle ne fait aucune offre de preuve.

Il apparaît au contraire que le courrier du 3 février 2020 a été envoyé par mail à l'avocate de la Sci Roomy qui après en avoir pris connaissance pouvait le

transmettre à son client. Au demeurant, si M. [Y] justifie avoir subi un scanner le 20 février 2020, il ne justifie pas d'une hospitalisation.

Dès lors, il ne peut être reproché à la société [H] d'avoir quitté les lieux.

3/ Sur le montant de l'indemnité d'éviction

Aux termes de l'article L.145-14 du code de commerce, l'indemnité d'éviction est égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement et elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Sur l'indemnité principale

L'indemnité d'éviction doit être calculée au moment où le préjudice est réalisé, c'est-à-dire soit à la date de l'éviction, soit à la date où le locataire cesse d'occuper régulièrement les locaux, soit en l'espèce le 24 février 2020, date du départ de la société [H].

Il résulte de l'expertise non contradictoire réalisée par les experts [F] et [X] à l'initiative de la société [H] le 25 mai 2020 une valorisation du fonds de commerce à la somme de 345.541 euros. Les deux experts se sont référés aux trois derniers comptes annuels de la société [H], ont recouru à plusieurs méthodes d'évaluation (méthode par les barèmes et méthode par l'EBE) pour en tirer une moyenne. Ils ont notamment retenu au titre de l'évaluation par barèmes actualisés un taux de 65% appliqué à la moyenne du chiffre d'affaire pour tenir compte de la faible rentabilité du fonds.

Le preneur verse aussi aux débats deux offres d'achat du fonds de commerce, l'une en date du 22 novembre 2018 pour un montant de 420.000 euros, l'autre du 1er février 2019 pour un montant de 400.000 euros.

Il a également produit une évaluation datée du 17 février 2020 et effectuée par une société d'expertise comptable, la société Eurex, valorisant le fonds entre 375.000 et 400.000 euros. Cette société s'est référée au barème de l'administration fiscale prévoyant un pourcentage entre 60% à 90% du chiffre d'affaires et en a retenu la fourchette basse.

La Sci Roomy a produit aux débats un rapport d'expertise diligenté à son initiative. L'expert a estimé l'indemnité d'éviction à la somme de 185.000 euros. Néanmoins, il apparaît que les calculs de la moyenne du chiffre d'affaires et de l'excédent brut d'exploitation figurant dans son rapport sont erronés. Il a retenu un taux de 35%. Il a déduit la somme de 20.000 euros au titre de la remise en état des locaux.

Contrairement à ce que soutient la Sci Roomy, l'indemnité évaluée par les experts [F] et [X] a bien été appréciée à la date la plus proche du départ du locataire, l'expert se référant aux trois derniers exercices comptables pleins antérieurs au départ. L'expertise qu'elle verse aux débats se réfère au demeurant aux mêmes exercices.

Par ailleurs, la valorisation du fonds de commerce n'avait pas à prendre en compte la période de Covid 19, le départ du locataire étant antérieur à cette période.

Enfin, la Sci Roomy allègue qu'elle a dû concéder une diminution du 'pas de porte' versé par le nouveau preneur d'environ 10.000 euros à raison des travaux de remise en état nécessaires à l'installation d'une nouvelle activité sans offrir la moindre preuve au soutien de ses allégations.

Elle n'est donc pas fondée à soutenir que ce montant doit être pris en compte sur le montant de l'indemnité d'éviction.

En revanche, la Sci Roomy est bien fondée à soutenir que l'évaluation ne peut prendre en compte l'activité de bar qui a été temporairement exercée sans en informer le locataire.

Il convient donc de se référer au dernier exercice plein au cours duquel cette activité a cessé, le chiffre d'affaire étant alors de 535.699,62 euros.

Le barème fiscal retient une évaluation entre 60 à 90% du chiffre d'affaires Ttc. Le barème Lefèvre retient quant à lui une évaluation entre 55 à 110% du chiffre d'affaires Ht.

Comme indiqué par les experts, le pourcentage à retenir est fonction de la rentabilité du fonds de commerce. En l'espèce, il est établi par les expertises que l'excédent brut d'exploitation (EBE) est en importante baisse tout en demeurant positif ce qui nécessite de privilégier une fourchette basse.

Néanmoins, le pourcentage de 35% proposé par l'expert de la Sci Roomy qui ne correspond à aucun des barèmes ne peut être retenu eu égard à l'EBE positif.

Au vu de l'ensemble de ses éléments qui ne proviennent pas que d'une seule expertise non contradictoire, l'indemnité d'éviction principale sera évaluée à la somme de 294.635 euros (535.699,62 x 55%).

Sur le trouble commercial

L'indemnité pour trouble commercial vise à réparer le trouble né à l'occasion de l'arrêt de l'exploitation. Comme relevé par le premier juge, la société [H] a subi nécessairement des perturbations dans l'exploitation de son fonds de commerce consécutivement à la gestion de son éviction découlant du refus du bailleur de renouveler le bail.

Contrairement à ce que soutient la Sci Roomy, ce trouble n'est pas déjà réparé par l'indemnité principale d'éviction.

L'indemnité pour trouble commercial est généralement évaluée sur la base de 3 mois d'excédent brut d'exploitation.

Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à la société [H] la somme de 13.267 euros à ce titre.

Sur l'indemnité de remploi

Comme relevé par le premier juge, la société [H] ne justifie pas avoir acquis un nouveau fonds de commerce. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette indemnité.

Sur le coût du transfert de siège social

Il n'est pas justifié du coût des formalités de changement de siège social ni de son règlement.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société [H] de cette demande.

Sur le coût du déménagement

La société [H] ne produit aucunes factures de déménagement. Le montant réclamé ne peut être alloué sur le seul fondement d'une expertise

non contradictoire diligentée à l'initiative du preneur. Le jugement doit donc aussi être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la perte des aménagements spécifiques et la liquidation préjudiciable de son stock

Les experts mandatés par le preneur indiquent qu'il peut être retenu une somme de 3.966,89 euros Ht sous réserve de l'effectivité dudit montant. Il n'est pas justifié de l'effectivité d'un tel montant.

Par ailleurs, les aménagements spécifiques sont déjà comptabilisés dans le montant de l'indemnité d'éviction.

Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté cette demande.

Sur les frais de licenciement du personnel

La société [H] produit une attestation de la société ARH qui déclare l'avoir accompagnée dans la mise en oeuvre des ruptures des contrats de travail qu'elle a été contrainte de mettre en oeuvre dans le cadre de la fermeture de son établissement de restauration, à savoir le licenciement économique de deux personnes et la dispense d'activité pour un salarié, titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée, rémunérée sans activité depuis la date de fermeture jusqu'au terme naturel du contrat. Elle indique que ces frais se sont élevés à la somme de 18.615,85 euros, somme réclamée par la société [H].

Du fait de l'éviction, les emplois n'ont pu être maintenus et une indemnité est donc due à ce titre.

S'agissant du contrat à durée déterminée, le preneur a bien subi un préjudice en devant rémunérer sa salariée alors même qu'elle ne pouvait exercer aucune activité.

Il sera donc alloué à la société [H] la somme de 18.615,85 euros au titre des frais de licenciement, étant précisé que celle-ci ne réclame pas la somme de 2.000 euros au titre du règlement des honoraires de la société ARH. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts en raison des fautes ou manquements commis

Comme retenu par le premier juge, la mauvaise foi du bailleur lors du refus de renouvellement du bail n'est pas caractérisée dès lors qu'une discussion légitime pouvait avoir lieu s'agissant de l'interprétation des clauses du bail et dans la mesure où le preneur a exercé une activité de bar au moins pendant une partie de la durée du bail.

C'est donc par des motifs exacts qui répondent aux moyens soulevés et que la cour adopte que le premier juge a débouté la société [H] de sa demande de dommages et intérêts.

La cour observe en outre que les termes d'un mail que l'intimée reproduit dans ses écritures ne permettent pas de caractériser la mauvaise foi de l'appelante dès lors qu'ils proviennent d'un mail anonyme que rien ne permet d'attribuer à l'appelante.

Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

4/ Sur les frais accessoires

La Sci Roomy qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel lesquels ne peuvent comprendre le coût de l'expertise privée diligentée à la seule initiative du preneur.

Elle sera aussi condamnée à payer la somme de 3.500 euros à la société [H] en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 12 mai 2022 en ses dispositions sauf en ce qu'il a :

- condamné la Sci Roomy à payer à la Sas [H] une indemnité d'éviction d'un montant de 345.541 euros,

- condamné la Sci Roomy à payer à la Sas [H] la somme de 2.000 euros au titre des frais de licenciement,

- débouté la Sas [H] du surplus de sa demande au titre des frais de licenciement et des coûts salariaux.

L'infirme sur ces chefs.

Statuant à nouveau,

Condamne la Sci Roomy à payer à la Sas [H] une indemnité d'éviction principale d'un montant de 294.635 euros.

Condamne la Sci Roomy à payer à la Sas [H] la somme de 18.615,85 euros au titre des frais de licenciement.

Ajoutant,

Condamne la Sci Roomy aux entiers dépens d'appel lesquels ne peuvent comprendre le coût de l'expertise privée diligentée à la seule initiative du preneur.

Condamne la Sci Roomy à payer à la société [H] la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

Déboute la Sci Roomy de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.