Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 11, 12 mars 2024, n° 21/08194
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 12 MARS 2024
(n° ,12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08194 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CENY2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Août 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/11476
APPELANTE
S.A.S. ROCHEFONTAINE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Eric ALLERIT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
INTIME
Monsieur [K] [M]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Caroline PEYRATOUT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0048
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [K] [M], né en 1972, a été engagé par la SAS Rochefontaine, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 octobre 2010 en qualité de responsable du département fruit.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra-communautaire et d'importation-exportation du 19 décembre 1952.
Par lettre datée du 29 octobre 2019, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 8 novembre 2019 avec mise à pied conservatoire avant d'être licencié pour faute grave par lettre datée du 15 novembre 2019.
A la date du licenciement, M. [M] avait une ancienneté de 9 ans, et la société Rochefontaine occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre la fixation de son salaire, des rappels de salaire notamment pour heures complémentaires, et l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral, M. [M] a saisi le 24 décembre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 30 août 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamne la société Rochefontaine à verser à M. [M] les sommes suivantes :
- 14 996,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 19 281,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1928,17 euros au titre des congés payés afférents,
- 2741,48 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- 274,15 euros au titre des congés payés afférents,
- 14 500 euros à titre de rappel de salaire (prime de fin d'année),
- 1450 euros au titre des congés payés afférents,
- 5950 euros à titre de rappel de salaire au titre du solde prime de vacances,
- 595 euros au titre des congés payés afférents,
- 7616,40 euros à titre de rappel de salaire (prime d'ancienneté),
- 761,64 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et jusqu'au jour du paiement,
- rappelle qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,
- 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute M. [M] du surplus de ses demandes,
- déboute la société Rochefontaine de sa demande reconventionnelle,
- condamne la partie défenderesse au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 4 octobre 2021, la société Rochefontaine a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 8 septembre 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er juillet 2022, la société Rochefontaine demande à la cour de :
- recevoir la société Rochefontaine en son appel et la déclarer bien fondée,
y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise,
statuant a nouveau,
- juger que le licenciement de M. [M] est fondé sur une faute grave,
- juger qu'aucun rappel de salaires n'est dû à M. [M], que ce soit au titre des différentes primes revendiquées, ou au titre de la mise à pied conservatoire,
- condamner M. [M] à rembourser la somme de 23 870,19 euros payée par la société Rochefontaine au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement du conseil de prud'hommes infirmé,
- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
pour le surplus,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 30 août 2021 en ce qu'il a débouté M. [M] du surplus de ses demandes,
en tout état de cause :
- condamner M. [M] à verser à la société Rochefontaine la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Me Eric Allerit membre de la SELARL Taze Bernard Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 juillet 2023, M. [M] demande à la cour de':
- déclarer M. [M] recevable et fondé en son appel incident et ses demandes,
y faisant droit,
à titre principal,
- infirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a dit le licenciement de M. [M] sans cause réelle et sérieuse,
et statuant à nouveau,
- juger le licenciement de M. [M] nul,
- condamner la société Rochefontaine à verser à M. [M] la somme de 77.127 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a dit le licenciement de M. [M] sans cause réelle et sérieuse,
- infirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
et statuant à nouveau,
- condamner la société Rochefontaine à verser à M. [M] la somme de 57.845,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
ou, à défaut, si la cour devait estimer que le conseil de prud'hommes a omis de statuer sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse de M. [M],
- compléter le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris et y ajoutant,
- condamner la société Rochefontaine à verser à M. [M] la somme de 57.845,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Rochefontaine à verser à M. [M] les sommes suivantes :
- 14.996,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 19.281,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.928,17 euros au titre des congés payés afférents,
- 2.741,48 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- 274,15 euros au titre des congés payés afférents,
- 14.500 euros à titre de rappel de salaire (prime de fin d'année),
- 1.450 euros au titre des congés payés afférents,
- 5.950 euros à titre de rappel de salaire au titre du solde prime de vacances,
- 595 euros au titre des congés payés afférents,
- 7.616,40 euros à titre de rappel de salaire (prime d'ancienneté)
- 761,64 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et jusqu'au jour du paiement,
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a rappelé que les condamnations de première instance sont exécutoires de droit à titre provisoire en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail,
- confirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté la société Rochefontaine de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée au paiement des entiers dépens,
- infirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté M. [M] du surplus de ses demandes,
et statuant à nouveau,
- condamner la société Rochefontaine à verser M. [M] les sommes suivantes :
- 19.281,75 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait du procédé humiliant et des mesures vexatoires adoptées par l'employeur,
- 19.281,75 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel subi du fait d'une inégalité de traitement salarial, d'une discrimination salariale appliquée au préjudice de M. [M], d'actes de harcèlement et de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- 7.445,60 euros bruts au titre des heures supplémentaires et week-end travaillé non payé et non récupéré,
- 744,56 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 38.563,50 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- accorder à M. [M] le bénéfice de l'anatocisme sur les intérêts échus,
par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
ou à défaut, si la cour devait estimer que le conseil de prud'hommes a omis de statuer sur la demande de bénéfice de l'anatocisme sur les intérêts échus de M. [M],
- compléter le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris et y ajoutant,
- accorder à M. [M] le bénéfice de l'anatocisme sur les intérêts échus, par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner la société Rochefontaine à remettre à M. [M] des documents sociaux conformes à l'arrêt à intervenir,
- juger l'appel principal de la société Rochefontaine mal fondé,
- débouter purement et simplement la société Rochefontaine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Rochefontaine à verser à M. [M] la somme de 3.500 euros en cause d'appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Rochefontaine au paiement des entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 23 janvier 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les rappels de primes
Pour infirmation de la décision entreprise, la société Rochefontaine soutient essentiellement que l'offre de prime de fin d'année n'a pas été acceptée par le salarié ; que la prime d'ancienneté pour les cadres ayant un coefficient égal ou supérieur à 350 est intégrée à la rémunération globale.
M. [M] rétorque qu'aux termes de des documents contractuels d'embauche, il aurait dû percevoir chaque mois de décembre un prime de fin d'année de 6 500 euros ; qu'en, outre, en application de l'article 28 de la convention collective, une prime d'ancienneté lui était due.
Sur les primes de vacances et de fin d'année
En application de l'article 1103 (anciennement 1134), les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Par courriel du 21 juillet 2010, le directeur financier de la société a proposé à M. [M] 'un salaire de départ brut de 3 950 euros sur 13 mois, soit un brut annuel de 51 350 euros, auquel s'ajouteront une prime de vacances d'un montant de 5 000 euros et une prime de fin d'année versée en décembre d'un montant de 6 500 euros.
Par courriel du 22 juillet 2010, le même directeur proposait à M. [M] dans un premier temps de porter sa rémunération brute mensuelle de 3 950 euros à 4 300 euros sur 13 mois dès le premier jour de son embauche, puis dans un deuxième temps et dans la mesure où sa réintégration sera réussie, de la porter à 4 600 euros brut au 1er juillet 2011, les primes annoncées étant maintenues et pouvant être révisées à la hausse.
Dans le contrat de travail signé le 18 octobre 2010 par M. [M], la société Rochefontaine précise avoir 'le plaisir de ...confirmer par la présente les conditions de votre engagement' et fixe la rémunération à '55 900 euros sur 13 mois, soit 4 300 euros mensuels hors primes bénévoles'.
Eu égard aux négociations et aux propositions préalables à la formation du contrat de travail écrit par lequel la société Rochefontaine confirme les conditions de l'engagement de M. [M], à savoir, au dernier état des propositions, 4300 euros par mois sur 13 mois, 5 000 euros de primes de vacances et 6 500 euros de prime de fin d'année, l'employeur ne peut de bonne foi soutenir que ces primes ne sont pas due quand bien même le salarié ne les a pas réclamées durant l'exécution du travail. En outre, alors même que ces primes ne sont pas visées expressément dans le contrat de travail, la cour constate qu'elles ont été versées chaque année au moins partiellement.
En conséquence, eu égard au tableau communiqué par le salarié et sans élément opposant de l'employeur à qui incombe la charge de la preuve du paiement intégral des primes dues, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société Rochefontaine à verser à M. [M] les sommes suivantes :
- 5.950 euros au titre du solde prime de vacances ;
- 595 euros au titre des congés payés afférents ;
- 14.500 euros à titre de rappel de prime de fin d'année ;
- 1450 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la prime d'ancienneté
L'article 28 de la convention collective applicable précise qu'en ce qui concerne les cadres confirmés dont le coefficient est égal à supérieur à C15 (anciennement 350), les appointements s'agissant de la prime d'ancienneté sont déterminés forfaitairement de gré à gré ; qu'en plus du salaire minimum garanti de la profession découlant du coefficient hiérarchique de l'intéressé, la rémunération globale tient compte de compléments résultant de la valeur individuelle, des conditions de travail et de l'expérience acquise.
Au constat que pour les cadres bénéficiant du coefficient C15, la prime d'ancienneté fait l'objet d'une négociation dans le cadre de la rémunération globale, que la rémunération de M. [M], cadre coefficient C15, est, comme souligné par l'employeur et non contredit par le salarié, supérieure au minimum conventionnel, la cour en déduit que M. [M] ne peut pas prétendre au paiement d'un rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté.
En conséquence, par infirmation de la décision entreprise, la cour déboute M. [M] de sa demande de rappel de prime d'ancienneté.
Sur les heures supplémentaires
Pour infirmation de la décision sur ce point, M. [M] fait valoir qu'il a bien effectué des heures supplémentaires et qu'il produit à l'appui de sa demande un relevé détaillé ainsi qu'un justificatif de présence à un salon.
La société Rochefontaine réplique que le salarié a produit un simple tableau excel alléguant d'heures supplémentaires effectuées au cours de l'année 2019 et ne présentant aucun caractère d'authenticité, de fiabilité et de crédibilité.
L'article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.
L'article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [M] produit un tableau hebdomadaire mentionnant l'amplitude horaire chaque jour de la semaine, les heures effectuées chaque semaine et le nombre d'heures supplémentaires, ainsi qu'un justificatif de présence à un salon le week-end du 12 et 13 octobre 2019.
Il présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il dit avoir réalisées, permettant ainsi à la société Rochefontaine qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.
A cet effet, la société affirme que le salarié n'a jamais effectué d'heures supplémentaires, sa charge de travail ne le justifiant pas. Elle produit une attestation de M. [R], directeur commercial, selon lequel M. [M] ne lui a jamais demandé le paiement d'heures supplémentaires et ne l'a jamais informé en avoir fait.
En conséquence, eu égard aux éléments présentés par les parties, la cour a la conviction que salarié a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées mais après analyse des pièces produites, dans une moindre importance que ce qui est réclamé et par infirmation du jugement déféré, condamne la société Rochefontaine à verser à M. [M] la somme de 6 831,44 euros à ce titre pour l'année 2019 outre la somme de 683,14 euros de congés payés afférents.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et matériel
Pour infirmation de la décision, M. [M] soutient en substance qu'il a été victime de harcèlement moral, d'inégalité de traitement par rapport à la situation de M. [D], de discrimination salariale et d'exécution déloyale de son contrat de travail.
La société Rochefontaine conclut en réponse que le harcèlement moral n'est nullement établi ; que la situation de M. [D] n'est pas comparable à la sienne.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur.
En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
A l'appui de sa demande, M. [M] invoque les faits suivants :
- le non-paiement d'une partie du salaire de manière répétée et malgré les demandes du salarié;
- la discrimination et la rupture d'égalité dans la politique salariale de l'entreprise et le traitement différencié par rapport à M. [D] ;
- les fortes pressions afin de le contraindre à accepter un poste à des conditions désavantageuses.
La cour retient que M. [M] se compare à M. [D], responsable grands comptes, poste que M. [M] a refusé de prendre, et qui a été engagé eu égard au réseau qu'il possédait auprès de la société Del Monte qui lui avait confié la distribution exclusive de ses produits dans toute la France, ce qui n'est pas contredit. Les faits relatifs à la discrimination salariale ou à l'inégalité de traitement ne sont pas matériellement établis et sont donc écartés.
En outre, les échanges de courriels produits et relatifs à la participation de M. [M] au rendez-vous prévu le lundi 14 octobre 2019 avec le client ITM ne caractérisent nullement des pressions pour accepter le poste de 'comptes-clés' comme le prétend le salarié, l'employeur n'évoquant jamais dans les échanges ce nouveau poste, mais seulement la collaboration 'historique' sur ce dossier de M. [M] qui, présent sur le salon Casino Proxi, n'avait pas prévu de rentrer avant le mardi après-midi. Les fortes pressions ne sont donc pas davantage établies.
Seul est donc matériellement établi le non-paiement des différentes primes sans pour autant que cela constitue, quand bien même le non-paiement a été répété, des éléments qui pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail, ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Le harcèlement moral n'est donc pas établi.
S'agissant de l'exécution déloyale du contrat de travail, le salarié ne développe aucun moyen de faits distincts de ceux déjà développés.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation de la décision entreprise, la société Rochefontaine soutient en substance que l'insubordination du salarié est caractérisée et qu'elle constitue en l'espèce une faute grave ; qu'il n'existe aucun harcèlement moral ni entrave à la liberté d'expression.
Sur appel incident, M. [M] réplique que le licenciement est nul en raison de la violation par l'employeur de la liberté d'expression, mais également du harcèlement moral subi et de la dénonciation de ce harcèlement à l'origine de son licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi rédigée :
' Depuis l'arrivée de Monsieur [C] [G] en qualité de nouveau Directeur commercial pour anticiper le départ en retraite de Monsieur [O] [R] à la fin de l'année, et la modification de la gouvernance de l'entreprise telle qu'elle a été annoncée au personnel de la société par une lettre d'information en date du 12 septembre 2019, vous vous êtes placé dans une position d'opposition et d'insubordination, qui ne permet pas votre maintien dans la société.
Vous avez été recruté à compter du 18 octobre 2010 en qualité de « Responsable commercial département fruits ».
Vos fonctions ont cependant évolué depuis plusieurs années.
A l'occasion de l'annonce de la suppression du département fruit, alors que vos fonctions en cette qualité étaient depuis longtemps résiduelles, nous vous avons proposé le 26 septembre 2019, puis à nouveau le 4 octobre 2019, une promotion en qualité de « Compte-Clé » ou « Responsable Grand compte », assortie de comptes clients supplémentaires, d'une rémunération augmentée ainsi que d'une autonomie vous permettant d'accéder au régime du forfait jour.
Comme vous le savez fort bien, le département fruit représentait au moment de sa suppression, 1% du chiffre d'affaires global de notre société, quant à la proportion de l'activité fruit dans vos fonctions, elle était depuis plusieurs années de l'ordre de 10%. La suppression annoncée de ce département n'avait donc qu'une incidence très marginale sur vos fonctions. Vous aviez évidemment toute liberté d'accepter ou de refuser cette promotion, voire d'en discuter les termes.
Vous avez alors pris argument de ce que vous avez présenté comme un énorme surcroît de travail pour engager un bras de fer avec la direction sur votre rémunération et vous avez mis en avant des exigences salariales démesurées, à l'acceptation desquelles vous avez subordonné votre accord (votre mail du 1 er octobre 2019).
Nous avons refusé ces exigences salariales que nous avons considérées extravagantes.
Vous avez alors franchi la limite de l'acceptable, en subordonnant à l'accord de la société à vos revendications salariales, votre participation à des rendez-vous clients.
Vous avez commencé à brandir votre titre contractuel de « Responsable commercial département fruits » lequel ne correspond pourtant plus depuis longtemps à la réalité de vos fonctions, pour refuser d'exécuter les instructions qui vous étaient données et qui selon vous outrepassaient vos fonctions.
Monsieur [G] vous a demandé d'être présent à un rendez-vous avec Intermarché, un de nos gros clients, initialement prévu le 15 octobre, puis décalé à la demande du client, le 25 octobre 2019.
A la première puis à la seconde date, vous avez refusé de participer à ce rendez-vous, alors même que le 25 octobre, vous étiez présent au siège de la société.
Le directeur commercial vous a demandé d'être présent au rendez vous GALEC, acteur majeur de la grande distribution et un des clients les plus importants de notre société.
Vous avez refusé par mail du 18 octobre 2019, d'être présent à ce rendez-vous. Là encore, vous étiez présent au siège de la société.
A l'occasion de l'entretien préalable, vous avez indiqué concernant vos refus successifs, que votre présence n'était pas indispensable, qu'il y avait deux directeurs et que c'était bien suffisant.
Une telle réponse témoigne de votre méconnaissance de vos obligations en votre qualité de salarié : il ne vous appartient pas de critiquer la stratégie commerciale définie par votre hiérarchie, mais de la mettre en œuvre dans le cadre des instructions claires qui vous sont données à cet égard.
Précisons que les rendez-vous auxquels il vous était demandé de participer, s'inscrivaient pleinement dans la réalité de vos fonctions effectives de longue date, et que c'est avec une grande mauvaise foi que vous avez prétendu le contraire, espérant par votre obstruction nous contraindre à nous plier à vos exigences salariales.
Nous en voulons pour preuve le fait que vous êtes en relations avec Galec, comme avec Intermarché, ainsi que cela vous a été rappelé, en dernier lieu lors de l'entretien préalable.
Nous sommes donc conduits à faire le constat de votre insubordination caractérisée.
Vous contestez votre nouveau lien hiérarchique à Monsieur [G], au motif que votre contrat de travail prévoit que vous êtes placé sous l'autorité directe du Directeur général, Monsieur [W] (cf votre mail du 18 octobre 2019). Vous refusez d'obéir à ses instructions et de participer aux rendez-vous client au motif que ces rendez-vous ne feraient pas partie de vos fonctions (cf vos mails du 14 octobre 2019). De manière générale, dans une situation de transition particulièrement délicate pour notre société, vous refusez d'assurer auprès des clients la continuité souhaitable. Vous mettez en avant, au soutien de votre insubordination, des exigences salariales exorbitantes auxquelles nous avons refusé de donner suite.
Pour justifier l'injustifiable, vous prétendez, sans le moindre fondement, être la victime d'une tentative de modification unilatérale de vos fonctions.
La posture de blocage et d'opposition systématique que vous avez adoptée ces derniers temps, dans le but de négocier une augmentation extravagante, n'est pas acceptable.
Tout ceci n'est plus tenable et perturbe considérablement la bonne marche de notre société, ce qui nous conduit à vous licencier pour faute grave.
Votre licenciement prend donc effet immédiatement, à la date de première présentation de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni de licenciement. La période mise à pied ne sera pas rémunérée ».
Sur la liberté d'expression
Vu l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il résulte de ces textes que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression et il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
Il est de droit que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.
Il résulte de la lecture même de la lettre de licenciement que la société Rochefontaine reproche notamment à M. [M] l'expression de ses exigences salariales jugées extravagantes par la société mais également d'avoir, à l'occasion de l'entretien préalable, indiqué concernant ses refus successifs de participer à des réunions, que sa présence n'était pas indispensable, qu'il y avait deux directeurs, la société précisant qu'une 'telle réponse témoigne de votre méconnaissance de vos obligations en votre qualité de salarié : il ne vous appartient pas de critiquer la stratégie commerciale définie par votre hiérarchie, mais de la mettre en œuvre dans le cadre des instructions claires qui vous sont données à cet égard'. La société indique également que 'pour justifier l'injustifiable, [le salarié prétend], sans le moindre fondement, être la victime d'une tentative de modification unilatérale de [ses] fonctions' ; que 'la posture de blocage et d'opposition systématique que [le salarié adopte] ces derniers temps, dans le but de négocier une augmentation extravagante, n'est pas acceptable' ; ' que tout ceci n'est plus tenable et perturbe considérablement la bonne marche de notre société, ce qui nous conduit à vous licencier pour faute grave'.
La cour en déduit que le licenciement de M. [M] est fondé en partie sur l'expression de ses revendications salariales et sa critique de la stratégie de la société dont le caractère abusif n'est pas soutenu, qu'en conséquence il est intervenu en violation de la liberté d'expression du salarié.
Par infirmation de la décision entreprise, la cour juge donc que le licenciement de M. [M] est nul.
Sur les conséquences financières
L'article L. 1235-3-1 du code du travail dispose que l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d'une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.
L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.
L'article L. 1235-2-1 du code du travail précise qu'en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l'article L. 1235-3-1.
Il est reproché à M. [M] de ne pas s'être rendu à des rendez-vous avec les clients Galec et ITM, le salarié alléguant qu'il dépendait du directeur général et que ces rendez-vous ne faisaient pas partie de ses fonctions dans la mesure où il n'avait pas accepté la modification de son contrat de travail et le poste de 'Compte-clé'.
Le contrat de travail de M. [M] du 18 octobre 2010 précise qu'il assurera la fonction de responsable commercial département fruits sous l'autorité du directeur général M. [W] et qu'il bénéficiera du statut cadre coefficient 350 position C.
Par courrier du 4 octobre 2019 adressé à M. [M], M. [W], alors secrétaire général de la société Rochefontaine a confirmé la restructuration des services 'motivée par un nouveau positionnement stratégique de son activité' et la cessation de la commercialisation des fruits de la marque Rochefontaine et KUP (département fruits), précisant que 'cela entraîne de fait une suppression du département fruits, raison pour laquelle nous souhaitons faire évoluer notre collaboration dans le cadre de ce nouveau schéma' et confirmant lui proposer le poste de 'Compte-clé', statut cadre avec l'application d'un forfait annuel en jours.
La cour déduit de ces éléments que la fonction de responsable commercial spécifiquement dans le département fruits était bien un élément du contrat de travail expressément prévu qui ne pouvait être modifié qu'avec l'accord exprès du salarié, l'employeur ayant au demeurant proposé un avenant modifiant le contrat de travail. C'est donc en vain que l'employeur fait valoir que M. [M] a pu participer à des négociations concernant des légumes avec ITM et Galec, l'assistance du salarié auprès de M. [R] directeur commercial qui devait être remplacé par M. [G], ne pouvant valoir accord exprès de M. [M] à une modification future de son contrat de travail.
En conséquence, l'employeur ne pouvait pas reprocher à son salarié de ne pas exécuter des tâches qui ne relevaient pas de ses attributions expressément prévues par le contrat de travail de telle sorte que le grief d'insubordination formulé dans la lettre de licenciement n'est pas établi.
Au vu des bulletins de salaire produits et de l'ancienneté du salarié, la cour confirme la décision des premiers juges qui ont condamné la société Rochefontaine à verser à M. [M] les sommes suivantes dont le montant n'est au demeurant pas discuté :
- 14.996,91 euros à titré d'indemnité de licenciement ;
- 19.281,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 1928,17 euros au titre des congés payés afférents ;
- 2.741,48 euros à titre de rappel de salaire sur misé à pied conservatoire ;
- 274,15 euros au titre des congés payés afférents.
En outre, en application des articles sus-visés, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération du salarié, de son âge, de son ancienneté de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, M. [M] justifiant la prise en charge par Pôle Emploi jusqu'en janvier 2022 puis d'un refus à compter de cette date, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur le travail dissimulé
Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article'L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article'L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article'L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, il n'est pas établi que c'est de manière intentionnelle que l'employeur n'a rémunéré les heures supplémentaires à M. [M] qui n'en avait pas réclamé le paiement durant l'exécution du contrat. La décision des premiers juges qui a débouté le salarié de sa demande d'indemnité forfaitaire sera donc confirmée.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre des circonstances du licenciement
Le salarié ne justifie pas de l'existence de circonstances brutales et vexatoires du licenciement qui ne sont pas caractérisées du seul fait que le licenciement est abusif. La cour confirme donc le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur la capitalisation des intérêts
En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée. En l'espèce, il doit être fait droit à cette demande.
Sur les frais irrépétibles
Partie perdante, la société Rochefontaine sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [M] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la condamnation prononcée à ce titre en première instance étant confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Rochefontaine à verser à M. [K] [M] les sommes suivantes :
- 5.950 euros au titre du solde prime de vacances ;
- 595 euros au titre des congés payés afférents ;
- 14.500 euros à titre de rappel de prime de fin d'année ;
- 1450 euros au titre des congés payés afférents.
- 14.996,91 euros à titré d'indemnité de licenciement ;
- 19.281,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 1928,17 euros au titre des congés payés afférents ;
- 2.741,48 euros à titre de rappel de salaire sur misé à pied conservatoire ;
- 274,15 euros au titre des congés payés afférents ;
- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
et en ce qu'il a débouté M. [K] [M] de sa demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait d'une inégalité de traitement salarial, d'une discrimination salariale, d'actes de harcèlement moral et de l'exécution déloyale du contrat de travail, de sa demande de dommages-intérêts au titre des circonstances de la rupture ;
INFIRME le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés et statuant à nouveau ;
JUGE que le licenciement de M. [K] [M] est nul pour violation de la liberté d'expression;
CONDAMNE la SAS Rochefontaine à verser à M. [K] [M] les sommes suivantes :
- 6 831,44 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2019 ;
- 683,14 euros de congés payés afférents ;
- 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts ;
DÉBOUTE M. [K] [M] de sa demande rappel de prime d'ancienneté ;
CONDAMNE la SAS Rochefontaine aux entiers dépens ;
CONDAMNE la SAS Rochefontaine à verser à M. [K] [M] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 12 MARS 2024
(n° ,12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08194 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CENY2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Août 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/11476
APPELANTE
S.A.S. ROCHEFONTAINE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Eric ALLERIT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
INTIME
Monsieur [K] [M]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Caroline PEYRATOUT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0048
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [K] [M], né en 1972, a été engagé par la SAS Rochefontaine, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 octobre 2010 en qualité de responsable du département fruit.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra-communautaire et d'importation-exportation du 19 décembre 1952.
Par lettre datée du 29 octobre 2019, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 8 novembre 2019 avec mise à pied conservatoire avant d'être licencié pour faute grave par lettre datée du 15 novembre 2019.
A la date du licenciement, M. [M] avait une ancienneté de 9 ans, et la société Rochefontaine occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre la fixation de son salaire, des rappels de salaire notamment pour heures complémentaires, et l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral, M. [M] a saisi le 24 décembre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 30 août 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamne la société Rochefontaine à verser à M. [M] les sommes suivantes :
- 14 996,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 19 281,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1928,17 euros au titre des congés payés afférents,
- 2741,48 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- 274,15 euros au titre des congés payés afférents,
- 14 500 euros à titre de rappel de salaire (prime de fin d'année),
- 1450 euros au titre des congés payés afférents,
- 5950 euros à titre de rappel de salaire au titre du solde prime de vacances,
- 595 euros au titre des congés payés afférents,
- 7616,40 euros à titre de rappel de salaire (prime d'ancienneté),
- 761,64 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et jusqu'au jour du paiement,
- rappelle qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,
- 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute M. [M] du surplus de ses demandes,
- déboute la société Rochefontaine de sa demande reconventionnelle,
- condamne la partie défenderesse au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 4 octobre 2021, la société Rochefontaine a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 8 septembre 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er juillet 2022, la société Rochefontaine demande à la cour de :
- recevoir la société Rochefontaine en son appel et la déclarer bien fondée,
y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise,
statuant a nouveau,
- juger que le licenciement de M. [M] est fondé sur une faute grave,
- juger qu'aucun rappel de salaires n'est dû à M. [M], que ce soit au titre des différentes primes revendiquées, ou au titre de la mise à pied conservatoire,
- condamner M. [M] à rembourser la somme de 23 870,19 euros payée par la société Rochefontaine au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement du conseil de prud'hommes infirmé,
- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
pour le surplus,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 30 août 2021 en ce qu'il a débouté M. [M] du surplus de ses demandes,
en tout état de cause :
- condamner M. [M] à verser à la société Rochefontaine la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Me Eric Allerit membre de la SELARL Taze Bernard Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 juillet 2023, M. [M] demande à la cour de':
- déclarer M. [M] recevable et fondé en son appel incident et ses demandes,
y faisant droit,
à titre principal,
- infirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a dit le licenciement de M. [M] sans cause réelle et sérieuse,
et statuant à nouveau,
- juger le licenciement de M. [M] nul,
- condamner la société Rochefontaine à verser à M. [M] la somme de 77.127 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a dit le licenciement de M. [M] sans cause réelle et sérieuse,
- infirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
et statuant à nouveau,
- condamner la société Rochefontaine à verser à M. [M] la somme de 57.845,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
ou, à défaut, si la cour devait estimer que le conseil de prud'hommes a omis de statuer sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse de M. [M],
- compléter le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris et y ajoutant,
- condamner la société Rochefontaine à verser à M. [M] la somme de 57.845,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Rochefontaine à verser à M. [M] les sommes suivantes :
- 14.996,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 19.281,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.928,17 euros au titre des congés payés afférents,
- 2.741,48 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- 274,15 euros au titre des congés payés afférents,
- 14.500 euros à titre de rappel de salaire (prime de fin d'année),
- 1.450 euros au titre des congés payés afférents,
- 5.950 euros à titre de rappel de salaire au titre du solde prime de vacances,
- 595 euros au titre des congés payés afférents,
- 7.616,40 euros à titre de rappel de salaire (prime d'ancienneté)
- 761,64 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et jusqu'au jour du paiement,
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a rappelé que les condamnations de première instance sont exécutoires de droit à titre provisoire en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail,
- confirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté la société Rochefontaine de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée au paiement des entiers dépens,
- infirmer le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté M. [M] du surplus de ses demandes,
et statuant à nouveau,
- condamner la société Rochefontaine à verser M. [M] les sommes suivantes :
- 19.281,75 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait du procédé humiliant et des mesures vexatoires adoptées par l'employeur,
- 19.281,75 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel subi du fait d'une inégalité de traitement salarial, d'une discrimination salariale appliquée au préjudice de M. [M], d'actes de harcèlement et de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- 7.445,60 euros bruts au titre des heures supplémentaires et week-end travaillé non payé et non récupéré,
- 744,56 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 38.563,50 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- accorder à M. [M] le bénéfice de l'anatocisme sur les intérêts échus,
par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
ou à défaut, si la cour devait estimer que le conseil de prud'hommes a omis de statuer sur la demande de bénéfice de l'anatocisme sur les intérêts échus de M. [M],
- compléter le jugement du 30 août 2021 du conseil de prud'hommes de Paris et y ajoutant,
- accorder à M. [M] le bénéfice de l'anatocisme sur les intérêts échus, par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner la société Rochefontaine à remettre à M. [M] des documents sociaux conformes à l'arrêt à intervenir,
- juger l'appel principal de la société Rochefontaine mal fondé,
- débouter purement et simplement la société Rochefontaine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Rochefontaine à verser à M. [M] la somme de 3.500 euros en cause d'appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Rochefontaine au paiement des entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 23 janvier 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les rappels de primes
Pour infirmation de la décision entreprise, la société Rochefontaine soutient essentiellement que l'offre de prime de fin d'année n'a pas été acceptée par le salarié ; que la prime d'ancienneté pour les cadres ayant un coefficient égal ou supérieur à 350 est intégrée à la rémunération globale.
M. [M] rétorque qu'aux termes de des documents contractuels d'embauche, il aurait dû percevoir chaque mois de décembre un prime de fin d'année de 6 500 euros ; qu'en, outre, en application de l'article 28 de la convention collective, une prime d'ancienneté lui était due.
Sur les primes de vacances et de fin d'année
En application de l'article 1103 (anciennement 1134), les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Par courriel du 21 juillet 2010, le directeur financier de la société a proposé à M. [M] 'un salaire de départ brut de 3 950 euros sur 13 mois, soit un brut annuel de 51 350 euros, auquel s'ajouteront une prime de vacances d'un montant de 5 000 euros et une prime de fin d'année versée en décembre d'un montant de 6 500 euros.
Par courriel du 22 juillet 2010, le même directeur proposait à M. [M] dans un premier temps de porter sa rémunération brute mensuelle de 3 950 euros à 4 300 euros sur 13 mois dès le premier jour de son embauche, puis dans un deuxième temps et dans la mesure où sa réintégration sera réussie, de la porter à 4 600 euros brut au 1er juillet 2011, les primes annoncées étant maintenues et pouvant être révisées à la hausse.
Dans le contrat de travail signé le 18 octobre 2010 par M. [M], la société Rochefontaine précise avoir 'le plaisir de ...confirmer par la présente les conditions de votre engagement' et fixe la rémunération à '55 900 euros sur 13 mois, soit 4 300 euros mensuels hors primes bénévoles'.
Eu égard aux négociations et aux propositions préalables à la formation du contrat de travail écrit par lequel la société Rochefontaine confirme les conditions de l'engagement de M. [M], à savoir, au dernier état des propositions, 4300 euros par mois sur 13 mois, 5 000 euros de primes de vacances et 6 500 euros de prime de fin d'année, l'employeur ne peut de bonne foi soutenir que ces primes ne sont pas due quand bien même le salarié ne les a pas réclamées durant l'exécution du travail. En outre, alors même que ces primes ne sont pas visées expressément dans le contrat de travail, la cour constate qu'elles ont été versées chaque année au moins partiellement.
En conséquence, eu égard au tableau communiqué par le salarié et sans élément opposant de l'employeur à qui incombe la charge de la preuve du paiement intégral des primes dues, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société Rochefontaine à verser à M. [M] les sommes suivantes :
- 5.950 euros au titre du solde prime de vacances ;
- 595 euros au titre des congés payés afférents ;
- 14.500 euros à titre de rappel de prime de fin d'année ;
- 1450 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la prime d'ancienneté
L'article 28 de la convention collective applicable précise qu'en ce qui concerne les cadres confirmés dont le coefficient est égal à supérieur à C15 (anciennement 350), les appointements s'agissant de la prime d'ancienneté sont déterminés forfaitairement de gré à gré ; qu'en plus du salaire minimum garanti de la profession découlant du coefficient hiérarchique de l'intéressé, la rémunération globale tient compte de compléments résultant de la valeur individuelle, des conditions de travail et de l'expérience acquise.
Au constat que pour les cadres bénéficiant du coefficient C15, la prime d'ancienneté fait l'objet d'une négociation dans le cadre de la rémunération globale, que la rémunération de M. [M], cadre coefficient C15, est, comme souligné par l'employeur et non contredit par le salarié, supérieure au minimum conventionnel, la cour en déduit que M. [M] ne peut pas prétendre au paiement d'un rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté.
En conséquence, par infirmation de la décision entreprise, la cour déboute M. [M] de sa demande de rappel de prime d'ancienneté.
Sur les heures supplémentaires
Pour infirmation de la décision sur ce point, M. [M] fait valoir qu'il a bien effectué des heures supplémentaires et qu'il produit à l'appui de sa demande un relevé détaillé ainsi qu'un justificatif de présence à un salon.
La société Rochefontaine réplique que le salarié a produit un simple tableau excel alléguant d'heures supplémentaires effectuées au cours de l'année 2019 et ne présentant aucun caractère d'authenticité, de fiabilité et de crédibilité.
L'article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.
L'article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [M] produit un tableau hebdomadaire mentionnant l'amplitude horaire chaque jour de la semaine, les heures effectuées chaque semaine et le nombre d'heures supplémentaires, ainsi qu'un justificatif de présence à un salon le week-end du 12 et 13 octobre 2019.
Il présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il dit avoir réalisées, permettant ainsi à la société Rochefontaine qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.
A cet effet, la société affirme que le salarié n'a jamais effectué d'heures supplémentaires, sa charge de travail ne le justifiant pas. Elle produit une attestation de M. [R], directeur commercial, selon lequel M. [M] ne lui a jamais demandé le paiement d'heures supplémentaires et ne l'a jamais informé en avoir fait.
En conséquence, eu égard aux éléments présentés par les parties, la cour a la conviction que salarié a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées mais après analyse des pièces produites, dans une moindre importance que ce qui est réclamé et par infirmation du jugement déféré, condamne la société Rochefontaine à verser à M. [M] la somme de 6 831,44 euros à ce titre pour l'année 2019 outre la somme de 683,14 euros de congés payés afférents.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et matériel
Pour infirmation de la décision, M. [M] soutient en substance qu'il a été victime de harcèlement moral, d'inégalité de traitement par rapport à la situation de M. [D], de discrimination salariale et d'exécution déloyale de son contrat de travail.
La société Rochefontaine conclut en réponse que le harcèlement moral n'est nullement établi ; que la situation de M. [D] n'est pas comparable à la sienne.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur.
En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
A l'appui de sa demande, M. [M] invoque les faits suivants :
- le non-paiement d'une partie du salaire de manière répétée et malgré les demandes du salarié;
- la discrimination et la rupture d'égalité dans la politique salariale de l'entreprise et le traitement différencié par rapport à M. [D] ;
- les fortes pressions afin de le contraindre à accepter un poste à des conditions désavantageuses.
La cour retient que M. [M] se compare à M. [D], responsable grands comptes, poste que M. [M] a refusé de prendre, et qui a été engagé eu égard au réseau qu'il possédait auprès de la société Del Monte qui lui avait confié la distribution exclusive de ses produits dans toute la France, ce qui n'est pas contredit. Les faits relatifs à la discrimination salariale ou à l'inégalité de traitement ne sont pas matériellement établis et sont donc écartés.
En outre, les échanges de courriels produits et relatifs à la participation de M. [M] au rendez-vous prévu le lundi 14 octobre 2019 avec le client ITM ne caractérisent nullement des pressions pour accepter le poste de 'comptes-clés' comme le prétend le salarié, l'employeur n'évoquant jamais dans les échanges ce nouveau poste, mais seulement la collaboration 'historique' sur ce dossier de M. [M] qui, présent sur le salon Casino Proxi, n'avait pas prévu de rentrer avant le mardi après-midi. Les fortes pressions ne sont donc pas davantage établies.
Seul est donc matériellement établi le non-paiement des différentes primes sans pour autant que cela constitue, quand bien même le non-paiement a été répété, des éléments qui pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail, ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Le harcèlement moral n'est donc pas établi.
S'agissant de l'exécution déloyale du contrat de travail, le salarié ne développe aucun moyen de faits distincts de ceux déjà développés.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation de la décision entreprise, la société Rochefontaine soutient en substance que l'insubordination du salarié est caractérisée et qu'elle constitue en l'espèce une faute grave ; qu'il n'existe aucun harcèlement moral ni entrave à la liberté d'expression.
Sur appel incident, M. [M] réplique que le licenciement est nul en raison de la violation par l'employeur de la liberté d'expression, mais également du harcèlement moral subi et de la dénonciation de ce harcèlement à l'origine de son licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi rédigée :
' Depuis l'arrivée de Monsieur [C] [G] en qualité de nouveau Directeur commercial pour anticiper le départ en retraite de Monsieur [O] [R] à la fin de l'année, et la modification de la gouvernance de l'entreprise telle qu'elle a été annoncée au personnel de la société par une lettre d'information en date du 12 septembre 2019, vous vous êtes placé dans une position d'opposition et d'insubordination, qui ne permet pas votre maintien dans la société.
Vous avez été recruté à compter du 18 octobre 2010 en qualité de « Responsable commercial département fruits ».
Vos fonctions ont cependant évolué depuis plusieurs années.
A l'occasion de l'annonce de la suppression du département fruit, alors que vos fonctions en cette qualité étaient depuis longtemps résiduelles, nous vous avons proposé le 26 septembre 2019, puis à nouveau le 4 octobre 2019, une promotion en qualité de « Compte-Clé » ou « Responsable Grand compte », assortie de comptes clients supplémentaires, d'une rémunération augmentée ainsi que d'une autonomie vous permettant d'accéder au régime du forfait jour.
Comme vous le savez fort bien, le département fruit représentait au moment de sa suppression, 1% du chiffre d'affaires global de notre société, quant à la proportion de l'activité fruit dans vos fonctions, elle était depuis plusieurs années de l'ordre de 10%. La suppression annoncée de ce département n'avait donc qu'une incidence très marginale sur vos fonctions. Vous aviez évidemment toute liberté d'accepter ou de refuser cette promotion, voire d'en discuter les termes.
Vous avez alors pris argument de ce que vous avez présenté comme un énorme surcroît de travail pour engager un bras de fer avec la direction sur votre rémunération et vous avez mis en avant des exigences salariales démesurées, à l'acceptation desquelles vous avez subordonné votre accord (votre mail du 1 er octobre 2019).
Nous avons refusé ces exigences salariales que nous avons considérées extravagantes.
Vous avez alors franchi la limite de l'acceptable, en subordonnant à l'accord de la société à vos revendications salariales, votre participation à des rendez-vous clients.
Vous avez commencé à brandir votre titre contractuel de « Responsable commercial département fruits » lequel ne correspond pourtant plus depuis longtemps à la réalité de vos fonctions, pour refuser d'exécuter les instructions qui vous étaient données et qui selon vous outrepassaient vos fonctions.
Monsieur [G] vous a demandé d'être présent à un rendez-vous avec Intermarché, un de nos gros clients, initialement prévu le 15 octobre, puis décalé à la demande du client, le 25 octobre 2019.
A la première puis à la seconde date, vous avez refusé de participer à ce rendez-vous, alors même que le 25 octobre, vous étiez présent au siège de la société.
Le directeur commercial vous a demandé d'être présent au rendez vous GALEC, acteur majeur de la grande distribution et un des clients les plus importants de notre société.
Vous avez refusé par mail du 18 octobre 2019, d'être présent à ce rendez-vous. Là encore, vous étiez présent au siège de la société.
A l'occasion de l'entretien préalable, vous avez indiqué concernant vos refus successifs, que votre présence n'était pas indispensable, qu'il y avait deux directeurs et que c'était bien suffisant.
Une telle réponse témoigne de votre méconnaissance de vos obligations en votre qualité de salarié : il ne vous appartient pas de critiquer la stratégie commerciale définie par votre hiérarchie, mais de la mettre en œuvre dans le cadre des instructions claires qui vous sont données à cet égard.
Précisons que les rendez-vous auxquels il vous était demandé de participer, s'inscrivaient pleinement dans la réalité de vos fonctions effectives de longue date, et que c'est avec une grande mauvaise foi que vous avez prétendu le contraire, espérant par votre obstruction nous contraindre à nous plier à vos exigences salariales.
Nous en voulons pour preuve le fait que vous êtes en relations avec Galec, comme avec Intermarché, ainsi que cela vous a été rappelé, en dernier lieu lors de l'entretien préalable.
Nous sommes donc conduits à faire le constat de votre insubordination caractérisée.
Vous contestez votre nouveau lien hiérarchique à Monsieur [G], au motif que votre contrat de travail prévoit que vous êtes placé sous l'autorité directe du Directeur général, Monsieur [W] (cf votre mail du 18 octobre 2019). Vous refusez d'obéir à ses instructions et de participer aux rendez-vous client au motif que ces rendez-vous ne feraient pas partie de vos fonctions (cf vos mails du 14 octobre 2019). De manière générale, dans une situation de transition particulièrement délicate pour notre société, vous refusez d'assurer auprès des clients la continuité souhaitable. Vous mettez en avant, au soutien de votre insubordination, des exigences salariales exorbitantes auxquelles nous avons refusé de donner suite.
Pour justifier l'injustifiable, vous prétendez, sans le moindre fondement, être la victime d'une tentative de modification unilatérale de vos fonctions.
La posture de blocage et d'opposition systématique que vous avez adoptée ces derniers temps, dans le but de négocier une augmentation extravagante, n'est pas acceptable.
Tout ceci n'est plus tenable et perturbe considérablement la bonne marche de notre société, ce qui nous conduit à vous licencier pour faute grave.
Votre licenciement prend donc effet immédiatement, à la date de première présentation de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni de licenciement. La période mise à pied ne sera pas rémunérée ».
Sur la liberté d'expression
Vu l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il résulte de ces textes que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression et il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
Il est de droit que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.
Il résulte de la lecture même de la lettre de licenciement que la société Rochefontaine reproche notamment à M. [M] l'expression de ses exigences salariales jugées extravagantes par la société mais également d'avoir, à l'occasion de l'entretien préalable, indiqué concernant ses refus successifs de participer à des réunions, que sa présence n'était pas indispensable, qu'il y avait deux directeurs, la société précisant qu'une 'telle réponse témoigne de votre méconnaissance de vos obligations en votre qualité de salarié : il ne vous appartient pas de critiquer la stratégie commerciale définie par votre hiérarchie, mais de la mettre en œuvre dans le cadre des instructions claires qui vous sont données à cet égard'. La société indique également que 'pour justifier l'injustifiable, [le salarié prétend], sans le moindre fondement, être la victime d'une tentative de modification unilatérale de [ses] fonctions' ; que 'la posture de blocage et d'opposition systématique que [le salarié adopte] ces derniers temps, dans le but de négocier une augmentation extravagante, n'est pas acceptable' ; ' que tout ceci n'est plus tenable et perturbe considérablement la bonne marche de notre société, ce qui nous conduit à vous licencier pour faute grave'.
La cour en déduit que le licenciement de M. [M] est fondé en partie sur l'expression de ses revendications salariales et sa critique de la stratégie de la société dont le caractère abusif n'est pas soutenu, qu'en conséquence il est intervenu en violation de la liberté d'expression du salarié.
Par infirmation de la décision entreprise, la cour juge donc que le licenciement de M. [M] est nul.
Sur les conséquences financières
L'article L. 1235-3-1 du code du travail dispose que l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d'une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.
L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.
L'article L. 1235-2-1 du code du travail précise qu'en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l'article L. 1235-3-1.
Il est reproché à M. [M] de ne pas s'être rendu à des rendez-vous avec les clients Galec et ITM, le salarié alléguant qu'il dépendait du directeur général et que ces rendez-vous ne faisaient pas partie de ses fonctions dans la mesure où il n'avait pas accepté la modification de son contrat de travail et le poste de 'Compte-clé'.
Le contrat de travail de M. [M] du 18 octobre 2010 précise qu'il assurera la fonction de responsable commercial département fruits sous l'autorité du directeur général M. [W] et qu'il bénéficiera du statut cadre coefficient 350 position C.
Par courrier du 4 octobre 2019 adressé à M. [M], M. [W], alors secrétaire général de la société Rochefontaine a confirmé la restructuration des services 'motivée par un nouveau positionnement stratégique de son activité' et la cessation de la commercialisation des fruits de la marque Rochefontaine et KUP (département fruits), précisant que 'cela entraîne de fait une suppression du département fruits, raison pour laquelle nous souhaitons faire évoluer notre collaboration dans le cadre de ce nouveau schéma' et confirmant lui proposer le poste de 'Compte-clé', statut cadre avec l'application d'un forfait annuel en jours.
La cour déduit de ces éléments que la fonction de responsable commercial spécifiquement dans le département fruits était bien un élément du contrat de travail expressément prévu qui ne pouvait être modifié qu'avec l'accord exprès du salarié, l'employeur ayant au demeurant proposé un avenant modifiant le contrat de travail. C'est donc en vain que l'employeur fait valoir que M. [M] a pu participer à des négociations concernant des légumes avec ITM et Galec, l'assistance du salarié auprès de M. [R] directeur commercial qui devait être remplacé par M. [G], ne pouvant valoir accord exprès de M. [M] à une modification future de son contrat de travail.
En conséquence, l'employeur ne pouvait pas reprocher à son salarié de ne pas exécuter des tâches qui ne relevaient pas de ses attributions expressément prévues par le contrat de travail de telle sorte que le grief d'insubordination formulé dans la lettre de licenciement n'est pas établi.
Au vu des bulletins de salaire produits et de l'ancienneté du salarié, la cour confirme la décision des premiers juges qui ont condamné la société Rochefontaine à verser à M. [M] les sommes suivantes dont le montant n'est au demeurant pas discuté :
- 14.996,91 euros à titré d'indemnité de licenciement ;
- 19.281,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 1928,17 euros au titre des congés payés afférents ;
- 2.741,48 euros à titre de rappel de salaire sur misé à pied conservatoire ;
- 274,15 euros au titre des congés payés afférents.
En outre, en application des articles sus-visés, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération du salarié, de son âge, de son ancienneté de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, M. [M] justifiant la prise en charge par Pôle Emploi jusqu'en janvier 2022 puis d'un refus à compter de cette date, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur le travail dissimulé
Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article'L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article'L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article'L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, il n'est pas établi que c'est de manière intentionnelle que l'employeur n'a rémunéré les heures supplémentaires à M. [M] qui n'en avait pas réclamé le paiement durant l'exécution du contrat. La décision des premiers juges qui a débouté le salarié de sa demande d'indemnité forfaitaire sera donc confirmée.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre des circonstances du licenciement
Le salarié ne justifie pas de l'existence de circonstances brutales et vexatoires du licenciement qui ne sont pas caractérisées du seul fait que le licenciement est abusif. La cour confirme donc le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur la capitalisation des intérêts
En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée. En l'espèce, il doit être fait droit à cette demande.
Sur les frais irrépétibles
Partie perdante, la société Rochefontaine sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [M] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la condamnation prononcée à ce titre en première instance étant confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Rochefontaine à verser à M. [K] [M] les sommes suivantes :
- 5.950 euros au titre du solde prime de vacances ;
- 595 euros au titre des congés payés afférents ;
- 14.500 euros à titre de rappel de prime de fin d'année ;
- 1450 euros au titre des congés payés afférents.
- 14.996,91 euros à titré d'indemnité de licenciement ;
- 19.281,75 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 1928,17 euros au titre des congés payés afférents ;
- 2.741,48 euros à titre de rappel de salaire sur misé à pied conservatoire ;
- 274,15 euros au titre des congés payés afférents ;
- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
et en ce qu'il a débouté M. [K] [M] de sa demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait d'une inégalité de traitement salarial, d'une discrimination salariale, d'actes de harcèlement moral et de l'exécution déloyale du contrat de travail, de sa demande de dommages-intérêts au titre des circonstances de la rupture ;
INFIRME le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés et statuant à nouveau ;
JUGE que le licenciement de M. [K] [M] est nul pour violation de la liberté d'expression;
CONDAMNE la SAS Rochefontaine à verser à M. [K] [M] les sommes suivantes :
- 6 831,44 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2019 ;
- 683,14 euros de congés payés afférents ;
- 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts ;
DÉBOUTE M. [K] [M] de sa demande rappel de prime d'ancienneté ;
CONDAMNE la SAS Rochefontaine aux entiers dépens ;
CONDAMNE la SAS Rochefontaine à verser à M. [K] [M] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.