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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 12 mars 2024, n° 19/01161

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Palplanches Services (SARL)

Défendeur :

Tractorhin (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

M. Chappert, Mme Gandais

Avocats :

Me Sellier, Me Clouzard, Me Papin, Me Langlois, Me Drevet

T. com. Angers, du 17 avr. 2019, n° 2019…

17 avril 2019

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Palplanches Services a pour activité les travaux de terrassement spécialisés ou de grande masse.

La SAS Tractorhin a pour activité le commerce de gros de machines pour l'extraction, la construction et le génie civil. Elle est, en outre, agent exclusif de la Movax pour la distribution de ses produits en France.

Pour les besoins de son activité, la SARL Palplanches Services a fait l'acquisition de plusieurs vibreurs de marque Movax. Elle a dû s'adresser à la SAS Tractorhin pour la réparation de ces matériels et différentes factures ont été émises entre le 14 août 2018 et le 1er octobre 2018.

Aux termes d'une lettre du 13 décembre 2018, la SARL Palplanches Services a reproché à la SAS Tractorhin de mal assurer, ou de ne pas assurer du tout, le service après-vente et a réclamé des avoirs sur toutes les factures émises.

Par une lettre du 4 janvier 2019, la SAS Tractorhin a mis en demeure la SARL Palplanches Services de lui régler une somme de 59 938,84 euros au titre de sept factures impayées.

Elle l'a ensuite fait assigner en paiement devant le tribunal de commerce d'Angers par un acte d'huissier du 13 février 2019.

Par un jugement du 17 avril 2019, réputé contradictoire, le tribunal de commerce d'Angers a :

- déclaré la SAS Tractorhin recevable et bien fondée en ses demandes, 

- condamné la SARL Palplanches Services à lui régler la somme de 59 938,84 euros au titre des factures n° 180839, n° 180940, n° 180997, n° 190996, n° 180963 et n° 191012, outre les pénalités de retard d'un montant de 3 024,80 euros ainsi que les indemnités forfaitaires de recouvrement pour 280 euros, soit un montant total de 3 304,80 euros,

- débouté la SAS Tractorhin de ses demandes au titre de l'astreinte et des dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamné la SARL Palplanches Services à verser à la SAS Tractorhin une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire.

Par une déclaration du 11 juin 2019, la SARL Palplanches Services a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf celles ayant rejeté les demandes d'astreinte, de dommages-intérêts pour résistance abusive et dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire, intimant ainsi la SAS Tractorhin.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 décembre 2023.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 10 mars 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la SARL Palplanches Services demande à la cour :

- de dire et juger irrégulier et donc irrecevable l'appel incident formé par la SAS Tractorhin,

- à tout le moins, de débouter la SAS Tractorhin de ses demandes,

en conséquence,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Tractorhin de ses demandes d'astreinte et de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- de l'infirmer pour le surplus,

statuant à nouveau,

- de condamner la SAS Tractorhin à lui verser les sommes de 78'650 euros et de 20 500 euros à titre de dommages-intérêts,

- d'ordonner la compensation des sommes dues,

- de condamner la SAS Tractorhin à lui verser une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens,

- de rejeter toute prétention contraire comme non recevable et, en tout cas, non fondée.

Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 24 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la SAS Tractorhin demande à la cour :

- de débouter la SARL Palplanches Services de ses demandes,

- de réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et qu'il a limité la condamnation au titre des frais irrépétibles à 500 euros,

- de confirmer le jugement pour le surplus,

statuant de nouveau,

- d'assortir les condamnations de la capitalisation des intérêts de l'article 1343-2 du code civil,

- de condamner la SARL Palplanches Services à lui verser une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- de la condamner également à lui verser une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, outre les dépens dont distraction,

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La SAS Tractorhin demande le paiement de sept factures n° 180839 (14 119,97 euros), n° 180940 (3 073,43 euros), n° 180958 (35 939,70 euros), n° 180997 (4 053,54 euros), n° 180996 (70,20 euros), n° 180963 (2 031,60 euros) et n° 181012 (650,40 euros), qu'elle produit. Le tribunal de commerce a condamné la SARL Palplanches Services au paiement de l'ensemble de ces factures (59 938,84 euros), bien qu'il ait omis de mentionner la facture n° 180958 et qu'il ait, par une erreur purement matérielle, fait référence à une facture n° 191012 au lieu de n° 181012.

L'appelante vise certes dans ses conclusions l'article 1219 du code civil relatif à l'exception d'inexécution et évoque son droit d'opposer les fautes de la SAS Tractorhin pour s'opposer au paiement des factures impayées. Elle ne demande toutefois que la condamnation de la SAS Tractorhin au paiement de dommages-intérêts et leur compensation avec le montant des sommes réclamées par l'intimée. Ce faisant, la SARL Palplanches Services ne conteste pas le droit pour la SAS Tractorhin d'obtenir le paiement des sept factures précitées, hors tout frais et pénalité de retard, et le jugement ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 59 938,84 euros.

Il est également précisé que la SAS Tractorhin, qui avait formé appel incident contre le chef du jugement l'ayant déboutée de sa demande d'astreinte, ne formule plus aucune demande à ce titre dans ses dernières conclusions. La cour n'est donc au final saisie d'aucune demande par la SAS Tractorhin, que ce soit d'infirmation du jugement ou de prononcé d'une astreinte.

- sur la responsabilité contractuelle de la SAS Tractorhin :

La SARL Palplanches Services reproche à la SAS Tractorhin de ne pas avoir efficacement remédié aux pannes de trois vibreurs et d'avoir ainsi manqué à son obligation de réparation. En cette qualité de réparateur, qu'elle ne conteste pas, la SAS Tractorhin n'encourt qu'une responsabilité pour faute. L'existence de la faute et celle du lien de causalité de cette faute avec les désordres sont toutefois présumées, dès lors qu'il est établi que des désordres sont survenus ou ont persisté après son intervention. Il convient d'examiner si les conditions de la responsabilité sont réunies au regard des trois manquements allégués par la SARL Palplanches Services et que la SAS Tractorhin conteste.

(a) s'agissant du vibreur SG60 V n° 1132 :

La SARL Palplanches Services soutient qu'à la suite de la panne du vibreur SG60 V n° 1132, utilisé sur un chantier à [Localité 7], elle l'a envoyé dans les ateliers de la SAS Tractorhin à [Localité 6] le 27 juillet 2018, afin de faire réparer la plaque pivotante. La SAS Tractorhin a procédé à la réparation, retourné le vibreur sur le chantier de [Localité 7] et émis la facture n° 180839 du 14 août 2018 (14 119,97 euros). La SARL Palplanches Services affirme toutefois que le vibreur est de nouveau tombé en panne quelques minutes seulement après son utilisation et que ses techniciens ont découvert que les flexibles d'alimentation des moteurs avaient été inversés. Elle ajoute qu'elle a alors retourné le vibreur dans les ateliers de la SAS Tractorhin, où il est resté pendant un mois et demi, mais que celle-ci a refusé de vérifier que l'inversion des flexibles n'avait pas créé de dégâts supplémentaires. Le vibreur a par la suite été monté sur une nouvelle pelle par un technicien de la SAS Tractorhin, qui a émis la facture n° 180958 (35 939,70 euros) mais il est encore tombé en panne après quelques heures de travail.

La SAS Tractorhin livre une version différente sur certains points. Elle reconnaît qu'elle a pris en charge le vibreur SG60 V n° 1132, réceptionné à son atelier le 1er août 2018, pour un problème de bris du bâti porteur et qu'elle a réalisé des travaux facturés le 14 août 2018 pour la somme de 14 119,97 euros. Elle reconnaît également que le vibreur est de nouveau tombé en panne mais elle affirme que le dysfonctionnement a été immédiatement résolu, que l'outil a été immédiatement opérationnel et qu'il a continué à fonctionner. Elle explique que, face aux inquiétudes de la SARL Palplanches Services, elle a accepté de reprendre le vibreur dans son atelier pour des vérifications approfondies, qu’elle a effectuées gratuitement et qui ont confirmé le parfait état de marche, ce dont le gérant de la SARL Palplanches a pu se convaincre lors d'une visite sur place du 21 août 2018.

Sur ce,

La cour constate, en confrontant les deux versions, que la SAS Tractorhin ne conteste pas la réalité de la panne survenue à l'issue de sa première intervention, ni même le fait que cette panne ait été due à une inversion des flexibles d'alimentation par ses techniciens. Elle conteste en revanche la réalité d'une persistance de cette panne, de même que la survenance d'une nouvelle panne après que le vibreur a été monté sur une autre pelle. La SARL Palplanches Services ne rapporte pas la preuve de ces pannes, alors qu'une telle preuve lui incombe pour déclencher la présomption de faute et de causalité à l'encontre de la SAS Tractorhin. Le courriel du 12 octobre 2018 (à Movax Oy) et la lettre du 13 décembre 2018 (à la SAS Tractorhin), dans lesquels elle relate ces mêmes évènements, ne constituent pas une preuve suffisante dès lors qu'ils émanent l'un comme l'autre de la SARL Palplanches Services elle-même.

La responsabilité de la SAS Tractorhin ne peut donc être retenue qu'à raison de la panne survenue après l'intervention du 3 août 2018 et à la suite de la remise du vibreur SG60V n° 1106 à la SARL Paplanches Services, le 6 août 2018, qui fait présumer tant la faute de l'intimée que le lien de causalité entre cette faute et la panne de l'outil.

Il revient toutefois à la SARL Palplanches Services de rapporter la preuve de la réalité, de la nature et de l'étendue des dommages qui sont résultés de cette panne. Elle invoque à cet égard un préjudice découlant de l'immobilisation de son équipe pendant cinq jours (12 000 euros HT), une perte du chiffre d'affaires dès lors que son client a mis fin au chantier (28 250 euros HT) et une atteinte à son image (1 000 euros). La SAS Tractorhin conteste la réalité de ces dommages en faisant valoir que la panne a été immédiatement résolue, que le vibreur a été immédiatement opérationnel et que la preuve de ce que le client a mis fin au chantier n'est pas rapportée.

Les éléments produits par la SARL Palplanches Services, consistant en deux devis et une facture établie par ses soins et dont les montants ne rejoignent que très approximativement les bases de l'indemnisation réclamée, sont manifestement insuffisants à établir la réalité des dommages qu'elle prétend avoir subis. Ils ne permettent en effet pas de déterminer objectivement la durée de la panne ni de confirmer l'interruption du chantier par le client en conséquence des prétendues pannes successives.

La preuve de la réalité même d'un dommage n'étant pas rapportée, la SARL Palplanches Services sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

(b) s'agissant du vibreur SG60 V n° 1106 :

La SARL Palplanches Services explique que la SAS Tractorhin est intervenue le 19-20 septembre 2018 sur le vibreur SG60V n° 1106, qu'elle utilisait sur un chantier à [Localité 5], pour remédier à une panne en changeant les joints du vérin des mâchoires, ce qui a donné lieu à l'émission de la facture n° 181012 (650,40 euros). Elle affime toutefois que le vibreur est demeuré en panne pendant plus d'un mois sur le chantier, la SAS Tractorhin ayant refusé de se déplacer pour remédier au problème, et qu'elle a été contrainte de louer une pelle et un vibreur pour finir son chantier.

La SAS Tractorhin reconnaît son intervention sur les joints de vérin de mâchoires du vibreur mais elle soutient qu'elle n'a jamais eu connaissance d'une prétendue panne ultérieure, qu'elle n'a jamais été saisie d'aucune demande d'intervention ni d'aucune réclamation par l'appelante.

Sur ce,

La SARL Palplanches Services ne rapporte pas la preuve de la réalité d'une panne du vibreur SG60V n° 1106, survenue après la réparation facturée le 1er octobre 2018. Une telle preuve ne ressort pas suffisamment des courriels adressés par l'appelante à Movax Oy ni de la lettre du 13 décembre 2018 qu'elle a adressée à la SAS Tractorhin, dès lors que ces différentes pièces émanent d'elle-même et manquent dès lors de l'objectivité nécessaire.

Pour cette raison, la SARL Paplanches Services sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la réalité des préjudices allégués.

(c) s'agissant du vibreur SG75TR n° 1014 :

La SARL Palplanches Services explique qu'elle n'utilise le vibreur SG75TR n° 1014 qu'en cas de besoin supplémentaire sur un chantier, qu'un technicien de la SAS Tractorhin a effectué une petite réparation sur cet outil le 7 août 2018 mais que le matériel est resté inexploitable pendant trois jours en raison d'une erreur de montage.

La SAS Tractorhin ne répond pas sur ce point, ses développements sous le titre 'vibrofonceur SG75TR n° 1014" étant en réalité consacrés au vibreur SG60V n° 1106.

Sur ce,

L'appelante ne produit aucun élément en lien avec le vibreur SG75TR n° 1014, que ce soit pour établir la réalité d'une intervention de la SAS Tractorhin sur cet outil ou celle de l'immobilisation qui se serait ensuivie. Pour la même raison que précédemment, une telle preuve ne ressort pas suffisamment des courriels envoyés par la SARL Palplanches Services à Movax Oy, ni de la lettre du 13 décembre 2018 qu'elle a adressée à la SAS Tractorhin.

La SARL Paplanches Services sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la réalité des préjudices allégués.

- sur la responsabilité délictuelle de la SAS Tractorhin :

La SARL Palplanches Services explique que, le 4 septembre 2018, son vibreur neuf SG60V n° 1420 est tombé en panne sur un chantier proche d'[Localité 4], que les techniciens de la SAS Tractorhin n'ont pas été en capacité d'identifier l'origine de la panne par téléphone et qu'aucun ne s'est déplacé sur le chantier, de telle sorte qu'elle a été obligée de louer une pelle et un vibreur pour finir le chantier. Elle reproche à la SAS Tracorhin d'avoir ainsi inexécuté le contrat d'agent exclusif qui la liait à Movax Oy, lequel lui imposait d'effectuer en France toute réparation ou toute fourniture de pièces détachées, et de lui avoir causé un dommage engageant sa responsabilité délictuelle à son égard puisqu'elle est tiers au contrat. Elle ajoute que Movax Oy a finalement changé de représentant en France au profit de la société PTC Fayat, afin d'offrir un meilleur service.

La SAS Tractorhin affirme qu'elle a toujours répondu aux sollicitations de la SARL Palplanches Services mais qu'elle a cessé toute intervention en raison du montant des factures laissées impayées pour une somme de 59 938,84 euros au 3 octobre 2018, ce dont elle a informé Movax Oy qui l'a approuvée dans ce positionnement. Elle ajoute que Movax Oy a elle-même rencontré des difficultés avec la SARL Palplanches Services pour la signature puis le paiement des loyers de la location avec option d'achat d'un vibreur SG60V, que l'appelante a utilisé pendant plusieurs mois sans régler la moindre somme et sans égard pour les multiples relances qui lui ont été adressées. Elle lui reproche également d'avoir tenté de la contourner à au moins deux reprises, en prenant attache directement au distributeur (Movax Oy). Elle précise enfin qu'elle a été l'importatrice de Movax Oy en France depuis le 18 février 2008, qu'elle a entretenu de parfaites relations contractuelles avec cette société et que son remplacement par PTC Fayat n'est en réalité que la conséquence logique de sa cessation d'activité et du départ de son gérant à la retraite.

Sur ce,

Il résulte des articles 1199 et 1240 du code civil que le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat lorsqu'il lui cause un dommage. Il appartient au tiers de rapporter la preuve du manquement contractuel ainsi que celle du lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu'il subit mais il n'a ensuite pas à démontrer une faute délictuelle ou quasi-délictuelle distincte du manquement contractuel.

L'inexécution contractuelle alléguée par la SARL Palplanches Services est exclusivement en lien avec une intervention sur un vibreur SG60V n° 1420 utilisé sur un chantier près d'[Localité 4], à la suite d'une panne prétendument survenue le 4 septembre 2018.

La SAS Tractorhin, qui ne répond pas précisément sur cet événement, explique simplement qu'elle a interrompu toutes ses prestations en faveur de la SARL Palplanches Services à compter du mois d'octobre 2018, soit plusieurs semaines après la panne alléguée, en raison de l'importance de ses factures laissées impayées.

La cour observe qu'à la date du 4 septembre 2018, avancée par la SARL Palplanches Services, cette dernière n'était débitrice d'aucune somme au titre des factures litigieuses, dont la première n'est devenue exigible que le 30 septembre 2018. Pour autant, l'appelante ne fournit aucune preuve de la panne prétendument survenue à cette date ni d'une sollicitation qu'elle aurait adressée en vain à la SAS Tractorhin. Plus encore, cette date du 4 septembre 2018 apparaît douteuse dès lors qu'il est produit un bon de commande du 6 septembre 2018 et une facture correspondante du 27 septembre 2018 (n° 180997) pour la fourniture par la SAS Tractorhin d'un module et d'un câble pour le vibreur SG60V n° 1420, ce qui laisse à penser qu'il fonctionnait à cette date.

Par ailleurs, il ressort certes des deux courriels de Movax Oy du 10 octobre 2018 et du 3 décembre 2018 que cette société était contractuellement liée à la SAS Tractorhin, à laquelle toute demande d'intervention devait être exclusivement adressée. Les pièces produites révèlent néanmoins que le vibreur SG60V n° 1420 a fait l'objet d'une location avec option d'achat et que le contrat, émis le 24 août 2018, n'a été retourné signé par la SARL Palplanches Services à Movax Oy qu'à l'occasion d'un courriel du 12 octobre 2018, après plusieurs relances de la société bailleresse. Movax Oy a alors indiqué à la SARL Palplanches Services que le contrat ainsi régularisé était conclu directement avec elle (courriel du 15 octobre 2018) puis, plus tard, qu'il était fait exception à la nécessité de passer par la SAS Tractorhin uniquement pour l'exécution de ce contrat de location avec option d'achat (courriel du 3 décembre 2018). La cour déduit de ces éléments, d'une part, que l'utilisation par la SARL Palplanches Services du vibreur SG60V n° 1420 s'est effectuée irrégulièrement hors de tout cadre contractuel formalisé avant le 12 octobre 2018 et, d'autre part, que l'obligation de réparation de ce vibreur a été assumée exclusivement et directement par Movax Oy après cette date en exécution du contrat de location avec option d'achat régularisé. C'est au demeurant ce que confirment les propositions d'assistance ou d'interventions par ses propres services, que Movax Oy a formulées à la SARL Palplanches Services en réponse ses demandes relatives au vibreur SG60V n° 1420 (courriels du 15 octobre 2018 [17h21], du 16 octobre 2018 [13h22 et 15h32]). Par voie de conséquence, la SAS Tractorhin n'assumait pas d'obligation, vis-à-vis de Movax Oy, directe ni exclusive d'entretien ni de réparation sur ce vibreur SG60V n° 1420.

L'ensemble de ces éléments amène la cour à conclure que la SARL Palplanches Services ne rapporte pas la preuve d'un manquement par la SAS Tractorhin à ses obligations contractuelles à l'égard de Movax Oy et, à débouter l'appelante de sa demande de dommages-intérêts, sans même qu'il soit nécessaire d'examiner la réalité des préjudices invoqués.

- sur la compensation :

Toutes les demandes de dommages-intérêts ayant été écartées, la demande de compensation devient sans objet.

- sur les pénalités de retard et les indemnités forfaitaires de recouvrement :

La SAS Tractorhin, qui se prévaut des articles L. 441-3 et L. 441-6 du code de commerce, réclame pour chaque facture, d'une part, des pénalités de retard de 1,5 % par mois avec un minimum de 100 euros et, d'autre part, une indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros.

La SARL Palplanches Services oppose que les pénalités de retard ne sont pas raisonnables au regard du faible montant de certaines factures, notamment n° 180967 (en réalité, n° 180996, 70,20 euros) et n° 181012 (650,40 euros), qu'elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties constituant une pratique restrictive de concurrence au sens de l'article L. 442-1 du code de commerce et qu'elles s'analysent comme des clauses pénales dont le montant devra être modéré en application de l'article 1231-5 du code civil.

L'intimée ne développe pas de réponse à ce moyen.

Sur ce,

L'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa version alors applicable, dispose que les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Il prévoit également que tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant était fixé à 40 euros par l'article D. 441-5 du même code.

Chacune des sept factures litigieuses contient une mention, au recto, qui prévoit des pénalités de retard '(...) calculées sur la base de 1.5 % par mois et [qui] donneront lieu à un minimum de perception forfaitaire mensuelle de 100 €', ainsi qu'une '(...) indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 € pour toute facture non payée à l'échéance (...)'.

L'appelante soutient que l'application de pénalités de retard d'un minimum forfaitaire mensuel de 100 euros constitue une pratique restrictive de concurrence au sens de l'article L. 442-6 I (2°) du code de commerce.

Ce faisant, la SARL Palplanches Services ne critique pas l'application des indemnités de recouvrement sur chacune des factures, représentant la somme totale de (40 x 7) 280 euros, ni même l'application du taux de pénalité de retard mensuel de 1,5 % sur les factures n° 180839 (pour un montant total de 846,80 euros) et n° 180958 (pour un montant total de 1 078 euros).

L'article L. 442-6 I (2°) du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers engage sa responsabilité lorsqu'il soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Cette disposition rend nécessaire, en premier lieu, la preuve préalable de l'existence d'un rapport de force entre les parties qui, même si elle n'est pas développée précisément par l'appelante, se trouve en l'espèce caractérisée par le fait que la SAS Tractorhin était le distributeur exclusif de Movax Oy en France et que la SARL Palplanches Services était donc obligée de s'adresser à elle pour la réparation, la maintenance et la fourniture de pièces détachées des vibreurs. Il peut également être relevé que les clauses prévoyant les pénalités de retard n'étaient pas négociables mais figuraient comme des clauses-types sur les factures émises par la SAS Tractorhin ou encore qu'il n'existe pas de réciprocité en faveur de la SARL Palplanches Services en cas de retard par la SAS Tractrohin dans l'exécution de ses prestations.

En second lieu, il apppartient à la victime d'une pratique commerciale restrictive de concurrence de rapporter la preuve d'un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. La stipulation d'une clause sanctionnant le retard de paiement ne crée pas, en elle-même, un tel déséquilibre. Il n'en va autrement que si la sanction apparaît disproportionnée et brutale. Dans cette hypothèse, le partenaire commercial victime peut non seulement obtenir l'indemnisation de son préjudice sur le fondement de l'article L. 442-6 I (2°) précité mais également l'annulation de la clause en application du droit commun. C'est, de fait, ce que sollicite la SARL Palplanches Services en l'espèce lorsqu'elle demande d'écarter purement et simplement la sanction.

La cour constate que les conditions générales de vente ne sont pas fournies, les parties ne produisant que les seuls recto des factures à l'exclusion de leurs verso. Il n'est dès lors pas possible de mettre les clauses litigieuses en perspective avec l'ensemble des obligations des parties. L'appelante invoque un déséquilibre significatif uniquement en considération de la disproportion alléguée entre le montant minimum mensuel de 100 euros des pénalités de retard et celui de certaines des factures.

La cour estime que la preuve d'une telle disproportion n'est pas rapportée s'agissant des factures n° 180997 (4 053,54 euros), n° 180940 (3 073,43 euros) et n° 1880963 (2 031,60 euros), compte tenu de leur montant et d'une demande de pénalités de retard limitée à deux voire trois mois, représentant respectivement 4,93 %, 9,76 % et 9,84 % du montant de la facture concernée.

A l'inverse, ce montant minimum mensuel de 100 euros apparaît bien disproportionné s'agissant du règlement des factures n° 181012 relatives à une intervention de remplacement des joints de vérin des mâchoires de l'un des vibreurs (650,40 euros) et n° 180996 de fourniture d'un filtre (70,20 euros), dès lors que les pénalités de retard calculés sur deux mois représentent respectivement 30,75 % et 284,90 % du montant de la facture concernée.

La SAS Tractorhin sera donc déboutée de ses demandes de pénalités de retard afférentes à ces deux factures.

La SARL Paplanches Services se prévaut enfin des dispositions du droit commun pour demander, à tout le moins, la modération du montant des intérêts de retard comme constituant une clause abusive manifestement excessive.

Les pénalités de retard au taux mensuel de 1,5 %, avec un minimum de 100 euros par mois, s'analysent certes en une clause pénale au sens de l'article 1231-5 du code civil, en ce qu'ils majorent significativement le taux légal normalement applicable aux intérêts moratoires, ceci afin de réparer le dommage découlant pour la SAS Tractorhin du non-paiement de sa facture à sa date d'exigibilité. Pour autant, l'appelante ne propose aucunement de démontrer le caractère manifestement excessif de ces clauses pénales, notamment en ce qu'elles concernent les cinq factures pour lesquelles l'existence d'une pratique restrictive de concurrence a été écartée, au regard du préjudice effectivement subi par la SAS Tractorhin. De ce fait, la SARL Palplanches Services ne pourra qu'être déboutée de sa demande de modération.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL Palplanches Services au paiement des frais de recouvrement pour 280 euros mais il sera infirmé en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 3 024,80 euros au titre des pénalités de retard, la condamnation étant ramenée à la somme de 2 624,80 euros à ce titre.

- sur l'appel incident et la demande de dommages-intérêts :

(a) sur la recevabilité :

La SARL Palplanches Services soulève l'irrecevabilité de l'appel incident formé par la SAS Tractorhin par ses conclusions remises le 11 décembre 2019, faute pour celui-ci d'avoir été régularisé par son liquidateur amiable.

La SAS Tractorhin répond que son appel incident est parfaitement recevable puisqu'elle n'a jamais été radiée du Registre du commerce et des sociétés, qu'elle est désormais représentée par son liquidateur amiable qui n'est autre que son ancien président et qu'elle intervient à l'instance 'agissant par son liquidateur amiable'.

Sur ce,

La SAS Tractorhin a formé son appel incident par des conclusions n° 1 signifiées par la voie électronique le 11 décembre 2019, dans lesquelles il est indiqué qu'elle agit '(...) poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège'. L'extrait K bis actualisé au 23 décembre 2020 révèle qu'à cette date, la SAS Tractorhin faisait effectivement déjà l'objet d'une liquidation amiable depuis le 30 novembre 2018, M. [N] [B] - son ancien président - ayant été désigné liquidateur amiable.

La SARL Palplanches Services se prévaut uniquement d'une fin de non-recevoir, à l'exclusion de toute exception de nullité pour vice de forme ou de fond.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, la fin de non-recevoir sanctionne le défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe ou la chose jugée. L'article 126 du même code ajoute que, dans le cas où la situation donnant lieu à une fin de non-recevoir susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

La société en liquidiation conserve sa personnalité juridique et elle conserve dès lors également la possibilité d'agir en justice. Elle est alors représentée par son liquidateur, qui a seule qualité à agir dès sa désignation.

L'appel incident n'encourt ainsi aucune irrecevabilité dès lors que les conclusions n°1 ont été expressément prises au nom de la SAS Tractorhin agissant par ses représentants légaux, la formule renvoyant ainsi à M. [B] en sa qualité de liquidateur amiable et l'absence de plus ample précision ne pouvant être débattue que sur le terrain de l'exception de nullité, non invoquée.

La fin de non-recevoir soulevée par la SARL Palplanches Services sera donc écartée.

(b) sur le bien-fondé de la demande :

La SAS Tractorhin reproche à la SARL Paplanches Services de l'avoir, par son inexécution contractuelle et sa mauvaise foi, privée d'une somme importante dans sa trésorerie depuis plusieurs mois et de l'avoir empêchée de clore ses opérations de liquidation.

De son côté, la SARL Palplanches Services approuve le tribunal de commerce d'avoir débouté la SAS Tractorhin de sa demande en considérant qu'elle ne rapportait pas la preuve d'un préjudice autre que le simple retard de paiement.

Sur ce,

La SAS Tractorhin ne précise pas le fondement juridique de sa demande de dommages-intérêts. Sa référence à l'inexécution contractuelle et à la mauvaise foi de la SARL Palplanches Services, de même que le moyen en défense opposé par cette dernière tiré de l'absence d'un préjudice distinct du simple retard de paiement, amènent toutefois la cour à examiner cette demande au regard de l'article 1231-6, alinéa 3, du code civil.

Cet article prévoit que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

La SARL Palplanches Services s'est abstenue, sans raison valable, de tout paiement des factures exigibles depuis maintenant plus de cinq ans et tire à cet égard avantage de l'absence d'exécution provisoire du jugement rendu en première instance, à laquelle elle n'a pas comparu pour faire valoir ses arguments. En ce sens, le comportement de la SARL Palplanches Services relève de la mauvaise foi au sens de l'article 1231-6 précité.

Pour autant, la SAS Tractorhin ne produit aucun justificatif notamment comptable de la réalité des préjudices qu'elle affirme subir, qu'ils consistent en une privation de trésorerie ou même en un retard de la clôture de ses opérations de liquidation, et qui seraient distincts du simple retard de paiement déjà réparé par les intérêts moratoires et l'anatocisme.

Dans ces circonstances, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

- sur la capitalisation des intérêts :

La SAS Tractorhin sollicite, à hauteur d'appel, la capitalisation des intérêts relativement à l'ensemble des sommes dues.

Il est précisé que la SAS Tractorhin ne demande pas formellement que les différentes condamnations soient assorties des intérêts de retard au taux légal, une telle demande ayant été formée dans son assignation mais n'ayant pas été reprise par le tribunal de commerce dans les dispositions de son jugement dont la SAS Tractorhin se contenant de demander la confirmation. Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les condamnations prononcées en première instance et confirmées en appel produisent donc des intérêts de retard au taux légal à compter du prononcé du jugement (17 avril 2019), même en l'absence de disposition spéciale de la décision sur ce point.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée à compter du 11 décembre 2019, date de la signification des premières conclusions contenant une demande en ce sens.

- sur les demandes accessoires :

La SARL Palplanches Services, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, les dispositions du jugement étant en revanche intégralement confirmées en ce qu'elles ont statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

Les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, la SAS Tractorhin étant en revanche déboutée de sa demande de distraction concernant les dépens de première instance puisque la représentation n'était pas obligatoire devant le tribunal de commerce à la date de l'introduction de l'instance.

La SARL Tractorhin sera enfin déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles exposés en appel, pour la même raison qu'elle succombe dans la quasi-totalité de ses prétentions.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Palplanches Services à l'encontre de l'appel incident formé par la SAS Tractorhin ;

Confirme le jugement entrepris dans les limites de l'appel, sauf en ce qu'il a condamné la SARL Palplanches Services au paiement de la somme de 3 024,80 euros au titre des pénalités de retard ;

statuant à nouveau,

Condamne la SARL Palplanches Services à verser à la SAS Tractorhin la somme de 2 624,80 euros au titre des pénalités de retard ;

y ajoutant,

Déboute la SARL Palplanches Services de ses demandes de dommages-intérêts formulées au titre de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle ;

Rejette la demande de compensation devenue sans objet ;

Ordonne la capitalisation des intérêts, à compter du 11 décembre 2019 ;

Déboute la SARL Palplanches Services de sa demande formée au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la SARL Palplanches Services à verser à la SAS Tractorhin une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la SARL Palplanches Services aux dépens d'appel, qui pourront être recouvré dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP ACR ;

Déboute la SAS Tractorhin de sa demande de recouvrement des dépens de première instance dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.