CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 8 mars 2024, n° 22/03274
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Universal Music Publishing (SAS)
Défendeur :
Universal Music Publishing (SAS), Aubert Storch Associés Partenaires (SAS), Maaf Assurances (Société d'assurance mutuelle à cotisations variables)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Lehmann, Mme Marcade
Avocats :
Me Guilloux, Me Teytaud, Me Boespflug, Me Herzog, Me Tack, Me Bellichach, Me Rozenblum
Vu le jugement contradictoire rendu le 21 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :
- dit que la combinaison de la phrase « de toutes les matières c'est la ouate qu'elle préfère » avec la mélodie de la chanson dont elle est extraite est protégeable au titre du droit d'auteur,
- rejeté les demandes formées au titre des actes de contrefaçon,
- débouté [R] [V], [J] [Y] et [T] [U] et la société Universal Music Publishing de leurs demandes fondées sur le parasitisme,
- condamné [R] [V], [J] [Y] et [T] [U] et la société Universal Music à payer à la société MAAF Assurances et à la société Aubert Storch Associes Partenaires ensemble une somme totale de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [R] [V], [J] [Y] et [T] [U] et la société Universal Music aux dépens,
- dit n'y avoir lieu d'assortir la présente décision de l'exécution provisoire,
Vu les appels interjetés les 10 et 11 février 2022 par la société Universal Music Publishing (RG 22/03274 et 22/03275) et par Mme [Y], M. [U] et M. [V] (RG 22/3657),
Vu la jonction des procédures,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 septembre 2023 par Mme [Y], M. [U] et M. [V], appelants, qui demandent à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 en ce qu'il a dit que la combinaison de la phrase « de toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » avec la mélodie de la chanson dont elle est extraite est protégeable au titre du droit d'auteur,
Statuant à nouveau :
- juger que Mme [J] [Y] et M. [T] [U] ont la qualité d'auteur du texte de l'œuvre musicale « C'est la ouate »,
- juger que M. [R] [V] a la qualité de compositeur de l'œuvre musicale « C'est la ouate »,
- juger que l'œuvre musicale « C'est la ouate » est une œuvre de collaboration,
- juger que l'œuvre musicale « C'est la ouate » coécrite par Mme [J] [Y] et M. [T] [U] et composée par M. [R] [V] est originale, et que par conséquent le refrain « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » est également original et protégé au titre du droit d'auteur,
- juger que la phrase « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » extraite de l'œuvre musicale de collaboration « C'est la ouate » est originale en tant que telle, et protégeable par le droit d'auteur,
- infirmer le jugement rendu le 21 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre des actes de contrefaçon,
Statuant à nouveau :
- juger que l'usage par les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires des répliques suivantes :
« Rien à faire, c'est la MAAF qu'il préfère », « Rien à faire, c'est la MAAF qu'elle préfère », « Rien à faire, c'est la MAAF qu'ils préfèrent » au sein des spots publicitaires intitulés « Qui peut concurrencer la MAAF ' » constitue une adaptation contrefaisante par reproduction et représentation de la phrase « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » extraite de l'œuvre musicale « C'est la ouate »
En conséquence,
A titre liminaire :
- déclarer M. [R] [V], Mme [J] [Y] et M. [T] [U] recevables en leurs demandes en réparation des préjudices résultant des actes de contrefaçon,
A titre principal :
- juger que les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires ont causé à M. [R] [V], Mme [J] [Y] et M. [T] [U] des préjudices patrimoniaux et moraux,
- condamner conjointement et solidairement les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires à payer à M. [R] [V], Mme [J] [Y] et M. [T] [U] :
- la somme de 60 000 euros (20 000 euros chacun) en réparation de l'atteinte causée par la mutilation du texte de l'œuvre musicale,
- la somme de 60 000 euros (soit 20 000 euros chacun) en réparation de l'atteinte causée par la dissociation entre l'adaptation contrefaisante du texte et de la composition musicale, laquelle a été abusivement retirée,
- la somme de 60 000 euros (soit 20.000 euros chacun) en réparation de l'atteinte causée par la fragmentation du texte de l'œuvre musicale,
- la somme de 60 000 euros (soit 20.000 euros chacun) au titre du préjudice subi par eux en raison de l'atteinte portée à leur droit de paternité,
- la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- condamner conjointement et solidairement les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires à payer à :
- M. [R] [V], la somme de 60 000 euros, sauf à parfaire, au titre de la perte de chance de percevoir des droits SACEM depuis le 1er janvier 2018 à ce jour,
- Mme [J] [Y], la somme de 30 000 euros, sauf à parfaire, au titre de la perte de chance de percevoir des droits SACEM depuis le 1er janvier 2018 à ce jour,
- M. [T] [U], la somme de 30 000 euros, sauf à parfaire, au titre de la perte de chance de percevoir des droits SACEM, depuis le 1er janvier 2018 à ce jour,
- ordonner la cessation par la société MAAF Assurances et la société Aubert.Storch.Associés.Partenaires de toute reproduction, représentation ou diffusion par quelque moyen que ce soit et sur quelque support que ce soit des spots et films publicitaires de la saga « Qui peut concurrencer la MAAF ' » comportant la phrase « Rien à faire, c'est la MAAF que je/il(s)/elle(s) préfère(nt) », et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- ordonner conjointement et solidairement aux sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires de prendre toutes les mesures utiles auprès des prestataires techniques afin que soient supprimés sur Internet l'accès en ligne spots et films publicitaires de la saga « Qui peut concurrencer la MAAF ' » comportant la phrase « Rien à faire, c'est la MAAF que je/il(s)/elle(s) préfère(nt)», et d'en justifier auprès des demanderesses (sic) sous 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil du site www.MAAF.fr en haut de page, entre la bande blanche qui contient le loge MAAF, et la barre de recherches et la barre de couleur verte qui contient l'accès aux onglets véhicules, habitation, santé, prévoyance, épargne, infos et conseils (et que) cette publicité devra prendre la forme d'un rectangle de la largeur de la page internet et de la longueur nécessaire pour que soit parfaitement visible en gros caractères, de couleur noire, le texte du dispositif de l'arrêt, cet encart devra contenir tout en haut, centré, en gras et en plus grosse taille que le reste du texte, la phrase suivante : « condamnation pour contrefaçon de droits d'auteur ».
- juger que cette mesure de publicité devra rester 1 mois à compter de sa publication sur ledit site et devra être mise en place par la MAAF dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'astreinte de 5 000 euros par jour de retard,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil du site https://aubert-storch.com/ en-dessous de l'illustration qui contient le bouton «nous contacter », cette publicité devra prendre la forme d'un rectangle de la largeur de la page internet et de la longueur nécessaire pour que soit parfaitement visible en gros caractères, de couleur noire, le texte du dispositif de l'arrêt, cet encart devra contenir tout en haut, centré, en gras et en plus grosse taille que le reste du texte, la phrase suivante : « condamnation pour contrefaçon de droits d'auteur », cette mesure de publicité devra rester 1 mois à compter de sa publication sur ledit site et devra être mise en place par la MAAF dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'astreinte de 5 000 euros par jour de retard,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à venir dans trois journaux au choix des demandeurs, quotidiens ou hebdomadaires, à portée nationale, pour un coût total de 50 000 euros HT, dans un délai de 1 (un) mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'astreinte de 5 000 euros par jour de retard, aux frais conjoints et solidaires des défenderesses,
Subsidiairement :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 en ce qu'il a débouté M. [R] [V], Mme [J] [Y], M. [T] [U] et la société Universal Music Publishing de leurs demandes fondées sur le parasitisme,
Statuant à nouveau :
- juger que les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires ont commis des fautes de natures à engager leur responsabilité délictuelle au titre des agissements parasitaires,
- juger que les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires ont volontairement entretenu la confusion entre la signature de leur nouvelle campagne publicitaire et celle de leur ancienne, constitutif d'actes de concurrence déloyale au sens de l'article 1240 du code civil,
- juger que les demandes fondées par M. [R] [V], Mme [J] [Y] et M. [T] [U], au titre de la concurrence déloyale ne constituent pas des prétentions nouvelles, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles présentées devant les premiers juges,
En conséquence :
- condamner conjointement et solidairement les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires à payer à :
- Mme [J] [Y] la somme de 30 000 euros,
- M. [T] [U] la somme de 30 000 euros,
- M. [R] [V] la somme de 60 000 euros,
en réparation de leur préjudice patrimonial, ainsi qu'à la somme de 15 000 euros chacun, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral, au titre des seuls agissements parasitaires,
- juger que les demandes au titre de la concurrence déloyale sont recevables,
- condamner conjointement et solidairement les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires à payer à :
- Mme [J] [Y] la somme de 30 000 euros,
- M. [T] [U] la somme de 30 000 euros,
- M. [R] [V] la somme de 60 000 euros,
en réparation de leur préjudice patrimonial, ainsi qu'à la somme de 15 000 euros chacun, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral, au titre de la concurrence déloyale par confusion,
En tout état de cause :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 en ce qu'il a condamné [R] [V], [J] [Y], [T] [U] et la société Universal Music Publishing à payer à la société MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires, ensemble une somme totale de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné [R] [V], [J] [Y], [T] [U] et la société Universal Music Publishing aux dépens,
Statuant à nouveau
- condamner conjointement et solidairement les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires à verser à Mme [Y], MM. [V] et [U] la somme de 20 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 mai 2023 par la société Universal Music Publishing, appelante, qui demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- dire et juger que la société MAAF Assurances a commis des actes de contrefaçon d'une œuvre de l'esprit aux dépens de la société Universal Music Publishing en utilisant sans son autorisation à compter du 1er mai 2019 une adaptation de la phrase « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » de la chanson intitulée « C'est la ouate » dont la société Universal Music Publishing est l'éditeur,
- subsidiairement dire et juger que la société MAAF Assurances a commis des actes de parasitisme aux dépens de la société Universal Music Publishing, créé un risque de confusion constitutif de concurrence déloyale et trompé le public et a en conséquence engagé sa responsabilité délictuelle envers la société Universal Music Publishing,
- condamner la société MAAF Assurances à payer à la société Universal Music Publishing une somme de 208 274 euros HT à titre de dommages-intérêts,
- condamner la société MAAF Assurances à payer à la société Universal Music Publishing une indemnité de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société MAAF Assurances et la société Aubert.Storch.Associés.Partenaires aux dépens,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 mai 2023 par la société Aubert.Storch.Associés.Partenaires, intimée, qui demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement de première instance du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu'il a jugé que seule la combinaison de la phrase « De toutes les matières, c'est la Ouate qu'elle préfère » avec la mélodie de la chanson dont elle était extraite, était protégeable au titre du droit d'auteur,
Par conséquent,
- débouter Mme [J] [Y], MM. [V] et [U] de l'intégralité de leurs demandes en ce qu'ils ne rapportent pas la preuve de l'originalité et de l'empreinte de leur personnalité sur la seule phrase, sans accompagnement mélodique, « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère »,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement de 1ère instance du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 en ce qu'il a débouté Mme [J] [Y], MM. [V] et [U] de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre d'Aubert.Storch.Associés.Partenaires, en ce qu'ils ne rapportent pas la preuve qu'Aubert.Storch.Associés.Partenaires aurait commis des actes de contrefaçon de la phrase « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère... C'est la ouate »,
A titre plus subsidiaire,
- confirmer le jugement de 1ère instance du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 en ce qu'il a débouté Mme [Y], MM. [V] et [U] de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre d'Aubert.Storch.Associés.Partenaires, en ce qu'ils ne rapportent pas la preuve qu'Aubert.Storch.Associés.Partenaires aurait engagé sa responsabilité délictuelle à leur égard,
A titre infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement de 1ère instance du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 en ce qu'il a débouté Mme [Y], MM. [V] et [U] de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre d'Aubert.Storch.Associés.Partenaires, en ce qu'ils ne justifient ni du principe, ni du quantum de leur réclamation,
En toute hypothèse,
- condamner solidairement Mme [Y], MM. [V] et [U] et Universal à payer à Aubert.Storch.Associés.Partenaires une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Mme [Y], MM. [V] et [U] et Universal Music aux entiers dépens d'instance,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 septembre 2023 par la société MAAF Assurances, intimée, qui demande à la cour de :
A titre principal,
- juger que la phrase « de toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » n'est pas originale en l'absence de combinaison avec la mélodie qui l'accompagne,
- juger que la phrase « rien à faire, c'est la MAAF qu'ils préfèrent » ne constitue pas une contrefaçon des paroles de la chanson « c'est la ouate » ni de l'un de ses extraits,
- juger que les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires n'ont commis aucun acte de contrefaçon,
En conséquence :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 en ce qu'il n'a pas retenu la « protégeabilité » au titre du droit d'auteur de la seule phrase « de toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » sans combinaison avec la mélodie de la chanson,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 en ce qu'il a débouté Mme [Y], MM. [V] et [U] et la société Universal Music Publishing de l'intégralité de leurs demandes subséquentes dès lors que la contrefaçon n'était pas établie,
A titre subsidiaire,
- juger que les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires n'ont pas commis d'actes parasitaires,
En conséquence :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 en ce qu'il a débouté Mme [Y], MM. [V] et [U] et la société Universal Music Publishing de leurs demandes fondées sur le parasitisme,
A titre très subsidiaire,
- juger irrecevable la demande nouvelle formée au titre de la concurrence déloyale,
- juger que les sociétés MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires n'ont pas commis d'actes de concurrence déloyale,
En conséquence :
- débouter Mme [Y], MM. [V] et [U] et la société Universal Music Publishing de leurs demandes infondées liées (à) la concurrence déloyale,
En toute hypothèse :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 en ce qu'il a condamné Mme [Y], MM. [V] et [U] et la société Universal Music Publishing aux entiers dépens de première instance et à payer à la société MAAF Assurances et Aubert.Storch.Associés.Partenaires ensemble la somme totale de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil au titre de la procédure de première instance,
Et y ajoutant :
- débouter Mme [J] [Y], MM. [V] et [U] et la société Universal Music Publishing de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [J] [Y], MM. [V] et [U] et la société Universal Music Publishing à verser à la société MAAF Assurances la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil en cause d'appel,
- condamner Mme [J] [Y], MM. [V] et [U] et la société Universal Music Publishing aux entiers dépens de la procédure d'appel,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 décembre 2023,
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que M. [V] est le compositeur d'une œuvre musicale intitulée
« C'est la ouate » interprétée par Mme [Y], qui en est également, avec M. [U], la co-auteure. Cette œuvre a été déposée à la SACEM le 4 novembre 1986.
Par contrat d'édition du même jour, Mme [Y], M. [U] et M. [V] ont cédé leurs droits patrimoniaux sur cette œuvre musicale à la société Polygram Music, aux droits de laquelle vient la société Universal Music Publishing (ci-après la société Universal Music), qui est une société d'édition musicale.
La société MAAF Assurances (ci-après la MAAF) est une société d'assurance mutuelle française.
La société Aubert.Storch.Associés.Partenaires (ci-après la société ASAP) est une agence de publicité en charge de la conception des campagnes de communication de la société MAAF.
Par lettre accord du 23 mars 2004, la société Universal a consenti à l'ancien agent publicitaire de la MAAF, la société Possible, l'autorisation de réenregistrer l'œuvre musicale en adaptant le texte aux besoins de la publicité sous réserve que « le réenregistrement ne constitue pas une atteinte à l'œuvre susceptible de justifier une intervention de ses auteurs et compositeurs et que l'adaptation du texte ait été préalablement validée par les ayants droits ».
En vertu de cette autorisation, l'annonceur était autorisé par les ayants droit à modifier le texte original de la chanson : « De toutes les matières, C'est la ouate qu'elle préfère ' C'est la ouate » en l'adaptant de la façon suivante : « Efficace et pas chère, c'est la MAAF que je préfère ' c'est la MAAF ! ».
La société Possible a enregistré la version modifiée de l'œuvre pour l'adapter aux images de spots publicitaires de la MAAF, lesquels ont été diffusés pour la première fois en avril 2004, sous la dénomination « saga Palace » avec l'autorisation de l'auteur de l'œuvre audiovisuelle « Palace ».
Le contrat a été renouvelé par les ayants droit de l'œuvre musicale à deux reprises, pour une durée de 3 années, les 30 avril 2013 et 10 mars 2016.
Considérant que la MAAF a continué d'exploiter « l'œuvre musicale » en cause sans leur autorisation dans le cadre d'une nouvelle campagne de publicité intitulée « Qui peut concurrencer la MAAF » conçue par la société ASAP, dans laquelle les personnages déclament « Rien à faire, c'est la MAAF qu'il (elle) (ils) préfère(ent) ! » et « C'est la MAAF que je préfère !», M. [V], Mme [Y] et M. [U] lui ont fait adresser le 4 juin 2019 d'avoir à cesser ses agissements.
Par courrier du 3 juillet 2019, la MAAF a contesté que sa nouvelle campagne de publicité puisse être considérée comme constituant une adaptation de la chanson « C'est la ouate ».
C'est dans ces conditions que, par actes des 4 et 24 décembre 2019, M. [V], Mme [Y] et M. [U] ont fait assigner la société MAAF et la société ASAP devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris, en contrefaçon de droit d'auteur et subsidiairement, en parasitisme.
Par acte du 31 décembre 2019 la société Universal a fait assigner les sociétés MAAF et ASAP aux mêmes fins.
Les procédures ont fait l'objet d'une jonction le 12 novembre 2020.
C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement dont appel qui a débouté Mme [Y], M. [U], M. [V] et la société Universal Music de leurs demandes dans les termes ci-dessus rappelés.
Sur la protection par le droit d'auteur de la phrase « de toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère »
Les appelants font grief aux premiers juges d'avoir considéré que seule l'expression en cause combinée avec la mélodie de la chanson dont elle est extraite est protégée par le droit d'auteur alors qu'ils revendiquaient la protection de l'expression « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » issue de l'œuvre musicale « C'est la ouate » indépendamment de sa mélodie. Ils estiment que la conclusion de divers contrats par la MAAF entre 2004 et 2019 avec la société Universal Music constitue autant de preuves de l'originalité de l'expression issue de l'œuvre musicale « C'est la Ouate », la MAAF ayant reconnu que la phrase « Efficace et pas chère, c'est la MAAF que je préfère » constitue une adaptation soumise à autorisation de la phrase « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » indépendamment de la musique. Ils soutiennent ensuite que cette phrase, qui participe comme telle à l'originalité de l'œuvre musicale « C'est la ouate », en est une caractéristique essentielle, les paroles de la chanson étant structurées de manière à conter une histoire tout en imprégnant l'esprit de l'auteur du rythme de la musique grâce aux très nombreuses répétitions du refrain (dix sur treize strophes au total), la phrase en cause constituant l'élément premier du refrain dont les mots à double signification ont été choisis par les co-auteurs pour composer un tube incontournable dans les années 80. Ils décrivent ainsi l'originalité de la phrase revendiquée comme ressortant de sa structure en elle-même et du choix, de la disposition et de la combinaison des mots qui la compose.
La société Universal Music, qui fait sienne l'argumentation des auteurs, soutient également que la phrase « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » extraite de l'œuvre originale « C'est la ouate » est à elle seule originale et protégeable par le droit d'auteur ainsi que cela résulte des différents contrats l'ayant lié à la MAAF du 23 mars 2004 au 30 avril 2019 qui ont autorisé cette dernière à utiliser une adaptation de la phrase revendiquée sans la mélodie l'accompagnant sous certaines conditions.
La MAAF fait valoir que la phrase seule « de toutes les matières c'est la ouate qu'elle préfère », sans la musique, n'est pas protégeable par le droit d'auteur, pas plus que l'utilisation du verbe « préférer », que le fait qu'elle a conclu des contrats avec la société Universal est inopérant à caractériser l'originalité de cette phrase, ce d'autant que les contrats en cause visaient exclusivement l'œuvre musicale en entier et non pas un extrait parlé non chanté. Elle soutient que les seuls mots qui pourraient être « distinctifs » dans la phrase revendiquée sont « matière » et « la ouate » qui ne sont pas repris dans sa campagne publicitaire et que l'expression « qu'ils préfèrent » ou « c'est quelque chose qu'ils préfèrent » ou encore le choix du verbe « préférer » est banal et utilisé dans de nombreuses chansons. Elle ajoute que ni la présence d'une rime en « ère » ni le choix des mots ne peuvent suffire à établir l'originalité de la phrase revendiquée.
La société ASAP soutient également que le choix de mots ne permet pas de révéler la touche personnelle des auteurs sur cette phrase, relevant que l'expression « C'est quelque chose ou quelqu'un que je préfère » ou l'une de ses déclinaisons, qui constitue l'élément central du slogan, est utilisé dans de nombreuses chansons antérieures et postérieures (sic) à celle des appelants. Elle ajoute que les contrats qui ont été conclus entre la société Universal Music et la MAAF portent uniquement sur l'autorisation d'utilisation d'un extrait de l'œuvre musicale « C'est la ouate » sans reconnaissance aucune d'une quelconque originalité de la phrase en cause.
Selon l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle « Est dite de collaboration l'œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ».
L'article L. 113-3 du même code ajoute que :
« L'œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs.
Les coauteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord.
En cas de désaccord, il appartiendra à la juridiction civile de statuer.
Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l'exploitation de l'œuvre commune ».
Il résulte de ces dispositions que dans le cas d'une œuvre de collaboration, les différentes contributions, lorsqu'elles relèvent de genres différents, peuvent être exploitées indépendamment. A fortiori, chaque contribution est protégeable par le droit d'auteur.
Selon l'article L. 112-2 1° et 5° du code de la propriété intellectuelle, sont considérées notamment comme œuvres de l'esprit « les livres, brochures et autres écrits littéraires artistiques et scientifiques » et « les compositions musicales avec ou sans paroles ».
Il en résulte que toute composition musicale constitue une œuvre de l'esprit susceptible d'être protégée par le droit d'auteur et que cette protection s'étend à la musique comme aux paroles de la chanson.
En l'espèce, l'œuvre musicale « C'est la ouate » est une œuvre de collaboration, déposée à la SACEM le 4 novembre 1986 par Mme [Y], M. [U] et M. [V] en qualités de coauteurs et de compositeur, la société Universal Music en étant l'éditeur.
Il s'agit d'une chanson, composée d'une mélodie et de paroles, lesquelles peuvent être protégées indépendamment l'une de l'autre, en dehors de la protection accordée à l'œuvre musicale prise dans son ensemble.
Les appelants revendiquent des droits d'auteur non pas sur la combinaison de la phrase « de toutes les matières c'est la ouate qu'elle préfère » avec la mélodie de la chanson dont elle est extraite mais sur la seule expression susvisée.
Les dispositions de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales.
Il appartient dès lors aux coauteurs qui se prévalent de la protection par le droit d'auteur de justifier que l'expression qu'ils revendiquent présente une physionomie propre qui traduit un parti pris esthétique et reflète l'empreinte de leur personnalité.
Il est constant que le droit national doit être interprété à la lumière des directives communautaires, notamment de la directive 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.
La Cour de justice de la Communauté européenne a dit pour droit dans un arrêt du 16 juillet 2009 (Infopaq C-5/08) que :
38. En ce qui concerne les parties d'une œuvre, il y a lieu de constater que rien dans la directive 2001/29 ou dans une autre directive applicable en la matière n'indique que ces parties sont soumises à un régime différent de celui de l'œuvre entière. Il s'ensuit qu'elles sont protégées par le droit d'auteur dès lors qu'elles participent, comme telles, à l'originalité de l'œuvre entière.
39. Les différentes parties d'une œuvre bénéficient ainsi d'une protection au titre de l'article 2, sous a), de la directive 2001/29 à condition qu'elles contiennent certains des éléments qui sont l'expression de la création intellectuelle propre à l'auteur de cette œuvre.
45. S'agissant (des œuvres littéraires visées par la directive 2001/29) il convient de relever que celles-ci sont composées de mots qui, considérés isolément, ne sont pas en tant que tels une création intellectuelle de l'auteur qui les utilise. Ce n'est qu'à travers le choix, la disposition et la combinaison de ces mots qu'il est permis à l'auteur d'exprimer son esprit créateur de manière originale et d'aboutir à un résultat constituant une création intellectuelle.
46. Les mots en tant que tels ne constituent donc pas des éléments sur lesquels porte la protection.
47. Cela étant, compte tenu de l'exigence d'une interprétation large de la portée de la protection conférée par l'article 2 de la directive 2001/29, il ne saurait être exclu que certaines phrases isolées, ou même certains membres de phrases du texte concerné, soient aptes à transmettre au lecteur l'originalité d'une publication (telle qu'un article de presse), en lui communiquant un élément qui est, en soi, l'expression de la création intellectuelle propre à l'auteur de cet article. De telles phrases ou de tels membres de phrase sont donc susceptibles de faire l'objet de la protection prévue à l'article 2, sous a), de ladite directive.
48. Au regard de ces considérations, la reprise d'un extrait d'une œuvre protégée qui, tels ceux en cause au principal, comprend onze mots consécutifs de celle-ci, est susceptible de constituer une reproduction partielle, au sens de l'article 2 de la directive 2001/29, si -ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier- un tel extrait contient un élément de l'œuvre qui, en tant que tel, exprime la création intellectuelle propre à l'auteur.
Au regard de ces éléments d'appréciation, il y a lieu de considérer que la phrase « de toutes les matières c'est la ouate qu'elle préfère » composée de plusieurs mots peut être protégée par le droit d'auteur pourvu qu'elle soit originale.
L'originalité de l'expression revendiquée ne saurait résulter d'engagements contractuels ayant autorisé la MAAF à utiliser un extrait de l'œuvre musicale « C'est la ouate » en vue de sa reproduction dans une communication publicitaire, ce que finalement les auteurs reconnaissent dans leurs écritures en indiquant que « les stipulations contractuelles permettent de corroborer la démonstration objective de l'originalité de la phrase revendiquée ».
De la même manière les antériorités opposées, qui au demeurant en l'espèce permettent seulement de constater que le verbe « préférer » est couramment utilisé par les auteurs, sont indifférentes en droit d'auteur, seule la preuve du caractère original étant exigée comme condition de l'octroi de la protection au titre du livre I du code de la propriété intellectuelle.
En l'espèce, le choix d'utiliser les mots « de toutes les matières » permettant de créer une césure dans la phrase, accentuée par une virgule, n'est pas suffisant à caractériser l'originalité de l'œuvre considérée, pas plus que celui de faire des rimes, courant dans le domaine considéré, ou encore d'utiliser les termes « c'est...que » qui constitue une expression usuelle dans la la langue française.
Mais le choix des mots qui composent la phrase, qui peuvent avoir une double signification, la ouate pouvant être le coton/matière au sens propre ou l'état psychologique dans lequel se trouve un personnage, leur disposition et leur combinaison qui véhicule un message équivoque, comporte l'empreinte de la personnalité des auteurs et l'expression des choix libres et créatifs de ces derniers.
Il en résulte que cette phrase doit être considérée comme originale et partant protégée par le droit d'auteur indépendamment de la mélodie de la chanson dont elle est extraite.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la contrefaçon
Les auteurs et la société Universal Music considèrent que l'utilisation par la MAAF de la phrase « Rien à faire, c'est la MAAF qu'il/ils/ elle préfère(nt) » est une adaptation non autorisée de la phrase « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » faisant valoir qu'il existe de multiples ressemblances entre les phrases constitutives de contrefaçon de par la reprise d'une même rime et des mêmes mots « c'est la » après la césure de la phrase et « que je/il/elle préfère» à la fin de celle-ci.
La MAAF soutient n'avoir reproduit aucun des éléments caractéristiques de l'œuvre musicale « c'est la ouate », n'ayant utilisé ni les paroles ni la musique, et qu'aucun acte de contrefaçon ne peu lui être reproché par l'utilisation d'un verbe usuel ou d'une structure de phrase banale. Elle ajoute n'employer ni les termes « de toutes les matières » ou « la ouate » ni reproduire le rythme de la phrase de sorte que les ressemblances alléguées sont inexistantes.
La société ASAP conclut également à l'absence de contrefaçon en faisant valoir que la phrase « Rien à faire, c'est la MAAF qu'il préfère » ne reprend pas des traits significatifs de la phrase revendiquée, que les phrases diffèrent en leur longueur, leur rythme et leur début, ce qui exclut tout risque de confusion.
En application des articles L. 122-1 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction, et toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur, de ses ayants droits ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
Il est constant que la contrefaçon d'une œuvre protégée par le droit d'auteur, qui n'implique pas l'existence d'un risque de confusion, consiste dans la reprise de ses caractéristiques reconnues comme étant constitutives de son originalité et s'apprécie d'après les ressemblances et non pas les différences.
Or en l'espèce, malgré une certaine inspiration de structure, quoiqu'en alexandrin dans l'œuvre revendiquée, les phrases « Rien à faire, c'est la MAAF qu'il/ elle/ils préfère(nt) » et « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » n'ont en commun que la chute constituée du verbe « préférer » conjugué à la troisième personne du singulier ou du pluriel et que les appelants ne peuvent s'approprier. Le slogan publicitaire de la MAAF comporte les mots « Rien à faire » qui sont absents de la phrase revendiquée et a, de par la longueur de chacune des parties de la phrase qui ne sont pas équilibrées, une sonorité différente.
Il en résulte que la contrefaçon de la phrase « De toutes les matières, c'est la ouate qu'elle préfère » extraite de l'œuvre musicale de collaboration « C'est la ouate » n'est pas établie et que dans cette limite le jugement doit être confirmé.
Sur le parasitisme et la concurrence déloyale
A titre subsidiaire les appelants invoquent des actes de parasitisme et de concurrence déloyale.
S'agissant du parasitisme ils font valoir que par l'exploitation du slogan « Rien à faire, c'est la Maaf qu'il(s)/elle(s) préfère(nt) », les sociétés MAAF et ASAP se sont placées dans le sillage de l'œuvre musicale « C'est la Ouate » afin de tirer indument profit de la notoriété acquise de cette dernière, sans bourse délier. Ils soutiennent que l'œuvre « c'est la ouate » connait encore un important succès auprès du public et est quotidiennement diffusée à la radio et reprise par des artistes contemporains, que la notoriété de l'œuvre n'est pas le fruit des investissements de la MAAF mais que cette notoriété préexistait à l'utilisation faite par cette dernière pour ses besoins publicitaires, que la MAAF s'est placée dans le sillage de l'œuvre musicale « C'est la Ouate » en adaptant une phrase culte pour bénéficier de sa popularité. Ils mettent de nouveau en avant les similitudes qui selon eux existent entre les phrases en cause pour démontrer que l'exploitation de son nouveau slogan par la MAAF lui permet de maintenir le lien avec son ancienne campagne publicitaire sans bourse délier.
La société Universal Music soutient également à titre subsidiaire que la phrase « Rien à faire, c'est la MAAF qu'il/elle préfère » s'inscrit dans la continuité du slogan « Efficace et pas chère, c'est la MAAF que je préfère » que la MAAF a massivement utilisée pendant une quinzaine d'année au point d'y être identifiée, que cette dernière tire ainsi indûment profit de la phrase revendiquée dont la valeur économique a été reconnue par la MAAF elle-même.
S'agissant de la concurrence déloyale, les appelants font valoir que la MAAF crée une confusion entre les deux slogans publicitaires « Efficace et pas chère, c'est la MAAF que je préfère » et « Rien à faire, c'est la MAAF qu'il/ils/elle/elles préfère(nt) » objet de la lettre accord du 23 mars 2004 et laisse penser au public qu'elle continue d'exploiter l'œuvre musicale de manière autorisée.
La société Universal Music soutient également que la nouvelle campagne publicitaire de la MAAF a pour objet de maintenir un lien avec la précédente et risque ainsi d'être perçue par le public comme une adaptation autorisée de la phrase originale.
La MAAF conclut à l'absence d'actes de parasitisme. Elle fait valoir qu'en changeant de ligne publicitaire et en abandonnant l'univers de la série « Palace » et des comédies musicales pour celui de la parodie des films d'espionnage, elle a coupé tout lien avec la précédente campagne publicitaire, qu'elle ne reprend aucun élément de l'œuvre revendiquée et ne s'inscrit pas dans le sillage de la chanson. Elle ajoute que les appelants ne rapportent pas la preuve de leurs investissements et qu'au contraire, le souvenir de la chanson s'est progressivement estompé pour tomber dans l'oubli. Elle soulève l'irrecevabilité de la demande en concurrence déloyale formée pour la première fois en cause d'appel et titre subsidiaire fait valoir les parties ne sont pas en situation de concurrence, que les nouveaux spots ne reprennent pas les éléments de la chanson « C'est la ouate », la phrase revendiquée étant banale et la mélodie non reprise, enfin que le préjudice dont réparation est demandée n'est pas justifié.
La société ASAP soutient également que les appelants ne démontrent pas la faute alléguée et que la MAAF a réalisé d'importants investissements en vue de lancer la nouvelle campagne publicitaire ajoutant que les demandes en concurrence déloyale pour confusion ne peuvent prospérer dès lors qu'il n'existe pas de ressemblance significative entre les phrases en cause et que les demandes indemnitaires ne sont pas justifiées par les appelants.
Si la concurrence déloyale et le parasitisme sont caractérisés par l'application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d`investissements, les deux actions sont pareillement fondées sur l'article 1240 du code civil et tendent aux mêmes fins.
En conséquence, la demande des appelants fondée sur la concurrence déloyale est recevable devant la cour.
La concurrence déloyale et le parasitisme doivent être appréciés au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ou du public sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce.
S'il est indéniable que l'œuvre musicale « C'est la ouate » et partant la phrase « De toutes les matières, c'est la Ouate qu'elle préfère » dont elle est extraite, ont connu un succès certain au milieu des années 80, il n'est pas démontré, par la production d'un extrait du site Wikipédia (pièce 4-2 des appelants) qui n'est qu'une encyclopédie participative, ni par l'annonce sur France Inter en 2021 d'une chronique précisément titrée « C'est la ouate, c'est le tube qui a marqué les mémoires et qui est sorti en 1986 » ( pièce 25 des appelants) ni encore par la capture d'écran réalisée à partir de la plateforme Youtube (pièce 52 des appelants) qui n'est pas datée, que la notoriété de l'œuvre musicale « C'est la ouate » et partant de la phrase « « De toutes les matières, c'est la Ouate qu'elle préfère » était encore acquise en 2018.
Par ailleurs, cette phrase non associée à la mélodie de l'œuvre musicale « C'est la Ouate » ne constitue pas à elle seule une valeur économique dès lors que l'autorisation objet de la lettre accord du 23 mars 2004 portait sur le réenregistrement avec adaptation publicitaire du texte et a donné lieu au versement d'une somme forfaitaire et définitive de 140 000 euros HT (186 340 euros HT en fin de contrat).
Enfin si la phrase « Rien à faire, c'est la MAAF qu'il/ils/elle/elles préfère(nt) » contenue dans la campagne publicitaire de la MAAF traduit bien une volonté de cette dernière de maintenir un lien avec les campagnes précédentes en ce que l'utilisation des mots « qu'il/ils/elle préfère(nt) » exprime l'idée que ses clients choisissent de rester affiliés en raison de la qualité de ses produits et de la confiance qu'ils ont en leur assureur, il convient de relever que les univers sont complétement différents pour devenir une parodie de films d'espionnage, qu'à l'exception de la reprise du verbe « préférer » conjugué à la 3ème personne du singulier ou du pluriel, le slogan de la MAAF ne reprend pas les caractéristiques ni du précédent slogan autorisé, ni de l'œuvre revendiquée, enfin qu'il n'est nullement fait référence à la mélodie de la chanson « C'est la ouate » dont il ne peut être fait abstraction dans la notoriété rencontrée par l'œuvre musicale prise dans son ensemble dans les années 80.
Il en résulte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes fondées sur le parasitisme.
S'agissant de la concurrence déloyale, l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.
Or il a été dit que les phrases en litige n'ont en commun que le verbe « préférer » conjugué à la troisième personne du singulier ou du pluriel, que les appelants ne peuvent s'approprier, et que le slogan publicitaire de la MAAF comporte des mots, une longueur et une sonorité différentes qui excluent tout risque de confusion, que l'originalité de la phrase opposée ne résulte précisément que du choix des mots qui la composent, de leur disposition et de leur combinaison et que la notoriété dudit en 2018 n'est pas démontrée.
En conséquence, la concurrence déloyale n'est pas établie et les demandes formées à ce titre seront rejetées.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les appelants doivent être déboutés de leurs demandes fondées sur le parasitisme et que le jugement doit être confirmé de ce chef. Y ajoutant, les appelants seront également déboutés de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale.
Sur les autres demandes
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Parties perdantes, Mme [Y], M. [V], M. [U] et la société Universal Music seront en outre condamnés aux dépens d'appel.
Enfin les sociétés MAAF et ASAP ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement dont appel sauf en ce qu'il a dit que la combinaison de la phrase « de toutes les matières c'est la ouate qu'elle préfère » avec la mélodie de la chanson dont elle est extraite est protégeable au titre du droit d'auteur.
Statuant de ce chef, et y ajoutant,
Dit que la phrase « de toutes les matières c'est la ouate qu'elle préfère » est protégeable au titre du droit d'auteur indépendamment de la mélodie de la chanson « C'est la ouate » dont Mme [Y], M. [U] et M. [V] sont coauteurs et compositeur et la société Universal Music éditeur.
Rejette les demandes formées au titre de la contrefaçon de cette phrase.
Dit recevables mais mal fondées les demandes en concurrence déloyale de Mme [Y], M. [V], M. [U] et la société Universal Music Publishing.
Condamne Mme [Y], M. [V], M. [U] et la société Universal Music Publishing à payer à la société MAAF Assurances la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum Mme [Y], M. [V], M. [U] et la société Universal Music Publishing à payer à la société Aubert.Storch.Associés.Partenaires la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [Y], M. [V], M. [U] et la société Universal aux dépens d'appel, in solidum envers la société Aubert.Storch.Associés.Partenaires.
La Greffière La Présidente