CA Angers, ch. a com., 12 mars 2024, n° 22/01648
ANGERS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Coryphene Informatique (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Corbel
Conseillers :
M. Chappert, Mme Gandais
Avocats :
Me Langlois, Me Dufourgburg, Me Laurien
FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte sous seing privé du 11 juillet 2011, M. [U] [T], à titre personnel et se portant fort de l'ensemble des autres associés de la société (SAS) [T] Immobilier (à savoir, à la suite d'une donation-partage du 20 mai 2011, son épouse, Mme [F] [T] née [K], détentrice de 490 actions en usufruit, et leurs trois enfants, M. [V] [T], détenteur de 839 actions en nue propriété et 59 actions en pleine propriété, Mme [G] [T] épouse [E], détentrice de 839 actions en nue propriété et 5 en pleine propriété, Mme [X] [T] épouse [A] ,détentrice de 839 actions en nue propriété et 1 en nue propriété, ci-après les consorts [T], outre M. [O] [H], ce dernier détenteur d'une action en pleine propriété), a promis à M. [R] [M], agissant en son nom propre et au nom de toute société existante ou à constituer, qu'il pourrait se substituer à l'occasion de la réitération, 100% des actions de la SAS [T] Immobilier, spécialisée dans les transactions immobilières et commerciales notamment relatives aux fonds de commerce de cafés hôtels restaurants, et qui exerçait sous la dénomination '[T] Immobilier'.
Le prix provisoire était fixé, en vertu de l'article 4.1, à 700 000 euros pour une situation nette à la date de la cession des parts constatant au moins 610 754 euros de capitaux propres.
A l'article 4.2, la vente projetée prévoyait une clause de révision du prix sur la base des comptes sociaux au 30 septembre 2011, en ces termes : 'Si la situation nette à la date de cession des parts constatait moins de 610 754 € de capitaux propres, le prix provisoire visé au paragraphe 4.1 serait minoré de l'écart constaté ; le paiement par le promettant au bénéficiaire de la réduction de prix interviendra dans les huit jours suivant l'accord des parties constatant cet écart. Si la situation nette à la date de cession des parts constatait plus de 650 000 euros de capitaux propres, le prix provisoire visé au paragraphe 4.1 serait majoré de l'écart constaté ; le paiement par le bénéficiaire au promettant de la majoration de prix interviendra dans les huit jours suivant l'accord des parties constatant cet écart, par la remise par le bénéficiaire de chèques de banque libellés à l'ordre de chacun des cédants.'
Il était indiqué, à l'article 5, qu'en cas de désaccord persistant sur l'arrêté des comptes, les parties s'en remettraient à l'arbitrage d'un expert-comptable statuant sur les motivations du désaccord, sans recours possible.
Suivant l'article 4.3, le prix provisoire ajusté par la minoration/majoration visée au paragraphe 4.2, sera majoré de l'économie comptable nette, après impôt sur les sociétés, réalisée sur la provision comptable de 100 000 euros constituée au 30 septembre 2010 pour un litige avec un ex-agent commercial', à savoir, M. [Z]
En vertu de l'article 6.1 de l'acte du 11 juillet 2011, les promettants déclaraient que la société ne se trouvait impliquée, ou en passe de l'être, dans aucune action judiciaire ou enquête administrative, à l'exception du litige' [Z]' exposé dans le projet de garantie.
Une garantie d'actif et de passif était aussi prévue à l'acte.
La réitération des actes devait être réalisée au plus tard le 15'octobre 2011 avec une date d'entrée en jouissance des actions au 1er octobre 2011, M. [U] [T] s'engageant à démissionner au jour de la réitération de ses fonctions et à accepter un contrat d'agent commercial avec la SAS [T] Immobilier prenant effet le lendemain de la cession, pour une période ferme d'un an.
Le 28 juillet 2011, M. [M] a levé la première condition suspensive à la cession relative au financement.
Puis, M. [M] a levé la deuxième condition suspensive le 29'août 2011, en engageant un audit comptable et social des comptes clos le 30 septembre 2010, lesquels faisaient état de capitaux propres de 610 754 euros, les provisions sur litige étant retenues à hauteur de 104 438 euros.
Enfin, M. [M] a levé la troisième et dernière condition suspensive ayant trait à l'accord de la FNAIM le 30 septembre 2011, en observant que la carte professionnelle de M. [H] manquait au dossier.
Le même jour, par lettre recommandée, il a interrogé M.'[U] [T] sur la validité des cartes professionnelles des agents commerciaux.
Le 13 octobre 2011, les consorts [T] ont fait part à M.'[M] de leur souhait de se séparer de M. [H].
Les parties ont convenu d'un report de la date de cession.
Le 28 octobre 2011, ont été signés entre les consorts [T] (étant précisé que M. [H] avait préalablement cédé sa participation à M.'[U] [T]) et M. [M] et la société Coryphene Informatique, l'acte réitératif et ses annexes, à savoir, notamment, un contrat de garantie d'actif et de passif en sa version définitive, conclu entre la SARL Coryphene Informatique et M. et Mme [U] [T] ; une convention de séquestre, le contrat d'agent commercial de M. [U] [T] à effet au 1er octobre 201, au terme duquel M. [T] 's'interdit de poursuivre son activité sous quelque forme que ce soit'.
Cet acte réitératif, qui renvoie à la promesse du 11 juillet 2011, précise que celle-ci n'était pas modifiée et continuait à s'appliquer dans toutes ses dispositions à quelques exceptions détaillées.
Le nouveau prix provisoire de cession, de 676 000 euros, prenait en compte les frais de mutations du fait de la donation intervenue en mai 2011 entre les consorts [T].
Ce prix a été réglé aux cédants le jour même de l'acte.
Il est rappelé audit acte que le prix définitif serait arrêté en fonction du bilan au 30 septembre 2011 dans les conditions prévues à la promesse.
Il y est prévu que 'les comptes courants des associés seront soldés au plus tard au jour de l'acte constatant l'accord des parties sur l'arrêt définitif du bilan du 30/09/2011.'
Il y est stipulé que le contrat de garantie d'actif et de passif formait un tout indivisible avec le contrat de cession.
Le contrat de garantie comporte la déclaration selon laquelle la SAS [T] Immobilier est titulaire de la dénomination '[T] Immobilier' 'dont l'usage ne pouvait lui être contesté par quiconque, car il ne portait pas atteinte aux droits de tiers, et n'est ni antériorisé par une marque, ni par un quelconque droit de premier usage d'une autre personne morale' et que 'son utilisation ne donne lieu au versement d'aucune indemnité ou redevance au profit de quiconque'. Et il y est déclaré que 'les garants n'ont connaissance d'aucune autre société ou entreprise qui utilise une dénomination semblable ou susceptible de créer une confusion avec celle de la société'.
Ce contrat de garantie mentionne le nom des six agents commerciaux alors engagés dont les sociétés Restimmo Conseils (représentée par M. [I]) et Franlaur (représentée par M. [B]).
En vertu de l'article 4.20 'litiges' de ce contrat de garantie d'actif et de passif, il est spécifié qu'un litige avec un ex-agent commercial, M.'[Z], était en cours de traitement judiciaire, qu'une provision comptable de 100 000 euros avait été constituée dans les comptes au 30'septembre 2010 et que la décision du tribunal serait en délibéré en octobre 2011. Les garants ont ajouté qu'aucun autre litige n'était engagé à l'encontre de la société, qu'ils n'avaient connaissance d'aucune instance susceptible d'être intentée contre la société devant une quelconque juridiction.
Il est précisé à l'article 4.30 de cet acte, qu' 'aucune des déclarations et attestations faites ci-dessus par les garants n'omet d'indiquer un fait ou événement significatif dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du bénéficiaire sur la situation et les perspectives de la société ou rendrait trompeuse ou erronée tout ou partie de ces déclarations.'
Une garantie de la garantie a été mise en place sous la forme d'une mise sous séquestre de la somme de 70 000 euros sur un compte CARPA.
En vertu de l'article 5.2 du même acte, 'toute indemnité due par les garants au bénéficiaire prendra la forme d'une réduction de prix que les garants s'engagent à verser au bénéficiaire ou, sur instruction écrite de celui-ci, dans l'actif de la société.'
Le 25 novembre 2011, le comptable des cédants a soumis aux cessionnaires un projet de bilan au 30 septembre 2011, avec un chiffre d'affaires de 945 411 euros, un résultat avant impôts de 182 560 euros et un bénéfice de 152 271,38 euros.
Les cessionnaires, s'appuyant sur l'audit de décembre 2011 de leur comptable, se sont plaints d'avoir découvert de nouveaux éléments sur la situation de la SAS [T] Immobilier après la signature de l'acte réitératif, en particulier, une insuffisance des provisions pour risques du fait de trois procédures judiciaires dont l'existence ne leur avait pas été révélée, un enrichissement personnel de M. [U] [T] aux frais de la société.
Ils ont notifié aux cédants leurs désaccords motivés sur le projet de bilan et les conclusions de l'audit d'acquisition, par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 décembre 2011. Ils ont proposé notamment, une rectification du chiffre d'affaire provisoire et du compte de charges d'exploitations, la provision intégrale des trois litiges en cours découverts et leur financement intégral par les cédants, frais de procédure, honoraires et frais de conseils en charge de la défense de leurs intérêts inclus. Les cessionnaires ont souhaité une garantie spéciale, hors contrat, les protégeant des risques nouveaux, garantie à première demande sans seuil et sans plafond, contrairement à la garantie d'actif et de passif d'origine qui comportait un seuil de déclenchement à 10.000 euros, un plafonnement de la garantie à 50% du prix définitif et une limitation de durée à 3 ans.
Le 12 janvier 2012, M. [M] et la SARL Coryphene Informatique ont sollicité, de nouveau, l'inscription des provisions comptables pour risques.
Le 13 janvier 2012, le comptable des cédants a déposé le bilan des comptes au 30 septembre 2011 faisant apparaître des capitaux propres à hauteur de 464 658,89 euros du fait d'un déficit de 56 095,22 euros tenant compte de provisions pour risques d'un montant de 325 206 euros.
Par lettre du 3 février 2012, M. [U] [T] a refusé les comptes déposés, revendiquant un résultat de 151 701,54 euros.
Compte tenu du désaccord persistant sur l'établissement de l'arrêté de compte en date du 30 septembre 2011, les consorts [T], d'une part, M.'[M] et la SARL Coryphene Informatique, d'autre part, ont convenu de recourir à la procédure d'arbitrage, en application de l'article 5 de la promesse d'acquisition et de cession.
Ainsi, par acte du 13 mars 2012, les cédants et cessionnaires ont désigné M. [J], expert-comptable, en qualité d'arbitre unique, avec pour mission d'entendre contradictoirement les désaccords des parties sur l'arrêté des comptes de référence au 30 septembre 2011, de trancher et par suite, arrêter lesdits comptes et de déterminer, en conséquence, le prix définitif des actions. Par la suite, en septembre 2012, les parties ont signé un compromis d'arbitrage.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mars 2012, M. [T] a exprimé sa volonté de rompre, sans indemnité, son contrat d'agent commercial qui le liait à la SAS [T] Immobilier.
M. [J] a rendu sa sentence le 28 décembre 2012, concluant à une minoration du prix de cession de 9 633,05 euros. Il a retenu, concernant l'arrêté des comptes au 30 septembre 2011, un chiffre d'affaires de 795 411 euros, la constitution de provisions à hauteur de 54 884 euros, pour les risques cachés par les cédants, un résultat comptable de 81 943 euros avant impôts, un résultat net de 80 367 euros après impôts sur les bénéfices du fait du déficit fiscal dû à la provision pour le risque '[Z]' constituée au 30 septembre 2010. Il a constaté l'accord des parties concernant le solde du compte courant de M. [U] [T].
En juin 2014, M. [R] [M] et la SARL Coryphene Informatique ont fait assigner les consorts [T] devant le tribunal de commerce de Nantes en nullité de la cession des actions de la SAS [T] Immobilier intervenue le 28 octobre 2011 entre les parties, en restitution du prix versé, en remboursement des honoraires versés à l'occasion de la cession et du timbre fiscal, en paiement d'une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et financier.
En cours de procédure de première instance, la SAS [T] Immobilier a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 28 octobre 2015.
En défense, M. [U] [T], Mme [F] [K] épouse [T], Mme [G] [T] épouse [E] et Mme [X] [T] épouse [A] ont sollicité du tribunal qu'il constate l'irrecevabilité des demandes de nullité pour dol en raison de l'autorité de la chose jugée résultant de la 'sentence arbitrale' du 28 décembre 2012, qu'il déboute les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ; reconventionnellement, qu'il condamne la SARL Coryphene Informatique à leur verser la somme de 64 023 euros (soit 73 656 euros - 9 633 euros, après impôts) au titre du reliquat du prix de cession.
De son côté, M. [V] [T] a demandé au tribunal de débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes articulées contre lui, comme étant irrecevables et en tout cas mal fondées.
Par jugement du 28 décembre 2016, le tribunal de commerce de Nantes a :
- débouté M. [M] et la SARL Coryphene Informatique de leur demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol et de leur demande visant à condamner solidairement les cédants à leur reverser le prix de vente provisoire de 676 000 euros, les droits d'enregistrement et timbre fiscal de 18 936 euros ainsi que les honoraires versés à l'occasion de la cession de 11 506,72 euros,
- débouté M. [M] et la SARL Coryphene Informatique de leur demande d'expertise aux fins de déterminer la valeur des actions au jour de la cession,
- condamné M. [U] [T] à verser à M. [M] et à la SARL Coryphene Informatique une somme limitée à 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'utilisation de la marque '[T]',
- condamné M. [U] [T] à payer à M. [M] et à la SARL Coryphene Informatique une somme de 100.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des déficiences dans la gestion des autorisations professionnelles des agents commerciaux,
- condamné M. [U] [T] à payer à M. [M] et à la SARL Coryphene Informatique une somme de 80.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'interruption prématurée de son contrat d'agent commercial et du fait de ses agissements déloyaux,
- débouté M. [U] [T] et les consorts [T] de leur demande reconventionnelle,
- débouté les parties de leurs autres demandes fins et conclusions,
- condamné M. [U] [T], Mme [F] [K] épouse [T], Mme [G] [T] épouse [E] et Mme [X] [T] épouse [A], succombants, in solidum à payer en équité la somme de 10'000 euros à M. [M] et la SARLK Coryphene Informatique,
- condamné M. [U] [T], Mme [F] [K] épouse [T], Mme [G] [T] épouse [E] et Mme [X] [T] épouse [A], succombants, in solidum aux dépens.
Par arrêt du 3 mars 2020, sur les appels interjetés le 25 janvier 2017 par les consorts [T] et, le 3 mars 2017, par M. [M] et la SARL'Coryphene Informatique, la cour d'appel de Rennes a déclaré irrecevable l'appel incident relevé par M. [V] [T], a confirmé le jugement en ce qu'il a condamné M. [U] [T], Mme [F] [K] épouse [T], Mme [G] [T] épouse [E] et Mme'[X] [T] épouse [A], à payer en équité la somme de 10 000 euros à M. [R] [M] et la société Coryphene Informatique ainsi qu'aux dépens ; a infirmé le jugement pour le surplus ; statuant à nouveau, a annulé la cession des parts sociales de la société [T] Immobilier intervenue le 28'octobre 2011, a condamné solidairement les consorts [T] à payer à M.'[R] [M] et la société Coryphene Informatique les sommes de 676'000 euros, 18 936 euros et 11 506,72 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2011 et capitalisation des intérêts dus pour une année, a rejeté les autres demandes des parties.
Par arrêt du 21 avril 2022, sur le pourvoi formé par M. [U] [T], Mme [F] [T] née [K], Mme [G] [E] née [T], Mme [X] [A] née [T] et M. [V] [T], la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il déclare irrecevable l'appel incident relevé par M. [V] [T], l'arrêt rendu le 3 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes, a remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers, a condamné M.'[M] et la société Coryphene Informatique aux dépens.
La Cour de cassation a jugé que pour annuler la cession des parts sociales et condamner les cédants au paiement de diverses sommes, après avoir constaté que les cessionnaires avaient, postérieurement à la vente, recouru à un arbitre aux fins de déterminer le prix définitif des parts sociales, en retenant que le détournement de sommes d'argent la veille de la cession et la dissimulation du dépôt, le 22 février 2011, par une société, dont M. [V] [T] était le gérant, de la marque « [T] immobilier », lequel pouvait nuire à l'exploitation de la société cédée dès lors qu'elle était connue pour son activité sous ce nom et que cette notoriété était l'une des composantes de sa valeur, constituent des manoeuvres ayant vicié le consentement des acquéreurs, qui, sans elles, n'auraient à l'évidence pas contracté, encore que le fait que, postérieurement à la vente, les détournements d'argent aient été régularisés et que le dépôt de marque ait été retiré, est sans incidence sur la gravité des manoeuvres, sans rechercher, comme elle y était invitée, si en recourant, postérieurement à l'acte de vente, à un arbitre pour que soit déterminé le prix définitif de cession des parts sociales alors que les vices affectant cet acte étaient connus et que ceux-ci avaient été réparés, les cessionnaires n'avaient pas entendu l'exécuter et renoncer ainsi à la nullité dont il était affecté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Par déclaration du 3 octobre 2022, en suite du renvoi opéré par la chambre commerciale de la Cour de cassation en son arrêt du 21 avril 2022, M. [R] [M] et la SARL Coryphene Informatique ont saisi la cour d'appel d'Angers ; intimant M. [U] [T], Mme [F] [T] née [K], Mme [G] [E] née [T], Mme [X] [A] née [T] et M. [V] [T].
M. [R] [M] et la SARL Coryphene Informatique, de première part, M. [U] [T], Mme [F] [T] née [K], Mme [G] [E] née [T], Mme [X] [A] née [T], de deuxième part, et M. [V] [T], de troisième part, ont conclu.
Une ordonnance du 18 décembre 2023 a clôturé l'instruction de l'affaire.
A l'audience, la cour a invité les parties à lui transmettre en cours de délibéré les observations qu'elles souhaitaient faire sur le moyen qu'avait soulevé la cour d'appel de Rennes et que la cour de céans reprenait à son compte, tenant à l'irrecevabilité de l'action individuelle d'un associé dans le cas où le préjudice invoqué n'est pas distinct de celui subi par la société et par suite, sur la recevabilité des demandes subsidiaires de M.'[M] et la SARL Coryphene Informatique en indemnisation de préjudices résultant de la valeur moindre de leurs actions, du préjudice financier résultant de leurs ressources financières personnelles et du manque à gagner.
Les parties ont, chacune, remis une note en délibéré.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [M] et la SARL Coryphene Informatique demandent à la cour de :
à titre principal,
- infirmer le jugement rendu le 28 décembre 2016 par le tribunal de commerce de Nantes en ce qu'il a :
* les a déboutés de leur demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol et de leurs demandes visant à condamner solidairement les cédants à leur reverser le prix de vente provisoire de 676 000 euros, les droits d'enregistrement et timbre fiscal de 18 936 euros ainsi que les honoraires versés à l'occasion de la cession de 11 506,72 euros ;
* les a déboutés de leur demande d'expertise aux fins de déterminer la valeur des actions au jour de la cession ;
statuant de nouveau,
- prononcer la nullité de la cession des actions de la SAS [T] Immobilier intervenue le 28 octobre 2011 entre les parties
- condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à leur reverser le prix de vente provisoire (676 000 euros), les droits d'enregistrement et timbre fiscal (18 936 euros), les honoraires versés au rédacteur à l'occasion de la cession (11 506,72 euros) ainsi que les frais engagés inutilement par les acquéreurs (12 780,60 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2011 et avec anatocisme dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil (aujourd'hui article 1343-2).
- si une expertise était ordonnée aux fins de déterminer la valeur des actions au jour de la restitution, mettre les frais d'expertise à la charge des cédants, dire et juger que les acquéreurs avanceront ces frais d'expertise et condamner les cédants à rembourser aux acquéreurs lesdites dépenses sur présentation des justificatifs de règlement.
- condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à leur payer la somme de 200 000 euros au titre de leur préjudice financier,
- condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à leur payer la somme de 100 000 euros au titre de leur préjudice moral,
à défaut, à titre subsidiaire,
- infirmer le jugement rendu le 28 décembre 2016 par le tribunal de commerce de Nantes en ce qu'il n'a condamné que M. [U] [T] seul à leur payer des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis,
- infirmer le jugement rendu le 28 décembre 2016 par le tribunal de commerce de Nantes en ce qu'il a limité ces indemnisations à :
* 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'utilisation de la marque '[T]',
* 100 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des déficiences dans la gestion des autorisations professionnelles des agents commerciaux,
* 80 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'interruption prématurée de son contrat d'agent commercial et du fait de ses agissements déloyaux,
statuant de nouveau sur ces préjudices,
- condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à leur verser la somme de 719 223,32 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2011 et avec anatocisme dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil (aujourd'hui article 1343-2),
- condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à leur payer la somme de 200 000 euros au titre de leur préjudice financier du fait de l'engagement de leurs ressources financières personnelles,
- condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à leur payer la somme de 100 000 euros au titre de leur préjudice moral,
en toute hypothèse,
- confirmer le jugement rendu le 28 décembre 2016 par le tribunal de commerce de Nantes en ce qu'il leur a alloué une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles de première instance,
- confirmer le jugement rendu le 28 décembre 2016 par le tribunal de commerce de Nantes en ce qu'il a condamné in solidum les cédants aux dépens de première instance,
- débouter M. [U] [T], Mme [F] [K] épouse [T], Mme [G] [T] épouse [E], Mme [X] [T] épouse [A] et M. [V] [T] de l'intégralité de leurs demandes, écrits, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus à leur verser une indemnité de 30 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles d'appel,
- condamner solidairement ou à défaut in solidum les cédants tels qu'identifiés ci-dessus aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Vincent Jamoteau, avocat aux offres de droit, qui bénéficiera des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
***
Pour caractériser des manoeuvres dolosives dont ils prétendent avoir été victimes, les cessionnaires invoquent des faits qu'ils auraient prétendument découverts après la réitération de la cession, entre novembre 2011 et début 2014.
Les premiers griefs portent sur les éléments à partir duquel le prix a été fixé :
- les cessionnaires indiquent que la situation nette au 30'septembre 2010 'promise' par les cédants (610 754 euros), sur la base duquel le prix était provisoirement fixé, était fausse du fait d'un prélèvement opéré sur les réserves, d'un montant de 90 000 euros, par décision d'une assemblée générale de la société du 31 mars 2011.
Ils soutiennent qu'ils ne se seraient jamais engagés sur un prix provisoire de 700 000 euros s'ils avaient su que la situation nette de l'exercice 2009-2010 n'était que de 520 754 euros au lieu de 610 754 euros. Ils font observer que la diminution des capitaux propres n'a eu qu'une faible incidence sur le prix définitif compte tenu de la règle de calcul de ce prix. Ils rappellent que le prix définitif dépendait directement de la nouvelle situation nette au 30 septembre 2011, le prix étant augmenté du bénéfice constaté par l'arrêté des comptes au delà de 650 000 euros. Ils expliquent que le bénéfice de 80 367 euros retenu par l'arbitre aurait abouti à une majoration de 41 121 euros ; qu'au vu de l'arrêté des comptes au 30 septembre 2011 faisant état d'une nouvelle situation nette de 601 120,95 euros, le prix n'a été minoré que de 9 633,05 euros, et ce malgré le prélèvement imprévu sur les réserves, de 90 000 euros, pris en compte par l'arbitre.
- le second grief porte sur le fait que, contrairement aux déclarations des cédants, la société était confrontée à trois procédures judiciaires (litige'Dufraisse' - assignation de la société le 15 juin 2010, litige 'Paris Properties' -jugement du 8 juin 2010 en faveur de la société, puis jugement sur requête en omission de statuer avec appel signifié le 2'décembre 2011 et litige 'D'Ampi' -assignation de la société le 22 septembre 2009 et jugement en sa faveur du 8 novembre 2010, avec appel en cours à la date de la cession) ; que ces litiges n'avaient pas fait l'objet de provisions, ce qui aurait dû être le cas, selon eux, à hauteur de 215 000 euros et réduire d'autant le prix. Ils ajoutent une quatrième procédure puisque, le 16 février 2012, la SAS [T] Immobilier a été assignée en garantie par M. [C], après en avoir été prévenue avant la cession.
En deuxième lieu, les cessionnaires prétendent avoir été trompés sur la consistance du fonds de commerce, en invoquant :
- une fausse déclaration sur l'usage de la dénomination '[T] Immobilier'.
Ils exposent, d'abord, que M. [V] [T] avait déposé les marques '[T]' '[T] Commerce' et '[T] Immobilier' auprès de l'INPI, le 22 février 2011, alors qu'il a été déclaré, plusieurs mois après, dans l'acte de réitération (dans le contrat de garantie) qu'aucune marque n'avait été déposée. Ils font valoir que le nom, qui est une partie intégrante des éléments du fonds de commerce attaché à la société vendue, avait ainsi été usurpé et déposé à titre de marque par [V] [T], un des cédants. Ils déclarent qu'ils n'auraient pas acheté a fortiori en sachant que les marques similaires '[T]' et '[T] Commerce' avaient elles aussi été déposées par M. [V] [T].
A cet égard, ils invoquent des agissements postérieurs à la cession de M. [V] [T], qui aurait exploité les marques [T] et [T] Commerce dès juin 2013 sur la même zone de chalandise que la société cédée, détournant l'activité de celle-ci. Ils déclarent que M. [V] [T] a rebaptisé en juin 2013 en '[T]', la société IMCO 2CI dont il était gérant et qui aurait la même activité que la SAS [T] Immobilier.
- le défaut d'habilitation préfectorale de deux agents commerciaux (M. [B], M. [I]), le 'faux contrat' de M. [H] (seul en charge de l'immobilier d'habitation et radié du registre spécial des agents commerciaux depuis le 28 décembre 2007) et donc l'amputation du fonds de commerce de son activité en immobilier d'habitation, l'ensemble ayant conduit à la diminution du chiffre d'affaires.
- la fin de la collaboration de M. [V] [T] avec la société en 2007 qui devait s'analyser en une scission de branche d'activité.
- le prélèvement sur les comptes de la société par M. [U] [T] de 56 000 euros, du 30/9 au 28/10/2011 (donc juste avant la réitération de l'acte), conduisant son compte courant d'associé à une position débitrice (en dépit d'une compensation irrégulière opérée entre les loyers dus par la société à la SCI dont il était gérant), ce qui réduisait la trésorerie de la société, d'autant que ce compte-courant n'a jamais été remboursé.
- le détournement de commissions de l'agent commercial M.'[S] qui a bénéficié d'avances sur commission irrégulières et de faux témoignages dans l'affaire Eden (enjeu de 10 000 euros), un prêt consenti de 6 000 euros sans justificatif début septembre 2011 soit un mois avant la date de réitération initiale.
Enfin, les cessionnaires invoquent une autre catégorie de griefs qui tiennent à des agissements postérieurs à la conclusion de l'acte mais dont ils veulent tirer la preuve que les cédants n'auraient dès le début, jamais eu l'intention de respecter leurs obligations :
- ainsi, M. [U] [T] n'aurait eu aucune intention réelle de les accompagner et de les aider au cours des douze mois suivants la cession, comme il l'a démontré en résiliant de manière unilatérale son contrat d'agent commercial dès le 15 mars 2012 et en se livrant à une concurrence déloyale avec la société vendue ;
- le non-paiement, en violation de la promesse de vente, de la dette issue du compte débiteur de M. [U] [T], correspondant à une utilisation des fonds de la société à usage personnel de -27 817 euros et bien plus encore,
- le refus d'exécuter la garantie et le séquestre,
- le refus d'exécution de la clause de minoration du prix (prévoyant le paiement dans les 8 jours),
- le défaut d'information des cessionnaires quant au défaut de restitution du dépôt de garantie dû par la SCI Schuman dont M. [U] [T] est le gérant,
Les cessionnaires affirment que la déconfiture de la société est due exclusivement aux agissement des cédants, notamment en raison de l'affaiblissement de la force de vente du fait du départ des agents commerciaux.
En outre, ils invoquent le fait que M. [U] [T] aurait outrepassé ses droits en déclarant s'engager au nom de ses enfants y compris pour la garantie d'actif et de passif.
Les cessionnaires contestent toute volonté de confirmer l'acte de cession ou de renoncer à invoquer l'existence d'un dol.
Ils estiment que la sentence n'a pas effacé le fait que le prix provisoire a été faussé dans la promesse par de fausses déclarations.
Ils font valoir que la procédure d'arbitrage ne tendait qu'à l'arrêté des comptes, déterminant une possible minoration ou majoration du prix et rien d'autre ; qu'il ne s'agissait pas de déterminer la valeur des parts mais seulement d'arbitrer une situation comptable et que l'arbitre n'a pas eu à se prononcer sur la question du dol qu'il n'avait pas à trancher ; qu'il n'a abordé que le sujet des provisions et de la distribution des dividendes ; qu'y participer était une obligation contractuelle, aucune des parties ne pouvait s'y soustraire sauf en renonçant à ses droits au titre du contrat.
Ils mettent en avant le fait que la sentence n'a jamais eu de commencement d'exécution et soutiennent qu'elle est nulle, n'étant pas signée par l'arbitre et inopposable à M. [M] du fait que la clause compromissoire serait nulle son égard.
Ils soulignent qu'ils invoquent d'autres actes dolosifs, découverts après la sentence ou non traités par l'arbitre comme le fait que M. [V] [T] avait déposé la marque [T] immobilier.
M. [U] [T], Mme [F] [T] née [K], Mme [G] [E] née [T], Mme [X] [A] née [T] demandent à la cour de :
vu les articles 1116, 1338 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
vu les articles 1484, 480 et suivants du code de procédure civile,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes en date du 28 décembre 2016 en ce qu'il a débouté les demandeurs de leur demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol et de leurs demandes visant à condamner solidairement les cédants à leur reverser le prix de vente provisoire de 676 000 euros, les droits d'enregistrement et le timbre fiscal de 18 936 euros ainsi que les honoraires versés à l'occasion de la cession de 11 506,72 euros,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes en date du 28 décembre 2016 en ce qu'il a débouté les demandeurs de leur demande d'expertise aux fins de déterminer la valeur des actions au jour de la cession,
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Nantes en date du 28 décembre 2016 en ce qu'il a :
* condamné M. [U] [T] à verser à M. [M] et à la SARL Coryphene Informatique une somme limitée à 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'utilisation de la marque '[T]',
* condamné M. [U] [T] à payer à M. [M] et à la SARL Coryphene Informatique une somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des déficiences dans la gestion des autorisations professionnelles des agents commerciaux,
* condamné M. [U] [T] à payer à M. [M] et à la SARL Coryphene Informatique une somme de 80.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'interruption prématurée de son contrat d'agent commercial et du fait de ses agissements déloyaux,
* débouté M. [U] [T] et les consorts [T] de leur demande reconventionnelle,
et statuant à nouveau,
- déclarer irrecevables les demandes indemnitaires au titre de la moindre valeur des parts sociales en ce qu'elles constituent des demandes nouvelles en cause d'appel,
- débouter la société Coryphene Informatique et M. [M] de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions,
- débouter la société Coryphene Informatique et M. [M] de leur demande de dommages-intérêts à hauteur de 200 000 euros en réparation de leur préjudice moral et financier,
à titre reconventionnel,
- faire droit à la demande reconventionnelle et condamner la société Coryphene Informatique à leur verser la somme de 64 023 euros au titre du reliquat du prix de cession,
à titre subsidiaire, si par impossible la cour faisait droit à la demande de nullité de la cession,
- condamner M. [M] et la société Coryphene Informatique à restituer aux cédants la valeur des actions cédées au jour de l'acte de cession annulée, cette valeur ayant été fixée par la sentence arbitrale,
- ordonner la compensation entre la créance de restitution du prix de cession et la créance de restitution de la valeur des actions fixée par la sentence arbitrale, et constater que les restitutions croisées aboutissent à un jeu à somme nulle,
à titre infiniment subsidiaire, en cas de restitution en nature,
- condamner M. [M] et la société Coryphene Informatique à verser aux cédants, à titre de dommages et intérêts la somme de 690'366,95 euros, correspondant au préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur des actions imputable aux cessionnaires et ordonner la compensation de ces dommages et intérêts avec la créance de restitution du prix de cession alléguée par ces derniers,
- ordonner la compensation entre la créance de restitution du prix de cession et la créance de dommages et intérêts des cédants, et constater que les restitutions se compensent intégralement,
en toute hypothèse,
- débouter la société Coryphene Informatique et M. [M] de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions,
- condamner la société Coryphene Informatique et M. [M] au paiement solidaire d'une somme de 30 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [V] [T] prie la cour de :
vu les articles 1116 et 1338 du code civil (dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016),
vu l'article 564 du code de procédure civile,
vu l'article 1484 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [M] et la société Coryphene Informatique de leur demande d'annulation de la cession des actions de la SAS [T] Immobilier,
à titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une annulation de la cession,
- condamner M. [M] et la société Coryphene Informatique à restituer aux cédants la valeur des actions cédées au jour de l'acte de cession annulé, cette valeur ayant été fixée par la sentence arbitrale,
- ordonner la compensation entre la créance de restitution du prix de cession et la créance de restitution de la valeur des actions fixée par la sentence arbitrale, et constater que les restitutions croisées aboutissent à un jeu à somme nulle,
à titre très subsidiaire, en cas de restitution en nature,
- condamner M. [M] et la société Coryphene Informatique à verser aux cédants, à titre de dommages et intérêts la somme de 690 366,95 euros correspondant au préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur des actions imputable aux cessionnaires et ordonner la compensation de ces dommages et intérêts avec la créance de restitution du prix de cession alléguée par ces derniers,
- ordonner la compensation entre la créance de restitution du prix de cession et la créance de dommages et intérêts des cédants, et constater que les restitutions croisées aboutissent à un jeu à somme nulle,
en toute hypothèse,
- débouter M. [M] et la société Coryphene Informatique de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum M. [M] et la société Coryphene Informatique à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
***
Aux prétentions des cessionnaires, les consorts [T] opposent, d'abord, l'autorité de la chose jugée de la 'sentence arbitrale' rendue le 28 décembre 2012 par M. [J].
Ils font valoir qu'il s'agit d'un tiers-arbitre et que les cessionnaires qui estimeraient qu'il s'agit d'un tiers-expert tel que prévu à l'article 1592 du code civil devraient être logiques avec leur argumentation de sorte que :
- soit l'arbitre a tranché les contestations qui concernaient les éléments dont il est fait état à l'appui du dol et a révisé le prix en conséquence, dans le cadre d'une sentence arbitrale, laquelle a autorité de chose jugée ;
- soit le tiers arbitre s'est contenté de fixer le prix de cession au regard de ces éléments, mais dans la limite 'de la technique comptable et de l'établissement de comptes' en tant que tiers expert de l'article 1592 du code civil et, dans ce cas, le dol ne peut davantage être invoqué car la date de la vente est celle à laquelle le tiers détermine le prix de vente.
Ils font observer que 'l'arbitre' a retenu que le prix de cession définitif devait être établi à hauteur de 690 366,95 euros, soit une réduction dérisoire de moins de 1,4%. Ils prétendent que la demande de nullité de la cession des actions de la SAS [T] Immobilier est dépourvue de tout intérêt dès lors que le prix de cession payé par la SARL Coryphene Informatique est conforme à la valorisation des parts faite par le tiers expert au jour de la cession.
Ils constatent que c'est après avoir obtenu une réduction du prix de cession que, près de trois ans après la vente et plus d'un an et demi après la sentence 'arbitrale' ayant fixé le prix définitif de cession, les cessionnaires ont engagé l'action en nullité, en imaginant de les rendre responsables de leurs propres inconséquences dans la conduite de l'agence immobilière.
Ils contestent toute manoeuvre et intention de tromper de leur part.
Ils s'expliquent sur les litiges qui n'ont pas donné lieu à provision pour justifier cette absence et dont ils contestent le caractère déterminant. Ils font observer que ces litiges ont été provisionnés par le tiers arbitre à hauteur de 54 884 euros et sont donc intégrés dans le prix.
S'agissant du dépôt de la marque '[T] immobilier', M. [V] [T] reconnaît avoir, au nom de la société IMCO 2CI, déposé les marques '[T]' '[T] Commerce' et '[T] Immobilier' auprès de l'INPI le 22'février 2011, soit avant qu'il devienne par l'effet de la donation-partage, nu-propriétaire d'une partie minoritaire des actions de la SAS [T] Immobilier. Il fait valoir que la marque '[T]' ou '[T] Immobilier' n'était pas une marque déposée, propriété de la SAS [T] Immobilier et que rien ne lui interdisait de déposer une marque qui constituait son nom patronymique. Il observe que la promesse et l'acte définitif de cession des actions ne font pas référence à la marque '[T]' ou à la dénomination sociale '[T] Immobilier', seulement indiquée pour cette dernière dans le contrat de garantie d'actif et de passif souscrit uniquement par M. et Mme'[U] [T]. Il affirme qu'il ignorait que son père avait pris un engagement au titre de la dénomination sociale, de même que M. et Mme'[U] [T] affirment qu'ils ignoraient que leur fils avait lui-même déposé la marque ; qu'en cours de procédure d'arbitrage, il a renoncé au dépôt de la marque comme indiqué dans une lettre de son conseil du 26'novembre 2012, de sorte que le vice allégué a été intégralement réparé à la satisfaction des cessionnaires. Il se défend de tout acte de concurrence déloyale, observant, en outre, que sa société utilisait un logo très différent de celui de la SAS [T] Immobilier et exerçait son activité dans un domaine différent de celui de cette société.
Sur les autres griefs, les cédants font valoir qu'ils ne constituent pas des éléments relevant d'un vice du consentement, étant postérieurs à la cession mais relèveraient tout au plus d'une action en concurrence déloyale ou d'une action en garantie de passif.
M. [V] [T] ajoute que le contrat d'agent commercial de son père n'a pas été stipulé comme une condition déterminante de la cession' ; que les cessionnaires, par la levée de la deuxième condition suspensive, après réalisation d'un audit, ont reconnu avoir été informés de la situation de la société cédée.
En outre, les consorts [T] font valoir que :
- les cessionnaires n'ont pas sollicité le paiement de la somme de 9 633,05 euros au titre de la réduction du prix parce qu'ils se savaient débiteurs d'une somme complémentaire de prix à hauteur de 100 000 euros en vertu de l'article 4.3 de la promesse d'acquisition et de cession après l'issue favorable de la procédure d'appel dans le dossier [Z], en décembre 2012. Ils indiquent que par arrêt du 7 octobre 2014, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. [Z], de sorte que le complément de prix s'élève à la somme de 64 023 euros, déduction faite de la minoration de prix dont elle est redevable suite à la fixation du prix définitif de cession en date du 28 décembre 2012, et après correctif de l'impôt sur les sociétés.
- et la dette en compte courant d'associé de M. [U] [T] serait compensée par sa créance au titre des commissions dues en vertu de son mandat d'agent commercial exercé après la cession.
Sur la confirmation de l'acte de cession en application de l'article 1338 du code civil, il est soutenu par les cédants que les cessionnaires, en recourant volontairement à la procédure d'arbitrage (signature de la convention d'arbitrage en septembre 2012), alors qu'ils n'en avaient aucune obligation, en acceptant de la mener à son terme et en sollicitant une réduction de prix et le retrait de la marque par M. [V] [T], ont souhaité poursuivre l'exécution du contrat et, en conséquence, renoncer à se prévaloir de la nullité de l'acte.
Ils soulignent que les cessionnaires avaient connaissance des litiges non provisionnés, de la situation du compte courant d'associé, de la distribution des dividendes et de la situation des agents commerciaux avant de s'engager dans l'arbitrage sur le prix définitif.
De même, la mise en oeuvre de la procédure d'arbitrage démontrerait l'absence de caractère déterminant des litiges qui étaient en cours pour les cessionnaires.
Ils estiment que la partie adverse ne peut utilement se prévaloir de l'inexécution de la sentence pour contester la volonté d'exécuter délibérément l'acte entaché de nullité.
Ils ajoutent que pendant deux ans et demi, la société Coryphene a exploité la société [T] Immobilier et qu'elle a sollicité la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif prévue au contrat, après l'arbitrage (lettre du 21 mai 2013), ce dont ils se prévalent comme autant d'actes valant confirmation de la cession.
***
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 11 avril 2023 pour la M. [M] et la SARL Coryphene Informatique,
- le 9 février 2023 pour M. [U] [T], Mme [F] [T] née [K], Mme [G] [E] née [T], Mme [X] [A] née [T],
- le 8 février 2023 pour M. [V] [T],
ainsi qu'à leurs notes en délibéré.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'étendue de la cassation
Les cessionnaires soutiennent que la cassation étant intervenue sur la branche du moyen tiré de la confirmation de l'acte, après le rejet des deux premières branches du moyen portant sur le dol, il serait définitivement jugé que le dol est caractérisé.
Mais la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes étant totale sauf en sa disposition relative à l'irrecevabilité de l'appel incident relevé par M. [V] [T], la cour de renvoi se doit de se prononcer à nouveau sur l'existence d'un dol.
Sur la demande d'annulation pour dol
Aux termes de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
La réticence dolosive se définit comme la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre contractant, pour induire celui-ci en erreur.
Il résulte de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que celui dont le consentement a été vicié par erreur, violence ou dol, peut renoncer à la nullité relative qui en découle par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, en connaissance du vice l'affectant.
Il y a lieu d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par les cessionnaires pour déterminer s'ils caractérisent des manoeuvres dolosives de la part des cédants ou si, quoi qu'il en soit, les conditions prévues à l'article 1338 précité pour la confirmation d'un acte nul sont réunies.
A cet égard, la première discussion concerne la portée du recours au tiers chargé, au vu de la mission que lui ont confiée les parties, d'arrêter lesdits comptes et de déterminer, en conséquence, le prix définitif des actions.
La clause de désignation d'un expert ayant pour objet la détermination du prix tel que le prévoit l'article 1592 n'est pas d'une clause compromissoire. En effet, le tiers évaluateur n'est pas un arbitre, n'étant pas chargé de trancher une contestation entre les parties, par une décision juridictionnelle ayant autorité de chose jugée. Dans le cas présent, le tiers désigné par les parties a reçu de celles-ci mission, non d'exercer un pouvoir juridictionnel, mais d'obtenir, à partir de la méthode donnée de valorisation des actions, un résultat s'imposant à elles, dont elles ont préalablement tiré les conséquences juridiques.
La 'sentence' rendue a un objet limité à la détermination du prix définitif des actions. Elle ne peut donc faire obstacle à l'action en nullité de la cession pour dol, qui est recevable.
La discussion sur la validité de la 'sentence' qui n'est pas signée et qui n'aurait pas reçu de commencement d'exécution est étrangère au litige relatif au dol.
Ce qui importe, en l'espèce, est de savoir si, en s'engageant dans le processus d''arbitrage', les cédants ont eu l'intention de réparer les vices allégués, cause de la nullité de l'obligation, ou encore, ont confirmé tacitement l'acte annulable par une exécution volontaire, en connaissance des vices qui l'affectaient. A cet égard, il est sans importance que la clause prévoyant le recours au tiers ait pu ou non être opposable à M. [M] dès lors qu'il s'y est volontairement soumis.
Contrairement à ce qu'affirment les cessionnaires, ce ne sont pas les cédants qui les ont contraints à participer à la procédure d'arbitrage mais bien toutes les parties à l'acte qui ont décidé sa mise en oeuvre puisque le compromis d''arbitrage' a également été signé par les cessionnaires, comme l'acte de désignation de l'expert du 13 mars 2012.
Et ce n'est pas parce que le recours à un tiers a été prévu contractuellement comme le moyen de résoudre un désaccord des parties sur le prix définitif que l'engagement de cette procédure d'arbitrage ne serait pas susceptible d'être vu comme pouvant valoir confirmation de l'acte. Comme le rappellent les cessionnaires eux-mêmes, s'ils n'ont pas voulu s'y soustraire c'est pour ne pas renoncer à leurs droits au titre du contrat, ce qui est précisément une démarche qui peut être vue, si les conditions en sont réunies, comme une volonté de confirmation de l'acte.
Surtout, l'article 1583 du code civil, qui énonce que la vente est parfaite dès qu'il y a accord sur la chose et sur le prix, n'interdit pas aux parties à un accord de prévoir que la cession interviendra en toute hypothèse, même si le prix n'est pas encore arrêté à ce stade. La seule condition à la perfection de la vente est que les modalités de fixation de la vente soient arrêtées, comme l'exige l'article 1591 du code civil, qui impose seulement que le prix soit déterminable et non qu'il soit déterminé lors de l'échange des consentements. Le recours à l'expert permet la perfection du contrat'; il ne s'agit là à proprement parler pas de la formation du contrat, puisque le contrat est formé par la rencontre des volontés sur la cession dès lors que le prix était déterminable, soit dès le jour de l'acte de cession.
Il en résulte que le contrat de vente s'est formé le 28 octobre 2011 et les actes postérieurs à cette date peuvent être vus comme des actes d'exécution du contrat s'ils s'y rattachent ; le recours au tiers évaluateur pouvant valoir confirmation de la cession si les conditions sont remplies.
***
Cela dit, il y a lieu d'examiner les faits invoqués par les cessionnaires comme étant soit constitutifs, soit la preuve, de manoeuvres dolosives les ayant amenés à acquérir les titres de la société.
Il n'y a pas de tromperie sur le fait que M. [U] [T] et son épouse se sont engagés en leur seuls noms personnels au titre de la garantie d'actif et de passif et non au nom de leurs enfants, ce qui ressort de la simple lecture de l'acte.
De même, les cédants étaient en mesure, à l'examen des comptes de la société, de voir que le chiffre d'affaires de la société lors de la cession ne reposait pas sur l'activité portant sur l'immobilier d'entreprise à la suite du départ de l'entreprise de M. [V] [T] plusieurs années avant. C'est donc à tort que les cessionnaires prétendent avoir découvert après la cession qu'il se serait 'approprié' l'activité de l'immobilier de l'entreprise.
M. [M] a eu connaissance de la distribution de dividendes d'un montant de 90 000 euros avant la réitération de la cession. Dans la lettre du 29 août 2011 de levée de la condition suspensive n°2, il indiquait qu'à ce stade, considérant que ses remarques qu'il joignait seront résolues d'ici le 30 septembre 2011, il n'identifiait pas d'anomalies remettant en cause la valeur de l'entreprise. Or, dans sa note jointe, figure, en premier lieu, la situation nette, avec l'observation suivante : 'au 30/09/2010, les capitaux propres s'élevaient à 610 754,11 euros ; une distribution de dividendes, intervenue le 31 mars 2011 pour 90 000 euros, les a ramenés à 520 754,11 euros avant la constatation du résultat de l'exercice en cours'.
C'est donc en connaissance de cause que les cessionnaires ont décidé de réitérer la cession. Ils ne peuvent désormais venir soutenir que la réduction des capitaux propres, qui a d'ailleurs été prise en compte dans l'établissement des comptes arrêtés au 30/09/2011, serait constitutif de manoeuvres frauduleuses ayant vicié leur consentement.
Les cessionnaires reprochent aux cédants de ne pas leur avoir déclaré le risque que M. [C] puisse engager une procédure judiciaire contre la société [T] immobilier, ce dont elle avait été avertie, le 2 mars 2009, par le conseil de M. [C]. Cette procédure n'a été finalement engagée contre la société [T] immobilier que le 16 février 2012. Si la lettre précitée reçue signalait l'existence d'un risque, force est de constater qu'elle était ancienne et n'avait pas été jusqu'alors suivie d'effets. De même, au jour de la cession, les cédants n'étaient pas informés de la mise en cause de M. [C], laquelle était susceptible d'entraîner un appel en garantie contre la société [T] immobilier. En tout état de cause, il est observé que bien qu'en ayant eu connaissance dès le 16'février 2012, les cessionnaires n'ont pas jugé utile de soumettre ce risque au tiers évaluateur et de lui demander de le prendre en compte dans la détermination de la provision pour risques qu'il devait évaluer, ce dont il y a lieu de déduire que ce risque ne présentait pas un caractère déterminant du consentement des cessionnaires.
Il n'est pas établi que les sociétés Franlaur ou Restimmo Conseils à travers lesquelles M. [I] et M. [B] exerçaient leurs activités pour la société [T] immobilier n'aient pas été à jour des déclarations et autorisations nécessaires à la poursuite des contrats d'agents commerciaux les liant à la société [T] Immobilier. En effet, les réponses des préfectures de [Localité 13] et de [Localité 14] ne concernent que M. [I] et M. [B]. Il n'est d'ailleurs nullement établi que la cessation de leur activité par la suite serait due à un défaut d'habilitation.
Par ailleurs, les cessionnaires ont eu connaissance, avant la cession, de ce que M. [H] avait rompu son contrat d'agent commercial. L'incidence des éventuelles irrégularités tenant à la situation de M. [H] avant la cession, sur la situation financière de la société [T] Immobilier n'est pas établie ni même évaluée par les cessionnaires qui ne démontrent pas que, s'il les avaient connus, ils n'auraient pas contracté.
Tel est également le cas du défaut de déclaration de l'encaissement d'une avance reçue prétendument à tort par M. [S] et dont le lien avec la cessation du contrat d'agent commercial de celui-ci avec la société après la cession n'est pas avéré.
Les faits qui se sont déroulés après la cession ne sont pas davantage une preuve de manoeuvres dolosives antérieures à la cession.
Tel est le cas des agissements de M. [U] [T], s'agissant tant de la rupture de son contrat d'agent commercial, le 15 mars 2012, les cessionnaires ne démontrant pas qu'il ait eu, dès le début, l'intention de ne pas respecter son engagement et de ne pas rester travailler pour la société jusqu'au terme de son contrat, même s'il apparaît que, dès le 5 décembre 2011, des tensions sur les modalités d'exécution de ce mandat, tenant notamment à un partage d'affaires avec un tiers, existaient entre les parties, tensions qui pouvaient d'ailleurs s'expliquer également par la dégradation de leurs relations tenant à l'impossibilité de s'entendre sur le prix de cession, que de ses agissements postérieurs à la rupture des relations contractuelles, étant de surcroît retenu que les cessionnaires affirment, sans le démonter, que le maintien de l'activité de M. [U] [T] dans le cadre d'un contrat d'agent commercial durant une année était déterminant de leur consentement à l'acquisition des titres de la société.
Les prétendues difficultés de mise en oeuvre de la garantie ou, de façon générale, l'inexécution du contrat de cession et le litige sur le bail et la restitution du dépôt de garantie ne sont susceptibles de caractériser tout au plus, au vu des éléments produits, que des inexécutions d'obligations contractuelles de la part des consorts [T] ou de M. [U] [T]. Il n'est en rien démontré, comme il est soutenu par les cessionnaires, que dès l'origine les cédants auraient imaginé les tromper sur leur volonté d'exécuter leurs obligations.
Restent les autres éléments antérieurs à la cession et dont les cessionnaires n'ont eu connaissance que postérieurement.
Les cédants n'ont pas déclaré aux cessionnaires l'existence de trois procédures judiciaires en cours au jour de la cession et de la promesse du 11 juillet 2011, dont deux étaient au stade de l'appel, alors que cette information était importante pour apprécier la sincérité des comptes et pouvait être de nature à modifier l'opinion des cessionnaires sur la valeur des titres.
Pour autant, M. [M] en a eu connaissance dès le mois de novembre 2011, comme le démontrent tant les discussions entre lui et l'expert-comptable de M. [T] sur le montant des sommes à provisionner pour couvrir les risques encourus à cet égard par la société [T] immobilier, que sa demande de garantie spéciale pour couvrir ces risques.
C'est précisément le désaccord entre les parties sur le montant de ces provisions pour risques qui les a conduites à mettre en oeuvre la procédure d''arbitrage' sur l'arrêté des comptes au 30 septembre 2011. En effet, aux termes du compromis d''arbitrage', la mission de l'expert portait, notamment, sur 'les provisions pour litiges qui ont été constituées, dont les cédants contestent le montant alors que les cessionnaires les considèrent injustifiées'.
L'expert a arbitré le montant de ces provisions à 54 884 euros.
Par ailleurs, M. [U] [T] a, sans en informer les cessionnaires, prélevé sur le compte de la société des sommes dépassant de 26 000 euros ce qui lui était dû, en faisant notamment un chèque à son profit, le 27 octobre 2011, soit la veille de la cession, d'un montant de 27'462,05 euros, réduisant de fait la trésorerie de la société.
Par la suite, le compte courant de M. [U] [T] a été discuté entre les parties. Dans une lettre du 3 janvier février 2012, M. [T] a transmis à la société Coryphene Informatique son accord sur le montant de la somme due, de 26 317,24 euros, qu'il demandait de compenser avec les commissions qui lui étaient alors dues.
Là aussi, les parties se sont mises d'accord pour soumettre ce point à l'expert, comme cela ressort expressément du compromis d''arbitrage'. L'arbitre a simplement constaté l'accord des parties sur le solde du compte-courant à l'audience du 6 novembre 2012.
Dès lors, en soumettant au tiers évaluateur tant les provisions pour risques que le compte courant d'associé de M. [U] [T], en vue de déterminer le prix de cession, les cessionnaires, en connaissance des vices allégués tenant au défaut d'information de l'existence des trois procédures en cours et du prélèvement fait par M. [U] [T] sur le compte de la société juste avant la cession, ont, sans équivoque, entendu, d'abord, les réparer par un chiffrage des provisions s'agissant des risques engendrés par les trois procédures judiciaires, et, ensuite, confirmer tacitement la cession en renonçant à la nullité relative qui en découle.
La circonstance que le compte courant débiteur n'ait pas été remboursé, n'y change rien.
Reste la fausse déclaration des garants sur l'usage de la dénomination de la société dès lors que la société IMCO 2CI, dont M. [V] [T] est le gérant, avait, le 22 février 2011, déposé les marques [T] immobilier, [T] et [T] commerce alors que le contrat de garantie indique que l'usage de la dénomination [T] immobilier par la société [T] immobilier ne peut être contesté par quiconque. Cette déclaration qui les garantissait de pouvoir conserver la notoriété de la société exerçant son activité sous ce nom, était déterminante de leur consentement.
Les consorts [T] ne peuvent être légitimement crus lorsqu'ils déclarent que M. et Mme [U] [T] ignoraient que leur fils [V] avait déposé ces marques ou que celui-ci ignorait que ses parents s'étaient engagés sur l'absence de marque et d'usage de la dénomination de [T] immobilier. Le caractère intentionnel de cette fausse déclaration est retenu mais seulement à l'encontre de M. et Mme [U] [T] et non de M.'[V] [T] qui ne s'est pas porté garant et n'a pas souscrit cette déclaration.
Il ne peut s'induire de ce qu'en 2013, M. [V] [T] a poursuivi son activité dans le domaine immobilier sous son nom, que les cédants savaient que la dénomination était 'usurpée' ou allait être 'usurpée' par l'un d'entre eux ni même que l'intention d'un d'entre eux était de concurrencer à l'avenir la société [T] immobilier en utilisant en 2013 son propre patronyme dans la dénomination de sa société et à compter de 2018, de s'engager dans les transactions de fonds de commerce, activité de la société [T] immobilier.
La manoeuvre frauduleuse est donc limitée à la fausse déclaration sur l'absence de dépôt d'une marque correspondant à la dénomination de la société.
Néanmoins, d'une part, les cessionnaires rappellent eux-même que le droit tant sur le nom commercial que sur l'enseigne s'acquiert par le premier usage public ; à partir de cette date, il constitue une priorité d'usage sur une marque enregistrée postérieurement.
D'autre part, M. [V] [T], le 26 décembre 2011, en cours de procédure d'arbitrage, a renoncé à la marque [T] immobilier, réparant ainsi le vice allégué, ce que les cessionnaires ont accepté en laissant poursuivre la détermination du prix par le tiers évaluateur.
Enfin, les cessionnaires ont entendu poursuivre l'exécution du contrat au-delà même de la fixation par l'expert du prix de cession en mettant en oeuvre la garantie de passif, indissociable du contrat de cession et en demandant la levée du séquestre, ce sur quoi ils ne s'expliquent pas.
C'est ainsi que, le 21 mai 2013, ils ont notifié au séquestre un appel pour la somme de 18 000 euros.
Le même jour, ils ont notifié à M. [U] [T] une variation du passif d'un montant de 17 996,66 euros relevant de la garantie de passif, entendant ainsi toujours poursuivre l'exécution du contrat.
De même, dans une lettre dont la date n'apparaît pas sur la copie remise à la cour, M. [M], en son nom et au nom de la société Coryphene Informatique, écrit à M. et Mme [U] [T] que depuis le 4'novembre 2013, ni les garants qu'ils sont ni le séquestre n'ont daigné lui répondre, et les a mis en demeure de leur payer la somme de 45 000 euros.
Les cessionnaires ont également demandé à M. [U] [T], en exécution du contrat de cession, de rembourser son compte-courant débiteur et aux cédants de leur payer la minoration du prix résultant de l'arbitrage.
Il s'ensuit qu'en dépit des vices allégués dont ils avaient une pleine connaissance, les cessionnaires ont persisté à exécuter ou à demander à leurs co-contractant d'exécuter les obligations résultant des actes indivisibles conclus le 28 novembre 2011, ce qui vaut confirmation de leur part de l'acte de cession et conduit au rejet de leur demande d'annulation.
Sur les demandes subsidiaires des cessionnaires
Les cessionnaires avaient demandé en première instance le paiement d'une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice financier et moral.
Le tribunal de commerce a condamné M. [T] à leur payer les sommes suivantes :
- 20 000 euros du fait de l'utilisation de la marque '[T]';
- 100 000 euros du fait des déficiences dans la gestion des autorisations professionnelles des agents commerciaux ;
- 80 000 euros du fait de l'interruption prématurée de son contrat d'agent commercial et de ses agissements déloyaux ;
Ces dispositions du jugement sont critiquées par les cédants qui relèvent notamment que la société [T] immobilier, qui serait prétendument victime de concurrence déloyale, n'est pas dans la cause.
Devant la cour de céans, les cessionnaires forment, dans le corps de leurs conclusions, d'autres demandes qu'ils substituent à leur demande initiale en sollicitant le paiement des sommes suivantes :
1) au titre de la situation nette faussée par les cédants, la somme de 649 000 euros se décomposant comme suit :
- 103 000 euros au titre du surcoût payé par les acquéreurs du fait de la non déclaration du prélèvement de 90 000 euros (700 000 / 610 754 x 90 000) ;
- 246 000 euros au titre des trois litiges cachés aux acquéreurs, que les cédants estimaient à 215 000 euros, auraient dû être provisionnés dès le 30/10/2010 diminuant d'autant la situation nette ( 700 000 / 610 754 x 215 000) ;
- 300 000 euros au titre de la responsabilité directe de M.'[U] [T] dans la défaillance de quatre agents commerciaux, dont la contribution à la situation nette est de 791 000 euros sur les sept dernières années, 454 000 euros sur les 4 dernières années, 263 000 euros sur les deux dernières années (700 000 / 610 754 x 263 000) ;
2) au titre d'un manque à gagner à cause d'agissements déloyaux de M. [U] [T] après rupture de son contrat d'agent commercial : 80 000 euros ;
3) au titre de dettes que les cédants n'ont jamais honorées : 95'793 euros (compte courant, minoration du prix, frais et condamnation relevant de la garantie) ;
4) au titre des dépenses inutiles qu'ont engagées les acquéreurs': 12 780 euros.
Toutefois, dans le dispositif de leurs conclusions, qui seul saisit la cour de leurs prétentions en application des dispositions de l'article 954 du code ce procédure civile, ils demandent la somme de 719 223,32 euros à titre de dommages et intérêts qui ne correspond pas au total des indemnisations telles que listées ci-dessus mais, selon leurs écritures en page 90, au remboursement du prix payé et des frais et honoraires, et en tous cas, ne correspond pas à une demande de condamnation de M. [U] [T] ou des cédants au paiement de la dette de compte courant de M. [U] [T], de la minoration du prix provisoire ou des sommes prétendument dues au titre de la garantie, qui n'ont pas de caractère indemnitaire et dont la cour n'est donc pas saisie.
Ils demandent, en outre, l'indemnisation de :
' leur manque à gagner depuis le 28/10/2011 soit 200 000 euros ;
' leur préjudice moral soit 100 000 euros.
Les parties adverses opposent l'irrecevabilité des ces demandes comme étant nouvelles en appel et leur mal fondé.
Elles font valoir, outre que ces prétentions sont contraires à la 'sentence arbitrale', que la demande en paiement de la somme de 649 000 euros à titre de dommages et intérêts correspond à une demande indemnitaire au titre de la moindre valeur des parts sociales qui s'apparente à une demande en réduction du prix.
Il apparaît, en effet, que cette demande porte sur les éléments qui étaient de nature à minorer le prix provisoire arrêté dans la promesse en ce qu'ils tiennent au montant des capitaux propres, au chiffre d'affaires, aux provisions pour litige et que, sous couvert d'une surévaluation de ces éléments, c'est bien la surévaluation du prix dont il est demandé réparation.
Une telle prétention est nouvelle au sens des articles 564 et suivants du code de procédure civile, ne tendant pas aux mêmes fins que de la demande faite en première instance d'annulation de la cession et d'indemnisation des conséquences du dol invoqué et n'en étant pas l'accessoire, la conséquence ou le complément.
S'agissant des indemnisations allouées par les premiers juges, la cour constate que les cessionnaires lui demandent de statuer à nouveau sur ces chefs du jugement et sollicitent, à la place, après l'indication selon laquelle les nouvelles demandes étaient une actualisation de 'la demande de confirmation' de ces chefs , la somme de 719 223,32 euros à titre de dommages et intérêts, mentionnée ci-avant, et qui, même en se référant aux développements consacrés à la demande de réformation du jugement entrepris sur l'indemnisation en page 89 de leurs conclusions, comprend l'indemnisation 'au titre d'un manque à gagner à cause d'agissements déloyaux de M. [U] [T]' mais n'intègre pas de demande d'indemnisation du fait de l'utilisation de la marque '[T]' et des déficiences dans la gestion des autorisations professionnelles des agents commerciaux, prétentions qu'il y a lieu de considérer comme étant abandonnées, d'autant que l'ensemble de ces demandes excéderait largement la somme réclamée de 719 223,32 euros compte tenu de la demande présentée au titre de la 'situation nette faussée par les cédants' d'un montant de 649 000 euros.
Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 1382 du code civil et 31 du code de procédure civile, qu'un associé n'est pas recevable à agir en réparation d'un préjudice découlant directement ou indirectement d'un préjudice subi par la société.
Dès lors, les cessionnaires sont irrecevables en leur qualité d'associés à demander réparation des préjudices subis par la société [T] immobilier, tenant à de prétendus agissements déloyaux commis par M.'[U] [T] dans l'exercice de son mandat d'agent commercial, qui ne sont pas des préjudices personnels.
Et, même si M. [M] et la SARL Coryphene Informatique font valoir, dans leur note en délibéré, qu'ils agissent en qualité d'acheteurs des titres, et non en qualité d'associés de la société [T] immobilier, contre leurs vendeurs qui n'ont pas respecté leurs obligations découlant du contrat de vente des titres et non contre un contractant de la société [T], il n'en reste pas moins, contrairement à ce qu'ils soutiennent, que, d'une part, les manquements qu'ils imputent à M. [U] [T] sont ceux qui découlent du contrat d'agent commercial conclu avec la société [T] immobilier dès lors que le préjudice invoqué résulterait d'un manque à gagner sur le chiffre d'affaires de la société et qu'il s'agit donc bien d'une action en responsabilité ne pouvant être dirigée contre M. [U] [T] que comme contractant de la société et non comme leur vendeur, et d'autre part, l'indemnisation réclamée au titre d'un manque à gagner à cause d'agissements prétendument déloyaux de M. [U] [T] après rupture de son contrat d'agent commercial à hauteur de 80 000 euros n'est pas un préjudice personnel mais bien un préjudice de la société tenant à la perte de chiffre d'affaires liée à un prétendu détournement de commissions et ce, quand bien même cela aurait entraîné une dépréciation des titres et des pertes financières que les associés ont pu devoir compenser.
Il en va pareillement de leur demande au titre d'un manque à gagner depuis le 28/10/2011 qu'ils évaluent à 200 000 euros sans, en outre, en donner le détail permettant de savoir ce qu'il recouvre, et dire comment il a été calculé.
M. [M] et la SARL Coryphene Informatique ne donnent aucune explication sur les dépenses qu'ils déclarent avoir engagées, qu'ils chiffrent à 12 780 euros. De même, ils ne caractérisent pas la faute des cédants en lien avec un tel préjudice.
Ils ne caractérisent pas davantage l'existence d'un préjudice moral en lien avec une faute des cédants, laquelle ne peut résulter des prétendues manoeuvres qui ont été invoquées au soutien d'un dol dans la mesure où il est retenu que, soit ils en avaient connaissance avant la cession, soit ils ont volontairement confirmé la cession en connaissance des vices allégués.
La demande reconventionnelle des cédants
Cette demande correspond à la régularisation du prix après la fin du litige [Z] tel que prévu à l'acte.
Les cessionnaires s'y opposent en invoquant des moyens tenant à l'absence de paiement par les cédants de dettes réciproques, ce qui n'est pas pertinent pour s'opposer à la demande qui trouve son fondement dans l'article 4.3 de la promesse.
La demande en paiement de la somme de 64 023 euros (soit 73 656 euros - 9 633 euros, après impôts) au titre du reliquat du prix de cession est bien fondée.
Sur les frais et dépens :
M. [M] et la SARL Coryphene Informatique, parties perdantes, sont condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu d'accueillir les demandes de M. [U] [T], Mme [F] [T], Mme [G] [E], Mme [X] [A] et M.'[V] [T] présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
la cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M.'[M] et la SARL Coryphene Informatique de leur demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol et de leur demande visant à condamner solidairement les cédants à leur reverser le prix de vente provisoire de 676 000 euros, les droits d'enregistrement et timbre fiscal de 18'936 euros ainsi que les honoraires versés à l'occasion de la cession de 11'506,72 euros.
Statuant à nouveau sur les autres chefs et y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de M. [M] et de la SARL Coryphene Informatique en paiement de la somme de 649 000 euros à titre de dommages et intérêts comme étant nouvelle en appel.
Déclare irrecevable la demande de M. [M] et de la SARL Coryphene Informatique en paiement de la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice subi par la société [T] immobilier.
Rejette la demande de M. [M] et de la SARL Coryphene Informatique en paiement de la somme 12 780 euros.
Rejette la demande de M. [M] et de la SARL Coryphene Informatique en indemnisation d'un préjudice moral ;
Condamne in solidum M. [M] et la SARL Coryphene Informatique à payer à M. [U] [T], Mme [F] [T] née [K], Mme [G] [E] née [T],Mme [X] [A] née [T] la somme de 64 023 euros au titre du reliquat du prix.
Condamne M. [M] et la SARL Coryphene Informatique aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.