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Décisions

Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-23.144

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Leprieur

Rapporteur :

Mme Mariette

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Cons. prud’h. Saint-Germain-en-Laye, du …

8 février 2016

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 août 2019), M. J... a été engagé, le 30 août 2001, par la Banque Franco-Portuguaise, aux droits de laquelle vient la société Caixa Geral de Depositos (la société), en qualité d'adjoint chef d'agence, avant d'être nommé, en novembre 2001, chef d'agence.

2. Il a été licencié, le 15 janvier 2015, pour faute grave, son employeur lui reprochant d'avoir bénéficié de cadeaux particulièrement importants de la part d'un client de l'agence dont il assumait la direction.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à verser des sommes à titre de rappel de salaires et congés payés afférents durant la période de mise à pied, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'ordonner le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié à concurrence de 3 mois, alors « que l'article 10 du code de bonne conduite de la société, intitulé « interdiction d'acceptation d'avantages » dispose : ''les collaborateurs de la CGD sont tenus à l'obligation de ne pas accepter ou solliciter un quelconque avantage incluant prêt, cadeaux, ou autres profits émanant de personnes avec lesquelles ils entrent en relation et/ou sont en contact direct dans l'exercice de leurs relations professionnelles'' ; que le document intitulé ''gestion des conflits d'intérêts liés à l'activité bancaire'', précise que ''le fait qu'un collaborateur accepte un cadeau ou un avantage matériel ou immatériel d'un client (...) peut conduire à une situation de conflits d'intérêts'' ; que le manuel de conformité ajoute, dans son article 3, que « les collaborateurs ne doivent pas (...) accepter (...) des cadeaux excessifs [de] clients (...)'' ; que la lettre de licenciement reprochait aux salarié son acceptation de tels « cadeaux », de la part d'un client de l'agence qu'il dirigeait ; qu'en retenant que l'employeur n'établissait pas que M. J... avait manqué aux règles de conflit d'intérêts pas plus qu'au code de bonne conduite de la banque ''qui n'interdit nullement de faire appel à des artisans accessoirement clients de la banque, pour des besoins privés'', quand la lettre de licenciement reprochait l'acceptation de cadeaux gratuits et renvoyait à des règles internes le prohibant effectivement, la cour d'appel, de ce chef également, statué par des motifs inopérants et violé les articles L. 1222-1, L. 1232-1, L1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les articles L. 1234-1, L. 1234-5 du code du travail et l'article L. 1234-9 du même code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

4. Un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

5. Pour retenir que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir constaté qu'il ressortait du rapport d'enquête interne qu'un client de l'agence dirigée par le salarié avait réalisé, au cours de l'année 2011, des travaux dans cinq biens immobiliers appartenant à ce dernier et avait en outre cédé son véhicule à une société dont le gérant était le salarié, lequel n'avait jamais payé ni les travaux réalisés ni le véhicule, énonce que ces faits ne concernent aucunement l'emploi qu'il occupait auprès de la banque employeur ni sa relation de travail, dès lors qu'ils s'inscrivent dans le cadre de sa sphère privée et non professionnelle.

6. Il ajoute qu'à supposer que ces faits soient établis et jugés, ce qui n'est pas démontré, le fait que la victime supposée ait été cliente de la banque et ait relevé du portefeuille de clientèle attribué au salarié, ne présente pas un lien de causalité suffisant permettant à l'employeur d'affirmer qu'il aurait ainsi manqué au code de bonne conduite de la banque qui n'interdit nullement de faire appel à des artisans accessoirement clients de la banque, pour des besoins privés, ni en quoi il y aurait eu conflit d'intérêt, ni même manquement au règlement intérieur de la banque.

7. Il souligne également que les faits qui relèvent de la vie personnelle des salariés ne peuvent constituer une faute dans les relations de travail que si l'employeur démontre qu'ils sont à l'origine d'un trouble dans l'entreprise et qu'il n'est nullement soutenu ni démontré par la société que les échanges de nature privée entre le salarié et le client aient empiété sur le temps de travail de l'intéressé, pour en conclure que l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la consistance de la faute grave qu'il invoque à l'appui du licenciement.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'acceptation de cadeaux importants de la part d'un client de l'agence dont il assumait la direction, à la supposer établie, ne constituait pas un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail et plus précisément au code de bonne de conduite en vigueur au sein de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation de l'arrêt entraîne, par application des dispositions de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt qui l'a rectifié.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.