Livv
Décisions

TUE, 6e ch., 6 mars 2024, n° T-647/22

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Puma SE

Défendeur :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), Handelsmaatschappij J. Van Hilst BV

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Costeira

Juges :

M. Kancheva, M. Tichy-Fisslberger

Avocats :

Me Schunke, Me Trieb, Me Jonker, Me Roosendaal

TUE n° T-647/22

5 mars 2024

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

6 mars 2024 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant une chaussure – Divulgation du dessin ou modèle antérieur – Article 7 du règlement (CE) no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑647/22,

Puma SE, établie à Herzogenaurach (Allemagne), représentée par Mes M. Schunke et P. Trieb, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Handelsmaatschappij J. Van Hilst BV, établie à Waalwijk (Pays-Bas), représentée par Mes L. Jonker et M. Roosendaal, avocats,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et E. Tichy-Fisslberger (rapporteure), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 novembre 2023,

rend le présent

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Puma SE, demande l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 août 2022 (affaire R 726/2021-3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2 Le 22 juillet 2019, l’intervenante, Handelsmaatschappij J. Van Hilst BV, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré à la suite d’une demande déposée le 26 juillet 2016 qui est représenté dans les sept vues suivantes :

3 Les produits dans lesquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé relèvent de la classe 02-04 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Souliers ».

4 Le motif invoqué au soutien de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement. L’intervenante avait notamment fait valoir que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6 de ce règlement, puisqu’il aurait été divulgué par la requérante elle-même avant le délai de douze mois visé à l’article 7, paragraphe 2, sous b), du même règlement (ci-après le « délai de grâce »). À l’appui de sa demande, l’intervenante a notamment produit les éléments suivants :

–        en tant qu’annexes IV à VI à la demande en nullité : trois publications, contenant des images, tirées du compte Instagram « badgalriri », datées du 16 décembre 2014 et comptant chacune plus de 300 000 mentions « J’aime », faisant état de la nomination de Robyn Rihanna Fenty (ci-après « Rihanna ») en tant que nouvelle directrice artistique de la requérante et de la clôture d’un contrat à cet effet, et montrant Rihanna portant une paire de chaussures blanches avec une semelle noire épaisse :

–        en tant qu’annexes XVII et XVIII à la demande en nullité, telles que présentées par un mémoire de l’intervenante du 24 avril 2020 : plusieurs articles faisant état de la nomination de Rihanna en tant que nouvelle directrice artistique de la requérante, telle qu’annoncée le 16 décembre 2014, y compris des articles sur « www.forbes.com », « www.dazeddigital.com », « www.trendalert.nl », « www.nssmag.com » et « mail.online ». Ces articles, tous publiés les 16 ou 17 décembre 2014, reproduisaient, notamment, des images du compte Instagram de Rihanna du 16 décembre 2014, dont les suivantes :

–        en tant qu’annexes XIX et XX à la demande en nullité, telles que présentées par un mémoire de l’intervenante du 24 avril 2020 : un article paru sur le site « hausofrihanna.com », daté du 17 décembre 2014, faisant état de la nomination de Rihanna en tant que nouvelle directrice artistique de la requérante et présentant, notamment, les images suivantes du dessin ou modèle antérieur ainsi qu’une capture d’écran de la Wayback Machine datée du 28 décembre 2014, montrant l’article en cause :

5        Par décision du 19 mars 2021, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité, en considérant notamment et en substance que le dessin ou modèle contesté ne présentait pas le caractère individuel requis par l’article 6 du règlement no 6/2002, compte tenu d’une comparaison entre l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté et l’impression globale créée par le dessin ou modèle apparaissant dans les images reproduites au point 4 ci-dessus.

6        Le 21 avril 2021, la requérante a formé un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours de la requérante dans son intégralité. Premièrement, quant à l’argument de la requérante selon lequel la demande en nullité serait irrecevable en raison de la violation d’une obligation contractuelle par l’intervenante et de son caractère abusif, la chambre de recours a considéré que cet argument devrait être rejeté. Selon ladite chambre, cet argument ne permettrait pas de démontrer l’existence d’une erreur affectant les conclusions de la division d’annulation et serait donc non pertinent aux fins de la présente affaire. Deuxièmement, quant au fond, aux fins de l’application de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec son article 6, la chambre de recours a conclu en substance et notamment que, au vu des impressions globales que dégageaient les dessins ou modèles en conflit, le dessin ou modèle antérieur « annihilerait » le caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Le dessin ou modèle antérieur aurait été divulgué au public avant le début du délai de grâce, ainsi qu’il pourrait être déduit des éléments de preuve présentés par l’intervenante (voir point 4 ci-dessus). Les images déposées par l’intervenante seraient nettes et suffisamment claires et permettraient donc d’identifier de manière claire et dépourvue d’ambiguïté le dessin ou modèle antérieur aux fins de la comparaison avec le dessin ou modèle contesté dans le cadre de l’appréciation du caractère individuel de ce dernier. La requérante n’aurait, en revanche, pas prouvé, ni présenté d’indices démontrant que les publications présentées par l’intervenante auraient été manipulées afin d’altérer les faits. Enfin, la requérante n’aurait produit aucun élément de preuve susceptible d’établir que la mise en ligne des publications en question serait insuffisante pour permettre aux milieux spécialisés au sein de l’Union européenne de prendre connaissance du dessin ou modèle antérieur.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

10      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris à ceux exposés devant la chambre de recours.

 En droit

11      Au soutien de son recours, la requérante soulève deux moyens tirés, le premier, du fait que la chambre de recours aurait, à tort, conclu que la demande en nullité était recevable, et, le second, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, en ce que ladite chambre aurait, toujours à tort, considéré que le dessin ou modèle antérieur avait été divulgué au sens de cette disposition.

 Sur le premier moyen, tiré du fait que la demande en nullité aurait été irrecevable

12      Par son premier moyen, la requérante fait, en substance, valoir que la demande en nullité déposée par l’intervenante auprès de l’EUIPO était irrecevable.

13      En premier lieu, en introduisant ladite demande, l’intervenante aurait violé certaines obligations contractuelles existant entre elle et la requérante. Plus précisément, selon la requérante, à l’occasion d’une procédure en contrefaçon engagée par elle contre l’intervenante devant les juridictions néerlandaises, elles seraient parvenues à un accord visant à mettre fin à la procédure en contrefaçon, cet accord ayant été suivi d’un désistement de la procédure judiciaire intentée par elle. Or, en engageant, par la suite, la procédure en nullité, l’intervenante aurait méconnu cet accord, et ce après que la requérante se serait, en vertu dudit accord, privée de la possibilité d’obtenir une décision de justice. Il existerait une obligation implicite du contrefacteur, dans le cadre d’un règlement, de ne pas contester, immédiatement après ce règlement, les droits qu’il a reconnu, aux termes dudit règlement, avoir contrefaits. En deuxième lieu, en introduisant ladite demande, l’intervenante aurait également fait preuve de mauvaise foi. En effet, la procédure en nullité aurait été engagée par l’intervenante à des fins étrangères à l’objet de ce genre de procédure. Après avoir introduit ladite demande, l’intervenante aurait demandé, à titre de compromis, des sommes exorbitantes, à savoir 156 360 euros à rembourser par la requérante. En troisième lieu et enfin, le recours à une demande en nullité, telle que celle en cause, équivaudrait à un abus de droit.

14      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

15      L’argumentation de la requérante selon laquelle la demande en nullité serait irrecevable est dépourvue de fondement. En effet, dans le cadre de l’examen du motif de nullité invoqué par l’intervenante devant les instances de l’EUIPO, la question de la prétendue existence d’une mauvaise foi, d’une éventuelle violation d’une obligation contractuelle de l’intervenante et du prétendu caractère abusif de la demande de cette dernière est dépourvue de pertinence, car, ainsi que l’a souligné la chambre de recours, en substance, au point 60 de la décision attaquée, bien que des éléments comme la mauvaise foi, la violation d’une obligation contractuelle ou le caractère abusif puissent être invoqués dans le cadre d’une procédure civile ad hoc entre les parties concernées, ces éléments ne sauraient être utilement invoqués comme moyen de défense dans une procédure en nullité, telle que celle en cause, étant donné que, dans une telle procédure il s’agit de se prononcer sur le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, dont l’appréciation est objective. En effet, dans une procédure en nullité, il n’y a pas lieu de se prononcer sur un comportement, qu’il s’agisse de celui du titulaire du dessin ou modèle contesté ou de celui du titulaire du dessin ou modèle antérieur [voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon), T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, point 48].

16      En tout état de cause, selon les dires de la requérante elle-même, l’accord conclu entre elle et l’intervenante était une transaction judiciaire visant à mettre fin à la procédure en contrefaçon entamée par la requérante devant les juridictions néerlandaises, mais qui n’avait pas pour objet la création d’une interdiction à l’adresse de l’intervenante de demander la nullité du dessin ou modèle contesté. L’attente de la requérante sur le fait que l’intervenante n’engage pas de procédures en nullité à l’encontre du dessin ou modèle contesté ou l’étonnement qui aurait pu survenir dans son esprit lorsqu’elle a constaté que l’intervenante avait, par l’intermédiaire de sa demande en nullité devant l’EUIPO, remis en cause l’existence du dessin ou modèle contesté après avoir conclu ladite transaction judiciaire, ne sauraient servir de fondement factuel permettant de conclure à l’existence d’une mauvaise foi ou d’un abus de droit de la part de l’intervenante.

17      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002

18      Par son second moyen, la requérante fait valoir que, en ne tenant pas compte du fait que les preuves apportées par l’intervenante à l’appui de sa demande en nullité étaient insuffisantes pour démontrer une divulgation du dessin ou modèle antérieur avant le début du délai de grâce, la chambre de recours aurait violé l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

19      En premier lieu, s’agissant des quatre photos diffusées sur Instagram et montrant Rihanna portant des chaussures de tennis blanches avec une semelle noire, présentées en tant qu’annexes IV à VI à la demande en nullité et en tant qu’annexes XVII à XIX au mémoire de l’intervenante du 24 avril 2020 (voir point 4, premier et deuxième tirets, ci-dessus), la requérante fait valoir que ces photos ne permettent pas de reconnaître les caractéristiques qui produisent l’impression globale que crée le dessin ou modèle antérieur, et ce de manière à pouvoir comparer cette impression globale avec l’impression globale que produit le dessin ou modèle contesté.

20      En effet, ces photos seraient toutes de qualité insuffisante, puisqu’elles seraient notamment trop sombres et floues. Ces images ne seraient pas centrées sur les chaussures, mais sur Rihanna. En fait, ces images ne comporteraient pas assez de détails pour que les caractéristiques du dessin ou modèle antérieur soient visibles autrement que d’un point de vue rétroactif, c’est-à-dire, en se plaçant dans la perspective d’aujourd’hui et en profitant ainsi de la connaissance qu’un utilisateur averti peut avoir, à présent, des caractéristiques du dessin ou modèle contesté. En tout état de cause, toutes les vues du dessin ou modèle ne seraient pas visibles. Enfin, la chambre de recours n’aurait pas non plus tenu compte des circonstances dans lesquelles les publications Instagram sont généralement perçues, ce qui conduirait a fortiori au fait qu’aucun détail quel qu’il soit ne peut être perçu quant aux chaussures présentées. En effet, il est, selon la requérante, notoire qu’Instagram est presque exclusivement utilisé sur des téléphones portables. Or, à l’époque en question, c’est-à-dire, en décembre 2014, contrairement à ce qui est le cas aujourd’hui, on ne pouvait, selon la requérante, pas zoomer sur les images d’Instagram. Cette fonction n’aurait été introduite qu’en septembre 2016. Même s’il y avait lieu de considérer qu’il est possible, de nos jours, de zoomer sur les images, cette fonctionnalité n’apporterait pas grand-chose à la perception des petits détails d’une photo, la qualité de l’image étant automatiquement dégradée sur Instagram.

21      En second lieu, en ce qui concerne la photo montrant des chaussures blanches avec une semelle noire, incluse dans la publication figurant dans les annexes XIX et XX à la demande en nullité (voir point 4, troisième tiret, ci-dessus), il s’agit, selon la requérante, d’une image qui doit bel et bien être distinguée des images publiées sur le compte Instagram.

22      Premièrement, cette photo permettrait, certes, d’identifier vaguement certaines caractéristiques du dessin ou modèle antérieur, mais uniquement grâce à un agrandissement, ce qui ne correspondrait pas à ce que le public avait vu en l’espèce. Cette photo aurait une origine douteuse et obscure, tout comme la page Internet « hausofrihanna.com » en tant que telle. Il s’agirait d’une page de fans non officielle consacrée à Rihanna et hébergée par une femme demeurant à la Barbade. Ce site serait le seul qui aurait publié une image des chaussures côte à côte sans qu’elles soient portées par Rihanna. La photo publiée sur ce site n’aurait ainsi aucun rapport avec la procédure de signature du contrat en vertu duquel Rihanna était devenue directrice artistique de la requérante et qui était l’événement au regard duquel les photos publiées sur Instagram avaient été prises. En fait, cette photo n’aurait manifestement pas existé au moment de la signature du contrat. Elle aurait pu être simplement ajoutée au site « hausofrihanna.com » à tout moment, sans que la date de publication soit nécessairement modifiée.

23      Deuxièmement et en tout état de cause, même si cette photo n’était pas un faux et avait effectivement été publiée sur le site « hausofrihanna.com » avant le début du délai de grâce, un acte de divulgation pourrait être exclu en l’espèce, puisque cette publication ne pouvait raisonnablement être connue, dans la pratique normale des affaires, des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant au sein de l’Union. À supposer que ladite photo soit authentique, les milieux professionnels pertinents n’auraient eu connaissance de cette photo qu’également par hasard.

24      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

25      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle doit s’effectuer par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement, et non par rapport à une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs (arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, points 25 et 35). Ainsi, un dessin ou modèle antérieur doit constituer une antériorité « compacte » ou « de toute pièce » et ne saurait être le résultat d’une combinaison [voir arrêt du 27 avril 2022, Group Nivelles/EUIPO – Easy Sanitary Solutions (Caniveau d’évacuation de douche), T‑327/20, EU:T:2022:263, point 109 et jurisprudence citée].

26      En l’espèce, il est constant que le dessin ou modèle antérieur invoqué par l’intervenante constitue une telle antériorité compacte et non une combinaison de caractéristiques tirées d’antériorités diverses. La requérante ne conteste pas l’unicité du dessin ou modèle antérieur, mais seulement sa divulgation.

27      Ensuite, il convient de rappeler que, selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, aux fins de l’application des articles 5 et 6 dudit règlement, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, ou utilisé dans le commerce, ou rendu public de toute autre manière, avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union.

28      Conformément à l’article 7, paragraphe 2, sous b), du règlement no 6/2002, il n’est pas tenu compte d’une divulgation si un dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pendant une période de douze mois précédant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou la date de priorité, si une priorité est revendiquée.

29      Selon la jurisprudence, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué une fois que la partie qui fait valoir la divulgation a prouvé les faits constitutifs de cette divulgation. Pour réfuter cette présomption, il incombe, en revanche, à la partie qui conteste la divulgation de démontrer à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné dans la pratique normale des affaires [voir arrêt du 2 mars 2022, Fabryki Mebli « Forte »/EUIPO – Bog‑Fran (Meuble), T‑1/21, non publié, EU:T:2022:108, point 41 et jurisprudence citée].

30      Dès lors, aux fins d’établir la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il convient de procéder à une analyse en deux étapes, consistant à examiner, en premier lieu, si les éléments présentés dans la demande en nullité démontrent, d’une part, des faits constitutifs d’une divulgation d’un dessin ou modèle et, d’autre part, le caractère antérieur de cette divulgation par rapport à la date de dépôt ou de priorité du dessin ou modèle contesté et, en second lieu, dans l’hypothèse où le titulaire du dessin ou modèle contesté aurait allégué le contraire, si lesdits faits pouvaient, dans la pratique normale des affaires, raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union, faute de quoi une divulgation sera considérée comme étant sans effets et ne sera pas prise en compte (voir arrêt du 2 mars 2022, Meuble, T‑1/21, non publié, EU:T:2022:108, point 42 et jurisprudence citée).

31      En outre, il y a lieu de rappeler que le règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), ne contient aucune précision s’agissant des preuves qui doivent être fournies en matière de divulgation du dessin ou modèle antérieur par le demandeur en nullité. Plus particulièrement, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), de ce règlement se borne à prévoir que, lorsque la demande en nullité est fondée, notamment, sur l’absence de nouveauté du dessin ou modèle communautaire pour lequel la protection est demandée, elle doit comporter l’indication et la reproduction du dessin ou modèle du demandeur en nullité susceptible de faire obstacle à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire pour lequel la protection est demandée ainsi que des documents prouvant la précédente divulgation du dessin ou modèle antérieur [voir arrêt du 15 mars 2023, Homy Casa/EUIPO – Albatros International (Chaises), T‑89/22, non publié, EU:T:2023:132, point 28 et jurisprudence citée].

32      Enfin, ni le règlement no 6/2002 ni le règlement no 2245/2002 ne spécifient une forme obligatoire pour les éléments de preuve qui doivent être apportés par le demandeur en nullité pour justifier de la divulgation de son dessin ou modèle avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée. Ainsi, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v) et vi), du règlement no 2245/2002 se limite à exiger que la demande en nullité contienne les « documents prouvant l’existence [du dessin ou modèle antérieur] » ainsi que les « faits, preuves et observations présentés à l’appui de la demande ». De même, l’article 65, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 ne prévoit qu’une liste non exhaustive de mesures d’instruction possibles dans les procédures devant l’EUIPO (voir arrêt du 15 mars 2023, Chaises, T‑89/22, non publié, EU:T:2023:132, point 29 et jurisprudence citée).

33      Il s’ensuit que, d’une part, le demandeur en nullité est libre du choix de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’EUIPO pour appuyer sa demande en nullité et, d’autre part, l’EUIPO est tenu d’analyser tous les éléments présentés pour conclure s’ils sont effectivement une preuve de la divulgation du dessin ou modèle antérieur (voir arrêt du 15 mars 2023, Chaises, T‑89/22, non publié, EU:T:2023:132, point 30 et jurisprudence citée).

34      Néanmoins, la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne peut pas être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché. En outre, les éléments de preuve fournis par le demandeur en nullité doivent être appréciés les uns par rapport aux autres. En effet, si certains de ces éléments pouvaient être insuffisants à eux seuls pour démontrer la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’ils sont associés ou lus conjointement avec d’autres documents ou informations, ils peuvent contribuer à former la preuve de la divulgation. Enfin, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y figure. Il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire, ainsi que se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du 15 mars 2023, Chaises, T‑89/22, non publié, EU:T:2023:132, point 31 et jurisprudence citée).

35      En l’espèce, la chambre de recours a, aux points 37 à 45 de la décision attaquée, conclu, en substance, que les éléments de preuve produits par l’intervenante étaient suffisants pour démontrer les faits constitutifs de la divulgation du dessin ou modèle antérieur, d’une part, et que la requérante n’avait, pour sa part, pas prouvé à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce auraient empêché les milieux spécialisés du secteur concerné de prendre connaissance de la publication du dessin ou modèle antérieur, d’autre part. Sur le fondement de ces appréciations, ladite chambre a retenu, en guise de conclusion, au point 45 de la décision attaquée, que le dessin ou modèle antérieur avait été divulgué au public au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

36      En application des dispositions et des principes jurisprudentiels exposés aux points 27 à 34 ci-dessus et compte tenu des éléments du dossier devant le Tribunal, il y a lieu d’approuver cette conclusion de la chambre de recours, qui n’est pas entachée d’erreur d’appréciation.

 Sur la démonstration des faits constitutifs de la divulgation du dessin ou modèle antérieur

37      Concernant les faits constitutifs d’une divulgation du dessin ou modèle antérieur, il y a, tout d’abord, lieu de relever que l’impression globale que produit un dessin ou modèle sur l’utilisateur averti peut être établie en regardant d’abord ses caractéristiques.

38      En l’espèce, en ce qui concerne les caractéristiques du dessin ou modèle antérieur, la chambre de recours a, en substance, retenu aux points 40 et 55 à 57 de la décision attaquée que celles-ci consistaient en une chaussure avec un certain nombre de lignes le long de la tige et des surpiqûres décoratives sur le dessus, délimitant la claque de la chaussure et la languette du talon ; une tige à chevillière basse, dont l’épaisseur est approximativement la même que celle de la semelle ; une grande semelle plate d’épaisseur uniforme avec des rainures prononcées, qui crée un rebord avec la tige ; un col qui a la même hauteur que la chevillière de la chaussure ; sept paires d’œillets circulaires et un lacet épais ; un motif constitué de deux lignes parallèles de petits trous (points) sur le côté de la tige ; un élément verbal et figuratif, situé sur un côté de la tige.

39      Ainsi qu’il peut être déduit des arguments mentionnés aux points 19 et 20 ci-dessus, la requérante allègue en substance qu’il n’aurait pas été possible à la chambre de recours de discerner ces caractéristiques à l’aide des quatre photos présentées en tant qu’annexes IV à VI à la demande en nullité et en tant qu’annexes XVII et XVIII au mémoire de l’intervenante du 24 avril 2020 (voir point 4, premier et deuxième tirets, ci-dessus), qui ont été diffusées sur Instagram et qui montrent – cela est constant – Rihanna portant des chaussures de tennis blanches avec une semelle noire.

40      Il y a lieu de constater que cette allégation est non fondée.

41      En effet, les publications montrant Rihanna portant des baskets blanches, présentées en tant qu’annexes IV à VI et XVII et XVIII à la demande en nullité (voir point 4, premier et deuxième tirets, ci-dessus), qui sont toutes des images tirées d’un compte Instagram intitulé « badgalriri », permettent d’identifier, à l’œil nu ou à l’aide d’un agrandissement de ces photos, toutes les caractéristiques du dessin ou modèle antérieur, et ce sous différents angles.

42      Plus précisément, la perspective avant et les vues latérales du dessin ou modèle illustré dans ces images permettent d’identifier une chaussure de sport qui a un certain nombre de lignes et de trous le long de l’empeigne, une fermeture avec sept œillets et des lacets épais et une semelle plate et épaisse, striée verticalement. Toutes les autres caractéristiques du dessin ou modèle antérieur sont également perceptibles. En particulier, l’élément verbal est présent sur la première image mentionnée au point 4, premier tiret, ci-dessus, ainsi que sur la deuxième photo mentionnée au point 4, deuxième tiret, ci-dessus.

43      Dans la mesure où les arguments de la requérante gravitent autour de la question de savoir s’il est possible de discerner des rainures verticales sur le bord de la semelle épaisse sur ces images, il y a lieu de constater que lesdites rainures peuvent être distinguées sur la première photo mentionnée au point 4, deuxième tiret, ci-dessus.

44      Du reste, il convient de constater que les publications montrant Rihanna portant des baskets blanches, présentées en tant qu’annexes IV à VI et XVII et XVIII à la demande en nullité, émanent de sites Internet dont l’existence n’est pas contestée par la requérante et qui, d’après leurs contenus, doivent être considérés comme étant fiables. En effet, pour rappel, le compte Instagram duquel proviennent les photos en question est le compte Instagram de Rihanna elle-même. Certes, dans certaines parties de la requête, la requérante semble remettre en question le fait qu’il s’agisse effectivement du compte Instagram de Rihanna, tel qu’existant en décembre 2014. Toutefois, cette contestation de nature générale doit être écartée, puisqu’elle ne repose sur aucune base factuelle étayée permettant de jeter un doute sur le fait qu’il s’agisse du compte Instagram de Rihanna existant à l’époque en question. En sus d’être non étayée, la même contestation ne s’appuie sur aucun élément de preuve.

45      Ces appréciations ne sont pas remises en cause par les arguments de la requérante.

46      Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel les photos publiées sur Instagram seraient trop sombres et floues et donc de qualité médiocre doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, la qualité des images publiées sur Instagram est suffisante pour pouvoir reconnaître la totalité des caractéristiques du dessin ou modèle antérieur, étant souligné que ce qui compte à cet égard est l’apparence et la qualité de ces photos, telles qu’elles existent dans le dossier de l’EUIPO, qui a été déposé par cette agence au dossier du Tribunal, et non la qualité, certes, moins bonne, qu’ont ces photos, après leur réduction, telles qu’elles figurent dans la décision attaquée ou dans les écritures des parties au litige.

47      Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel les images en question ne seraient pas centrées sur les chaussures, mais sur Rihanna, doit être écarté pour deux raisons. Dans la mesure où il se rapporte à la première des photos mentionnées au point 4, premier tiret, ci-dessus, ainsi qu’à la deuxième image mentionnée au point 4, deuxième tiret, ci-dessus, cet argument manque en fait. En effet, ces photos se focalisent sur les jambes et les chaussures de Rihanna. Du reste, cet argument est inopérant. En effet, il est exact que les autres images ne se focalisent pas sur les chaussures, mais ces autres images permettent néanmoins de percevoir l’écrasante majorité des éléments qui composent ces chaussures et, plus important encore, la totalité des caractéristiques du dessin ou modèle antérieur évoquées au point 38 ci-dessus.

48      Troisièmement, doit être rejeté comme étant non fondé l’argument selon lequel les images en question ne comporteraient pas assez de détails pour que les caractéristiques du dessin ou modèle antérieur soient perceptibles autrement que d’un point de vue rétroactif, c’est-à-dire, en profitant de la connaissance qu’un utilisateur averti peut avoir, à présent, des caractéristiques du dessin ou modèle contesté. En effet, ainsi que cela a d’ores et déjà été relevé, les vues avant et latérales des chaussures apparaissant sur les images en question permettent d’identifier une chaussure de sport qui a un certain nombre de lignes et de trous le long de l’empeigne, une fermeture avec sept œillets et des lacets épais et une semelle plate et épaisse, striée verticalement, ainsi que toutes les autres caractéristiques du dessin ou modèle antérieur. La perception de ces caractéristiques se réalise d’emblée, c’est-à-dire sans qu’elle dépende de la connaissance que pourrait avoir l’utilisateur averti des caractéristiques du dessin ou modèle contesté.

49      Quatrièmement, il y a lieu d’écarter l’argument selon lequel toutes les vues du dessin ou modèle antérieur ne seraient pas visibles. La requérante ne précise, certes, pas quelle partie des chaussures apparaissant dans les images en question ne serait pas visible. Compte tenu des images en question, il doit être conclu que la requérante vise la partie postérieure des chaussures. Toutefois, si l’argument de la requérante doit être compris de telle manière, cet argument ne convainc pas. En effet, sur la première photo mentionnée au point 4, premier tiret, ci-dessus et sur la deuxième image mentionnée au point 4, deuxième tiret, ci-dessus, on peut distinguer une fraction importante de la partie postérieure de la chaussure gauche portée par Rihanna. Au vu des autres photos et étant donné que les souliers sont fabriqués de manière à constituer une paire de souliers uniforme, il y a lieu de conclure que la partie postérieure gauche de ladite chaussure – qui n’est, certes, pas perceptible – partage les caractéristiques que possède la fraction visible de la chaussure gauche, et ce notamment en ce qui concerne l’épaisseur de la semelle et les rainures verticales. Enfin, au vu des images en question, il n’y a aucune raison permettant de déduire que le soulier droit serait différent du soulier gauche, notamment en ce qui concerne l’épaisseur de la semelle et les rainures verticales.

50      Cinquièmement, doit être rejetée comme étant non fondée l’intégralité des arguments de la requérante tirés en substance du fait que la chambre de recours aurait ignoré la circonstance que l’application Instagram est presque exclusivement utilisée sur des téléphones portables, que la qualité des photos y figurant est toujours dégradée, ce qui ferait que les petits détails d’une telle photo seraient imperceptibles, mais que ceux-ci ne seraient discernables que tout au plus en zoomant la photo, ce qui, en 2014, n’aurait même pas été possible.

51      En effet, d’une part, les photos en question ne sont pas si floues ou petites que l’on n’en puisse discerner les détails. D’autre part, il est notoire que, déjà en 2014, une photo présente sur Instagram pouvait faire l’objet d’une capture d’écran – notamment sur un téléphone portable –, laquelle pouvait, à son tour, être zoomée.

52      En outre, dans la mesure où, par cet argument, la requérante semble vouloir affirmer que personne ne se serait intéressé aux chaussures de Rihanna en décembre 2014 et n’aurait donc perçu le dessin ou modèle antérieur, il y a lieu de constater les éléments suivants.

53      Ne serait-ce que du fait que, en décembre 2014, Rihanna était une star de la pop mondialement connue, il convient de retenir que tant ses fans que les milieux spécialisés dans le domaine de la mode avaient, à cette date, développé un intérêt particulier pour les chaussures qu’elle portait le jour de la signature du contrat en vertu duquel la star était devenue la directrice artistique de la requérante. Compte tenu de cet élément, il est parfaitement raisonnable de considérer qu’une partie non négligeable des personnes qui s’intéressaient à la musique ou à la personne de Rihanna, y compris à sa tenue vestimentaire, en décembre 2014 a regardé, de près, les photos en question pour en discerner l’aspect des chaussures que la star portait, en reconnaissant ainsi les caractéristiques du dessin ou modèle antérieur.

54      Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les photos mentionnées au point 4, premier et deuxième tirets, ci-dessus, suffisent, à elles seules, du point de vue du nombre de détails qu’elles présentent, tout comme sur le plan de leur qualité visuelle, pour conclure que, à la date de l’adoption de la décision attaquée, les caractéristiques du dessin ou modèle antérieur étaient discernables.

55      Dans ces conditions, il n’est pas besoin d’aborder la question de savoir si les conclusions de la chambre de recours concernant l’identification des caractéristiques du dessin ou modèle antérieur peuvent s’appuyer également sur la seconde photo figurant dans les publications présentées comme annexes XIX et XX à la demande en nullité, c’est-à-dire la photo diffusée sur le site Internet « hausofrihanna.com », mentionnée au point 4, troisième tiret, ci-dessus.

56      Par ailleurs, il y a lieu de constater que ces faits constitutifs de divulgation, datés des 16 et 17 décembre 2014, sont antérieurs de plus de douze mois au dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté le 26 juillet 2016, de sorte que le délai de grâce prévu à l’article 7, paragraphe 2, sous b), du règlement no 6/2002 ne s’applique pas en l’espèce.

 Sur le fait que, dans la pratique normale des affaires, les milieux spécialisés pertinents n’auraient pu raisonnablement connaître certains faits de divulgation

57      En l’espèce, en sus de constater les trois contextes factuels de divulgation distincts, c’est-à-dire les trois groupes de publications accompagnées par des photos mentionnés au point 4 ci-dessus, la chambre de recours a, au point 44 de la décision attaquée, considéré en substance que la requérante n’avait produit aucun élément de preuve susceptible d’établir que la mise en ligne des articles de presse présentés par l’intervenante n’aurait pas suffi pour permettre aux milieux spécialisés au sein de l’Union de prendre connaissance du dessin ou modèle antérieur.

58      La requérante ne conteste, quant à elle, pas le fait que les photos diffusées sur Instagram mentionnées au point 4, premier et deuxième tirets, ci-dessus, qui sont autant de faits constitutifs d’une divulgation, ont pu raisonnablement être connues des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union, dans la pratique normale des affaires. Par les arguments mentionnés au point 23 ci-dessus, elle remet en question uniquement le fait que les milieux spécialisés aient pu avoir connaissance de la photo diffusée sur le site internet « hausofrihanna.com ».

59      Il s’ensuit que la requérante n’a pas présenté des arguments susceptibles d’étayer l’exception prévue à l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 6/2002, en ce qui concerne les photos diffusées sur Instagram mentionnées au point 4, premier et deuxième tirets, ci‑dessus ayant été perçues par les milieux spécialisés, étant rappelé qu’il appartenait à la requérante d’invoquer cette exception, ainsi que cela a d’ores et déjà été exposé aux points 29 et 30 ci‑dessus.

60      Dans ce contexte, aux fins de complétude, il y a lieu de rappeler également que, selon la jurisprudence, il suffit que les milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union aient eu connaissance d’un seul des faits de divulgation pour que l’exception prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n6/2002 soit inapplicable [voir, par analogie, arrêt du 14 mars 2018, Crocs/EUIPO – Gifi Diffusion (Chaussures), T‑651/16, non publié, EU:T:2018:137, point 57]. Il s’ensuit pour ce qui est du cas d’espèce que, si les milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union ont pu avoir connaissance de, par exemple, la toute première des images mentionnées au point 4, deuxième tiret, ci-dessus, cette photo étant, en soi, un fait de divulgation, cela permettrait d’exclure l’application de ladite exception visée audit article 7, paragraphe 1. Or, tel est le cas en l’espèce.

61      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’approuver l’appréciation de la chambre de recours en ce qui concerne les photos mentionnées au point 4, premier et deuxième tirets, ci-dessus non seulement sous l’angle de la question de savoir s’il y a eu démonstration de faits susceptibles d’étayer une divulgation du dessin ou modèle antérieur (voir points 37 à 54 ci-dessus), mais aussi en ce qui concerne le point de savoir si les milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union ont pu avoir connaissance de ces faits de divulgation (voir points 58 à 60 ci-dessus).

62      Dans ces conditions, il n’est pas besoin d’aborder la question de savoir si les milieux spécialisés ont pu avoir connaissance de la deuxième photo publiée sur « hausofrihanna.com », mentionnée au point 4, troisième tiret, ci-dessus.

63      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la chambre de recours était en droit de retenir, aux termes de la comparaison de l’impression globale produite par chacun des dessins ou modèles en conflit, que les éléments de preuve fournis par l’intervenante au cours de la procédure devant elle, c’est-à-dire, plus précisément, les images diffusées sur le compte Instagram, mentionnées au point 4, premier et deuxième tirets, ci-dessus, remplissaient les conditions requises pour démontrer une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché les 16 ou 17 décembre 2014 et, partant, avant le début du délai de grâce, le tout au sens de l’article 7, paragraphes 1 et 2, sous b), du règlement no 6/2002.

64      Compte tenu de ces éléments, le second moyen ne peut qu’être, lui aussi, rejeté, tout comme le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

66      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

67      En outre, l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’elle avait exposés devant la chambre de recours. À cet égard, il suffit de relever que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le point 2 du dispositif de cette dernière qui continue à régler les dépens exposés devant ladite chambre [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Aldi/EUIPO – Sky (SKYLITe), T‑736/15, non publié, EU:T:2017:729, point 131].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Puma SE est condamnée aux dépens.