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Décisions

CA Riom, 1re ch., 12 mars 2024, n° 22/00103

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Starlease (SA)

Défendeur :

Thevenet (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Valleix

Conseillers :

M. Acquarone, Mme Bedos

Avocats :

Me Daunat, Me Croquelois, Me Lacquit, Me Garnier, Me Rahon, Me Comte

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP Cle…

14 décembre 2021

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous-seing privé en date du 15 novembre 2011, la SA Star Lease a conclu avec M. [J] [Y] un contrat de crédit-bail avec option d'achat concernant un véhicule tractopelle d'occasion fourni par la SAS Matwork d'une valeur de 38'000 euros HT (45'448 TTC). Le contrat prévoyait le règlement de 60 mensualités de 840,38 euros TTC.

Le véhicule a été livré le 17 janvier 2012 par la société Matwork .

À la suite d'une panne sur le circuit hydraulique de l'engin survenue le 14 janvier 2014, le garage [U] a procédé au nettoyage et au rinçage du circuit hydraulique, au remplacement de deux jeux de filtres et à la pose d'une pompe hydraulique neuve. Une facture de 3870 euros TTC, émise le 11 février 2014, a été réglée par M. [Y] pour ces réparations.

Après l'échéance du 20 avril 2014, le contrat de crédit-bail a été résilié dans le cadre d'un rachat anticipé pour un montant de 22'602,55 euros HT.

Le 24 avril 2014, le véhicule tractopelle a été vendu au prix de 38'100 euros TTC à la SARL Thévenet qui a réglé à ce titre la somme de 10'976,94 euros à M. [Y], selon facture émise le même jour, et celle de 27'123,06 euros à la société Star Lease, selon facture émise le 30 avril 2014.

Par courriers recommandés en date du 28 janvier 2015, la société Thévenet a signalé à M. [Y] et à la SA Star Lease que le tractopelle était immobilisé depuis le mois de décembre 2014 suite à une panne importante affectant le circuit hydraulique, selon le diagnostic établi par le garage [D], réclamant soit la prise en charge par les vendeurs des frais de remise en état du véhicule, estimés à 17'580,44 euros HT par le garage [D], soit l'annulation de la vente.

La société Thévenet a également saisi son assureur protection juridique qui a confié au cabinet VS Expertises une mission d'expertise amiable. Les opérations d'expertise se sont déroulées contradictoirement le 14 avril 2015, l'expert chiffrant à 21'096,53 euros le coût de la remise en état, sur la base du devis émis par le garage [D] le 1er juin 2015.

En l'absence d'accord amiable, la société Thévenet a obtenu par ordonnance de référé en date du 14 avril 2016, rendue par le président du tribunal de grande instance de Saint-Etienne, l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire qui a été confiée à M. [Z].

M. [Z] a déposé son pré-rapport le 24 octobre 2016 en signalant un risque de conflit d'intérêts du fait de ses nouvelles fonctions au sein du cabinet VS Expertises. Par ordonnance du 10 février 2017, M. [E] a été désigné en remplacement de M. [Z]. M. [E] a déposé son rapport le 29 septembre 2017.

Par acte d'huissier en date du 10 janvier 2018, la société Thévenet a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand M. [Y] et la société Star Lease pour obtenir la résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil.

Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a statué en ces termes :

-Prononce la résolution du contrat de vente conclu le 24 avril 2014 portant sur le tractopelle de marque JCB modèle 3CX EC ;

-Condamne M. [J] [Y] à régler la somme de 10'976,94 euros à la société Thévenet ;

-Condamne la société Star Lease à régler la somme de 27'123,06 euros à la société Thévenet ;

-Ordonne en conséquence la restitution du tractopelle de marque JCB modèle 3CX EC à la société Star Lease contre restitution concomitante du prix ;

-Déboute la société Thévenet de ses autres demandes ;

-Déboute la société Star Lease de sa demande en garantie à l'encontre de M. [J] [Y] ;

-Condamne la société Star Lease à payer à la société Thévenet la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Rejette toutes les autres demandes, plus amples ou contraires des parties ;

-Condamne la société Star Lease aux entiers dépens, avec droit de recouvrement au profit de maître Anne Jean.

La SA Star Lease a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 7 janvier 2022, limitant son recours au chef du jugement l'ayant déboutée de sa demande en garantie présentée à l'encontre de M. [Y]. Celui-ci a formé un appel provoqué à l'encontre de la SARL Thévenet qui a elle-même formé appel incident au titre de ses demandes non satisfaites en première instance relatives à ses préjudices.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 14 décembre 2023.

Vu les conclusions en date du 22 novembre 2022 aux termes desquelles la SA Star Lease demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en garantie contre M. [J] [Y] ;

Statuant à nouveau,

-Condamner M. [Y] à la relever et garantir du paiement de la somme de 27'123,06 euros mise à sa charge par le jugement du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 14 décembre 2021 ;

En tout état de cause,

-Débouter M. [Y] et la société Thévenet de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

-Condamner M. [Y] à payer à la société Star Lease la somme de 4500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner M. [J] [Y] aux entiers dépens.

Vu les conclusions en date du 22 décembre 2022 aux termes desquelles M. [Y] présente à la cour les demandes suivantes :

« - Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 14 décembre 2021 en ce qu'il :

-Prononce la résolution du contrat de vente conclu le 24 avril 2014 portant sur le tractopelle de marque JCB modèle 3CX EC ;

-Condamne M. [J] [Y] à régler la somme de 10.976,94 euros TTC à la société Thévenet ;

-Ordonne en conséquence la restitution du tractopelle de marque JCB modèle 3CX EX à la société Star Lease contre restitution concomitante du prix ;

-Rejette toutes les autres demandes, plus amples ou contraires des parties ;

-Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 14 décembre 2021 en ce qu'il :

-Déboute la société Thévenet de sa demande indemnitaire,

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 14 décembre 2021 en ce qu'il :

-Déboute la société Star Lease de sa demande en garantie à l'encontre de M. [J] [Y] ;

Statuant à nouveau :

Sur l'irrecevabilité de la demande dirigée contre M. [Y] :

-Déclarer irrecevables les demandes dirigées contre M. [J] [Y], ce dernier ne disposant pas d'un droit de propriété sur le bien objet du crédit-bail et ne pouvant donc pas avoir la qualité de vendeur ;

-Le mettre hors de cause ;

À titre subsidiaire :

Sur le rejet des demandes contre M. [Y] en l'absence de preuve du vice caché du véhicule antérieur a la vente :

-Écarter le rapport d'expertise de M. [E] sinon dire et juger qu'il ne peut faire la preuve d'un quelconque vice caché, faute de constatation réalisée par le technicien assurant la

traçabilité des pièces,

-Juger que la SARL Thévenet ne rapporte pas la preuve du prétendu vice caché antérieur à la vente imputable à M. [Y],

-Débouter la SARL Thévenet de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont non fondées ;

À titre très subsidiaire :

Sur le caractère non fondé des demandes indemnitaires :

-Débouter la SARL Thévenet de ses demandes d'indemnisation non fondées, M. [Y] n'étant pas un vendeur professionnel et étant de bonne foi, faute de rapporter la preuve de la connaissance des vices cachés par le vendeur, et en tout état de cause en l'absence de caractère certain des préjudices allégués, subsidiairement limiter les demandes au remboursement du prix à l'exclusion de toute autre ;

-Débouter la SARL Thévenet de ses demandes incidentes au titre des frais de restitution du tractopelle et de l'application de l'intérêt légal ;

En tout état de cause :

Sur le rejet de la condamnation en garantie de M. [Y] :

-Débouter la société Star Lease de sa demande non fondée de garantie dirigée contre

M. [J] [Y] ;

Sur les frais irrépetibles et les dépens :

-Débouter la SARL Thévenet et la société Star Lease de toutes leurs demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

-Condamner la SARL Thévenet ou toute partie succombant à payer et porter à M. [J] [Y] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance. »

Vu les conclusions en date du 23 septembre 2022 aux termes desquelles la SARL Thévenet présente à la cour les demandes suivantes :

« Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- Prononcé la résolution du contrat de vente conclu le 24 avril 2014 portant sur le tractopelle de marque JCB modèle 3CX EC,

- Condamné M. [J] [Y] à régler la somme de 10 976,94 euros TTC à la société Thévenet,

- Condamné la société Star Lease à régler la somme de 27 123,06 euros TTC à la société Thévenet,

- Ordonné en conséquence la restitution du tractopelle de marque JCB modèle 3CX EC à la société Star Lease, contre restitution concomitante du prix,

Compléter le jugement entrepris de la manière suivante :

- Juger que la restitution du tractopelle JCB modèle 3CX EC de la société Star Lease se fera aux frais de la société Star Lease et/ou de M. [Y], parties succombantes,

- Juger qu'il y aura lieu d'appliquer l'intérêt légal aux condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de la société Star Lease et de M. [J] [Y],

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Thévenet de ses autres demandes,

En conséquence,

Condamner in solidum M. [Y] et la société Star Lease à payer à la société Thévenet la somme de 59 529,32 euros TTC en réparation de ses préjudices annexes, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à intervenir ;

En tout état de cause,

Condamner in solidum M. [Y] et la société Star Lease à payer à la société Thévenet la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de maître Rahon, avocat sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile. »

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera rappelé en premier lieu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu'elle n'a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.

-Sur les constatations de l'expert judiciaire :

L'expert judiciaire décrit de la façon suivante les désordres affectant le fonctionnement du véhicule tractopelle litigieux :

-La dégradation du piston du bloc régulateur de pression hydraulique, de type « grippage », consécutive à un usinage par des particules dans le lubrifiant ;

-La dégradation du tiroir hydraulique du bras de relevage arrière de type « arrachement ou rupture » du traitement de surface.

Il explique que, l'analyse de l'huile ne mettant en évidence que 2 ppm de silicium, il peut être conclu de manière certaine que la dégradation du piston du bloc régulateur de pression hydraulique est une conséquence de la panne de la pompe changée en février 2014 et que l'amorce de dégradation est donc bien antérieure à la vente du 24 avril 2014.

Considérant que l'intervention du garage [D] en février 2014 a été réalisée dans les règles de l'art, il souligne en revanche que du 31 janvier 2012 au 11 février 2014, soit pendant une période de 24 mois, l'historique devrait faire apparaître, selon les préconisations du constructeur, au moins trois voire quatre échanges de la filtration hydraulique, qui n'ont pas été réalisés, et encore que, compte tenu du changement de la pompe hydraulique, qui se trouvait ainsi en configuration de rodage, les filtres auraient également dû faire l'objet d'un remplacement 100 heures après l'échange de la pompe, ce qui n'a pas été effectué, le tractopelle ayant été vendu alors que les filtres avaient 138 heures.

Il insiste sur le fait que les périodicités d'entretien s'entendent en heures ou en temps écoulé et souligne que, M. [Y] ayant acquis le tractopelle le 31 janvier 2012 et la SA Pougnet étant intervenue le 11 février 2014, deux années se sont écoulées sans que les filtres hydrauliques soient remplacés et que l'huile hydraulique soit vidangée, ce qui est contraire aux préconisations du constructeur.

Il expose que le remplacement de la filtration hydraulique était d'autant plus important que le circuit avait subi une pollution non négligeable et que malgré le rinçage du circuit par les établissements [U], il était primordial de procéder au remplacement des filtres qui retiennent les particules issues de la pollution, concluant que cette négligence dans l'entretien courant du matériel et plus particulièrement du circuit hydraulique, a joué un rôle primordial dans les avaries rencontrées.

L'expert conclut en définitive que l'ensemble du circuit a subi une pollution qui a généré inévitablement des dommages sur l'ensemble des pièces composant le circuit hydraulique, usées prématurément, et des pannes sur l'ensemble du circuit, problèmes auxquels les deux professionnels qui sont intervenus, à savoir les entreprises [U] et [D], ne pouvaient remédier.

Il estime que les désordres internes au circuit hydraulique n'étaient pas visibles et ne pouvaient être décelés par l'acquéreur et que ces désordres rendent le matériel inutilisable dans la mesure où sa fonction première est l'utilisation du bras et du godet, outils commandés par le système. Il considère que l'acquéreur en tant que professionnel, aurait dû être spécialement vigilant sur la question de l'entretien du véhicule et exiger des justificatifs ce titre.

L'expert préconise le remontage de la pompe, le nettoyage du circuit et l'échange du bloc de régulation hydraulique ce qui représente selon lui, compte tenu du temps de l'immobilisation, un coût financier de 15'000 euros HT, précisant encore qu'en raison du manque d'entretien du matériel, la remise en état ne permettra pas de garantir l'ensemble du circuit hydraulique dans le temps.

- Sur la responsabilité de M. [Y] et de la SA Star Lease en application de la garantie des vices cachés :

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Suivant l'article 1642 du même code, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

L'article 1643 du code civil prévoit par ailleurs que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

-Sur la recevabilité de l'action à l'égard de M. [Y] :

M. [Y] soutient que l'action en garantie des vices cachés est irrecevable à son égard alors qu'en sa qualité de crédit-preneur, il n'a jamais été propriétaire du véhicule tractopelle, resté la propriété de l'organisme de crédit, la SA Star Lease, puisqu'il n'a pas levé l'option d'achat.

La SARL Thévenet fait cependant valoir à juste titre que le vendeur non propriétaire du bien est redevable de la garantie des vices cachés dès lors qu'il a dissimulé à l'acquéreur sa véritable qualité dans le cadre de la transaction réalisée.[Cass. 1e civ., 18 décembre 2014, pourvoi n° 13-23.868]

Or, en l'espèce, s'il est incontestable qu'en application des clauses du contrat de crédit-bail avec option d'achat, qui a été résilié avant son terme, M. [Y] n'était pas le propriétaire du tractopelle litigieux, il est également établi qu'il s'est pourtant présenté comme tel et qu'il a agi comme s'il avait qualité pour vendre le véhicule, ce qui n'était pas le cas.

Il résulte en effet des éléments du dossier, en particulier des deux factures émises par M. [Y] le 24 avril 2014, que celui-ci, qui était en possession du véhicule litigieux, s'est présenté à l'égard de la SARL Thévenet comme étant propriétaire du bien « conjointement » avec la SA Star Lease (« matériel vendu en semi propriété avec Star Lease que vous avez réglée directement » [Sic]).

Par ailleurs, si M. [Y] expose que la somme que lui a versée la SARL Thévenet correspondait à « la cession du droit de rachat » (sic), sans donner davantage d'explications à ce sujet, il apparaît que sur les deux factures qu'il a établies à l'en-tête de son entreprise le 24 avril 2024, dont l'une pour la totalité du prix (38'100 euros), sans aucune référence à la SA Star Lease, il n'est aucunement mentionné qu'une fraction de la somme facturée était affectée à un droit de cession.

Il convient de préciser que la SA Star Lease a elle-même adhéré à ce montage, dont elle n'explique pas plus que M. [Y] le cadre juridique, puisqu'elle a émis d'une part le 23 avril 2024 un document ayant pour objet « le rachat anticipé total » faisant état du rachat par un tiers personne morale, en l'espèce la SARL Thévenet, d'autre part le 30 avril 2024 une facture au titre de la cession du véhicule au profit de cette dernière, pour une partie du prix seulement, mentionnant la SA Star Lease en qualité de propriétaire du bien.

Il résulte de ces explications que M. [Y] s'est bien ainsi présenté à l'égard de la SARL Thévenet comme le vendeur propriétaire du bien. Il est ainsi redevable de la garantie, de sorte que la fin de non-recevoir qu'il oppose à l'action en garantie des vices cachés a justement été rejetée par le premier juge (sans que ce rejet de ce moyen d'irrecevabilité soit expressément repris dans le dispositif du jugement).

- Sur l'existence de vices cachés, au sens de l'article 1641 du code civil :

Il ressort de la lecture du rapport d'expertise judiciaire, dont la teneur est exposée dans les développements précédents, que l'expert conclut à l'existence d'un défaut affectant le véhicule litigieux préexistant à la vente et le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné.

M. [Y] critique le rapport d'expertise et demande à la cour de l'écarter des débats au motif que l'expert a procédé à l'examen de pièces démontées de l'engin alors que la mission qui lui était confiée concernait uniquement l'examen du tractopelle et qu'en outre les pièces qu'il a été amené à examiner ont été déposées non contradictoirement par le garage [D], avant les opérations d'expertise.

Toutefois, cette argumentation ne résiste pas à l'analyse alors d'une part que « l'examen du tractopelle », dans la perspective de l'analyse des désordres l'affectant, selon la mission donnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Etienne, s'entendait nécessairement comme comprenant l'examen de l'ensemble des pièces composant l'engin, sauf à déposer un rapport carencé, d'autre part qu'aucune critique quant à la traçabilité des pièces déposées par le garage [D] n'a été émise par M. [Y] au cours des opérations d'expertise qui se sont pourtant déroulées dans le respect du contradictoire, enfin que l'expert lui-même, qui s'est montré très précis dans ses constatations, n'a relevé aucune anomalie permettant d'envisager que les pièces qui lui ont été présentées n'auraient pas été les pièces d'origine, ainsi que le certifie M. [P] [D] dans son attestation établie le 19 juillet 2018.

Par ailleurs, M. [Y] soutient que l'antériorité du défaut affectant le véhicule n'est pas démontrée par les explications développées par l'expert [E] dans son rapport. Toutefois celui-ci a répondu clairement aux objections émises par M. [Y] quant à l'hypothèse d'une détérioration du tiroir du distributeur hydraulique du bras arrière postérieurement à son remplacement puisqu'il explique que les rayures présentes sur cette pièce indiquent « sans ambiguïté que le tiroir a fonctionné avec les détériorations ce qui a généré les rayures que l'on constate », étant précisé encore que l'expert exclut formellement que la dégradation constatée résulte d'une usure normale pour ce type de véhicule.

Enfin, il ne peut être considéré que, comme le soutient M. [Y], du fait de sa qualité de « maçon et utilisateur habituel de ce type de matériel », la SARL Thévenet aurait dû déceler les défauts de la chose vendue ou encore qu'elle aurait dû être plus vigilante en exigeant des justificatifs d'entretien de l'engin, ainsi que l'a souligné l'expert : en effet, d'une part il est établi

que plusieurs factures d'entretien ou de réparation, qui n'ont pas été communiquées à l'expert, ont bien été remises à l'acquéreur, d'autre part il apparaît que les désordres à l'origine des dysfonctionnements du véhicule n'ont été révélés qu'au moyen d'une expertise ayant nécessité des investigations approfondies et une étude particulière des préconisations du constructeur en matière d'entretien, préconisations dont l'acquéreur n'était pas supposé avoir une connaissance aiguisée au seul motif qu'il était utilisateur habituel de ce type d'engin dans le cadre de son activité de maçon.

En toute hypothèse, l'expert au-delà de son observation quant à la vigilance particulière dont aurait dû faire preuve l'acquéreur s'agissant de l'entretien régulier du véhicule, conclut que « les désordres internes au circuit hydraulique n'étaient pas visibles et ne pouvaient être décelés par l'acquéreur » de sorte que le caractère caché du vice est établi.

Il ressort en définitive de l'ensemble de ces explications que les conditions d'application des dispositions de l'article 1641 du code civil sont réunies et que la responsabilité des vendeurs au titre de la garantie des vices cachés est engagée.

Il sera observé que si la SA Star Lease soulève dans la discussion de ses écritures l'existence d'une clause d'exclusion de garantie à son profit, elle a formé un appel limité au chef du jugement l'ayant déboutée de sa demande en garantie dirigée contre M. [Y], et qu'elle ne conclut en conséquence dans le dispositif de ses écritures qu'à l'infirmation de ce chef du jugement, sans remettre en cause en revanche sa condamnation au profit de la SARL Thévenet au titre de la garantie des vices cachés.

- Sur les conséquences de la responsabilité de M. [Y] et de la SA Star Lease au titre de la garantie des vices cachés :

Sur l'action rédhibitoire :

Aux termes de l'article 1644 du code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

En l'espèce, la SARL Thévenet entend exercer l'action rédhibitoire. Les conditions d'application de la garantie des vices cachés étant réunies, il y a lieu d'accueillir sa demande.

La configuration du litige est particulière dans la mesure où la vente a été conclue entre M. [Y] et la SA Star Lease d'une part, se présentant comme étant ensemble propriétaires du bien, et la SARL Thévenet d'autre part.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et ordonné la restitution à la SARL Thévenet des sommes versées par celle-ci, tant à M. [Y] qu'à la SA Star Lease, et, en contrepartie, la restitution du véhicule, qui ne peut intervenir qu'au profit de la SA Star Lease, propriétaire du bien. Il convient d'observer que l'impossibilité pour la SARL Thévenet de rendre la chose à M. [Y] ne fait pas obstacle au remboursement de la part du prix payée à ce dernier, à qui cette impossibilité est imputable.

Ainsi que le réclame la SARL Thévenet, il sera prévu que la restitution du véhicule sera faite aux frais de la société Star Lease, et que les sommes allouées au titre de la restitution du prix de vente produiront intérêts au taux légal. Il sera ajouté au jugement sur ces deux points.

Sur la demande de la SARL Thévenet au titre de l'indemnisation des préjudices :

En application des articles 1645 et 1646 du code civil, le vendeur qui connaissait les vices de la chose, est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, tandis que le vendeur qui ignorait les vices de la chose n'est tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente, qui s'entendent des dépenses directement liées à la conclusion du contrat. Au vendeur qui connaissait les vices de la chose est assimilé celui qui, par sa profession, ne pouvait les ignorer. Ainsi, le vendeur professionnel, présumé connaître les vices affectant la chose vendue, est tenu de réparer l'intégralité des dommages subis par l'acquéreur.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient la SARL Thévenet, la qualité de vendeur professionnel de M. [Y], artisan dans le secteur des travaux publics, ne peut être déduite du seul fait que celui-ci aurait procédé lui-même à certaines opérations courantes d'entretien de l'engin.

Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de démontrer que M. [Y] avait connaissance des vices affectant le véhicule alors que, suite à la panne survenue sur le circuit hydraulique le 14 janvier 2014, qui n'a pas dissimulée, il a confié les travaux de réparation au garage [U], ayant réglé à ce titre en février 2014 une facture de 3870 euros TTC, et qu'il pouvait ainsi légitimement penser qu'au contraire le véhicule ne présentait plus de dysfonctionnements et était en état d'être vendu.

De la même façon, la qualité de vendeur professionnel de la société Star Lease, organisme de crédit, n'est nullement établie, étant observé que la SARL Thévenet affirme que celle-ci a « outrepassé ses prérogatives d'établissement financier », sans développer plus avant une argumentation en ce sens et sans produire aucune pièce permettant de prouver le bien-fondé de cette allégation. Il n'est pas davantage démontré que la SA Star Lease avait connaissance du vice affectant le véhicule.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Thévenet de sa demande indemnitaire au titre des préjudices consécutifs à la panne et à l'immobilisation du véhicule litigieux.

-Sur la demande de la SA Star Lease tendant à être garantie par M. [Y] du paiement de la somme de 27'123,06 euros mise à sa charge :

La SA Star Lease dénonce le manquement de M. [Y] à son obligation contractuelle d'entretenir le bien loué et sollicite la condamnation de ce dernier à la garantir du paiement de la somme de 27'123,06 euros due au titre de la restitution du prix de vente en conséquence de la résolution prononcée.

Le premier juge a rejeté cette demande en relevant que le manquement de M. [Y] à son obligation contractuelle d'entretenir le bien loué n'était pas caractérisé alors que celui-ci produisait des factures d'entretien du véhicule litigieux, démontrant qu'il avait fait procéder au changement de la pompe hydraulique, au changement des filtres le 14 janvier 2014, à la réparation de plusieurs fuites, suivant facture du 31 mai 2012, et encore qu'il avait fait l'acquisition de plusieurs pièces d'entretien le 22 août 2012, le 31 mars 2013 et le 30 août 2013.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en garantie, par substitution de motifs toutefois, alors qu'il est constant que la restitution du prix consécutive à la résolution de la vente ne constitue pas un préjudice indemnisable ouvrant droit à garantie.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera confirmé sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Star Lease, appelante principale, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Thévenet la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur d'une autre partie.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Ajoutant au jugement,

- Dit que la restitution du véhicule interviendra aux frais de la SA Star Lease ;

- Dit que les sommes allouées au titre de la restitution du prix de vente porteront intérêts au taux légal ;

Condamne la SA Star Lease aux dépens d'appel, cette condamnation étant assortie au profit de maître [F] [B] du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Star Lease à payer à la SARL Thévenet la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.