CA Colmar, ch. 1-a, 15 novembre 2023, n° 21/04506
COLMAR
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
NÉGOCE MATÉRIEL D'IMPRIMERIE - NMI (SAS)
Défendeur :
IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. WALGENWITZ
Conseillers :
M. ROUBLOT, Mme RHODE
Avocats :
Me SEILLE, Me HARTER
Par jugement rendu le 6 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :
'DIT que la vente du 30 avril 2019 entre la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie et la SARL Imprimerie Nouvelle de Saint-Louis était parfaite ;
DEBOUTE la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie de ses demandes ;
DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie aux dépens ;
DIT n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire'.
Pour se déterminer ainsi, les juges de première instance ont retenu que la vente était parfaite entre les parties au 30 avril 2019, mais que la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE ne justifiait pas de ses préjudices.
La SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée au greffe le 25 octobre 2021.
La SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS s'est constituée intimée le 4 novembre 2021.
Dans ses dernières conclusions en date du 28 septembre 2022, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE demande à la cour de :
DECLARER l'appel principal recevable et bien fondé
Y faisant droit,
Confirmer le Jugement rendu le 6 septembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de MULHOUSE en ce qu'il a :
'DIT que la vente du 30 avril 2019 entre la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie et la SARL Imprimerie Nouvelle de Saint-Louis était parfaite ;'
Infirmer le Jugement rendu le 6 septembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de MULHOUSE en ce qu'il a :
'DEBOUTE la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie de ses demandes ;
DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie aux dépens ;
DIT n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.'
Statuant à nouveau,
Condamner la société IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS à payer à la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie [payer] les sommes suivantes :
' 100.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier subi,
' 5.000,00 euros au titre du préjudice moral,
' 10.000,00 euros pour résistance abusive,
À titre subsidiaire,
Condamner la société IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS à lui livrer à ses frais et sous astreinte de 500 euros par jour de retard le matériel listé au contrat du 30 avril 2019,
En tout état de cause,
Débouter la société IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS de son appel incident ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner la société IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS à lui payer la somme de 10 000 euros pour résistance abusive,
Condamner la société IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS à lui payer la somme de 5 000 euros au titre d l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 5000 € pour la procédure d'appel,
Condamner la société IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS aux entiers dépens de première instance et appel.
Au soutien de ses prétentions, la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE fait valoir qu'au regard de l'accord sur la chose et sur le prix, la vente était parfaite. Elle considère que son préjudice financier est établi puisqu'elle démontre revendre son matériel avec une marge de 30 %, que son préjudice moral est également démontré car elle a été contrainte de restituer un acompte versé à son client et s'est exposée à une procédure judiciaire pour rupture du contrat et que la réticence abusive de l'intimée résulte de sa mauvaise foi et de sa faute lourde.
Dans ses dernières écritures déposées le 24 août 2022, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS demande à la cour de :
SUR L'APPEL PRINCIPAL :
Déclarer la société NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE irrecevable, et en tout état de cause mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;
SUR L'APPEL INCIDENT :
Infirmer le jugement de la Chambre Commerciale du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE du 6 septembre 2021 en ce qu'il :
- DIT que la vente du 30 avril 2019 entre la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie et la SARL Imprimerie Nouvelle de Saint-Louis était parfaite ;
Dire et juger qu'il n'existe pas de rencontre des volontés entre la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie et la SARL Imprimerie Nouvelle de Saint-Louis ;
En tout état de cause,
Confirmer le jugement de la Chambre Commerciale du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE du 6 septembre 2021 en ce qu'il :
- DEBOUTE la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie de ses demandes ;
- CONDAMNE la SAS Négoce Matériel d'Imprimerie aux dépens ;
- DIT n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
En conséquence,
Déclarer la société NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE irrecevable, et en tout état de cause mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;
Déclarer la société IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT LOUIS recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;
En conséquence,
Débouter la société NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;
Condamner la société NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE à payer à la société défenderesse la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
Condamner la société NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE aux entiers frais et dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS soutient qu'en l'absence d'accord de volonté des parties sur la chose et sur le prix, il n'y a pas eu de vente. Elle considère en effet que le bon de commande n'a été signé que pour justifier de la remise d'un chèque de réservation.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 21 décembre 2022 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 23 janvier 2023. A cette date, elle a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 20 septembre 2023 à laquelle elle a été retenue.
Lors de l'audience, la Cour a soulevé d'office la question de la recevabilité de l'appel incident et a permis aux parties de déposer une note en délibéré sur ce point jusqu'au 29 septembre 2023 pour la partie appelante et 9 octobre 2023 pour la partie intimée.
Motivation
MOTIFS :
En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Or, ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'dire et juger' en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que le tribunal n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.
Sur la note de la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS :
Aux termes de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.
L'article 371 du code de procédure civile dispose qu'en aucun cas l'instance n'est interrompue si l'événement survient ou est notifié après l'ouverture des débats.
En l'espèce, par note du 22 septembre 2023, la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS a informé la Cour de ce qu'elle était en liquidation judiciaire depuis le 14 septembre 2022.
Cet événement ayant été notifié après l'ouverture des débats, l'instance n'est pas interrompue.
Sur la recevabilité de l'appel incident :
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 125 du code de procédure civile précise que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours. Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, le jugement de première instance a fait droit à la prétention de la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS et a débouté la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMRIMERIE de ses demandes de dommages et intérêts.
Elle n'a en conséquence pas intérêt pour interjeter appel de ladite décision.
Ainsi, l'appel incident formé par la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS sera déclaré irrecevable.
Sur la recevabilité des demandes de la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE :
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l'espèce, la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS demande à la cour de déclarer la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE irrecevable en ses prétentions.
Toutefois, elle ne fait état d'aucun moyen au soutien de sa prétention d'irrecevabilité de sorte que sa demande ne pourra aboutir.
Sur la demande principale de la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE :
Aux termes de l'article 1583 du code civil, 'la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé'.
L'article 1353 du code civil stipule que 'celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'
En l'espèce, c'est par de justes motifs que la cour adopte, que le tribunal a retenu que la vente conclue entre les parties était parfaite au 30 avril 2019.
Le préjudice financier de la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE ne peut consister qu'en une perte de chance de réaliser une marge lors de la revente du matériel d'imprimerie acquis.
Or, le juge ne peut relever d'office ce moyen qui n'a pas été soumis à la discussion des parties (Cass. Civ 2 ' 25 juin 2020 ' n°18-24402).
La SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE ne rapporte la preuve d'aucun préjudice moral notamment d'aucune atteinte à son image ou à sa réputation. Elle ne justifie d'aucune action en justice qui aurait été intentée à son encontre par un de ses clients en raison de l'échec de la vente conclue avec la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS.
Enfin, sa demande de dommages et intérêts pour réticence abusive ne peut aboutir. En effet, si elle évoque la mauvaise foi et la faute lourde de l'intimée, elle n'expose pas quel serait le préjudice subi en lien avec ces fautes.
En conséquence, la décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a débouté la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE de l'intégralité de ses demandes de dommages-intérêts.
Sur la demande subsidiaire de la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE :
Aux termes de l'article 1217 du code civil, 'la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.'
En l'espèce, la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS démontre que les biens objets du litige ont été revendus à un tiers, non attrait à la présente procédure et dont la mauvaise foi n'est ni alléguée ni établie.
En conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE de sa demande d'exécution forcée du contrat.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement de première instance sera confirmé dans ses dispositions concernant les dépens et frais irrépétibles.
Succombant, la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande en outre de mettre à la charge de la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS, sa demande à ce titre sera rejetée.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 septembre 2021 par le Tribunal judiciaire de Mulhouse,
Y ajoutant,
Dispositif
Déclare irrecevable l'appel incident formé par la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS,
Rejette la demande d'irrecevabilité présentée par la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS,
Condamne la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE aux dépens de l'appel,
Condamne la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE à payer à la SARL IMPRIMERIE NOUVELLE DE SAINT-LOUIS la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette la demande de la SAS NEGOCE MATERIEL D'IMPRIMERIE fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.