CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 13 mars 2024, n° 21/11322
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Karl Conseil (SARL)
Défendeur :
Bouazizem (SASU), Pass Contact (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douillet
Conseillers :
Mme Barutel, Mme Bohée
Avocats :
Me Chemla, Me Verdier, Me Grévellec, Me Lhospitalier, Me Delannoy
EXPOSE DU LITIGE
La société KARL CONSEIL, créée en 2013 et opérant sous l'enseigne CITY AND CO, exerce une activité d'intermédiation en opérations de banque et services de paiement, ainsi qu'en assurance de prêts immobiliers. Elle indique disposer de 12 agences sur l'ensemble du territoire français, et notamment d'une agence dans le [Localité 4].
Elle bénéficie de conventions de partenariat avec des établissements bancaires. Elle perçoit une commission en contrepartie de la réalisation de dossiers de financement au profit de la clientèle présentée.
Elle fait appel à des mandataires ou des courtiers pour prospecter la clientèle grâce à des contacts avec des agences immobilières ou des apporteurs d'affaires.
La société PASS CONTACT a pour activité le courtage en opérations de banque et services de paiement, opérations monétaires, crédit immobilier, crédits à la consommation et assurance de prêt. M. [K] [X] en est le gérant et l'associé majoritaire.
Mme [I] [H] est gérante de la société BOUAZIZEM, créée pour des activités de mandataire intermédiaire en opérations de banque et services de paiement.
Le 28 septembre 2015, les sociétés KARL CONSEIL et PASS CONTACT ont conclu un contrat de mandataire d'une durée indéterminée ayant pour objet la présentation par la société PASS CONTACT à la société KARL CONSEIL de clients désireux d'acquérir un bien immobilier ou d'obtenir le refinancement de leurs crédits.
En septembre 2016, la société KARL CONSEIL a également conclu un contrat de mandataire avec la société BOUAZIZEM, faisant suite à un précédent contrat conclu en mars 2014 avec Mme [H] à titre personnel.
Les sociétés PASS CONTACT et BOUAZIZEM ont mis un terme à leur contrat de mandataire, respectivement le 22 août 2016 et le 5 décembre 2016.
La société KARL CONSEIL a reproché à la société PASS CONTACT, à Mme [H] et à sa société BOUAZIZEM des actes de concurrence déloyale. La société PASS CONTACT, de son côté, a réclamé à la société KARL CONSEIL le paiement de commissions et lui a reproché des actes de dénigrement.
Par actes du 14 février 2019, la société KARL CONSEIL a assigné Mme [H], la société BOUAZIZEM et la société PASS CONTACT devant le tribunal de commerce de Paris en concurrence déloyale. M. [X] est intervenu volontairement à l'instance.
Par jugement rendu le 25 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a notamment :
- débouté la société KARL CONSEIL (CITY AND CO) de la totalité de ses demandes,
- débouté la société PASS CONTACT, M. [X], Mme [H] et la société BOUAZIZEM de leurs demandes reconventionnelles,
- condamné la société KARL CONSEIL (CITY AND CO) aux dépens et à payer à la société PASS CONTACT la somme de 4.000 euros, à Mme [H] et à la société BOUAZIZEM, ensemble, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La société KARL CONSEIL a interjeté appel de ce jugement le 18 juin 2021.
Dans ses dernières conclusions, transmises le 16 octobre 2023, la société KARL CONSEIL, appelante, demande à la cour de :
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil ;
Vu les pièces versées au débat ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de PASS CONTACT, M. [X], la société BOUAZIZEM, Mme [H] ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
débouté la société KARL CONSEIL (CITY AND CO) de ta totalité de ses demandes,
condamné la société KARL CONSEIL (CITY AND CO) à payer à la société PASS CONTACT, la somme de 4.000 euros, et à Mme [H] et la société BOUAZIZEM la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société KARL CONSEIL (CITY AND CO) aux dépens,
- et statuant à nouveau, sur ces chefs :
- enjoindre, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à PASS CONTACT de produire ses bilans et comptes de résultat détaillant le nom des banques et clients lui ayant versés des commissions et honoraires en 2016, 2017 et 2018,
- constater que la société PASS CONTACT, la société BOUAZIZEM, Mme [H] ont commis des actes de concurrence déloyale,
- en conséquence :
- condamner solidairement la société PASS CONTACT, M. [X], la société BOUAZIZEM et Mme [H] au paiement de la somme de 100.000 euros à KARL CONSEIL en réparation de son préjudice économique et de son préjudice d'image,
- condamner solidairement la société PASS CONTACT, la société BOUAZIZEM, Mme [I] [H] et M. [X], à verser la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à KARL CONSEIL,
- condamner solidairement la société PASS CONTACT, la société BOUAZIZEM, M. [X] et Mme [H] aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Me VERDIER, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- en tout état de cause :
- déclarer irrecevables les demandes de la société BOUAZIZEM et Mme [H] tendant à la condamnation de KARL CONSEIL, en l'absence d'appel incident, formé dans les délais, et de demandes tendant à l'infirmation du jugement en ce sens,
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les conclusions d'intimées de la société BOUAZIZEM et Mme [H] seraient déclarés recevables, déclarer irrecevable la demande nouvelle, au sens de l'article 564 du code de procédure civile, tendant à la condamnation de la société KARL CONSEIL à des dommages et intérêts pour « avoir fait de fausses attestations ».
Dans ses dernières conclusions, transmises le 18 septembre 2023, Mme [H] et la société BOUAZIZEM, intimées, demandent à la cour de :
Vu l'article 1134 du code civil,
Vu les contrats,
Vu l'ensemble des pièces du dossier,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de la société KARL CONSEIL,
- en conséquence :
- débouter la société KARL CONSEIL de l'intégralité de ses demandes totalement infondées,
- condamner la société KARL CONSEIL à payer à Mme [H] et la société BOUAZIZEM la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir fait faire de fausses attestations,
- condamner la société KARL CONSEIL à payer à Mme [H] et la société BOUAZIZEM la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 13 septembre 2023, la société PASS CONTACT et M. [X], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :
- sur l'appel principal de la société KARL CONSEIL :
- débouter la société KARL CONSEIL de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
débouté la société KARL CONSEIL de la totalité de ses demandes,
condamné KARL CONSEIL à payer à la société PASS CONTACT la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société KARL CONSEIL aux dépens,
- sur l'appel incident :
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société PASS CONTACT et M. [X] de leurs demandes reconventionnelles,
- et statuant à nouveau :
- condamner la société KARL CONSEIL à payer à la société PASS CONTACT la somme de 4.176,12 € au titre des commissions dues,
- condamner la société KARL CONSEIL à payer à la société PASS CONTACT la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né des actes de dénigrement commis par la société KARL CONSEIL,
- condamner la société KARL CONSEIL à payer à la société PASS CONTACT la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- condamner la société KARL CONSEIL à payer à M. [X] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- condamner la société KARL CONSEIL à payer à la société PASS CONTACT la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société KARL CONSEIL à payer à M. [X] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société KARL CONSEIL aux entiers dépens d'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur le chef non contesté du jugement,
Le jugement n'est pas contesté, et est donc définitif, en ce qu'il a rejeté la demande de la société PASS CONTACT tendant à ce que soit écartée des débats la pièce 6 de la société KARL CONSEIL.
Sur les demandes en concurrence déloyale et parasitisme de la société KARL CONSEIL,
Sur la concurrence déloyale,
La société KARL CONSEIL soutient que Mme [H] et la société BOUAZIZEM, M. [X] et la société PASS CONTACT ont commis à son préjudice des actes de concurrence déloyale ayant entraîné sa désorganisation et ce, aux fins d'alimenter leur propre structure ; qu'ils ont ainsi fait le choix de constituer ensemble, seulement quelques mois après leur départ, une société PASS CONTACT (dont le nom commercial est PRET CURSEUR) et de l'implanter à seulement quelques mètres de son agence du [Localité 4] et qu'ils ont également tenté d'encaisser directement des sommes lui revenant en sollicitant d'une cliente que son chèque venant en règlement de ses honoraires soit libellé à l'ordre d'[I] [H] ; que M. [X], en qualité de président de PASS CONTACT, a plus particulièrement (i) menti en prétendant s'installer à plus de 1 000 kms alors même qu'il a implanté sa société à quelques mètres de son agence du 17ème, (ii) collecté l'intégralité des adresses emails des clients, prospects, et partenaires bancaires de KARL CONSEIL pour transmettre ses nouvelles coordonnées et créé une fausse impression de partenariat entre les deux structures, (iii) adressé à de très nombreux partenaires et clients de KARL CONSEIL, un email par lequel il signifiait son changement d'adresse email ([Courriel 12]), sans indiquer qu'il n'agissait plus en tant que mandataire de KARL CONSEIL, entretenant ainsi l'illusion du mandat en utilisant la même signature que celle qu'il employait durant son contrat avec KARL CONSEIL, (iv) adressé un courriel aux membres de l'association BNI, dont il a pu devenir membre uniquement par l'intermédiaire et avec la participation financière de KARL CONSEIL, via l'adresse email [Courriel 12] tout en indiquant sa nouvelle sa nouvelle adresse e-mail, (v) contacté au cours du seul mois de décembre 2016, au moins 6 partenaires bancaires de KARL CONSEIL, situés à proximité de son agence et sur le même secteur géographique que son ancien mandant, l'obligeant à informer ces partenaires de la fin du contrat de mandataire de M. [X], (vi) dénigré KARL CONSEIL auprès de plusieurs de ses partenaires en prétendant faussement que cette société l'avait lésé de ses commissions ; que Mme [H] a, quant à elle, (i) dénigré pendant plusieurs mois KARL CONSEIL et ses dirigeants, (ii) détourné de nombreux clients en recherche de financement pour la structure concurrente PASS CONTACT, alors que les premiers contacts avaient été réalisés pour le compte de KARL CONSEIL, certains dossiers physiques ayant même disparu ; que la société PASS CONTACT s'est rendue complice de ces agissements et de ce dénigrement, en en profitant indûment ; que les dénigrements commis par M. [X] et Mme [H] ont conduit à la cessation des rapports privilégiés entretenus par KARL CONSEIL avec certains apporteurs d'affaires et partenaires bancaires, entraînant à la fois une baisse de son chiffre d'affaires, la perte des commissions bancaires sur les dossiers perdus et le ternissement de son image auprès de ses clients.
Mme [H] et la société BOUAZIZEM contestent tant la concurrence déloyale que le dénigrement qui leur sont reprochés. Elles font valoir que le contrat entre Mme [H] et KARL CONSEIL a pris fin lorsque Mme [H] a cessé d'exercer son activité avec un statut d'auto-entrepreneur, et a constitué la SASU BOUAZIZEM ; que cette dernière a résilié le contrat qui la liait à KARL CONSEIL quand elle s'est rendue compte de la mauvaise foi de ce partenaire qui avait modifié les termes du contrat sans en informer Mme [H], et ce afin de ne pas payer à BOUAZIZEM une commission exceptionnelle pour l'exercice 2016 préalablement convenue ; que de juin 2017 à janvier 2018, Mme [H] a été salariée de différentes sociétés et n'a exercé aucune activité en sa qualité d'auto-entrepreneur ; que ce n'est qu'en mars 2018, soit plus de quinze mois après la résiliation de son contrat avec KARL CONSEIL, intervenue en décembre 2016, que la SASU BOUAZIZEM a commencé à travailler avec PASS CONTACT ; qu'aucune disposition contractuelle n'interdisait à BOUAZIZEM de poursuivre son activité de mandataire en opérations de banque, ni le contrat de partenariat entre Mme [H] et KARL CONSEIL, ni le contrat de mandataire d'intermédiaire en opération de banque et services de paiement entre KARL CONSEIL et BOUAZIZEM ne prévoyant de clause de non-concurrence post contractuelle ; que les pièces de la société KARL CONSEIL ne démontrent pas le détournement de clientèle prétendu ; que s'il y avait eu détournement, BOUAZIZEM aurait nécessairement perçu des commissions en direct de la part des clients, ce qui n'est pas le cas puisque la société n'a perçu, au titre de l'exercice 2017, d'autres commissions que celles qui lui ont été versées par la KARL CONSEIL (29 526, 12 €) ; que le grief de détournement de banques est inopérant dès lors qu'il n'y a aucune clause d'exclusivité dans les contrats de partenariat entre les courtiers et les banques, celles-ci travaillant avec plusieurs courtiers ; que la cessation des contrats de partenariat bancaire dont se plaint KARL CONSEIL n'a aucun rapport avec le travail de Mme [H] ; que Mme [H] n'a aucunement dénigré KARL CONSEIL mais n'a cessé de faire patienter ses interlocuteurs qui la relançaient régulièrement car leur commission d'apporteur d'affaires n'était pas payée par la société KARL CONSEIL ; que ce sont ces retards ou défauts de paiement récurrents qui ont conduit certains intermédiaires à cesser de travailler avec KARL CONSEIL ; que Mme [H] et sa société n'ont aucunement encaissé un chèque en lieu et place de la société KARL CONSEIL.
M. [X] et la société PASS CONTACT soutiennent qu'ils ne sont en rien responsables de la désorganisation de la société KARL CONSEIL. Ils font valoir que la société PASS CONTACT existe depuis 2010 et que son siège social, initialement situé dans le Val de Marne, a été transféré dans un centre d'affaire parisien indépendamment de la cessation du contrat de mandat avec KARL CONSEIL, et que cette société n'a donc pas été créée et implantée dans le 17ème arrondissement afin de concurrencer l'appelante ; que si un contrat de mandat a bien été conclu entre PASS CONTACT et BOUAZIZEM un an après la cessation du contrat de mandat KARL CONSEIL, la société PASS CONTACT n'a pas embauché Mme [H] ; qu'aucune clause contractuelle n'interdisait à PASS CONTACT ou à Mme [H] d'exercer le courtage à [Localité 14] ; que le démarchage déloyal de la clientèle n'est pas démontré par les pièces adverses ; que le grief de détournement des partenaires bancaires n'est pas plus fondé, KARL CONSEIL ne démontrant pas que les partenaires bancaires soient des clients ni n'établissant le contenu des contacts allégués ; que les courriels adverses montrent au contraire que KARL CONSEIL ne subit aucune désorganisation du fait de la rupture du contrat de mandat conclu avec PASS CONTACT et qu'elle fait mensongèrement état auprès de ses interlocuteurs d'une clause de non concurrence dont serait débitrice PASS CONTACT ; que le détournement de clientèle n'est pas plus établi par le courriel de M. [C] ; que PASS CONTACT n'est pas responsable de la rupture des partenariats bancaires de KARL CONSEIL.
Ceci étant exposé, la cour rappelle que les actes de concurrence déloyale sont sanctionnés au titre de la responsabilité de droit commun prévue à l'article 1240 du code civil lorsqu'ils excédent les limites admises dans l'exercice des activités économiques, au nom du principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Le principe étant celui de la liberté du commerce et de l'industrie, ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale que des comportements fautifs créant un dommage, en violation des usages loyaux du commerce.
Il incombe à la partie qui prétend avoir souffert d'actes de concurrence déloyale d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, il sera d'abord dit que c'est pour de justes motifs, que la cour fait siens, que les premiers juges ont estimé que les contrats liant la société KARL CONSEIL et Mme [H] (contrat de partenariat non daté), la société KARL CONSEIL et la société BOUAZIZEM (contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque et services de paiement en date du 14 septembre 2016), la société KARL CONSEIL et la société PASS CONTACT (contrat de mandataire en date du 28 septembre 2015) ne comportaient pas de clause limitant valablement la possibilité pour Mme [H], la société BOUAZIZEM et la société PASS CONTACT, les mandataires, d'exercer une activité concurrente à celle du mandant (la société KARL CONSEIL) à l'issue de la relation contractuelle, ce point n'étant d'ailleurs pas discuté en cause d'appel.
Il est constant par ailleurs que la société PASS CONTACT a régulièrement résilié le contrat de mandataire, par courrier du 22 août 2016, et a respecté le délai de préavis contractuel de deux mois, la rupture du contrat ayant été effective le 22 octobre 2016, et que la société BOUAZIZEM a procédé pareillement par courrier du 5 décembre 2016 pour une rupture devenue effective le 5 février 2017.
Il est constaté qu'au jour de ces résiliations les relations entre les parties étaient déjà fortement dégradées puisque dans des courriers des 20 septembre et 13 octobre 2016, soit au cours de la période de préavis, M. [X] évoquant la nécessité pour lui, pour des raisons personnelles, de s'installer à [Localité 13], reproche à M. [O] (co-gérant de la société KARL CONSEIL ) d'avoir refusé, en des termes désobligeants, sa proposition de « monter une structure là-bas » qu'il aurait dirigée, ce qui l'avait conduit à rompre la relation contractuelle, et réclame le paiement de commissions ; de son côté, Mme [H], dans son courrier de rupture, accuse la société KARL CONSEIL d'avoir modifié unilatéralement et sans l'en informer, le contrat de mandataire qu'elle avait signé et renvoyé par mail, s'agissant des conditions de sa rémunération, et indique que, pour elle, « l'atmosphère de confiance nécessaire à une collaboration saine et constructive a été irrémédiablement rompue ».
Sur les griefs dirigés contre la société PASS CONTACT et M. [X],
L'extrait Kbis de la société PASS CONTACT montre qu'elle a été immatriculée le 9 avril 2018 avec pour activités principales « courtier en opération de banque et/ou service de paiement, courtier d'assurances et mandataire non exclusif en restructuration de dettes, toutes prestations se rapportant à ces activités », avec une immatriculation d'origine le 27 avril 2010, et que son siège social est au [Adresse 7]. Force est ainsi de constater que son immatriculation ne suit pas de « quelques mois » la résiliation de leurs contrats par les mandataires (22 octobre 2016 et 5 février 2017) et que son siège ne se situe pas « à seulement quelques mètres » de l'agence de la société KARL CONSEIL du [Localité 4], sise [Adresse 9] (cf. notamment courriels 12 à 14 de l'appelante), mais à 1,2 km comme en justifie la société PASS CONTACT (page Google Maps en pièce 41) et comme l'admet au demeurant la société KARL CONSEIL en page 5 de ses écritures.
Le fait que M. [X] a basé le siège social de sa société PASS CONTACT dans le [Localité 4] après avoir indiqué à la société KARL CONSEIL qu'il souhaitait s'installer à [Localité 13] ne peut, en soi, traduire une intention frauduleuse ou même un mensonge délibéré, ne serait-ce qu'en raison du temps écoulé entre la fin de la relation contractuelle avec la société KARL CONSEIL (automne 2016) et la nouvelle immatriculation de la société PASS CONTACT (avril 2018) ayant pu l'amener à changer ses projets, outre que rien n'interdisait à M. [X], qui réside effectivement à [Localité 13], d'installer sa société dans le même arrondissement parisien que celui dans lequel était implantée une agence de la société KARL CONSEIL.
S'agissant du grief de détournement de clientèle, il importe de rappeler en liminaire, que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie implique pour les opérateurs économiques intervenant sur un même secteur d'activité de se mettre en concurrence pour conquérir et retenir la clientèle ; ainsi, le fait pour un opérateur d'attirer vers lui un client et de le détourner d'un concurrent ne constitue pas, en soi, un comportement fautif dès lors qu'il procède d'une saine concurrence exempte de tout comportement contraire à un exercice paisible de la liberté du commerce et de l'industrie ; le détournement de la clientèle d'un concurrent sera en revanche répréhensible s'il résulte de l'emploi, au préjudice de ce concurrent, de manœuvres déloyales et frauduleuses et, plus généralement, de tous moyens illicites caractérisant une faute délictuelle.
En l'espèce, la société KARL CONSEIL produit un courriel du 21 octobre 2016 que M. [X] a adressé à de très nombreux destinataires pour les informer de son changement d'email et les inviter à le contacter, s'ils le souhaitaient, à sa nouvelle adresse électronique [Courriel 12] (pièce 6). M. [X] affirme que cette pièce est un « faux », un brouillon auquel la société KARL CONSEIL a pu accéder au moment de la restitution de son matériel informatique en fin de préavis et qu'elle a édité, mais qui n'a en réalité jamais été envoyé. Il verse au débat une attestation de M. [A], qui figure parmi les destinataires du mail, qui certifie que son cabinet n'a jamais été destinataire de ce courriel, et souligne également, de façon pertinente, que la société KARL CONSEIL n'est pas en mesure de produire le témoignage d'un seul des destinataires prétendus de ce courriel. En outre, l'argumentation selon laquelle M. [X] aurait cherché à créer un lien ou une confusion entre elle et sa société PASS CONTACT/PRET CURSEUR ne convainc pas eu égard à la différence entre l'ancienne adresse électronique de M. [X] ([Courriel 10]) et la nouvelle ([Courriel 12]) qui est de nature à laisser penser au contraire aux destinataires, à la veille du jour de la résiliation effective du contrat de mandataire de la société PASS CONTACT, que M. [X] n'exercera plus son activité pour la société KARL CONSEIL mais pour une autre (nouvelle) structure.
La société KARL CONSEIL produit, par ailleurs, un autre courriel du 27 octobre 2016 de M. [X], émanant de [Courriel 12], ayant en objet « Réunion BNI de demain », adressé à une vingtaine de destinataires pour les informer qu'il ne sera pas présent à une réunion prévue le lendemain. Il n'est pas contesté que BNI est une structure regroupant des professionnels de plusieurs horizons favorisant le réseau de chacun, que la société PASS CONTACT a été membre de BNI pendant l'exécution du contrat de mandat KARL CONSEIL / PASS CONTACT, les frais d'adhésion étant alors acquittés par la société KARL CONSEIL. Dans un courriel du 18 novembre 2016, la présidente de BNI informe M. [X] de l'impossibilité pour lui de rester au sein du groupe dès lors que sa cotisation était payée par son « ancien employeur », la société CITY & CO, mais qu'il lui est possible de postuler au titre de sa nouvelle structure, choix que la société PASS CONTACT indique ne pas avoir finalement effectué. En outre, comme il a été dit, et comme l'a jugé le tribunal de commerce, l'utilisation par M. [X] de sa nouvelle adresse [Courriel 12] exclut un risque de confusion entre les deux entités KARL CONSEIL et PASS CONTACT.
La société verse également au débat un courriel qu'un de ses clients, M. [C], directeur associé de la société U., a adressé à M. [X], sur son ancienne adresse professionnelle @cityandco.fr, le 16 décembre 2016, pour lui proposer un rendez-vous afin que ce dernier lui parle de son projet (« je te propose que nous prenions rendez-vous tout début janvier pour parler de ton projet' »). Les intimés expliquent que M. [C] est le dirigeant d'une société U., spécialisée dans l'accompagnement digital, que M. [X] a rencontré via le réseau BNI et qui l'a contacté pour parler du projet de création d'un site internet pour la société PASS CONTACT. En tout état de cause, le contact que révèle ce courriel n'est pas susceptible de démontrer un détournement de clientèle qui, comme il a été rappelé, en l'absence d'engagement de non concurrence, ne peut être répréhensible qu'en cas de manœuvres déloyales et frauduleuses, nullement établies en l'espèce. Nonobstant l'utilisation de l'ancienne adresse de M. [X] chez CITY & CO, il ne révèle pas non plus, contrairement à ce qui est prétendu, que deux mois après la fin de son préavis, M. [X] était toujours rattaché à la société KARL CONSEIL dans l'esprit de ses clients, le courriel révélant au contraire qu'il était manifestement question, trois mois après la fin du contrat de mandat de la société PASS CONTACT avec la société KARL CONSEIL, d'évoquer le nouveau projet de M. [X], distinct de son activité passée en lien avec la société appelante.
S'agissant du grief de détournement de partenaires bancaires, la société KARL CONSEIL excipe de six courriels qu'elle a adressés à des partenaires bancaires le 16 décembre 2016 pour les informer de ce que M. [X] avait quitté la structure le 22 octobre précédent et que son contrat de mandataire prévoyait une clause de non-concurrence sur le secteur (« et pour cela, nous tenions à vous en informer dans le cas où il souhaiterait vous solliciter en ce sens »). En admettant que ces courriels émanant de la société KARL CONSEIL démontrent des démarches, sur la nature desquelles aucun élément n'est fourni, de M. [X] auprès de ces banques, il reste que M. [X] et sa société, en décembre 2016, après la fin de la relation contractuelle entre les sociétés KARL CONSEIL et PASS CONTACT, étaient libres, pour les besoins de l'activité de la société PASS CONTACT, en l'absence de clause de non concurrence pouvant leur être valablement opposée, de se mettre en relation avec des établissements bancaires (CAISSE D'EPARGNE Ile de France, CREDIT AGRICOLE de [Localité 14], BNP Paribas') à l'égard desquels l'appelante ne peut se prévaloir d'aucun engagement d'exclusivité. Aucun élément ne permet par ailleurs d'imputer à la société PASS CONTACT ou à son dirigeant la décision du CREDIT LYONNAIS en septembre 2015, de la CAISSE D'EPARGNE Ile de France en février 2017 et du CREDIT AGRICOLE Ile de France en décembre 2017, de mettre fin au partenariat qui les liait à la société KARL CONSEIL (pièces 27 à 29 de l'appelante).
Enfin, les faits de dénigrement ne sont pas établis à l'encontre de M. [X], l'attestation de M. [Y] ne mettant en cause que Mme [H].
L'ensemble des motifs qui viennent d'être exposés ne permet pas de tenir pour fondés les comportements de concurrence déloyale reprochés par la société KARL CONSEIL à M. [X] et à la société PASS CONTACT, qui auraient conduit à sa désorganisation.
Sur les griefs dirigés contre la société BOUAZIZEM et Mme [H].
Si Mme [H] indique sur son compte LinkedIn qu'elle travaille comme courtier en prêts immobiliers pour PRET CURSEUR depuis février 2017 et qu'une fiche ORIAS (registre des intermédiaires en assurance, banque et finance) mentionne que la société BOUAZIZEM a exercé une activité de mandataire pour la société PASS CONTACT à compter du 12 mars 2018, rien ne vient corroborer l'affirmation de la société appelante selon laquelle Mme [H] ou sa société auraient contribué à la création de la société PASS CONTACT (PRET CURSEUR). Ayant mis régulièrement fin aux relations entre sa société BOUAZIZEM et la société KARL CONSEIL, non liée par un engagement de non-concurrence à l'égard de cette dernière, Mme [H] était libre de retrouver immédiatement une activité auprès de la société PASS CONTACT.
L'accusation de la société KARL CONSEIL selon laquelle Mme [H] aurait tenté d'encaisser des sommes lui revenant en sollicitant d'un client que son chèque venant en règlement de ses honoraires soit libellé à l'ordre d'[I] [H] repose sur sa pièce 32 qui concerne un échange de mails entre Mme [H] et un client M. J. Cet échange montre, au contraire, que Mme [H] a rectifié une erreur de plume par laquelle elle avait indiqué initialement au client que « l'ordre doit être Karl Conseil et à moi :) » en lui indiquant le jour même : « J'ai oublié le mot non dans mon précédent mail. Le chèque doit être à l'ordre de Karl Conseil et non le mien », puis, le client ayant indiqué ne pas comprendre au nom de qui il devait établir le chèque, qu'elle lui a précisé : « Le nom de l'enseigne est City and co et le nom commercial est Karl Conseil. Le chèque à l'ordre d'[I] [H] ' City and Co ne peut être encaissé (') ». Aucune tentative de détournement de fonds revenant à la société KARL CONSEIL ne peut être retenue au vu du contenu de cet échange.
Pour soutenir qu'il existait une connivence fautive entre Mme [H] et M. [X], la société KARL CONSEIL ne peut utilement tirer argument d'un mail par lequel cette dernière, interrogée par M. [O] (dirigeant de KARL CONSEIL) en décembre 2016 sur la création par M. [X] d'un mandat de recherche non conforme au formulaire mis à disposition par la société, répond que ce dernier se trouvant à l'étranger et ne pouvant « scanner le document avec les montants » avait dû faire un copier-coller, modifiant ainsi la mise en page.
La société KARL CONSEIL produit une attestation de M. [Y], présenté comme courtier en prêts immobiliers et ancien collaborateur de cette société, qui relate, le 1er janvier 2021, que Mme [H], alors qu'elle travaillait pour cette société, affirmait à des partenaires qu'il ne fallait pas faire confiance à CITY & CO, et notamment à Mme [M] (co-gérante), car « elle ne rémunérait pas bien les apporteurs d'affaire ». Cependant, ce témoignage doit être considéré avec circonspection dans la mesure où, ainsi qu'en justifie Mme [H], M. [Y] a été directeur associé de la société KARL CONSEIL, qu'il est mentionné comme associé dans les statuts d'une société [Localité 14] RIVE DROITE INVEST créée en décembre 2019 aux côtés de la société KARL CONSEIL et de ses co-gérants et également associé d'une société CITY AND CO RIVE DROITE créée en décembre 2021, avec la société HOLDING CITY & CO, M. [O] et Mme [M], et que selon une fiche ORIAS éditée en septembre 2023, il exerce depuis 2019 une activité d'intermédiation pour le compte des sociétés KARL CONSEIL et CITY AND CO RIVE DROITE (pièces 19 à 22). La société KARL CONSEIL produit également une attestation de M. [J], agent immobilier, qui indique qu'il a travaillé avec Mme [H] entre 2015 et 216 quand elle était courtière chez CITY & CO et que celle-ci mettait en cause les dirigeants de cette société en leur imputant des manquements sur les dossiers et des retards dans le paiement des commissions. Cet unique témoignage, alors que M. [J] est ou a été apporteur d'affaires pour la société KARL CONSEIL (pièce 16 KARL CONSEIL), ne peut suffire à établir la réalité du dénigrement allégué.
En ce qui concerne le grief le détournement de clients et la disparition de dossiers, la société KARL CONSEIL produit un courrier en date du 15 mai 2017 de M. [O] à Mme [H] qui, en réponse à un courriel de cette dernière réclamant le paiement de commissions, lui oppose notamment qu'un audit a été réalisé sur son activité qui a fait naître des « interrogations » concernant « l'orientation et la finalisation » d'une trentaine de clients avec lesquels un rendez-vous avait été pris et qui avaient signé un mandat de recherche de financement chez CITY & CO, ainsi que six dossier actuellement en banque, et lui demande des explications (pièce 15). Dans un mail du 23 mai 2017, Mme [H] a répondu que les dossiers en banque étaient tous (à l'exception d'un) en attente de signature ou de déblocage des fonds et que les autres avaient été laissés sans suite. La société KARL CONSEIL soutient que Mme [H] a capté ces clients pour la structure concurrente PASS CONTACT. Cependant, Mme [H] fournit une attestation de son expert-comptable (sa pièce 10) qui fait apparaître un chiffre d'affaires de la société BOUAZIZEM pour l'exercice 2017 de 29 526 €, montant qui correspond globalement à des sommes lui ayant été versées par la société KARL CONSEIL en règlement de factures ayant donné lieu à des injonctions de payer, et qui exclut la perception par la société de commissions versées par des clients prétendument détournés. Aucun élément ne vient étayer le grief de disparition de dossiers.
Les griefs adressés à Mme [H] et à la société BOUAZIZEM au titre de la concurrence déloyale n'apparaissent en définitive pas fondés.
Sur le parasitisme,
La société KARL CONSEIL soutient que la société PASS CONTACT, avec le concours de la société BOUAZIZEM et de Mme [H], a cherché à se placer dans son sillage en adoptant un site internet aux caractéristiques, à la construction et à l'allure générale proches du sien ; qu'en particulier, la reprise d'un code couleur proche avec l'emploi d'un fond bleu foncé et d'une écriture blanche et orange, d'un fond d'écran représentant [Localité 14], d'un formulaire de contact et d'un tableau récapitulatif des meilleurs taux négociés, créé une impression visuelle d'ensemble commune visant à créer une confusion dans l'esprit du public qui pourrait s'imaginer que les deux sociétés ont un lien commercial ; que ce faisant, la société PASS CONTACT a fait l'économie des investissements nécessaires à la création d'un site internet original et a profité de sa notoriété.
La société PASS CONTACT répond que la société KARL CONSEIL échoue à caractériser les faits de parasitisme qu'elle invoque, qu'elle ne justifie pas des investissements consentis pour la création de son site, que les sites sont différents, que toute confusion est exclue par l'apposition des noms commerciaux des deux entités concernées et que le site internet KARL CONSEIL cityandco.fr a été refondu depuis, alors que le site pretcurseur.com n'existe plus.
La société BOUAZIZEM et Mme [H] répondent qu'elles ne sont pas propriétaires du site internet de la société PASS CONTACT, dont elles ne sont que les mandataires ; que le site de la société KARL CONSEIL ne présente aucune spécificité, la plupart des sites internet de courtier en prêt immobilier reprenant des photos d'immeubles et de villes et des tableaux de taux, ce qui n'a rien d'original ; qu'il n'y a aucun risque de confusion entre les sites ; que la société KARL CONSEIL a changé de charte graphique et de logo à trois reprises entre 2014 et 2017, une fois après une mise en demeure d'une société tierce ARTEMIS COURTAGE.
Ceci étant exposé, la cour rappelle que le parasitisme, fondé sur l'article 1240 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion. Il requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie intentionnellement une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.
La notion de parasitisme doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, en l'absence de faute résultant d'une captation parasitaire, notamment d'investissements, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
En l'espèce, la comparaison des éléments graphiques des sites internet des sociétés KARL CONSEIL et PASS CONTACT, qui interviennent exactement dans le même secteur d'activité, ne fait pas apparaître de ressemblances injustifiées, tant il est banal que des courtiers en prêts immobiliers présents à [Localité 14] recourent à des vues de [Localité 14] pour leur communication sur internet, avec en particulier la Tour Eiffel (ainsi que le confirme le lien fourni par l'appelante vers un site tiers www.courtier-paris.com), et fassent également apparaître les meilleurs taux négociés par leurs agents. Au demeurant, les photographies figurant dans les écritures de l'appelante (page 13) montrent des différences visuelles significatives entre les deux sites : l'utilisation d'une photographie floutée pour CITY & CO montrant une rangée de réverbères éclairés au premier plan, alors que la photographie du site PRET CURSEUR incriminé représente une vue aérienne des toits de [Localité 14] en plein jour ; couleur bleu vert grisé dominante pour le site CITY & CO au lieu de la couleur bleu marine dominante pour le site incriminé ; logos très distincts :
En outre, la société KARL CONSEIL ne justifie pas d'investissements pour la création de son site, ni ne démontre la notoriété qu'elle invoque.
Mme [H] et sa société BOUAZIZEM ne peuvent voir leur responsabilité recherchée pour parasitisme dès lors qu'elles ne sont pas propriétaires du site de la société KARL CONSEIL et que leur contribution à la construction de ce site n'est nullement explicitée ni même clairement alléguée.
Comme l'a retenu, le tribunal, il n'est pas démontré que la société PASS CONTACT a profité du site de la société KARL CONSEIL et réalisé des économies pour la réalisation de son propre site.
Il résulte des développements qui précèdent que la société KARL CONSEIL doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes tant au titre de la concurrence déloyale que du parasitisme, ainsi que de sa demande liée, relative à la communication par la société PASS CONTACT de documents comptables (bilans et comptes de résultats détaillant le nom des banques et clients lui ayant versé des commissions et honoraires en 2016, 2017 et 2018).
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur les demandes incidentes de la société PASS CONTACT et de M. [X],
Sur la demande en paiement de commissions de la société PASS CONTACT,
La société PASS CONTACT réclame le paiement d'une somme de 4 176,12 € au titre de commissions dues dans le cadre de l'exécution du mandat, soit 1 701,12 € pour un contrat [B] et 2 475 € pour un contrat [F]. Elle fait valoir que M. [F] atteste de la réalité de la prestation qu'elle a fournie et que la société KARL CONSEIL, en toute mauvaise foi, refuse le paiement en lui opposant l'absence de production du mandat signé par le client et de la facture adressée au client, documents qui sont en sa seule possession ; que pour autant, la société KARL CONSEIL ne dément pas avoir signé des mandats avec les clients [B] et [F] et les avoir facturés et encaissés.
La société KARL CONSEIL oppose qu'elle a réglé spontanément les commissions après que celles-ci sont devenues exigibles ; qu'en effet, en application de l'article 6 du contrat de mandataire, KARL CONSEIL n'a pas à régler PASS CONTACT à l'émission de ses factures mais après qu'elle-même a été payée par la banque et ses clients ; que la plupart des factures ont été réglées lorsqu'elle a adressé à PASS CONTACT deux chèques d'un montant total de 13.245,70 euros ; que ne sont pas fournies par la société PASS CONTACT les mandats signés par les clients pour le montant indiqué dans les factures, ni la facture de KARL CONSEIL aux clients qui conditionne les commissions dues aux mandataires ; que les attestations adverses fournies prouvent uniquement que M. [X] a pu être en contact avec des clients pour négocier leurs prêts immobiliers (ce que KARL CONSEIL n'a jamais contesté), mais elles ne démontrent pas que les négociations ont abouti à un versement d'honoraires à KARL CONSEIL.
Le contrat de mandat conclu entre la société KARL CONSEIL et la société PASS CONTACT prévoit en son article 6.1 que les commissions ne seront acquises au mandataire qu'après la signature de l'acte définitif et le premier déblocage des fonds par l'établissement financier au profit du client et que la commission du mandataire sera payée par la société, sur présentation d'une facture, dans le mois suivant le déblocage des fonds et après paiement des honoraires des clients et de la commission bancaire.
La société PASS CONTACT produit l'attestation de M. [F] qui indique que M. [X] l'a accompagné sur son dossier de rachat de prêt immobilier en obtenant un accord de la BNP en 2017, qu'il a obtenu l'accord du crédit et que les offres ont pu être éditées. Elle fournit également le témoignage de M. [L] qui indique qu'il a mandaté M. [X] pour négocier les prêts de ses clients [B], que les prêts ont été négociés, que les clients ont payé les frais pour cette transaction, que M. [X] n'ayant pas perçu ses honoraires, sa commission est toujours en attente depuis le 28 août 2017. Comme l'a jugé le tribunal de commerce, ces attestations ne suffisent pas à démontrer que les conditions stipulées au contrat pour le paiement de ses honoraires au mandataire ont été réunies. Il est observé que la société PASS CONTACT ne produit pas les factures qu'elle aurait dû adresser à la société KARL CONSEIL ni ne justifie de lettres de mise en demeure relativement aux sommes réclamées.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.
Sur les demandes en concurrence déloyale par dénigrement de la société PASS CONTACT,
La société PASS CONTACT soutient que la société KARL CONSEIL l'a dénigrée, ainsi que M. [X], au moyen d'écrits adressés à ses partenaires bancaires.
La société KARL CONSEIL conteste le caractère dénigrant des termes des courriels invoqués.
Comme il a été dit, le 16 décembre 2017, la société KARL CONSEIL a adressé un courriel à plusieurs partenaires bancaires pour les informer de ce que M. [X] avait quitté sa structure le 22 octobre précédent et que son contrat de mandataire prévoyait une clause de non-concurrence sur le secteur « et pour cela, nous tenions à vous en informer dans le cas où il souhaiterait vous solliciter en ce sens ». Le contenu de ce courriel, même s'il est juridiquement inexact, en ce sens que la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de mandat liant les deux sociétés est dépourvue de validité, ce qui n'est pas contesté, ne revêt pas de caractère dénigrant susceptible de jeter le discrédit sur l'activité de la société PASS CONTACT.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de la société PASS CONTACT.
Sur les demandes pour harcèlement de M. [X].
M. [X] se plaint des sollicitations et du harcèlement de la société KARL CONSEIL afin qu'il « reprenne sa démission » et pour lui interdire toute activité de courtier en prêt immobilier, alors même qu'il était hospitalisé en janvier 2017 pour une maladie grave.
La société KARL CONSEIL soutient que M. [X] ne produit aucun document à l'appui de ses allégations de harcèlement.
Les allégations de M. [X] quant aux comportements dénoncés n'étant étayées d'aucune pièce, sa demande ne peut qu'être rejetée.
Le jugement sera confirmé sur ce point également.
Sur la demande incidente de Mme [H] et de la société BOUAZIZEM.
Mme [H] et de la société BOUAZIZEM se plaignent du comportement déloyal de la société KARL CONSEIL, arguant qu'elle a fait établir de « fausses » attestations (attestations [J] et [Y]) à leur encontre, et réclament leur condamnation à leur verser la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts. Elles soutiennent que la fin de non-recevoir qui leur est opposée est elle-même irrecevable.
La société KARL CONSEIL soutient que la demande des intimées est irrecevable, faute d'appel incident formé par ces dernières dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile pour demander l'infirmation du jugement de ce chef, et, à titre subsidiaire, en ce qu'elle constitue une demande nouvelle en cause d'appel. Sur le fond, elle observe que M. [Y] a régulièrement déclaré qu'il avait un lien « de parenté, d'alliance, de subordination, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec les parties » et qu'il était son collaborateur à l'époque des faits dont il témoigne, et que Mme [H] et la société BOUAZIZEM n'ont pas demandé que les attestations en cause soient écartées des débats.
Ceci étant exposé, l'appelant à titre incident doit formuler expressément une demande d'infirmation ou d'annulation dans le dispositif de ses conclusions, faute de quoi la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement (Cass. 2e civ., 1er juil. 2021, no 20-10.694).
En outre, selon l'article 909 code de procédure civile, « L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué ». Et selon l'article 914 code de procédure civile, « Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à : (') déclarer l'appel irrecevable (') déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 (') Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci. (') ».
En l'espèce, il est constant que Mme [H] et la société BOUAZIZEM, dans leurs conclusions, ont demandé la condamnation de la société KARL CONSEIL « pour avoir fait de fausses attestations » sans pour autant demander l'infirmation du jugement de ce chef, de sorte qu'il ne peut être considéré qu'elles ont formé appel incident dans le délai prescrit par l'article 909 code de procédure civile.
Cependant, il découle des articles 909 et 914 combinés du code de procédure civile que la société KARL CONSEIL est irrecevable à invoquer devant la cour l'irrecevabilité de la demande de Mme [H] et de la société BOUAZIZEM au motif que leur appel incident n'a pas été formé dans le délai de l'article 909, dès lors que cette fin de non-recevoir aurait dû être soulevée devant le conseiller de la mise en état par des conclusions d'incident.
Par ailleurs, aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n 'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l 'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
En première instance, Mme [H] et de la société BOUAZIZEM sollicitaient la condamnation de la société KARL CONSEIL « pour procédure abusive », ce qui est distinct de la présente demande pour « fausses attestations » qui doit donc être considérée comme nouvelle en ce qui concerne l'attestation de M. [J] qui était déjà produite devant le tribunal par la société KARL CONSEIL. En revanche, la demande n'est pas nouvelle en ce qu'elle est motivée par la survenance d'un fait nouveau, au sens de l'article 564, à savoir la production pour la première fois en appel par la société KARL CONSEIL de l'attestation rédigée par M. [Y].
Sur le fond, M. [Y] a coché la case « oui » à côté de la mention lien « Lien de parenté, d'alliance, de subordination, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec les parties » et précisé la nature de ce lien en indiquant « ancien collaborateur ». Le fait que cette mention ne reflète pas complètement la réalité de ses liens avec l'appelante comme il a été vu supra ne peut cependant donner lieu à dommages et intérêts, mais seulement conduire la cour à considérer son témoignage comme dénué de valeur probante.
La demande indemnitaire de Mme [H] et de la société BOUAZIZEM sera par conséquent rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles,
La société KARL CONSEIL, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Les sommes qui doivent être mises à la charge de la société KARL CONSEIL au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société PASS CONTACT, M. [X], la société BOUAZIZEM et Mme [H] peuvent être équitablement fixées à 3 000 € pour chacun, ces sommes complétant celles allouées en première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit irrecevable, comme nouvelle en cause d'appel, la demande indemnitaire de Mme [H] et de la société BOUAZIZEM pour « fausses attestations » en ce qu'elle concerne l'attestation de M. [J],
La dit recevable en ce qu'elle concerne l'attestation de M. [Y], mais non fondée,
Condamne la société KARL CONSEIL aux dépens d'appel et au paiement à la société PASS CONTACT, à M. [X], à la société BOUAZIZEM et à Mme [H], chacun, de la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.