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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 mars 2024, n° 22/05171

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Icade (SA)

Défendeur :

W (M.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bodard-Hermant

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Guerre, Me Benfedda, Me Massoni

T. com. Evry, 3e ch., du 23 févr. 2022, …

23 février 2022

FAITS ET PROCÉDURE

La société Icade a pour activité l'acquisition, la vente, la construction et la gérance de tout domaine immobilier ainsi que l'administration de sociétés immobilières. La société Icade vient au droit de la société ANF Immobilier qu'elle a absorbée. La société ANF était la filiale de la société Eurazeo qui a pour activité le placement et la gestion de fonds lui appartenant.

M. [W] [H] est un entrepreneur en bâtiment exerçant en son nom propre sous l'enseigne "TPH".

Le 1er décembre 2004, la société ANF Immobilier (devenue Icade) et la société Eurazeo ont conclu un contrat-cadre avec M. [H] ayant pour objet de lui confier la réalisation de chantiers de rénovation à [Localité 6] sur le patrimoine immobilier de la société Eurazeo.

Par courrier du 19 juin 2006, elle a résilié ce contrat-cadre, invoquant l'absence de cautions au profit des sous-traitants, l'abandon des chantiers et la perte de confiance dans leur gestion.

La liquidation judiciaire de M.[H]-TPH,

Par jugement du 29 juin 2006, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de M.[H]-TPH et a désigné Maître Laurence Riffier mandataire liquidateur.

Par acte du 29 décembre 2006, le liquidateur judiciaire de M. [H] a assigné la société ANF (devenue Icade) devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir des dommages-intérêts pour rupture brutale du contrat-cadre du 1er décembre 2004.

La procédure de liquidation judiciaire ouverte au tribunal de commerce de Nanterre a été clôturée pour insuffisance d'actif le 25 juin 2013.

La procédure pénale à l'encontre de M. [H], 

Parallèlement et à compter du mois de mars 2006, les relations entre la société ANF (devenue Icade) et M. [H] se sont dégradées et le 18 avril 2006, le conseil de surveillance de la société ANF (devenue Icade) a révoqué deux de ses dirigeants allèguant divers manquements aux règles de gouvernance mettant en cause leur relation avec M. [H] et, le 11 mai suivant, a déposé plainte auprès du doyen des juges d'instruction près le tribunal judiciaire de Marseille, des poursuites étant ensuite engagées à l'encontre de M. [H].

Par jugement devenu définitif du 4 juillet 2017, le tribunal judiciaire de Marseille a prononcé la relaxe de M. [H] et des autres prévenus.

La procédure du présent litige commercial,

Entretemps, un avis de radiation de la présente l'affaire a été adressé aux parties par le tribunal de commerce de Paris le 16 février 2012 et celle-ci a été rétablie à la demande de M. [H] le 21 septembre 2017.

Par jugement avant dire droit du 19 mars 2018, le tribunal de commerce de Paris a rejeté la péremption d'instance, soulevée lors de ce rétablissement, par la société Icade. Elle a alors formé un appel-nullité contre ce jugement que le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris, par ordonnance sur incident soulevé par M. [H] , datée du 4 juillet 2019, a déclaré irrecevable.

Enfin, par jugement avant dire droit du 16 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a fait droit à la demande de dépaysement de la société Icade et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce d'Evry qui, par jugement du 23 février 2022, a :

- Dit la demande de la société ICADE de voir prononcer la péremption de l'instance non fondée ;

- Dit que Maître BASSE ès-qualités n'a pas qualité à agir dans la présente instance ;

- Débouté la société ICADE de sa demande de voir Monsieur [H] condamné à lui payer la somme de 463 662,00 € ;

- Condamné la société ICADE à payer à Monsieur [H] :

* la somme de 520 025,00 € portant intérêt au taux légal majoré de 7 points à compter de l'assignation du 29 décembre 2006, au titre des factures impayées et dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ;

* la somme de 432 023,67 €, indemnisant la rupture brutale des relations contractuelles, assortie des intérêts au taux légal à courir du 29 décembre 2006 date de l'assignation et l'a débouté du surplus de sa demande ;

* la somme de 1 950 908,00 €, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation du 29 décembre 2006, au titre de ses dommages et intérêts pour la perte de son fonds de commerce ;

- Débouté la société ICADE de toutes ses demandes plus amples, les disant mal fondées, contraires aux motifs ou devenues sans objet ;

- Condamné la société ICADE à payer à Monsieur [H] la somme de 50 000,00 € au titre de ses frais irrépétibles ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- Mis les dépens de l'instance à la charge de la société ICADE, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 84,48 euros TTC.

La société Icade est appelante de ce jugement, suivant déclaration reçue au greffe de la Cour le 9 mars 2022.

La société Icade, aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 4 décembre 2023, demande à la Cour de :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Vu les articles 31 et 390 du code de procédure civile,

Vu l'article 1134 du code civil (désormais 1103),

Vu l'article L. 442-6 du code de commerce (désormais L. 442-1),

Vu le contrat-cadre,

- Annuler le jugement rendu le 23 février 2022 par le tribunal de commerce d'Evry,

Et statuer à nouveau en application de l'effet dévolutif de l'appel, comme il est sollicité ci-après ;

Subsidiairement,

- Infirmer le jugement rendu le 23 février 2022 par le Tribunal de commerce d'Evry, en toutes ses dispositions - sauf en ce qu'il a jugé Me Basse irrecevable à défaut de qualité à agir - en ce qu'il :

* Dit la demande de la société ICADE de voir prononcée la péremption de l'instance non fondée,

* Déboute la société ICADE de sa demande de voir Monsieur [H] condamné à lui payer la somme de 463.662,00 €,

* Condamne la société ICADE à payer à Monsieur [H] la somme de 520.025,00 € portant intérêt au taux légal majoré de 7 points à compter de l'assignation du 29 décembre 2006, au titre des factures impayées,

* Condamne la société ICADE à payer à Monsieur [H] la somme de 432.023,67 €, indemnisant la rupture brutale des relations contractuelles, assortie des intérêts au taux légal à courir du 29 décembre 2006 date de l'assignation et le déboute du surplus de sa demande

* Condamne la société ICADE à payer à Monsieur [H] la somme de 1 950 908,00 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation du 29 décembre 2006, au titre de ses dommages et intérêts pour la perte de son fonds de commerce

* Déboute la société ICADE de toutes ses demandes plus amples, les disant mal fondées, contraires aux motifs ou devenues sans objet,

* Condamne la société ICADE à payer à Monsieur [H] la somme de 50.000,00 € au titre de ses frais irrépétibles,

* Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

* Met les dépens de l'instance à la charge de la société ICADE, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 84.48 euros TTC,

Et statuant de nouveau, en tout état de cause :

- In limine litis,

* Juger l'incident de péremption recevable et en conséquence,

* Déclarer l'instance éteinte par application de l'article 389 du Code de procédure civile et en conséquence,

* Juger l'action de Monsieur [H] irrecevable en raison de la péremption de l'instance ;

- Subsidiairement :

* Débouter Monsieur [H] de ses demandes, fins et prétentions en ce compris de son appel incident et/ou, très subsidiairement, les diminuer et les ramener à de plus justes proportions ;

- En tous les cas,

* Condamner Monsieur [H] à verser à la société ICADE 50 000 € (cinquante mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

M. [H], aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 14 décembre 2023, demande à la Cour de :

Vu les dispositions de l'article 388 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article L. 442-1 du code de commerce,

Vu les articles 1382 et 1147 (anciens) du code civil, devenus les articles 1240 et 1231-1 du code civil,

Vu l'article 1134 (ancien) du code civil, devenu l'article 1103 du code civil,

Vu le principe de l'estoppel,

Vu le contrat du cadre du 1er décembre 2004,

Vu la norme Afnor NF P 03-001,

Vu la lettre de la société ANF du 27 janvier 2006,

Vu les éléments résultant de la comptabilité de la société ANF,

Vu les articles 1330 (ancien), 1378 du code civil et L 123-23 du code de commerce,

Statuant sur l'appel interjeté par la société Icade à l'encontre du jugement du tribunal de commerce d'Évry du 25 février 2022.

- Déclarer irrecevable la péremption d'instance invoquée par la société Icade.

- Pour le surplus, dire et juger mal fondé l'appel de la société Icade et la débouter de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent.

Statuant sur les demandes additionnelles de M. [W] [H] et son appel incident à l'encontre du jugement du tribunal de commerce d'Évry du 25 février 2022.

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Évry du 25 février 2022 en ce qu'il a condamné la société Icade à payer à M. [W] [H] la somme de 520 025 € au titre des factures impayées, avec intérêts au taux légal majoré de 7 points à compter du 29 décembre 2006, date de délivrance de l'assignation.

- Dire et juger que cette somme portera intérêts avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil et condamner en conséquence la société Icade à payer les intérêts capitalisés à M. [W] [H].

- Condamner la société Icade à payer à M. [W] [H] la somme de 3 454 772 € (480 000 € + 780 000 € + 2 194 772 €) à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2006, date de délivrance de l'assignation, et capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil.

- Ordonner la publication aux frais de la société Icade :

* En première page du site internet icade.fr pour une durée de six mois,

* Dans le rapport annuel de la société Icade de l'année au cours de laquelle l'arrêt à intervenir sera rendu,

* Dans les quotidiens Les Échos et La Tribune, version papier et version digitale,

* Et sur les sites internet WanSquare, Business Immo et lettrem2.com, pour une durée de 2 mois,

Du communiqué suivant :

"Monsieur [W] [H], entrepreneur, a été victime en 2006 d'une rupture abusive de relation commerciale par la société ANF aux droits de laquelle se trouve la société Icade, à la suite d'accusations gravement mensongères, dénuées de fondement en fait et en droit, ayant provoqué sa liquidation judiciaire, le licenciement de ses salariés et la perte de son entreprise et ayant conduit à la condamnation de la société Icade à l'indemniser des conséquences de la résiliation fautive".

- Condamner la société Icade à payer à M. [W] [H] la somme complémentaire de 50 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2023.

SUR CE LA COUR

I - Sur la nullité du jugement

La société Icade soutient, sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile, que le jugement entrepris est nul, au motif que les dernières écritures communiquées par M. [H] au tribunal de commerce ne lui ont pas été adressées alors qu'elles comportaient de nouvelles prétentions auxquelles il a été fait droit, sans qu'il lui soit possible d'y répondre. Elle en déduit que cette violation grave du principe du contradictoire commande l'annulation du jugement entrepris.

M. [H] réplique que la violation du principe du contradictoire ne constitue pas une cause de nullité d'un jugement devant être soulevé in limine litis, dès lors qu'il peut être remédié à une absence de débat contradictoire par la cour qui dispose d'un pouvoir de pleine juridiction. Il en déduit que la péremption d'instance a été soulevée après un moyen de fond. Il ajoute au visa de l'article 860-1 du code de procédure civile, qu'au demeurant la procédure était orale devant le tribunal de commerce d'Evry, devant la formation de jugement duquel le dossier a été longuement plaidé, les avocats de la société Icade ayant répondu à ses demandes et moyens.

La cour retient ce qui suit.

La société Icade soutient qu'il est constant qu'en ce qu'elle l'aurait privée de la possibilité de répondre aux dernières écritures adverses, la violation litigieuse de l'article 16 du code de procédure civile est sanctionnée par la nullité de la décision fondée sur ces éléments non débattus contradictoirement.

Toutefois, elle n'étaye ce propos d'aucun fondement textuel ou jurisprudentiel quant à la sanction encourue.

Or, du fait l'effet dévolutif de l'appel résultant de l'article 561 du code de procédure civile, la chose jugée est remise en question devant la cour en fait et en droit.

Ainsi, à supposer même qu'en dépit du caractère oral de la procédure devant le tribunal de commerce, la société Icade n'ait pas pu débattre utilement devant le juge de première instance des demandes et moyens nouveaux invoqués par M. [H] dans ses dernières écritures, cet argumentaire ne peut être retenu.

II - Sur la recevabilité de la demande tendant à voir déclarer l'instante éteinte en raison de sa péremption

M. [H] soutient au vu de l'article 388 du code de procédure civile que la péremption d'instance doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen, alors que la société Icade a soulevé la péremption de l'instance dans ses conclusions d'appelant à titre subsidiaire, après le moyen tiré de la nullité du jugement pour violation litigieuse de l'article 16 du code de procédure civile qui est un moyen de fond comme soutenu plus haut.

La société Icade réplique qu'il convient de distinguer les notions de moyen et de prétention, qu'ainsi, en cause d'appel, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, la prétention consiste en une demande d'annulation, d'infirmation ou de confirmation du jugement déféré suivie des demandes sur lesquelles il y a lieu de statuer à nouveau en conséquence, à l'appui desquelles le concluant développe des moyens. Elle en déduit que la prétention de voir annuler le jugement déféré "préside toujours les écritures".

La cour retient ce qui suit.

Vu les articles 561 et 562 du code de procédure civile,

Au terme du dispositif de ses premières conclusions, comme de ses conclusions récapitulatives, la société Icade demande à la cour de :

"- Annuler le jugement rendu le 23 février 2022 par le tribunal de commerce d'Evry,

Et statuer à nouveau en application de l'effet dévolutif de l'appel, comme il est sollicité ci-après ; (grisé par la cour)

Subsidiairement,

- Infirmer le jugement rendu le 23 février 2022 par le Tribunal de commerce d'Evry, en toutes ses dispositions - sauf en ce qu'il a jugé Me Basse irrecevable à défaut de qualité à agir - en ce qu'il (...):

Et statuant de nouveau, en tout état de cause (grisé par la cour) :

- In limine litis,

* Juger l'incident de péremption recevable et en conséquence,

* Déclarer l'instance éteinte par application de l'article 389 du code de procédure civile et en conséquence

* Juger l'action de Monsieur [H] irrecevable en raison de la péremption de l'instance"

Ainsi, la société Icade, qui soutient à l'appui de sa demande d'annulation du jugement entrepris, que la péremption de l'instance était acquise dès septembre 2009 et, encore, lors de la demande de rétablissement de l'affaire, formée par M. [H] le 20 septembre 2017 :

- remet en cause le chef du jugement entrepris relatif à la péremption, qui retient que cette demande n'est pas fondée,

- et demande qu'il soit à nouveau statué de ce chef de la péremption, in limine litis, que l'incident de péremption soit déclaré recevable et que l'instance soit déclarée éteinte.

Dès lors, il est vainement soutenu que cette demande de voir la cour statuer à nouveau du chef de la péremption est formée subsidiairement, seule l'infirmation du jugement entrepris étant sollicitée subsidiairement.

En tout état de cause, le jugement entrepris ayant statué du chef de la péremption, la société Icade n'avait d'autre choix, avant de solliciter qu'il soit à nouveau statué sur la péremption, que de demander l'annulation de ce jugement ou son infirmation de ce chef.

La demande tendant à l'irrecevabilité de cette demande qui n'est donc pas fondée doit être rejetée.

III - Sur le bienfondé de la demande tendant à voir déclarer l'instance éteinte comme périmée

La société Icade soutient, sur le fondement des articles 386, 392 et 378 du code de procédure civil et au vu de la chronologie de la procédure de première instance :

- que l'instance était périmée dès septembre2009 puis à nouveau lors de la demande de rétablissement en septembre 2017, de l'affaire qui avait été radiée le 16 décembre 2012,

- que, pendant plus de deux ans à compter du renvoi de l'affaire au rôle d'attente par jugement du 25 septembre 2007, ou de la radiation du 16 décembre 2012, aucune diligence des parties n'a été faite et aucune décision de sursis à statuer y faisant obstacle au sens de l'article 378 du Code de procédure civile n'a été rendue.

Elle conteste toute valeur de décision de sursis à statuer à la mention du 3 décembre 2009 portée sur la jaquette du dossier, au terme de laquelle le tribunal sursoit à statuer et renvoie l'affaire, ce d'autant que cette jaquette n'a été communiquée aux parties que le 3 novembre 2017 à l'occasion de l'incident de péremption élevé lors de la demande de M. [H], le 20 septembre 2017, de rétablissement de l'affaire.

Elle soutient encore :

- que le jugement avant dire droit du tribunal de commerce de Paris du 19 mars 2018 susvisé n'a pas définitivement acquis autorité de chose jugée puisqu'aucun recours n'était ouvert indépendamment du jugement sur le fond et que ce jugement est précisément celui dont appel.

- et que ce jugement confère à tort, pour les raisons énoncées ci-dessus, l'effet interruptif d'un sursis à statuer à la mention précitée portée le 3 décembre 2009 sur la jaquette du dossier.

M. [H] réplique :

- que le jugement avant dire droit du tribunal de commerce de Paris du 19 mars 2018 a jugé que la péremption n'était pas acquise,

- que l'appel-nullité de ce jugement a été, par de justes motifs, déclaré irrecevable par ordonnance d'incident du conseiller de la mise en état du tribunal de commerce de Paris du 4 juillet 2019, qui retient que la mention au dossier litigieuse a bien les qualités requises d'une décision,

- que deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation de 1986 et 1990 retiennent qu'une mention au dossier peut valoir sursis à statuer suspensif du délai de péremption,

- et que la société Icade est de mauvaise foi, dès lors que les parties s'étaient entendues au terme d'un débat contradictoire dès 2007 sur le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, qu'elles ont plaidé le 26 novembre 2009 sur cette demande de sursis à statuer devant le juge rapporteur désigné par le tribunal de commerce de Paris, ce qui a donné lieu , d'une part, à la mention sur la jaquette de la mention au dossier d'une décision collégiale de sursis à statuer et de renvoie de l'affaire au rôle d'attente des parties et, d'autre part, à un avis de décision du 10 décembre 2009 précisant bien que ce sursis à statuer a fait l'objet d'un accord des parties et d'une renonciation à invoquer la péremption.

La cour retient ce qui suit.

Il est constant qu'une mention au dossier n'est pas une décision de sursis à statuer faisant obstacle à la péremption, au sens des articles 386 et suivant du Code de procédure civile, ainsi que l'a jugé un arrêt publié de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dont le sommaire se lit ainsi :

Ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui rejette l'exception de péremption soulevée par une partie en retenant que devant le tribunal de commerce, l'ensemble des parties sont convenues de solliciter le sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur une plainte pénale, de sorte qu'après que la juridiction commerciale a statué en prenant acte de cet accord, ne serait-ce que par mention au dossier, le délai de péremption de deux ans a été suspendu jusqu'à la survenance de l'événement, sans vérifier l'existence d'une décision de sursis à statuer laquelle ne pouvait résulter d'une simple mention au dossier (V. Civ 2, 23 février 1994, n° 9217382, Bull. 1994, II, n° 72).

Par suite, aucune décision de sursis à statuer ne saurait résulter de la mention litigieuse du 3 décembre 2009, même comportant un "dispositif" mentionnant "surseoit à statuer" et des motifs se référant à l'accord des parties "sur le maintien d'un sursis à statuer dans l'attente de la décision au pénal devant le tribunal de Marseille", alors même que le registre d'audience fait état d'une décision de renvoi (pièce appelante L, intitulée jaquette audience du 3 décembre 2009 et pièce appelante F intitulé registre d'audience).

Ainsi, il importe peu que cette décision non minutée ait été prononcée à l'audience publique du 3 décembre 2009 et portée à la connaissance des parties par un avis du 10 décembre 2009, dès lors que selon cet avis "le tribunal ordonne le renvoi de l'affaire citée en référence au rôle de la mise en état", mesure administrative sans portée juridictionnelle, à l'exclusion de tout sursis à statuer (V. Civ 2, 4 mars 2021, n° 1924196).

En conséquence et au vu de la chronologie de la procédure, telle qu'elle résulte des pièces produites, la péremption de l'instance était acquise avant même la mention au dossier litigieuse du 3 décembre 2009, intervenue plus de deux ans après le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 septembre 2007, renvoyant l'affaire "au rôle d'attente du fait des parties" (pièce appelante A), puisqu'aucune décision de sursis à statuer n'a été rendue et qu'aucune diligence des parties n'a été faite dans les deux ans de ce jugement. En tout état de cause, la péremption était acquise, pour les mêmes raisons, lors de la demande de rétablissement de l'affaire, le 20 septembre 2017, radiée, vu l'absence de demandeur, le 16 février 2012 (pièce appelante C).

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau :

- de dire l'instance éteinte en raison de sa péremption.

- en conséquence, de déclarer irrecevable l'action de M. [H].

IV - Sur les demandes accessoires

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

M. [H], partie perdante doit supporter les dépens de l'instance éteinte et l'équité ne commande pas de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement,

Rejette la demande tendant à la nullité du jugement entrepris ;

Rejette la demande tendant voir "déclarer irrecevable la péremption d'instance invoquée par la société Icade" ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Déclare l'instance éteinte en raison de sa péremption ;

Déclare, en conséquence, irrecevable l'action de M. [H] ;

Condamne M. [H] aux dépens de première instance et d'appel et rejette toute autre demande.