CA Versailles, ch civ.. 1-4 copropriete, 13 mars 2024, n° 21/03426
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Syndicat des Copropriétaires de la Résidence Villa Annabella II, Agence Saint Simon (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Trarieux
Vice-président :
Mme Paccioni
Conseiller :
Mme Romi
Avocats :
Me Debray, Me Coppinger, Me Ernst-Metzmaier, Me Loctin
L'immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 3], dénommé Villa Annabella II, a fait l'objet d'un règlement de copropriété en date du 25 juin 2008. Il est composé de trois bâtiments A, B et C.
Suivant acte authentique en date du 3 décembre 2009, M. [I] [H] a acquis, au sein de cet ensemble immobilier, le lot n°338, correspondant selon l'état descriptif de division, au "bâtiment C sur trois niveaux comprenant 7 logements, un jardin privatif, et les 427/10427èmes des parties communes générales de l'ensemble immobilier".
Souhaitant procéder à la division de son lot n° 338 en 10 nouveaux lots distincts correspondant aux 7 logements existants et 3 lots de caves, numérotés de 362 à 371, M. [H] a fait établir un projet modificatif de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété qu'il a transmis au syndic, Agence Saint Simon, par courrier en date du 23 février 2018, sollicitant l'inscription de deux questions à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale des copropriétaires portant sur :
l'adoption du projet de modification de l'état descriptif de division pour y intégrer la division du lot n° 338 en 10 lots numérotés de 362 à 371, la création de nouvelles charges spéciales et la nouvelle répartition en découlant,
la modification consécutive du règlement de copropriété s'agissant de la description des parties communes particulières.
Lors de l'assemblée générale des copropriétaires qui s'est tenue le 17 mai 2018, la résolution n° 21 portant sur la « modification de l'état descriptif de division : subdivision du lot 338 en 10 nouveaux lots » a été rejetée, rendant sans objet les autres résolutions inscrites à l'ordre du jour, consécutives à la modification de l'état descriptif de division.
Par acte d'huissier du 8 août 2018, M. [H] a fait assigner devant le Tribunal judiciaire de Versailles le syndicat des copropriétaires notamment en annulation de la résolution n° 21 de ladite assemblée générale.
Par jugement du 15 avril 2021, le Tribunal judiciaire de Versailles a :
- Débouté M. [H] de sa demande d'annulation de la résolution n°21 de l'assemblée générale du 17 mai 2018 et de sa demande subséquente tendant à entériner la nouvelle répartition des charges contenue dans le projet de modificatif à l'état descriptif de division,
- Condamné M. [H] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejeté ses demandes sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
- Condamné M. [H] aux dépens,
- Dit qu'il ne sera pas fait droit à la demande formée en application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat plaidant et non de l'avocat postulant,
- Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
M. [I] [H] a interjeté appel suivant déclaration du 28 mai 2021 à l'encontre du syndicat des copropriétaires. Il demande à la cour, par ses dernières conclusions transmises par RPVA le 10 février 2022 au visa de la loi du 10 juillet 1965, du décret du 17 mars 1967 et de l'article 700 du code de procédure civile, de :
- Déclarer M. [H] recevable et bien fondé en son appel,
- Infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions et notamment en ce qu'il a :
* Débouté M. [H] de sa demande d'annulation de la résolution n°21 de l'assemblée générale du 17 mai 2018 et de sa demande subséquente tendant à entériner la nouvelle répartition des charges contenue dans le projet de modificatif à l'état descriptif de division,
* Condamné M. [I] [H] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* Rejeté les demandes sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 formulées par M. [I] [H],
* Condamné M. [I] [H] aux dépens,
* Dit qu'il ne sera pas fait droit à la demande formée en application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat plaidant et non de l'avocat postulant,
* Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,
* Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Par suite, statuant à nouveau et y ajoutant,
- Annuler la résolution n°21 prise par l'assemble générale le 17 mai 2018 relative à « la modification de l'état descriptif de division et la subdivision du lot 338 en 10 nouveaux lots »,
- Ordonner consécutivement la nouvelle répartition des charges de copropriété,
- Entériner la nouvelle répartition des charges de copropriété telle que proposée par M. [H] dans son acte modificatif de l'état descriptif (pièce n°13),
- Rejeter toutes demandes, moyens ou prétentions contraires,
- Ordonner que M. [H] soit dispensé de participer à la dépense commune du syndicat des copropriétaires liée à la présente procédure, dont la charge devra être répartie entre les autres copropriétaires,
- Condamner le syndicat des copropriétaires à verser à M. [H] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance ainsi que ceux de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Christophe Debray en application de l'article 699 du Code de procédure civile
Le syndicat des copropriétaire demande à la cour, par ses dernières conclusions transmises par RPVA le 17 novembre 2021, au visa des dispositions de la loi du 10 juillet 1965, du décret du 17 mars 1967 et de l'article 544 et suivants du code civil, de :
- Juger M. [H] mal fondé en ses demandes ;
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Versailles le 15 avril 2021 ;
- Débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes ;
- Condamner M. [H] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 6.053 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [H] aux dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2023.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d'annulation de la résolution n°21 de l'assemblée générale du 17 mai 2018
A l'appui de sa demande d'infirmation du jugement à ce titre, M. [H] fait valoir :
- que les parties communes n'étant pas concernées par le projet de division, le syndicat n'avait pas à autoriser ladite opération de subdivision et celle-ci ne devait pas être soumise au vote, seule devait l'être la répartition des charges résultant de cette subdivision, rappelant qu'il est totalement libre de subdiviser son lot correspondant à une partie privative dont il est seul propriétaire, en autant de lots qu'il le souhaite,
- que les parties communes ne sont pas impactées par le projet de division, notamment la subdivision d'une des caves en deux caves,
- que les parties communes ne sont pas plus impactées par le projet de division en ce que le jardin privatif, quel que soit son statut, partie commune ou partie privative, n'est en rien modifié par le projet de subdivision, soulignant qu'il ne conteste pas que ledit « jardin privatif » est une partie commune spéciale à jouissance privative,
- que le tribunal a fondé sa décision sur le mauvais projet modificatif de l'état descriptif de division, en notant que le « jardin privatif » du nouveau lot ne participait pas aux charges communes spéciales, alors que le second projet établi (et communiqué pour inscription à l'ordre du jour le 13 avril 2018) prévoyait bien une répartition des charges particulières relative aux jardins, notamment au jardin attaché au nouveau lot subdivisé,
- que l'assemblée générale a statué sur une question hors de sa compétence et dans l'intérêt exclusif de nuire à M. [H], notamment sur la base du projet établi par le conseil syndical.
A rebours, le syndicat des copropriétaires soutient :
- que le projet de subdivision en lui-même n'était pas soumis à autorisation mais ses conséquences (modification de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété),
- que l'autorisation de l'assemblée générale était nécessaire car le projet de subdivision, portait au moins pour partie, sur les parties communes (le « jardin privatif ») et entraînait une nouvelle répartition des charges communes spéciales,
- que l'attribution d'un droit d'usage privatif sur une partie commune n'en modifie pas le caractère de partie commune,
- que le fait que le jardin privatif à jouissance privative participe aux charges communes spéciales et continue ensuite après la subdivision dans les mêmes proportions à contribuer aux charges communes spéciales est indifférent,
- que l'assemblée générale, organe délibérant, était parfaitement en mesure de prendre une décision sur un projet qui concernait une partie commune spéciale,
- que M. [H] ne démontre aucun abus de majorité, rappelant que le procès-verbal n'a pas à exposer les motifs d'acceptation ou de refus d'une résolution, et que le conseil syndical a simplement donné son avis sur le projet de subdivision.
Sur ce,
Les moyens soutenus par l'appelant ne font que réitérer sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants.
L'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot, en use et en jouit librement sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.
Il est de principe qu'en l'absence de toute restriction figurant dans le règlement de copropriété, tout copropriétaire a le droit de subdiviser son lot et d'en vendre les fractions à des acquéreurs différents, sans avoir à solliciter du syndicat une quelconque autorisation, sauf si la division du lot envisagée porte atteinte à la destination de l'immeuble ou aux droits des autres copropriétaires.
Il est constant qu'en l'espèce le règlement de copropriété ne réglemente pas la subdivision de lots, en sorte que M. [H] est libre à cet égard et n'a pas à solliciter l'autorisation de l'assemblée à ce titre. Ce qu'il n'a d'ailleurs pas fait.
Il est tout aussi constant que le règlement de copropriété ne fixant pas les modalités de répartition des charges entre les lots issus de la subdivision, l'assemblée générale doit être sollicitée pour approuver la nouvelle répartition des charges entre les lots issus de la subdivision, ce que M. [H] a fait en sollicitant que soit inscrit à l'ordre du jour la nouvelle répartition des charges (Cass. 3e civ., 11 oct. 1995, n° 93-21.887).
La résolution n°21, rejetée, dont il est demandé l'annulation est ainsi rédigée « A la demande de M. [H], modification de l'état descriptif de division, subdivision du lot 338 en 10 nouveaux lots (')
Après délibération, l'assemblée générale :
* approuve le projet modificatif à l'état descriptif de division (')
* approuve la modification consécutive du règlement de copropriété concernant la description des parties communes et plus spécialement les parties communes particulières comme suit (')
* approuve la modification consécutive du règlement de copropriété concernant la description des services collectifs et éléments d'équipement communs en ajoutant ceux-ci (')
* approuve la création de nouvelles charges consécutives à ces modifications (') et la nouvelle répartition des charges telle qu'elle figure au projet annexé (') ».
Il ressort ainsi que la résolution avait pour objet d'approuver la répartition des charges et la modification du règlement de copropriété qui s'en suivait.
En l'espèce, ainsi que l'a relevé à juste titre le jugement entrepris, la subdivision du lot en plusieurs lots entraînait non seulement une nouvelle répartition des charges mais également avait un impact sur les parties communes puisque le « jardin privatif » attaché au lot subdivisé est une partie commune, ce que ne conteste d'ailleurs plus M. [H] à hauteur de cour, en sorte que l'assemblée avait compétence et devait se prononcer sur cette nouvelle répartition des charges et sur le modificatif de règlement de copropriété.
Il reste qu'une résolution d'assemblée générale peut être annulée pour abus de majorité.
Pour autant, il appartient au copropriétaire qui sollicite cette annulation de démontrer que la décision a été prise dans un intérêt autre que l'intérêt collectif, dans l'intention de nuire ou en rompant l'égalité entre les copropriétaires.
Ni la loi du 10 juillet 1965, ni le décret du 17 mars 1967, n'imposent que la motivation des délibérations des copropriétaires figure sur le procès-verbal, en sorte que l'absence de motivation au rejet d'une résolution ne permet pas de présumer en soi un abus de droit.
Ainsi qu'il a été vu, l'autorisation de l'assemblée générale était nécessaire dans la mesure où la subdivision entraînait une modification du règlement de copropriété. En outre, l'assemblée générale peut, dans le cadre de ses pouvoirs généraux, à l'occasion de l'examen de ce type de résolution, contrôler les conditions dans lesquelles intervient la division de lots, notamment vérifier qu'elle ne porte pas atteinte à la destination de l'immeuble.
En l'espèce, M. [H] affirme que l'assemblée générale s'est prononcée sur une question hors de sa compétence, contre son projet, dans l'intérêt exclusif du groupe majoritaire, dans le seul but de lui nuire, s'appuyant pour cela sur le rapport du conseil syndical joint à la convocation de l'assemblée générale. Toutefois ce rapport illustre en réalité les questions que pouvaient susciter ce projet de subdivision notamment en termes d'impact pour la copropriété, qui est récente et de bon standing, puisque le projet annoncé de M. [H] était la vente des lots. Il ne ressort toutefois pas de ce rapport que la copropriété aurait eu la volonté de nuire à M. [H], mais seulement d'évoquer les implications du projet et de préserver la copropriété.
A titre surabondant, il sera noté que M. [H] se contente d'affirmer qu'il y aurait un abus de majorité, sans caractériser en quoi le refus de la copropriété serait contraire à l'intérêt collectif.
Par conséquent, M. [H] n'établit pas que la décision de rejet est contraire aux intérêts collectifs de la copropriété ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels de copropriétaires majoritaires au détriment de copropriétaires minoritaires.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a retenu aucun abus de majorité et a rejeté la demande d'annulation de la résolution n°21 de l'assemblée générale du 17 mai 2018.
Sur la demande de répartition judiciaire des charges
Au visa de l'article 11 de la loi du 10 juillet 1965, M. [H] sollicite la validation de la nouvelle répartition des charges proposée dans le cadre de son projet modificatif, faisant valoir que le tribunal s'est basé sur une répartition erronée pour refuser de l'entériner, alors même qu'avant la convocation de l'assemblée, il avait transmis au syndic le nouveau projet et qu'aucun élément ne vient s'opposer à cette répartition judiciaire.
Le syndicat des copropriétaires, à l'inverse sollicite la confirmation du jugement à ce titre et le débouté de M. [H], soutenant que le refus d'approbation n'était pas dépourvu de motif légitime.
Sur ce,
L'article 11 de la loi du 10 juillet 1965, invoqué par l'appelant, dans sa version applicable à l'espèce prévoit que « en cas d'aliénation séparée d'une ou plusieurs fractions d'un lot, la répartition des charges entre ces fractions est, lorsqu'elle n'est pas fixée par le règlement de copropriété, soumise à l'approbation de l'assemblée générale statuant à la majorité prévue à l'article 24. A défaut de décision de l'assemblée générale modifiant les bases de répartition des charges dans les cas prévus aux alinéas précédents, tout copropriétaire pourra saisir le tribunal de grande instance de la situation de l'immeuble à l'effet de faire procéder à la nouvelle répartition rendue nécessaire ».
Cette demande d'autorisation judiciaire n'est recevable que pour autant qu'il y ait une aliénation des lots. Or force est de constater qu'aucune vente des lots n'est justifiée par M. [H].
A cet égard, il sera relevé que M. [H] ne peut à la fois, sans se contredire, contester la compétence de l'assemblée générale pour approuver une répartition des charges, laquelle est pourtant prévue par l'article 11 précité en cas d'aliénation des lots, et s'en prévaloir ensuite pour solliciter une répartition judiciaire des charges.
A titre surabondant, il sera observé que la décision de refus de l'assemblée générale n'ayant pas été annulée, son refus étant légitime, aucun élément ne justifie cette autorisation judiciaire.
En conséquence, il convient de débouter M. [H] de sa demande tendant à l'approbation de la nouvelle répartition des charges telle que proposée et de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] de cette demande.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris a statué sur les dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile et statué en équité sur l'indemnité de procédure.
Le sens de l'arrêt ne justifie pas que M. [H] soit dispensé de sa participation à la dépense commune des frais de procédure.
M. [H], dont le recours échoue, doit supporter les dépens d'appel, et l'équité commande de la condamner comme suit en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [H] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [H] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à [Localité 3] (78) une indemnité de procédure de 4.000 euros ;
Rejette toute autre demande.