CA Rennes, 5e ch., 13 mars 2024, n° 23/04655
RENNES
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
Lamotte Constructeur (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Champion
Conseillers :
Mme Parent, Mme Hauet
Avocats :
Me Le Rol, Me Castres
Par acte sous seing privé en date du 20 février 2017, la société par actions simplifiée Lamotte constructeur a donné à bail commercial à Mme [Z] [N] et à M. [K] [T] un local à usage commercial situé [Adresse 7] à [Localité 6], pour un loyer annuel de 24 000 euros HT/HC, payable mensuellement et d'avance, outre le remboursement par les locataires à leur bailleur de la taxe foncière et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Une provision mensuelle, à valoir sur le règlement des charges, a également été stipulée. Le bailleur a, par ailleurs, consenti aux preneurs des mesures d'accompagnement mais les parties ont, toutefois, convenu d'un surloyer, exigible durant sept années, en conséquence de travaux financés par le bailleur.
Par un avenant en date du 22 juin 2017, la société à responsabilité limitée HBL est venue aux droits et obligations de Mme [Z] [N] et à M. [K] [T].
Par acte d'huissier en date du 03 août 2022, le bailleur a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer la somme en principal de 71 874,38 euros, correspondant à des loyers restés impayés du 1er octobre 2018 au 31 juillet 2022. Ce commandement visant la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, reproduisait les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce.
Par un nouvel acte d'huissier du 28 février 2023, la SAS Lamotte constructeur a ensuite fait assigner la société HBL, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes, en constatation de la résiliation du bail les liant et expulsion des lieux précités pour défaut de paiement des loyers.
Par ordonnance en date du 7 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Rennes :
- a ordonné l'expulsion de la société HBL, de sa personne et de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef du local commercial situé [Adresse 7] à [Localité 6],
- l'a condamnée à payer, en deniers ou en quittances, à la SAS Lamotte constructeur, une indemnité provisionnelle d'occupation égale à 3 590,83 euros TTC par mois à compter du 03 septembre 2022 et jusqu'à la libération complète des lieux,
- l'a condamnée à payer à la même et dans les mêmes formes, la somme provisionnelle de 86 599,58 euros TTC au titre de sa dette locative, pour la période du 1er mai 2017 au 31 décembre 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 03 août 2022 pour les seules sommes échues à cette date et au fur et à mesure de leur échéance, pour les sommes non encore échues,
- a condamné la société HBL aux dépens de la présente instance, dont la liste est limitativement fixée par l'article 695 du code de procédure civile,
- l'a condamnée à payer à la SAS Lamotte constructeur la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles,
- a rejeté toute autre demande, plus ample ou contraire.
Le 28 juillet 2023, la société HBL a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de dernières écritures notifiées le 4 décembre 2023, la société HBL et la société GOPMJ, intervenante volontaire, demandent à la cour de:
- dire recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la société GOPMJ, prise en la personne de maître [M] [U], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société HBL,
- infirmer l'ordonnance entreprise,
Statuant de nouveau,
- déclarer irrecevables les demandes de la société Lamotte Constructeur,
En tant que de besoin,
- constater la caducité de l'ordonnance dont appel,
- se déclarer dessaisie,
En tout état de cause,
- condamner la société Lamotte Constructeur à verser à la société HBL et à l'intervenant volontaire, chacune, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Société Lamotte Constructeur aux entiers dépens d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2023, la société Lamotte Constructeur demande à la cour de :
- constater la caducité de l'ordonnance dont appel,
- débouter la société HBL et son mandataire judiciaire de leur demande en paiement d'une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, chacune des parties conservant à sa charge ces derniers.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société HBL a été placée en redressement judiciaire le 30 août 2023 par le tribunal de commerce de Rennes. La société GOPMJ, prise en la personne de Me [M] [U], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de la société GOPMJ, prise en la personne de Me [M] [U], en qualité de mandataire judiciaire.
L'article L 622-21du code de commerce dispose :
Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1o A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent;
2o A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
L'article L 622-22 du code de commerce dispose :
Sous réserve des dispositions de l'article L 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article . 626-25»dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
L'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'art. L 622-21 du code de commerce (Ccass ch.com. 19 sept. 2018, no 17-13.210).
Les dispositions précitées interdisent en l'espèce au bailleur de poursuivre l'action en résiliation du bail pour non-paiement des loyers.
La société Lamotte Constructeur ne formule devant la cour aucune demande, sollicitant également la caducité de l'ordonnance de référé.
L'ordonnance est infirmée et il est constaté que la société Lamotte constructeur ne formule aucune demande.
La cour considère que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie conservera la charge des ses dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :
Déclare recevable l'intervention volontaire de la société GOPMJ, prise en la personne de maître [M] [U], mandataire judiciaire de la société HBL ;
Infirme l'ordonnance de référé en date du 7 juillet 2023 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Constate qu'il n'est formulé aucune demande par la société Lamotte Constructeur ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.