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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. a, 29 février 2024, n° 19/02885

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Mylan Medical (SAS), Caisse Primaire Assurance Maladie du Rhône

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

Mme Clement, Mme Isola

Avocat :

Me Pichon

TGI Lyon, 4e ch., du 18 mars 2019, n° 18…

18 mars 2019

Exposé du litige

Le 14 octobre 2015, Monsieur [O] [N] a été vacciné contre la grippe avec le vaccin Influvac produit par le laboratoire Mylan Médical.

Il a ressenti par la suite d'importantes douleurs au bras gauche. Une névrite amyotrophiante autrement dénommée syndrome de Parsonage Turner (ci-après SPT) a été diagnostiquée en février 2016.

M. [N] a saisi la Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Rhône-Alpes (CCI). Celle-ci a désigné deux experts en pharmacologie et en neurologie. Au vu de leur rapport et par avis du 15 mars 2017, la CCI a conclu à une imputabilité douteuse ainsi qu'à l'absence de défaut du produit et a considéré que le cas de M. [N] ne relevait pas de la solidarité nationale.

Suivant actes d'huissier des 1ers mars et 15 mars 2018, M. [N] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lyon la société Mylan Médical et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône afin que le laboratoire soit condamné à indemniser son entier dommage sur le fondement des dispositions relatives aux produits défectueux et qu'une nouvelle expertise soit organisée.

Par jugement du 18 mars 2019 énonçant que M. [N] a développé le SPT après sa vaccination mais ne rapporte pas la preuve du caractère défectueux du vaccin ni d'une imputabilité entre le produit et le dommage, le tribunal de grande instance de Lyon l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux dépens et au paiement à la société Mylan Médical d'une somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 24 avril 2019, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 22 juillet 2019, M. [N] demande à la cour d'accueillir l'appel comme recevable et bien fondé, y faisant droit, de réformer le jugement du 18 mars 2019 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

- à titre principal,

Déclarer le laboratoire Mylan responsable de la survenue de l'atteinte neurologique à raison de la défectuosité du vaccin antigrippal Influvac injecté le 14 octobre 2015,

Condamner le laboratoire Mylan à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices,

Ordonner une expertise avant dire droit sur les demandes indemnitaires aux fins de fixer une date de consolidation et d'évaluer les préjudices définitifs, avec la mission qu'il propose,

Condamner le laboratoire Mylan à lui verser une provision de 10.000 euros.

- à titre subsidiaire, ordonner une nouvelle expertise confiée à un nouveau collège d'experts avec la mission qu'il propose

- en tout état de cause, déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la CPAM,

Condamner le laboratoire Mylan à lui verser 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner le laboratoire Mylan aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 18 octobre 2019, la SAS Mylan Médical demande à la cour de :

A titre principal,

- dire et juger que la preuve de l'imputabilité de la névrite amyotrophique ou Syndrome de

Parsonage Turner à l'injection d'Influvac n'est pas rapportée;

- dire et juger que la société Mylan Médical n'est pas responsable de la survenance du Syndrome de Parsonage Turner et de ses conséquences,

A titre subsidiaire, si la cour devait imputer la névralgie amyotrophique à l'injection d'Influvac du 14 octobre 2015:

- dire et juger que la société Mylan Médical a communiqué une information complète sur les effets indésirables du vaccin Influvac,

- dire et juger que la preuve d'un défaut de l'Influvac n'est pas rapportée par l'appelant,

En toute hypothèse,

- dire et juger que la société Mylan Médical n'est pas responsable du dommage invoqué et de ses conséquences,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes;

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes principales, en ce compris sa demande de provision et sa demande d'expertise sur la liquidation des préjudices invoqués,

- débouter M. [N] de sa demande d'expertise complète formulée à titre subsidiaire,

- débouter M. [N] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [N] aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Me Laffly, avocat sur son affirmation de droit, ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 euros au laboratoire Mylan au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, à qui M. [N] a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions, n'a pas constitué avocat. Le présent arrêt sera en conséquence réputé contradictoire.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2020.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

Les experts de la CCI rapportent que le SPT est une pathologie neurologique rare (1 à 2 cas pour 100.000), touchant préférentiellement les hommes, faisant partie des névralgies amyotrophiques et pouvant survenir à la suite ou au décours d'un traumatisme, d'une intervention chirurgicale, d'une vaccination, d'une maladie de système voire d'une infection, ce qui fait évoquer une origine auto-immune.

Sur l'imputabilité du syndrome Parsonage Turner à la vaccination Influvac

L'injection du vaccin a eu lieu le 14 octobre 2015. Il ressort des conclusions des experts que M. [N], retraité et auto-entrepreneur depuis sa retraite, a ressenti une sensation de froid au niveau du bras gauche qui avait reçu l'injection trois ou quatre semaines après l'administration du vaccin, puis fin décembre 2015 une douleur aiguë à l'épaule, et a consulté son médecin traitant le 26 janvier 2016 en raison d'une douleur persistante à l'épaule. Le 9 février 2016, un neurologue a diagnostiqué un déficit moteur du membre supérieur gauche et évoqué un SPT.

Les experts ont noté que M. [N] a consulté à huit reprises entre le 9 février et le 25 mars 2016, ce qui a entraîné un chevauchement de prescriptions de médicaments de la même classe. M. [N] a indiqué qu'il consultait afin de trouver le moyen de calmer ses douleurs.

Les experts en ont déduit que les premières manifestations du SPT, qui se traduisent généralement par de vives douleurs, ainsi que l'indique le Dr [P] dont le laboratoire Mylan produit un avis, sont survenues dans un délai compatible avec la date de vaccination, en précisant qu'un délai de 6 à 8 semaines environ entre la vaccination et les symptômes est couramment évoqué. En l'espèce, trois mois se sont écoulés entre la vaccination et les premières douleurs révélatrices de la maladie. En effet, les consultations de M. [N] entre le 9 février et le 25 mars démontrent a contrario qu'il n'a pas ressenti de douleurs comparables avant cette période, ce qui accrédite l'apparition des symptômes après un délai supérieur à la moyenne observée.

En appliquant la méthode française de recherche d'imputabilité, les experts désignés par la CCI ont conclu que celle-ci était douteuse.

En appliquant d'autres méthodes (méthode nord-américaine dite Naranjo, méthode de l'OMS), ils ont obtenu un score correspondant à une imputabilité possible.

Le médecin traitant de M. [N] indique que les symptômes sont apparus en janvier 2016 (certificat du 12 avril 2016), ce qui confirme les conclusions expertales fixant les premiers symptômes à plus de trois mois de la vaccination. Il en résulte qu'en l'absence d'un bref délai, inférieur à 8 semaines, entre l'administration du vaccin et l'apparition de la maladie, et quoique M. [N] ne présente pas d'antécédents familiaux ou personnels, en l'absence d'éléments supplémentaires de nature à constituer un faisceau d'indices, la preuve d'une imputabilité certaine, ou même seulement probable du SPT souffert par M. [N] à la vaccination n'est pas rapportée.

M. [N] n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions des experts désignés par la CCI, sa demande d'une nouvelle expertise ne peut être accueillie.

Dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la défectuosité du produit, le jugement qui l'a débouté de ses demandes sera confirmé.

M. [N], partie perdante, supportera les dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Laffly, avocat, et sera condamné à payer à la SAS Mylan médical une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe :

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 18 mars 2019 ;

Y ajoutant,

Condamne M. [N] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Laffly, avocat, et à payer à la SAS Mylan médical une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.