CA Rennes, 2e ch., 8 mars 2024, n° 21/04239
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Smabtp Samcv
Défendeur :
Mma Iard (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Christien
Conseillers :
M. Pothier, Mme Barthe-Nari
Avocats :
Me Lhermitte, Me Boivin, Me Peltier, Me Pelois, Me Roux-Montalembert
La société Alu Rennais assurée par la SMABTP s'est vue confier le lot menuiseries extérieures d'un immeuble de bureau comprenant notamment la fourniture et la pose de brise-soleil orientables mécanisés.
La société Alu Rennais s'est fournie auprès de la société Aluminium Blanc International (la SAB) assurée auprès de la MMA IARD.
A la suite de désordres affectant les brise-soleil, la SMABTP a versé à l'assureur du maître de l'ouvrage la somme de 47 619,52 euros, la société Alu Rennais lui reversant la somme de 4 761,95 euros au titre de la franchise.
Par actes du 30 avril 2015, la société Alu Rennais et la SMABTP ont assigné la SAB et la société MMA, devant le tribunal de grande instance de Rennes, en paiement des sommes de 42 857,57 euros et 4 761,95 euros, sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Suivant jugement du 08 juin 2021, le Tribunal judiciaire de Rennes a :
- Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la Sab à l'action en garantie des vices cachées ;
- Rejeté les demandes de la société Alu Rennais et de la SMABTP ;
- Condamné in solidum la société Alu Rennais et la SMABTP aux dépens ;
- Condamné in solidum en application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Alu Rennais et la SMABTP à payer à la société Aluminium blanc international la somme de 1 800 euros et à la société MMA IARD la somme de 900 euros
La société Alu Rennais et la SMABTP sont appelantes du jugement et par dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2022, elles demandent de :
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'action de la SMABTP et de la Société Alu Rennais comme étant mal fondée et les a condamnées au paiement des frais irrépétibles et dépens
et statuant à nouveau :
- Condamner in solidum la Société SAB et son assureur MMA à verser à SMABTP la somme de 78 299,26 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de l'assignation devant le Tribunal Judiciaire de Rennes.
- Condamner in solidum la Société SAB et son assureur MMA à verser à la Société Alu Rennais la somme de 4 561,95 € avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de l'assignation au fond devant le Tribunal Judiciaire de Rennes.
- Débouter les Sociétés SAB et MMA de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.
Réformant le jugement sur les dispositions de l'article 700 en première instance et des dépens et statuant à nouveau :
- Juger n'y avoir lieu à article 700 au bénéfice de SAB et MMA au titre du jugement et les débouter de leurs prétentions.
- Condamner in solidum la société SAB et les MMA à verser à chacun des concluants la somme de 3 000 euros par application de l'article 700, et condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Par dernières conclusions notifiées le 29 juin 2023, la SAB demande de :
- Recevoir la société SAB en son désistement d'appel incident du chef de la prescription de l'action en garantie des vices cachés
- Confirmer le jugement du 8 juin 2021 en ce qu'il a rejeté les demandes des sociétés Alu Rennais et SMABTP fondées tant sur la garantie des vices cachés que sur la responsabilité contractuelle
- Confirmer le jugement du 8 juin 2021 en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Alu Rennais et SMABTP à verser à la société SAB une somme de 1'800 € au tire de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles et les entiers dépens de première instance
Y ajoutant,
- Condamner in solidum les sociétés Alu Rennais et SMABTP à verser à la société SAB une somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC pour les frais irrépétibles d'appel
- Condamner in solidum les sociétés Alu Rennais et SMABTP aux entiers dépens de l'instance d'appel
- Autoriser le recouvrement des dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2023, la MMA IARD demande de :
- Confirmer le jugement rendu le 8 juin 2021 par le Tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Alu Rennais et de la SMABTP tant sur le fondement de la garantie des vices cachés que sur l'obligation de conseil
- Juger que la société MMA IARD n'a pas vocation à garantir la société SAB des sommes qui pourraient être mises à sa charge au titre de l'indemnisation des désordres causés aux produits fournis par elle à la société Alu Rennais
En conséquence
- Débouter la SMABTP et la société Alu Rennais et la société SAB de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société MMA ;
- A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait considérer que la responsabilité de SAB était engagée et des garanties souscrites auprès des MMA mobilisables, les franchises devront être déduites des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre des MMA
- Condamner la société Alu Rennais et la SMABTP à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la garantie des vices cachés :
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus
La SMABTP et la société Alu Rennais font grief au jugement d'avoir rejeté leurs demandes engagées sur le fondement de la garantie des vices cachés en ce qu'il ressort des différents rapports d'expertise que les dysfonctionnements des brise-soleil résultaient d'une inadaptation de la puissance des vérins actionnant le système au regard du nombre, de la taille et du poids des lames actionnées.
Les conclusions des différents rapports d'expertise produits aux débats ne sont pas utilement contestées en ce qu'ils retiennent que les désordres affectant le système de brise-soleil équipant le bâtiment résultent d'un nombre insuffisant de vérins au regard du nombre de lames devant être actionnées par chacun d'eux, l'ouvrage ayant été conçus pour la mise en oeuvre de 12 ou 13 lames par vérins, alors que les experts concluent que ce nombre est trop important et aurait du, suivant les experts, se situer entre 2 pour l'un et jusqu'à 5 pour un autre au vu de la configuration de l'équipement et des contraintes du bâtiment.
La société Alu Rennais reproche à la société SAB d'avoir livré des ensembles inadaptés puisque les vérins livrés ne pouvaient actionner correctement les ensembles de lames.
Il convient de relever que la société Alu Rennais est une entreprise de fabrication et pose de menuiseries aluminium. Suivant les éléments portés sur son site internet, elle se prévaut de son savoir-faire en matière de réalisation de brise-soleil fixes ou orientables.
Le bon de commande du 19 juin 2007 fait suite à l'établissement d'un devis de fourniture du 17 juillet 2006 établi sur une demande de la société Alu Rennais du même jour qui sollicitait le prix pour des brise-soleil de 192 unités de 4 000 de hauteur et 384 unités de 3 000 avec commande électrique, groupés par 12 soit pour 48 commandes.
Il apparaît ainsi que le nombre et la taille des lames, les conditions de leur assemblage et le nombre de motorisations avaient été définis par la société Alu Rennais en qualité de concepteur et réalisateur de l'ouvrage. La société SAB n'apparaît avoir été sollicitée que pour fournir les éléments nécessaires à cette fabrication conformément à la commande passée. Il n'est pas établi que la société SAB ait été associée à la conception des ouvrages pour adapter les brise-soleil aux spécifications et contraintes du bâtiment destiné à recevoir les équipements et qui n'étaient connues que de la société Alu Rennais.
Il ne ressort d'aucun des différents rapports d'expertise que les éléments livrés par la société SAB soit par eux-mêmes affectés d'un vice caché, l'origine des désordres étant attribuée à un mauvais calcul de la puissance nécessaire des vérins par rapport aux forces exercées sur ces lames du fait de la dimension, la situation et du nombre de lames actionnées. L'augmentation du nombre de vérins a été préconisée pour remédier aux désordres constatés.
Si dans une note M. [P], ingénieur conseil, relève que la conception des attaches ne respecte pas la norme applicable du fait d'une pince trop faible, il sera constaté que cet avis établi de manière non contradictoire n'est pas corroboré et ne saurait en conséquence suffire à établir l'existence d'un vice caché. Il sera par ailleurs relevé que les rapports d'expertise n'imputent pas les désordres à un défaut de qualité des attaches mais uniquement à l'insuffisance des vérins.
Si la société Alu Rennais entend faire reproche à la société SAB de lui avoir livré des vérins d'une puissance insuffisante, il sera constaté que la puissance des équipements était un élément apparent mentionné sur le devis accepté par elle et qu'en sa qualité de professionnelle de la fabrication et pose de brise-soleil orientables, elle était en mesure d'évaluer l'adéquation de la puissance de ces équipements avec l'ouvrage qu'elle devait réaliser.
C'est en conséquence par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu que la mauvaise configuration des brise-soleil ne constituait pas un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil et a débouté la société Alu Rennais de ses demandes à ce titre.
Sur le manquement à l'obligation de conseil :
La société Alu Rennais sollicite subsidiairement des dommages-intérêts en faisant valoir que la société SAB avait manqué à son obligation de conseil.
Elle fait valoir qu'en sa qualité de fabricant, la société SAB devait porter à sa connaissance l'insuffisance de la puissance des vérins au regard des ensembles qu'ils devaient piloter.
Il est de principe qu'à l'égard d'un acheteur professionnel, le vendeur n'est tenu d'une obligation de conseil que dans la mesure où sa compétence ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du matériel vendu.
Or il a été vu plus avant que la société Alu Rennais se présente elle-même comme un fabricant et installateur de menuiseries aluminium et qu'elle se prévaut de son savoir faire en matière de fabrication et installation de brise-soleil aussi bien fixes qu'orientables. Il sera relevé comme ressortant du premier rapport d'expertise que la société Alu Rennais avait fait appel à d'autres fournisseurs pour les commandes électriques des systèmes ce qui tend à confirmer qu'elle assurait la maîtrise d'oeuvre de la fabrication et de l'installation et disposait de la compétence pour le faire.
C'est en conséquence par des motifs pertinents adoptés par la cour que le premier juge a retenu qu'en sa qualité de professionnelle de la fabrication et pose de ce type de matériels, la société Alu Rennais disposait des compétences nécessaires pour vérifier ou faire vérifier que les brise-soleil qu'elle envisageait d'installer étaient à même de supporter les contraintes particulières résultant de la situation de l'immeuble et des modalités de leur installation et la société SAB n'était pas tenue de s'assurer que sa cliente avait procédé à ces vérifications.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Alu Rennais et la SMABTP de leurs demandes.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Alu Rennais et la SMABTP in solidum aux dépens et alloué à la société SAB et aux MMA IARD de justes indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant en leur appel, la société Alu Rennais et la SMABTP seront condamnées aux dépens d'appel et à payer in solidum à la société SAB une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et une indemnité de 1 500 euros à la MMA IARD.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Rennes.
Y ajoutant
Condamne in solidum la société Alu Rennais et la SMABTP à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la société Aluminium Blanc international la somme de 2 000 euros
- à la société MMA IARD la somme de 1 500 euros
Condamne in solidum la société Alu Rennais et la SMABTP aux entiers dépens d'appel.
Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.