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Décisions

Cass. com., 20 mars 2024, n° 22-21.230

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

DS Dichtungstechnik (Sté)

Défendeur :

Baekelite (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Dijon, 2e ch. civ., du 12 mai 2022

12 mai 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 12 mai 2022), à partir de l'année 1988, la société Baekelite, qui a pour activité la vente de produits de filtration de l'air et d'étanchéité des réseaux d'assainissement, s'est vu confier par la société de droit allemand DS Dichtungstechnik (la société Dichtungstechnik), spécialisée dans la fabrication de matériaux d'étanchéité, la commercialisation exclusive des produits de cette dernière en France.

2. Imputant à la société Dichtungstechnik la rupture de leur relation commerciale pour avoir prémédité son éviction en utilisant des moyens déloyaux, la société Baekelite a pris acte de cette rupture par une lettre du 22 mars 2018. Soutenant, de son côté, que la responsabilité de la rupture incombait à la société Baekelite, en ce qu'elle aurait manqué à ses obligations, la société Dichtungstechnik lui a, par une lettre du 28 mars 2018, notifié la cessation immédiate de leur relation commerciale et la résiliation pour faute grave de tout contrat entre elles, sans indemnité de quelque nature que ce soit.

3. La société Baekelite a assigné la société Dichtungstechnik en paiement de l'indemnité de rupture et en réparation du préjudice résultant du manque à gagner sur une commande non honorée.

4. Imputant la responsabilité de la rupture à la société Baekelite, en ce qu'elle aurait manqué à ses obligations, la société Dichtungstechnik s'est opposée à ces demandes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième et troisième moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. La société Dichtungstechnik fait grief à l'arrêt de dire que le contrat la liant à la société Baekelite était un contrat d'agent commercial, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'intégralité de ses prétentions, de la condamner à payer à la société Baekelite les sommes de 289 800 euros, au titre de l'indemnité de rupture, et de 6 272,05 euros, au titre du manque à gagner sur la commande CF 1028, et de lui ordonner de communiquer la copie certifiée conforme par un expert-comptable et un commissaire aux comptes de tous les justificatifs des opérations directes et indirectes en France, sans limitation de produits ou de clients, au cours des cinq années précédant la fin du contrat, soit du 1er avril 2013 au 31 mars 2018, alors « que l'agent commercial, simple mandataire, n'a pas de clientèle propre, ne peut être titulaire d'un fonds de commerce et n'a pas la qualité de commerçant ; qu'en qualifiant le contrat conclu entre la société Baekelite et la société Dichtungstechnik de contrat d'agent commercial, au seul motif que la première prenait les commandes des clients qu'elle transmettait à cette dernière, laquelle facturait les produits vendus et versait une commission à la première, sans s'expliquer, comme il lui était demandé, sur l'activité commerciale propre que la société Baekelite revendiquait exercer, consistant à revendre à des industriels, des produits provenant de différents fournisseurs, et sur le point de savoir si elle ne dispose pas d'une clientèle propre, ce qui exclut qu'elle puisse avoir la qualité d'agent commercial, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'hormis dans l'hypothèse où, conformément à l'article 2, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, un État membre choisit d'exclure du champ d'application de cette directive les personnes qui exercent une activité d'agent commercial à titre accessoire, les personnes exerçant une telle activité d'agent commercial doivent être considérées comme relevant de ce champ d'application, quand bien même cette activité serait cumulée à une activité d'une autre nature (CJUE, arrêt du 21 novembre 2018, ZAKO, C-452/17, point 43).Toutefois, le cumul, par une même personne, des activités d'agent commercial avec des activités d'une autre nature ne doit pas conduire à affecter sa qualité d'intermédiaire indépendant (CJUE, arrêt ZAKO, précité, point 49).

8. Si, faisant usage de la faculté offerte à l'article 2, paragraphe 2, de la directive, le législateur français a prévu, à l'article L. 134-15 du code de commerce, que « [l]orsque l'activité d'agent commercial est exercée en exécution d'un contrat écrit passé entre les parties à titre principal pour un autre objet, celles-ci peuvent décider par écrit que les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables à la partie correspondant à l'activité d'agence commerciale », cette disposition ne vise pas la situation dans laquelle, comme en l'espèce, les activités d'une autre nature exercées par l'agent commercial ne procèdent pas de l'exécution du contrat passé avec son mandant, de sorte qu'une telle situation n'est pas exclusive du bénéfice du statut d'agent commercial.

9. Il en résulte qu'une même personne peut à la fois exercer des activités d'agent commercial, pour lesquelles elle bénéficiera du régime institué aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, et des activités d'une autre nature la conduisant à détenir une clientèle propre, à la condition que les premières soient exercées de façon indépendante.

10. Le moyen, qui soutient le contraire, sans avancer que l'activité commerciale propre de la société Baekelite était de nature à l'empêcher d'exercer son activité d'agent commercial de manière indépendante, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.