CA Limoges, ch. soc., 14 mars 2024, n° 23/00548
LIMOGES
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pugnet
Conseillers :
Mme Voisin, Mme Chaumond
Avocats :
Me Brecy-Teyssandier, Me Loustaud, Me Pastaud
FAITS ET PROCÉDURE
Le 16 novembre 2016, M. [W] [T] a acquis un fonds de commerce de bar, restauration, française des jeux, dans un immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 9] (87) qu'il loue suivant bail commercial originaire du 12 janvier 1994 à Mesdames [Z] [O] veuve [K], [M] [K], [X] [K], bailleresses, et qu'il exploite sous l'enseigne 'Café des sports' en qualité d'entrepreneur individuel.
Par ordonnance du 9 juin 2021, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Limoges du 29 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Limoges a :
- constaté la résiliation du bail commercial conclu entre les parties;
- ordonné l'expulsion de M. [W] [T] ;
- condamné M. [W] [T] à payer à Mesdames [Z] [O] veuve [K], [M] [K], [X] [K] une provision de 12'000 € au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 14 mars 2020 ;
- fixé à 779,68 € le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due par M. [W] [T] aux bailleresses.
Par ordonnance du 7 décembre 2023, la Cour de cassation a rendu une ordonnance de déchéance du pourvoi formé par M. [W] [T] contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 29 juin 2022.
Par jugement du 7 septembre 2022, le tribunal de commerce de Limoges a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [T] en désignant la SELARL [S] ASSOCIES, prise en la personne de Maître [L] [S] en qualité de mandataire judiciaire.
Par ordonnance du 21 octobre 2022, le juge commissaire à cette procédure collective a désigné Mmes [Z], [M] et [X] [K] en qualité de créancières contrôleurs.
Par jugement en date du 5 juillet 2023, le tribunal de commerce de Limoges a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire.
M. [T] a interjeté appel de ce jugement le 13 juillet 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 18 août 2023, M. [W] [T] demande à la cour de :
déclarer son appel formé tout aussi recevable que fondé ;
Y faire droit,
infirmer le jugement rendu le 5 juillet 2023 par le tribunal de commerce ;
Statuant à nouveau :
juger qu'il existe une possibilité manifeste de redressement de l'entreprise de M. [T] ;
juger en conséquence n'y avoir lieu à convertir le redressement judiciaire ouvert à son égard en liquidation judiciaire ;
arrêter le plan de redressement par apurement de son passif, présenté par lui ;
fixer la durée du plan à 10 ans à compter de l'arrêt à intervenir ;
fixer la date du premier dividende à un an après la date anniversaire de l'arrêt à intervenir arrêtant le plan ;
dire que les créances contestées, qui seraient admises définitivement postérieurement à la décision à intervenir arrêtant le plan de redressement, seront apurées selon les délais prévus par le plan de redressement qui commenceront a courir dès leur admission définitive ;
nommer, pendant toute la durée du plan, tel mandataire judiciaire qu'il appartiendra en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
dire que M. [T] aura l'obligation de provisionner trimestriellement entre les mains du commissaire à l'exécution du plan, un quart de chaque dividende annuel;
dire que ces dividendes seront portables ;
ordonner, sur le fondement de l'article L.626-14 du code de commerce, l'inaliénabilité du fonds de commerce exploité par M. [T], en ses éléments corporels et incorporels, ce y compris les droits au bail, pendant la durée du plan;
dire que le Commissaire à l'exécution du plan procédera à la mention aux registres publics des biens déclarés inaliénables, conformément aux dispositions de l'article R.626-25 du code de commerce ;
dire que, par application des articles L.626-13 et R.626-24 du Code de Commerce, l'arrêt à intervenir suspendra de plein droit, dès son prononcé, les effets des éventuelles interdictions d'émettre des chèques dont pourrait faire l'objet M. [T];
dire que M. [T] devra, chaque année, présenter au Commissaire à l'exécution du plan ses comptes annuels ;
dire que si M. [T] n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés, le Commissaire à l'exécution du plan saisira le tribunal conformément aux dispositions des articles L.626-27 et R.626-48 du code de commerce, lequel décidera alors s'il y a lieu ou non de prononcer la résolution du plan ;
condamner tout contestant non seulement aux entiers dépens de première instance et d'appel, sauf à les voir pris en frais privilégiés de redressement judiciaire, mais également à verser à M. [T] une juste indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le dossier a été communiqué au ministère public le 23 novembre 2023. Le 22 décembre 2023, il a sollicité la confirmation du jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 21 décembre 2023, Mesdames [M], [X] et [Z] [K] demandent à la cour de :
débouter M. [W] [T] de son appel ;
confirmer le prononcé de sa liquidation judiciaire ;
le condamner à leur verser la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens taxables d'appel ou dire que les mêmes dépens taxables et non-taxables passeront en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 janvier 2024, la SELARL [S] ASSOCIES ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [W] [T] demande à la cour de :
constater que la SELARL [S] ASSOCIES, prise en la personne de Maître [L] [S], s'en remet à droit quant aux demandes formulées par M. [T] ;
dire que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de M. [T].
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
SUR CE,
L'article L 631-1 alinéa 3 du code de commerce dispose que :
' La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. La demande prévue au quatrième alinéa de l'article L. 626-29 peut être formée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire'.
L'article L640-1 alinéa 1er du même code prévoit que :
'Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible'.
Il convient donc de déterminer si le redressement de M. [W] [T] est manifestement impossible, au regard également des dispositions de l'article L 631'15 II alinéa 1 du code de commerce.
Le passif définitif s'élève à la somme de 61'366,02 €.
M. [T] a proposé un plan de redressement selon les modalités suivantes :
' règlement immédiat des créances inférieures à 500 €, soit 971,46 €
' règlement des autres créances en 10 annuités, soit 8400 € par an les deux premières années et 10'800 € par an les 8 années suivantes,
avec maintien du salarié.
Mais, le rapport de consultation des créanciers du 5 juillet 2023 fait état des éléments suivants :
- la trésorerie est passée de 3 302 € au 30 novembre 2022 à 149 € au 16 décembre 2022et à 329 € au 3 mai 2023 ;
- la balance sur la période du 1er septembre 2022 au 31 mars 2023 laissait apparaître une perte de 2 751 €.
Si M. [W] [T] fait état d'une meilleure situation:
- trésorerie à 781,06 € au 30 juin 2023,
- résultat net à 13'498 € au 31 mars 2023,
il ne produit pas d'élément actualisés.
De plus, le projet de plan prévoit un bénéfice peu réaliste sur 2024 et 2025: 9 845€ en 2024 et 11 362 € en 2025, alors qu'il n'a réalisé que 5 698 € en 2020 et 7 200 € en 2022 (21 514 € en 2021, mais avec obtention d'une subvention du fonds de solidarité de 31656€).
En outre, des dettes sont nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective. Le rapport de consultation des créanciers du 26 juin 2023 faisait état d'une voie d'exécution à hauteur de 1 124,52 € et du non-paiement de la TVA de janvier 2023.
Si ces dettes ont pu être payées, le trésor public mentionne à nouveau dans un courrier du 8 juin 2023 une créance de 361 €. Mmes [K] indiquent que M. [W] [T] ne paye plus l'indemnité d'occupation de 780 € par mois depuis le mois de juillet 2023 et qu'il n'exploite plus.
Enfin, le bail commercial nécessaire à l'exploitation du fonds a été résilié suivant arrêt définitif de la cour de d'appel de Limoges du 29 juin 2022. L'exploitation du fonds n'est donc plus possible. Si M. [C] a attesté être d'accord avec Mmes [K] pour acquérir l'immeuble objet du bail commercial, ces dernières n'ont aucunement confirmé cet accord, alors même que le prix n'est pas fixé. En outre, le commandement de quitter les lieux délivré le 26 octobre 2022 était valable.
En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que le redressement de M. [W] [T] est manifestement impossible.
La liquidation judiciaire de M. [W] [T] doit donc être prononcée.
Il convient de confirmer le jugement.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens seront pris en frais privilégiés de la procédure collective de M. [T].
Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Limoges 5 juillet 2023 en toutes ses dispositions ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.