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Décisions

CA Orléans, ch. com. économique et financière, 14 mars 2024, n° 22/01167

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Selarl Étude Balincourt (ès qual.), Corse Négoce Plastique (SAS)

Défendeur :

Frans Bonhomme (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, M. Desforges

Avocats :

Me Devauchelle, Me Jonvel, Me Gatefin, Me Fournier

T. com. Tours, du 29 avr. 2022

29 avril 2022

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La société Frans Bonhomme, qui a pour activité le négoce et la distribution de matériaux de réseaux et canalisations dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, a conclu le 17 juillet 2018, avec M. [H] [C], agissant pour le compte de la société Corse Négoce Plastique alors en cours d'immatriculation au RCS de [Localité 5], un contrat de franchise pour distribuer ses produits en Corse avec une exclusivité sur ce territoire.

La société Frans Bonhomme exploite son activité par le biais de 363 succursales et la société Corse Négoce Plastique est son unique franchisé.

La société Corse Négoce Plastique, créée en vue de la mise en œuvre du contrat de franchise, a ouvert deux points de vente sous l'enseigne Frans Bonhomme au mois d'octobre 2018.

La société Corse Négoce Plastique a rapidement connu des difficultés financières et la relation franchiseur/franchisé s'est tendue.

Par acte du 15 juillet 2019, la société Corse Négoce Plastique a fait assigner la société Frans Bonhomme devant le tribunal de commerce de Tours en paiement de la somme de 553 041,38 euros au titre de la violation de son obligation d'information précontractuelle, pour perte de chance de ne pas avoir contracté, puis au titre de la violation de ses obligations prévues au contrat de franchise, en remboursement de la somme de 227 306,92 euros au titre des investissements réalisés pour mettre en place la franchise, en paiement de la somme de 7 040 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de ces divers manquements et l'absence de rentabilité attendue de la franchise, et paiement de la somme de 185 028,95 euros au titre des pertes générées par la franchise. 

La société Frans Bonhomme a conclu au rejet des demandes, exposant qu'elle n'a commis aucune faute ni manquement et que les difficultés rencontrées par la société Corse Négoce Plastique ne lui sont pas imputables.

Par jugement du 12 novembre 2019, à peine un an après le début d'activité de la société Corse Négoce Plastique, le tribunal de commerce de Bastia a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de celle-ci et désigné la SELARL Etude Balincourt (Me [E] [Z] et Me [M] [V]) en qualité de liquidateur, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er octobre 2019.

Par jugement du 29 avril 2022, le tribunal de commerce de Tours a :

Vu les pièces du dossier,

- constaté l'intervention volontaire de la SELARL Etude Balincourt en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Corse Négoce Plastique,

- dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la jonction des deux affaires enrôlées respectivement sous les numéros 2019003700 et 2019004731,

- débouté la SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, de la demande indemnitaire de 553 041,38 euros pour perte de chance de ne pas avoir contracté,

- débouté la société SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, de la demande indemnitaire de 227 306,92 euros,

- débouté la société SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, de la demande de dommages intérêts pour un montant de 7.040.000 euros au titre de divers manquements et de l'absence de rentabilité de la franchise,

- débouté la société SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, de la demande indemnitaire d'un montant de l85 028,95 euros,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles,

- dit que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire,

- condamné la SELARL Etude Balincourt, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, aux entiers dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 75,85 euros.

Suivant déclaration du 12 mai 2022, la SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, et la SAS Corse Négoce Plastique ont interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement, en intimant la SAS Frans Bonhomme.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2023, la SELARL Etude Balincourt, représentée par Me [Z] et Me [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, et la SAS Corse Négoce Plastique représentée par la SELARL Etude Balincourt, es-qualités de liquidateur judiciaire, demandent à la cour de :

Vu les articles L. 330-1 et suivant du code de commerce,

Vu les articles 1103, 1104, 1112-1, 1137, 1193, 1217, 1231-1 et 1240 nouveaux du code civil,

Vu l'article 462 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SELARL Etude Balincourt, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique :

o de la demande indemnitaire de 553 041,38 euros pour perte de chance de ne pas avoir contracté,

o de la demande indemnitaire de 227 306,92 euros,

o de la demande de dommages intérêts pour un montant de 7.040.000 euros au titre de divers manquements et de l'absence de rentabilité de la franchise,

o de la demande indemnitaire d'un montant de 185 028,95 euros,

o et l'a condamnée aux entiers dépens,

Et statuant à nouveau :

In limine Litis, sur la demande de jonction,

- donner acte à la société Corse Négoce Plastique, représentée par son liquidateur es-qualités, que celle-ci s'en remet à justice sur la demande de jonction,

Sur les manquements précontractuels de la société Frans Bonhomme :

- juger que la société Frans Bonhomme a violé son obligation d'information précontractuelle,

En conséquence,

- condamner la société Frans Bonhomme à payer à la société Corse Négoce Plastique, représentée par son liquidateur ès-qualités, la somme de 553 041,38 euros pour perte de chance de ne pas avoir contracté,

Sur les manquements contractuels de la société Frans Bonhomme :

- juger que la société Frans Bonhomme a violé ses obligations au titre du contrat de franchise,

- juger que la société Frans Bonhomme a manqué à ses devoirs de conseil et d'assistance en sa qualité de franchiseur,

- juger que la société Frans Bonhomme a violé l'obligation d'exclusivité territoriale prévue au contrat,

En conséquence,

- condamner la société Frans Bonhomme à rembourser à la société Corse Négoce Plastique, représentée par son liquidateur ès-qualités, la somme de 227 306,92 euros au titre des investissements réalisés pour mettre en place la franchise,

- condamner la société Frans Bonhomme à verser à la société Corse Négoce Plastique, représentée par son liquidateur es-qualités, la somme de 7.040.000 de dommages intérêts au titre de son préjudice subi de ces divers manquements,

- condamner la société Frans Bonhomme à verser à la société Corse Négoce Plastique, représentée par son liquidateur ès-qualités, la somme de 185 028,95 euros au titre des pertes générées par la franchise,

En tout état de cause :

- condamner la société Frans Bonhomme à verser à la société Corse Négoce Plastique la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Frans Bonhomme aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2023, la SAS Frans Bonhomme demande à la cour de :

- déclarer la SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, et la SAS Corse Négoce Plastique mal fondées en leur appel, les en débouter,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 29 avril 2022 en ce qu'il a laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles,

En conséquence et statuant à nouveau,

A titre principal :

- juger que Frans Bonhomme n'a commis aucune faute et aucun manquement, de quelque nature que ce soit,

- juger que les difficultés rencontrées par la société Corse Négoce Plastique ne sont pas imputables à Frans Bonhomme,

- juger que les préjudices allégués par la société Corse Négoce Plastique et dont il est demandé l'indemnisation ne sont aucunement fondés ni justifiés,

En conséquence :

- débouter la SELARL Etude Balincourt, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, de la demande indemnitaire de 553 041, 38 euros pour perte de chance de ne pas avoir contracté,

- débouter la SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, de la demande indemnitaire de 227 306,92 euros au titre des investissements réalisés pour mettre en place la franchise,

- débouter la SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, de la demande de dommages et intérêts pour un montant de 7.040.000 euros au titre de son préjudice subi,

- débouter la SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, de la demande indemnitaire d'un montant de 185 028,95 euros au titre des pertes générées par la franchise,

En tout état de cause :

- débouter la SELARL Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, et la SAS Corse Négoce Plastique de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- ordonner l'inscription de la somme de 30 000 euros sur l'état des créances dues par la société Corse Négoce Plastique tenu par le greffe du tribunal de commerce de Bastia au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'inscription des entiers dépens dus par la société Corse Négoce Plastique sur l'état des créances dues par Corse Négoce Plastique tenu par le greffe du tribunal de commerce de Bastia, outre les frais qui pourraient être exposés par la société Frans Bonhomme pour faire exécuter de manière forcée l'arrêt de la cour à intervenir.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 octobre 2023, pour l'affaire être plaidée le 19 octobre suivant.

MOTIFS :

Sur la jonction :

Les premiers juges n'ont pas fait droit à la demande de jonction de la société Frans Bonhomme au motif que si les deux procédures concernent les mêmes parties, l'objet des demandes est différent, l'une (le présent litige) concernant les modalités d'application du contrat de franchise par le franchiseur, l'autre l'inscription au passif de la société Corse Négoce Plastique de factures restées impayées.

S'agissant d'une mesure d'administration judiciaire, celle-ci est insusceptible de recours. En outre, la société Frans Bonhomme n'a pas réitéré sa demande de jonction en cause d'appel.

Les développements des appelantes sur ce point sont donc inopérants.

Sur la recherche de la responsabilité extracontractuelle du franchiseur :

La société Corse Négoce Plastique expose que la société Frans Bonhomme n'a pas donné une information précontractuelle sincère et véritable à son futur franchisé, que les informations transmises -insuffisantes au regard des obligations légales et contractuelles du franchiseur- ont été fournies en retard au regard du délai légal, que la société Frans Bonhomme a en outre manqué aux engagements promis au cours des discussions ayant précédé la signature du contrat et repris dans celui-ci et que le montant des investissements et notamment du stock initial plus important que prévu, n'a été connu qu'après la signature du contrat de franchise, sans retour en arrière possible ; qu'elle n'aurait jamais contracté si elle avait bénéficié d'une information précontractuelle complète et si la société Frans Bonhomme n'avait pas pris les engagements susvisés ; qu'elle peut invoquer la nullité du contrat (dol principal) ou seulement des dommages-intérêts en réparation de la faute commise (dol incident) ; qu'en l'espèce, elle se fonde sur un dol incident et que son préjudice réparable consiste en une perte de chance de ne pas avoir contracté.

L'article L. 330-3 du code de commerce dispose que 'toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en toute connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

(...)

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimums avant la signature du contrat...

Selon l'article R.330-1 du code de commerce, « le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient (notamment) les informations suivantes :

2°)...la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque...

3°) la ou les domiciliations bancaires de l'entreprise...

4°) la date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ... ».

Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation'.

Le contrat de franchise du 17 juillet 2018 prévoit 'une exclusivité d'approvisionnement et de sélection des gammes de produits' du franchisé auprès de la centrale d'achat du franchiseur ou des seuls fournisseurs référencés par celui-ci, ce dont il résulte que l'article L. 330-3 du code de commerce est applicable.

Le document visé à cet article est destiné à permettre au franchisé de s'engager en toute connaissance de cause. Il ne met pas à la charge du franchiseur l'obligation de fournir un compte d'exploitation prévisionnel ni une étude de marché local, mais seulement un état du marché local.

Il est à distinguer du contrat de franchise lui-même.

Il ressort des pièces produites que c'est M. [H] [C], futur dirigeant de la société Corse Négoce Plastique, qui est à l'initiative du projet et en a piloté la conception, assisté de son expert-comptable, comme en attestent :

- le courriel de M. [C] adressé le 4 avril 2018 : « Etant entrepreneur dans le domaine de l'eau, je souhaite étendre mes activités. Nous rencontrons des difficultés à trouver des produits en stock, de qualité au bon prix sur l'île, je souhaiterai donc créer des négoces de votre type sur la Corse. Pourriez-vous me contacter afin d'échanger ensemble à ce sujet et connaître vos conditions dans le but d'une collaboration » ;

- l'envoi par celui-ci d'une « petite note concernant ma vision de Frans Bonhomme en Corse' le 12 avril 2018 dans laquelle il est mentionné : A l'heure actuelle en Corse, le secteur économique en matière de négoce de VRD est détenu, pour la grande majorité, par un seul négoce spécialisé... La concurrence est presque invisible... Ce monopole soulève aujourd'hui de réelles difficultés pour les entreprises...

L'enjeu de faire entrer sur le territoire insulaire la marque Frans Bonhomme est multiple. D'abord, il s'agit de répondre à une attente forte des professionnels en pratiquant des prix concurrentiels sur des produits de qualité. Mais aussi de parvenir à quadriller le périmètre afin de jouer la carte de la proximité et de la réactivité. Un chiffre pour attirer votre attention, le volume d'affaires insulaire global de ce secteur est estimé à plus de 28 millions d'euros...

La stratégie consiste à ouvrir deux dépôts principaux au nord et au sud de l'île. Idéalement situés dans le sud de la région [Localité 5] ([Localité 6]) et dans le nord de la région [Localité 3] ([Localité 8]). J'ai déjà effectué des repérages et noté des locaux intéressants en termes de volume mais surtout d'accessibilité.

Dans un second temps, Frans Bonhomme Corse devra être présent en [Localité 4] et à [Localité 9]. Parallèlement, deux commerciaux devront être recrutés pour démarcher le nord et le sud de l'île. Mon réseau professionnel leur sera un solide appui.

Reste à déterminer comment Frans Bonhomme corse pourrait voir le jour ' Je suis ouvert à toutes propositions. Devons-nous imaginer une nouvelle structure au sein de laquelle nous serions partenaires ou une ouverture de franchise « Je vous laisse le soin de réfléchir à la meilleure stratégie commerciale... Votre savoir-faire et vos produits couplés à mon expérience et ma connaissance du territoire. Avec pour perspectives, une installation dès le mois de septembre.

Un choix de calendrier qui ne relève pas du hasard mais d'une projection sachant que la Corse est à la veille de grands travaux. La collectivité de Corse a voté un plan d'investissement hydraulique de plus de 200 000 millions d'euros sur ces prochaines années et les collectivités locales ont lancé un important travail sur les assainissements collectifs et non collectifs, des réhabilitations de réseaux AEP vont être lancées...

J'ai une feuille de route bien tracée pour concrétiser ce projet dans les meilleurs délais... » ;

- un courriel du 15 mai 2018 de M. [C] à Frans Bonhomme joignant « une première version du stock pour [Localité 5] et [Localité 3]. Il faudra refaire une passe dessus mais il est finalisé à 90 % »;

- un échange de courriels entre les parties du 6 juin 2018 révélant que la première version du document d'information précontractuelle (DIP) a été établie par l'expert-comptable de M. [C] : question de Frans Bonhomme : « as-tu pu échanger avec ton conseil pour faire une nouvelle version du document et évoquer ensemble le préfinancement initial du stock »; réponse de M. [C] : « oui nous avons finalisé conformément à nos échanges, je le relance pour transmettre la version finale ».

Un projet de document d'information précontractuelle « Frans Bonhomme » est versé aux débats dont la finalisation « s'est faite à quatre mains » selon l'expression de l'intimée, ainsi qu'il résulte des courriels échangés les 26 juin 2018 par le conseil de M. [C] « ci-joint le document demandé » et 29 juin 2028 de M. [R] (Frans Bonhomme) : « merci beaucoup pour le document ».

Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il ressort de ce qui précède que la dernière version du document a été diffusée le 26 juin 2018, plus de 20 jours avant la signature du contrat de franchise du 17 juillet 2018, soit dans le délai imparti.

Certes, le document d'information précontractuelle ne comporte pas toutes les informations requises, telles les informations relatives au dépôt de la marque - qui figurent dans le contrat de franchise (article 6)-, aux domiciliations bancaires ou à l'état général du marché national et local.

Il apparaît que par courriel du 10 juillet 2018, la société Frans Bonhomme a communiqué à la société Corse Négoce Plastique le bilan de ses deux derniers exercices, permettant à celle-ci de connaître les informations nécessaires à l'élaboration de son plan d'affaires, outre un lien vers le site de la société Frans Bonhomme contenant sa présentation et son historique ainsi qu'un état général du marché français avec un focus sur le marché corse.

La transmission de ces éléments ne respecte pas le délai de 20 jours. Toutefois, il convient de rappeler que M. [C] connaissait le secteur géographique qu'il envisageait de développer sur la base de ses propres connaissances, fort de son expérience professionnelle antérieure, de sorte qu'il a pu rapidement assimiler le contenu de ces éléments avant la signature du contrat de franchise. Le fait que l'initiative du projet ait été prise par M. [C] est, comme le souligne la société Frans Bonhomme, un élément essentiel pour la mise en place du contrat de franchise et l'appréciation des informations à transmettre préalablement à la signature du contrat.

Quant aux dépenses et investissements à engager visés à l'article R. 330-1 précité, il convient de relever que les informations délivrées à ce titre n'ont trait qu'aux dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation. La société Frans Bonhomme rappelle qu'il n'a pas été convenu de droit d'entrée et qu'il n'existe pas d'investissements particuliers à l'enseigne pour ouvrir un point de vente Frans Bonhomme.

La constitution du stock, inhérente à l'activité exercée, n'est pas propre à l'enseigne Frans Bonhomme. En outre, la société Corse Négoce Plastique qui se prévaut de ce qu'avant la signature du contrat, elle tablait sur un stock initial de 75 000 euros, alors que le stock imposé par le franchiseur postérieurement à la signature du contrat s'est élevé à 215 000 euros, ne justifie pas du montant du stock initial et partant d'un tel écart qu'elle n'aurait découvert qu'après la signature du contrat. Au demeurant, des échanges ont eu lieu à ce propos et si les pièces produites ne font pas état du montant du stock, la société Frans Bonhomme s'est enquis du « pré-financement initial du stocké » dans un courriel du 6 juin 2018, ce qui ne pouvait se faire sans montant précis connu des parties.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments et circonstances que M. [C] a reçu des informations précontractuelles suffisantes pour lui permettre de s'engager en toute connaissance de cause.

La société Corse Négoce Plastique fait en outre grief à la société Frans Bonhomme de ne pas avoir tenu ses engagements contractuels contenus à l'article 2-1 « Etude d'implantation et détermination du potentiel économique », 2-2 « Etude préliminaire de faisabilité technique, la conception des plans et la conduite des travaux » du contrat de franchise.

L'article 2-1 stipule que « le franchiseur réalisera ou fera réaliser une étude géo marketing approfondie de la zone de chalandise du magasin, mettant en exergue ses caractéristiques et ses spécificités » et encore que « le franchiseur s'engage à communiquer au franchisé à titre purement indicatif les ratios moyens d'exploitation par type de magasin du réseau succursaliste. Le franchiseur s'engage également à mettre à la disposition du franchisé une matrice technique et financière afin d'aider le franchisé à élaborer, en collaboration avec l'expert-comptable de celui-ci, ses propres comptes d'exploitation prévisionnels pour le point de vente, eu égard aux moyens à la disposition du franchisé ».

L'article 2-2 stipule que « le franchiseur s'engage donc à assister le franchisé dans l'installation du magasin, notamment pour son agencement intérieur et extérieur, sa décoration, afin de lui permettre de se mettre aux normes et standard du concept Frans Bonhomme. (...) Le franchiseur examinera et donnera son avis sur l'étude préliminaire de faisabilité technique établie par le franchisé et son bureau d'ingénierie, qui a pour objet de statuer sur la viabilité du projet d'implantation du point de vente dans le local envisagé et obtenir une première estimation du montant des travaux à envisager ».

La société Frans Bonhomme a communiqué le bilan de ses deux derniers exercices et concernant l'installation du magasin les coordonnées de ses partenaires merchandising ainsi qu'un catalogue interne merchandising explicitant les techniques de présentation des marchandises, et ce dès le 20 juin 2018. Il a également été communiqué à la société Corse Négoce Plastique des exemples de plan d'aménagement de sites existants. Enfin, l'étude de faisabilité technique était à réaliser par le franchisé, le franchiseur ne devant que donner son avis. Or la société Corse Négoce Plastique ne justifie pas avoir effectué une telle étude.

La société Corse Négoce Plastique n'établit pas, au regard des circonstances particulières de l'entrée en relation des parties, de ce qui a déjà été communiqué par le franchiseur et de la bonne connaissance par le franchisé du contexte économique dans lequel il allait exploiter son activité, que l'absence de respect des autres engagements de la société Frans Bonhomme, notamment la réalisation d'une étude géo marketing approfondie de la zone de chalandise du magasin et la mise à disposition d'une matrice technique et financière afin d'aider le franchisé à élaborer, en collaboration avec l'expert-comptable de celui-ci, ses propres comptes d'exploitation prévisionnels pour le point de vente -que la société Corse Négoce Plastique n'a à aucun moment réclamées à son franchiseur-, ait vicié son consentement et qu'elle n'aurait pas contracté si elle avait su que ces engagements ne seraient pas tenus.

Par confirmation du jugement entrepris, les appelantes seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts formée au titre de la perte de chance de ne pas avoir contracté.

Sur la recherche de la responsabilité contractuelle du franchiseur :

La société Corse Négoce Plastique expose que la société Frans Bonhomme n'a pas rempli son rôle de franchiseur. Elle relève à cet égard que celle-ci :

- n'a jamais transmis aucun savoir-faire ni concept, objet même du contrat de franchise,

- n'a pas mis en place la formation initiale prévue au contrat,

- lui a fourni un stock initial, en exécution de l'article 5 du contrat, qui s'est révélé inadapté au marché local et donc quasi-invendable, en plus de grever les finances de son franchisé,

- n'a pas mis en place au moment de l'ouverture du point de vente l'accès à son système informatisé pour effectuer les commandes et connaître les tarifs, pas plus que l'accès à l'intranet,

- n'a transmis aucun moyen de communication et de publicité comme prévu à l'article 12 du contrat,

- n'a pas remédié aux nombreuses difficultés d'approvisionnement que la société Corse Négoce Plastique a connu dès le début de son activité du fait de la société Frans Bonhomme, provoquant des problèmes majeurs de livraison aux clients de son franchisé.

Elle ajoute qu'en plus de ses nombreux obstacles, elle n'a jamais réellement bénéficié de l'assistance de son franchiseur, comme en témoignent les problèmes de livraison, et que la société Frans Bonhomme a violé l'exclusivité territoriale qu'elle lui a conférée.

* l'absence de transmission de savoir-faire,

La société Corse Négoce Plastique soutient qu'elle n'a reçu aucun des éléments destinés à transmettre le savoir- faire de son franchiseur, matérialisé notamment par un « manuel opératoire » (article 3 du contrat), une formation initiale délivrée au franchisé et à ses salariés (article 4), un stock initial constitué d'une gamme de produits censé conférer au franchisé un avantage concurrentiel (article 5).

Le savoir-faire est un ensemble d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié. Ainsi, un savoir-faire peut résider en un « savoir sélectionner » les produits, constitué par l'offre à la vente de produits sélectionnés par le franchiseur, conditionnés spécialement et bénéficiant d'une notoriété incontestable, et un « savoir-vendre », résultant de la délivrance de conseils adaptés pour la vente desdits produits (Cass. Com., 8 juin 2017, n° 15-22.318).

A ce titre, la société Frans Bonhomme justifie avoir transmis le 9 octobre 2018 « deux fichiers avec les logos de Frans Bonhomme pour la réalisation des enseignes », puis les 24 et 25 octobre 2018 une bible informatique relative à la connaissance du stock d'un dépôt pour un article, une bible informatique permettant de visualiser les fournisseurs référencés pour un article donné et le prix moyen de cet article, une dernière bible informatique concernant l'interrogation du prix de vente recommandé, ainsi que diverses fiches de sécurité dans les points de vente (livret du manager). Le 22 février 2019, il était communiqué d'autres modes opératoires clés du logiciel Qterm, ainsi que le process de saisie des commandes et réceptions de marchandises de sécurité.

Quant à la formation, il résulte d'un courriel du 22 janvier 2019 que M. [N], expert métier chez Frans Bonhomme, s'est rendu le 12 février 2019 en Corse afin de former les équipes de la société Corse Négoce Plastique et leur fournir ainsi « en présentiel une explication sur les principaux outils et méthodes propres à Frans Bonhomme. Cette venue a été l'occasion d'identifier les besoins concrets et présenter les premiers modes opératoires », selon un courriel de la société Frans Bonhomme. M. [N] a d'ailleurs été remercié en ces termes « Encore merci, ta venue a déjà grandement facilité notre quotidien et notre efficacité et je pense que ce n’est pas fini » (courriel du 15 février 2019). D'autres formations ont été envisagées : « nous sommes en cours de discussion afin d'intégrer les équipes corses dans nos parcours de formation initiale » dont la planification a été suspendue au « feu vert » de la société Corse Négoce Plastique (v.courriel du 22 février 2019).

Certes le manuel opératoire prévu à l'article 3 « communication du savoir-faire » du contrat de franchise n'a manifestement pas été remis sous cette forme. Toutefois, son contenu précisément décrit, à savoir « une bible produit, une bible vente, une bible formation, une bible hygiène et sécurité, une bible marketing, une bible procédures, une liste des fournisseurs référencés, un accès à la plateforme de formation en ligne, un accès aux bibles produits » a été transmis ou était en cours de transmission avant que les relations entre parties ne se tendent.

En outre, il s'avère que la société Frans Bonhomme a bien rempli son obligation de formation conformément à l'article 4 du contrat, compte tenu de ce qui précède.

* la constitution du stock initial par le franchiseur,

Il est constant que le choix des produits par le franchiseur fait partie de son savoir-faire. Selon l'article 5 du contrat de franchise, « la sélection des produits mis en vente dans le magasin est un des éléments essentiels du savoir-faire du franchiseur (...) L'exclusivité d'approvionnement et de sélection des gammes de produits permettent ainsi de conférer à son bénéficiaire un avantage concurrentiel. En conséquence, le franchisé reconnaît expressément au franchiseur le droit à la maîtrise de la gamme de produits. Le franchiseur a donc sélectionné, en adéquation avec le savoir-faire Frans Bonhomme, une gamme de produits devant obligatoirement être présentée en magasin, permettant notamment de garantir tant à la clientèle qu'au franchisé : une disponibilité de ces produits, un niveau de qualité approprié, un mix-produit adapté ».

Il ressort des échanges entre les parties que la société Frans Bonhomme a accompagné la société Corse Négoce Plastique dans la constitution du stock initial, M. [C] ayant commencé à y travailler seul dès le mois de mai 2018. Par courriel du 21août 2018, la dernière version du stock a été transmise par la société Frans Bonhomme à la société Corse Négoce Plastique, laquelle l'a acheté.

La société Corse Négoce Plastique fait valoir que ce stock s'est révélé inadapté à son activité et à la clientèle locale, grevant en outre gravement ses finances dès le début de son activité. Toutefois, elle n'établit pas le caractère disproportionné et mal adapté dudit stock, le non-écoulement du stock initial n'incombant pas nécessairement à la société Frans Bonhomme, étant rappelé que le franchisé est un entrepreneur indépendant qui assume et porte la responsabilité de ses résultats d'exploitation, financiers et commerciaux. En outre, il a été convenu à l'article 9-3 « règlement du stock initial » du contrat que « le franchiseur accorde au franchisé un plan de règlement échelonné sur 12 mois à compter de la date de livraison ».

Les critiques relatives à la constitution du stock initial ne sont donc pas fondées.

* la violation de l'exclusivité territoriale,

La société Corse Négoce Plastique rappelle à juste titre qu'elle bénéficiait d'une exclusivité territoriale sur le territoire de la Corse et fait grief à la société Frans Bonhomme d'avoir violé cette exclusivité en fournissant directement des clients de la société Corse Négoce Plastique sur le territoire corse. Elle souligne que si la violation de l'exclusivité territoriale a été reconnue par la société Frans Bonhomme pour un seul client, la société Orange, il reste que cette violation ne revêt pas un caractère isolé, deux autres clients ayant fait l'objet d'une facturation directe à son insu, à savoir les sociétés Razel Bec et Deltacom.

Il ressort des pièces produites que la société Frans Bonhomme a reconnu une anomalie concernant une livraison Orange à laquelle elle a immédiatement réagi et remédié en s'engageant à régulariser auprès de la société Corse Négoce Plastique le manque à gagner et en proposant une solution afin d'éviter de futures problématiques du même type (v. courriel du 19 mars 2019). Il n'est donc pas établi que le franchiseur ait sciemment détourné la clientèle de son franchisé.

Quant aux deux autres clients pour lesquels sont fournis un unique devis (concernant la société Razel Bec) et une attestation ne répondant pas aux exigences de l'article 202 du code civil (concernant la société Deltacom), les pièces produites ne peuvent suffire à rapporter la preuve de la généralisation alléguée de la violation de l'exclusivité territoriale.

* les manquements relatifs à l'approvisionnement du franchisé

La société Corse Négoce Plastique expose que les livraisons de marchandises de la société Frans Bonhomme à la société Corse Négoce Plastique se sont révélées désastreuses dès le début de la relation et que malgré de nombreuses relances les problèmes de délais et de qualité des livraisons n'ont jamais été réglés.

Elle verse aux débats à cet égard un courriel de la société Frans Bonhomme du 22 février 2019 : « Sur la partie « opérationnelle », comme discuté avec [H], nous sommes confiants que la prise en main du dossier par [U] [X] et l'arrivée d'un nouveau responsable de site à [Localité 7] (par laquelle transitent toutes les livraisons pour la Corse) vont rapidement remettre les sujets appros de [Localité 5] et [Localité 3] sous contrôle », attestant par la même des problèmes d'approvisionnement récurrents rencontrés par la société Corse Négoce Plastique et corroborés par un courriel du 22 février 2019 de M. [U] [X] notamment, nonobstant les dénégations de la société Frans Bonhomme.

Il ressort de différents courriels échangés entre la société Corse Négoce Plastique et M. [U] [X] que les problèmes liés aux livraisons ont été réglés mi-avril 2019.

* le manquement par le franchiseur à son devoir d'assistance,

La société Corse Négoce Plastique reproche plus particulièrement à ce titre à la société Frans Bonhomme, outre le fait d'avoir manqué à son obligation de promotion prévue à l'article 12 du contrat, de n'avoir eu comme autres réponses, lorsqu'elle a commencé à rencontrer des difficultés financières, que de suspendre les livraisons et de demander le paiement intégral du stock échelonné sur un an, de surcroît sur la base de CGV inopposables.

Contrairement à ce que soutient la société Corse Négoce Plastique, la société Frans Bonhomme a mis en place les mesures nécessaires pour assurer la promotion du site corse : organisation de la venue du franchisé au salon professionnel de Pollutec pour rencontrer des fournisseurs, transmission de son logo pour la réalisation des enseignes, création des adresses e-mail, mise en avant des points de vente sur son site internet, fourniture de catalogues.

Il ressort des éléments du dossier que si les problèmes d'approvisionnement rencontrés par la société Corse Négoce Plastique ont été réglés mi-avril 2019, la société Frans Bonhomme a décidé de l'arrêt des livraisons dès le mois de mai 2019: « Je me permets d'insister sur le fait que notre volonté n'est pas "d'arrêter" les livraisons mais une obligation de les mettre en pause le temps que ta dernière traite soit payée. Dès le paiement de celle-ci, nous pourrons reprendre immédiatement les livraisons » (courriel de la société Frans Bonhomme du 22 mai 2019). Or il n'est pas contestable que sans livraison, la société Corse Négoce Plastique n'a pu satisfaire ses clients qui ont procédé à des annulations de commandes ou qui n'ont plus commandé. De plus, il y a lieu de relever que la société Frans Bonhomme n'a laissé qu'un court laps de temps à son franchisé, entre la régularisation de l'approvisionnement par ses soins et l'arrêt des livraisons, pour exploiter son activité dans des conditions normales.

Par ailleurs, après avoir accordé le report de certaines traites et le passage du paiement des factures à 60 jours pour le paiement du stock (courriel du 20 mai 2019), la société Frans Bonhomme n'a pas hésité à en réclamer très vite le paiement intégral (332 557,34 euros), suivant une mise en demeure du 24 juin 2019, se prévalant de la déchéance du terme prévue à des conditions générales de vente dont il a été jugé dans une autre affaire opposant les mêmes parties et portant sur le même contrat de franchise qu'elles étaient inopposables à la société Corse Négoce Plastique.

Il en résulte qu'après une lente mise en œuvre de la franchise, des problèmes d'approvisionnement récurrents réglés seulement au mois d'avril 2019, la société Frans Bonhomme n'a pas consenti de réels efforts pour soutenir financièrement son franchisé à la première traite impayée du mois d'avril 2019, puisqu'un mois plus tard les livraisons étaient suspendues et deux mois après le paiement intégral du stock réclamé, et ce de manière quelque peu brutale, manquant ainsi à son obligation d'assistance.

Sur le préjudice de la société Corse Négoce Plastique :

La société Corse Négoce Plastique réclame à titre indemnitaire :

- la somme de 7 040 000 euros, correspondant à la perte de marge qu'elle pouvait raisonnablement attendre de l'exécution du contrat de franchise sur 7 ans par rapport aux prévisions des parties, faisant valoir qu'elle a été, au vu des difficultés rencontrées du fait des manquements de son franchiseur, dans l'obligation de déposer le bilan en à peine un an d'activité,

- la somme de 227 306,92 euros au titre des investissements opérés pour mettre en place la franchise, en pure perte,

- la somme de 185 028,95 euros au titre des pertes d'exploitation constituées par des devis signés et qui n'ont pu être exécutés du fait de l'arrêt de l'approvisionnement brutal décidé par le franchiseur.

Il convient de rappeler qu'il incombe au franchisé en tant que commerçant indépendant d'assurer la rentabilité de son fonds de commerce, laquelle dépend de la gestion du fonds par le franchisé et du marché économique, et que l'assistance du franchiseur ne s'étend pas à la prise en charge des pertes du franchisé. A cet égard, l'article 11 du contrat stipule que 'le franchisé exerce son activité de manière indépendante, tant sur le plan financier que juridique ; il fera donc apparaître clairement son statut de commerçant indépendant à l'égard des consommateurs. Il est entièrement et seul responsable de la gestion de son magasin et doit à cet effet faire siennes les obligations légales en matière juridique, fiscale et comptable. Il s'engage également à exploiter son magasin à ses risques et périls et à respecter les obligations imposées par le franchiseur dans le cadre de l'exploitation du présent contrat'.

Contrairement à ce que soutient la société Corse Négoce Plastique, il n'est pas établi que la société Frans Bonhomme soit responsable du dépôt de bilan du franchisé, dès lors que les seuls manquements retenus à l'encontre du franchiseur, à savoir la suspension des livraisons et le manque d'assistance à compter du mois de mai 2019, sont postérieurs aux premières difficultés financières de la société Corse Négoce Plastique, tout au plus le comportement du franchiseur a-t-il pu précipiter le placement en redressement judiciaire qui se profilait eu égard à l'absence de surface financière suffisante de la société Corse Négoce Plastique dont témoigne l'évocation par la société Corse Négoce Plastique elle-même de son souhait d'ouvrir son capital, et ce très vite après le début de son activité, et d'une reprise en directe par la société Frans Bonhomme (courriel du 16 avril 2019).

Par confirmation du jugement entrepris, les appelantes seront déboutées de leur demande indemnitaire au titre de la perte de marge.

Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, les investissements réalisés (achats de véhicules, engin de manutention, outils informatiques, téléphonie, aménagements, garantie des dépôts) sont des investissements courants liés à l'ouverture d'un point de vente, indépendants de la franchise Frans Bonhomme. Les manquements retenus à l'encontre du franchiseur ne justifient aucunement leur remboursement, étant rappelé que l'exploitation du magasin se fait aux risques et périls du franchisé et que la société Frans Bonhomme ne peut être tenue responsable du dépôt de bilan de celui-ci.

Par confirmation du jugement entrepris, les appelants seront déboutés de ce chef de demande indemnitaire.

En revanche, il n'est pas contestable que les problèmes d'approvisionnement suivis de la suspension des livraisons décidée précipitamment par la société Frans Bonhomme ont engendré des pertes d'exploitation pour la société Corse Négoce Plastique dont celle-ci justifie aux termes d'un tableau reproduit en page 47 de ses conclusions assorties des factures, bons de commande et confirmations de commandes produits en pièce n° 40 et faisant apparaître une facturation manquante HT de 925 144,73 euros. A cet égard, il convient de relever que l'ensemble des devis est antérieur à la rupture du contrat, quand bien même la livraison a pu être prévue pour une date postérieure à la rupture du contrat, et que les propositions commerciales qui prévoient des dates de livraison à compter du mois de mai 2019 n'ont pu en tout état de cause être honorées du fait de la suspension des livraisons, de sorte que ces devis doivent être pris en considération. Compte tenu d'une marge de 20 % mentionnée sur la propre facture de la société Frans Bonhomme du 31 mai 2019 émise en régularisation des commandes passées directement par le franchiseur avec le client Orange, la perte d'exploitation peut être fixée à 185 028,95 euros.

Par infirmation du jugement entrepris, il convient de faire droit à la demande des appelantes au titre de l'indemnisation des pertes d'exploitation à concurrence de la somme de 185 028,95 euros.

Sur les autres demandes :

La société Frans Bonhomme, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à la SELARL Etude Balincourt, es-qualités, la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du 29 avril 2022 du tribunal de commerce de Tours en ce qu'il a débouté la SELARL Etude Balincourt, es-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, de sa demande indemnitaire d'un montant de 185.028,95 euros et a condamné celle-ci aux dépens ; le confirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Frans Bonhomme à payer à la SELARL Etude Balincourt, es-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, la somme de 185.028,95 euros au titre des pertes d'exploitation,

Condamne la société Frans Bonhomme aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Frans Bonhomme à verser à la SELARL Etude Balincourt, es-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Corse Négoce Plastique, la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.