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Décisions

CJUE, 5e ch., 21 mars 2024, n° C-10/22

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Liberi editori e autori (LEA)

Défendeur :

Jamendo SA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Regan

Juges :

M. Ilešič (rapporteur), M. Jarukaitis, M. Kumin, M. Gratsias

Avocat général :

M. Szpunar

Avocats :

Me Malandrino, Me Peduto, Me Riccio, Me Dalla Costa, Me Donà, Me Ferraro

CJUE n° C-10/22

20 mars 2024

LA COUR (cinquième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur (JO 2014, L 84, p. 72).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Liberi editori e autori (LEA) (Éditeurs et auteurs libres) à Jamendo SA, au sujet de l’exercice, par cette dernière, de l’activité d’intermédiation en matière de droit d’auteur et de droits voisins sur le territoire italien.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2000/31/CE

3 L’article 1er de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») (JO 2000, L 178, p. 1), dispose, à son paragraphe 1 : 

« La présente directive a pour objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres. »

4 Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, de cette directive :

« Les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre. »

5 L’article 3, paragraphe 3, de ladite directive prévoit que, notamment, l’article 3, paragraphe 2, de celle-ci n’est pas applicable aux domaines visés à l’annexe de ladite directive.

6 Aux termes de cette annexe, les paragraphes 1 et 2 de l’article 3 de la directive 2000/31 ne s’appliquent pas « dans les cas suivants : [...] le droit d’auteur, les droits voisins, les droits visés par la directive 87/54/CEE [du Conseil, du 16 décembre 1986, concernant la protection juridique des topographies de produits semi-conducteurs (JO 1987, L 24, p. 36),] et par la directive 96/9/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données (JO 1996, L 77, p. 20),] ainsi que les droits de propriété industrielle ».

La directive 2006/123/CE

7 L’article 1er de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), intitulé « Objet », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services. »

8 L’article 3 de cette directive, intitulé « Relation avec les autres dispositions du droit communautaire », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Si les dispositions de la présente directive sont en conflit avec une disposition d’un autre acte communautaire régissant des aspects spécifiques de l’accès à une activité de services ou à son exercice dans des secteurs spécifiques ou pour des professions spécifiques, la disposition de l’autre acte communautaire prévaut et s’applique à ces secteurs ou professions spécifiques. [...] »

9 L’article 16 de ladite directive, intitulé « Libre prestation des services », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

[...] »

10 Aux termes de l’article 17 de la même directive, intitulé « Dérogations supplémentaires à la libre prestation des services » :

« L’article 16 ne s’applique pas :

[...]

11) aux droits d’auteur et droits voisins [...] »

 La directive 2014/26

11 Les considérants 2 à 4, 7 à 9, 15, 16, 19 et 55 de la directive 2014/26 énoncent :

« (2) Pour diffuser des contenus protégés par le droit d’auteur et les droits voisins, notamment les livres, les productions audiovisuelles et la musique enregistrée, ainsi que des services connexes, il est nécessaire d’obtenir une licence de droits auprès des différents titulaires du droit d’auteur et de droits voisins (tels que les auteurs, artistes interprètes ou exécutants, producteurs et éditeurs). Il appartient normalement au titulaire de droits de choisir entre la gestion individuelle ou collective de ses droits, à moins que les États membres n’en disposent autrement, conformément au droit de l’Union et aux obligations internationales de l’Union [européenne] et de ses États membres. La gestion du droit d’auteur et des droits voisins comprend l’octroi de licences aux utilisateurs, le contrôle financier des utilisateurs, le contrôle de l’utilisation des droits, le respect du droit d’auteur et des droits voisins, la perception des revenus provenant de l’exploitation des droits et leur distribution aux titulaires de droits. Les organismes de gestion collective permettent aux titulaires de droits d’être rémunérés pour des utilisations qu’ils ne seraient pas en mesure de contrôler ou de faire respecter eux-mêmes, y compris sur les marchés étrangers.

(3) En vertu de l’article 167 [TFUE], l’Union doit tenir compte de la diversité culturelle dans ses actions et contribuer à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence le patrimoine culturel commun. Les organismes de gestion collective jouent, et devraient continuer de jouer, un rôle important de promotion de la diversité des expressions culturelles, à la fois en permettant aux répertoires les moins volumineux et moins populaires d’accéder au marché et en fournissant des services sociaux, culturels et éducatifs dans l’intérêt de leurs titulaires de droits et du public.

(4) Les organismes de gestion collective établis dans l’Union devraient avoir la faculté d’exercer les libertés prévues par les traités lorsqu’ils représentent les titulaires de droits qui résident ou sont établis dans d’autres États membres ou octroient des licences à des utilisateurs qui résident ou sont établis dans d’autres États membres.

[...]

(7) La protection des intérêts des membres des organismes de gestion collective, des titulaires de droits et des tiers exige la coordination des législations des États membres en matière de gestion du droit d’auteur et d’octroi de licences multiterritoriales de droits en ligne sur des œuvres musicales, l’objectif étant d’avoir des garanties équivalentes dans toute l’Union. C’est pourquoi la présente directive devrait avoir pour base légale l’article 50, paragraphe 1, [TFUE].

(8) La présente directive a pour objectif de coordonner les règles nationales concernant l’accès des organismes de gestion collective à l’activité de gestion du droit d’auteur et des droits voisins, les modalités de gouvernance de ces organismes ainsi que le cadre de leur surveillance, et elle devrait dès lors avoir aussi pour base légale l’article 53, paragraphe 1, [TFUE]. En outre, puisqu’elle concerne un secteur proposant des services dans toute l’Union, elle devrait avoir pour base légale l’article 62 [TFUE].

(9) La présente directive a pour objectif de fixer des exigences applicables aux organismes de gestion collective en vue de garantir un niveau élevé de gouvernance, de gestion financière, de transparence et de communication d’informations. Cependant, les États membres devraient rester libres de maintenir ou d’imposer des normes plus strictes que celles prévues au titre II de la présente directive à l’égard des organismes de gestion collective établis sur leur territoire, pour autant que ces normes plus strictes soient compatibles avec le droit de l’Union.

[...]

(15) Les titulaires de droits devraient être libres de confier la gestion de leurs droits à des entités de gestion indépendantes. Ces entités de gestion indépendantes sont des entités commerciales qui diffèrent des organismes de gestion collective, entre autres en raison du fait qu’elles ne sont pas détenues ou contrôlées par les titulaires de droits. Cependant, dans la mesure où ces entités de gestion indépendantes exercent les mêmes activités que les organismes de gestion collective, elles devraient être tenues de fournir certaines informations aux titulaires de droits qu’elles représentent, aux organismes de gestion collective, aux utilisateurs et au public.

(16) Les producteurs audiovisuels, les producteurs de disques et les radiodiffuseurs octroient des licences d’exploitation de leurs propres droits, ainsi que, dans certains cas, de droits qui leur ont été transférés, par exemple, par des artistes interprètes ou exécutants, sur la base d’accords négociés individuellement, et ils agissent dans leur propre intérêt. Les éditeurs de livres, de musique ou de journaux octroient des licences d’exploitation de droits qui leur ont été transférés sur la base d’accords négociés individuellement et agissent dans leur propre intérêt. Dès lors, les producteurs audiovisuels, les producteurs de disques, les radiodiffuseurs et les éditeurs ne devraient pas être considérés comme des “entités de gestion indépendantes”. En outre, les gestionnaires et les agents des auteurs et des artistes interprètes ou exécutants qui agissent en tant qu’intermédiaires et représentent des titulaires de droits dans leurs relations avec des organismes de gestion collective ne devraient pas être considérés comme des “entités de gestion indépendantes”, étant donné qu’ils ne gèrent pas des droits au sens de la fixation de tarifs, de l’octroi de licences ou de la perception d’argent auprès des utilisateurs.

[...]

(19) Compte tenu des libertés définies par le traité[ FUE], la gestion collective du droit d’auteur et de droits voisins devrait impliquer qu’un titulaire de droits puisse choisir librement un organisme de gestion collective pour gérer ses droits, qu’il s’agisse de droits de communication au public ou de droits de reproduction, ou de catégories de droits liées à des formes d’exploitation telles que la radiodiffusion, l’exploitation en salles, ou la reproduction en vue de la distribution en ligne, à condition que l’organisme de gestion collective que le titulaire souhaite choisir gère déjà ces droits ou catégories de droits.

[...]

[...] les titulaires de droits devraient avoir la possibilité de facilement retirer ces droits ou catégories de droits à un organisme de gestion collective pour gérer ces droits individuellement ou pour en confier ou en transférer la gestion en tout ou en partie à un autre organisme de gestion collective ou une autre entité, quel que soit l’État membre de la nationalité, de la résidence ou de l’établissement de l’organisme de gestion collective, de l’autre entité ou du titulaire de droits. Dans un État membre qui, conformément au droit de l’Union et aux obligations internationales de l’Union et de ses États membres, prévoit une obligation de gestion collective des droits, le choix des titulaires de droits se limiterait à d’autres organismes de gestion collective.

[...]

[...]

(55) Étant donné que les objectifs de la présente directive, à savoir renforcer la capacité des membres des organismes de gestion collective à exercer un contrôle sur les activités de ceux-ci, garantir un niveau de transparence suffisant des organismes de gestion collective et améliorer l’octroi de licences multiterritoriales de droits d’auteur sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne, ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, mais peuvent, en raison de leur dimension et de leurs effets, l’être mieux au niveau de l’Union, celle-ci peut prendre des mesures conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 [TUE]. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, la présente directive n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs. »

12 Aux termes de l’article 1er de cette directive, intitulé « Objet » :

« La présente directive définit les exigences nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de la gestion du droit d’auteur et des droits voisins par les organismes de gestion collective. Elle définit également les conditions d’octroi, par les organismes de gestion collective, de licences multiterritoriales de droits d’auteur sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne. »

13 L’article 2 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », est ainsi libellé :

« 1. Les titres I, II, IV et V, à l’exception de l’article 34, paragraphe 2, et de l’article 38, s’appliquent à tous les organismes de gestion collective établis dans l’Union.

2. Le titre III, l’article 34, paragraphe 2, et l’article 38 s’appliquent aux organismes de gestion collective établis dans l’Union qui gèrent des droits d’auteur sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne sur une base multiterritoriale.

3. Les dispositions pertinentes de la présente directive s’appliquent aux entités détenues ou contrôlées, directement ou indirectement, en tout ou en partie, par un organisme de gestion collective, pour autant que ces entités exercent une activité qui, si elle était exercée par un organisme de gestion collective, serait soumise aux dispositions de la présente directive.

4. L’article 16, paragraphe 1, les articles 18 et 20, l’article 21, paragraphe 1, points a), b), c), e), f) et g), et les articles 36 et 42 s’appliquent à l’ensemble des entités de gestion indépendantes établies dans l’Union. »

14 L’article 3 de la même directive, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “organisme de gestion collective”, tout organisme dont le seul but ou le but principal consiste à gérer le droit d’auteur ou les droits voisins du droit d’auteur pour le compte de plusieurs titulaires de droits, au profit collectif de ces derniers, qui y est autorisé par la loi ou par voie de cession, de licence ou de tout autre accord contractuel, et qui remplit les deux critères suivants ou l’un d’entre eux :

i) il est détenu ou contrôlé par ses membres ;

ii) il est à but non lucratif ;

b) “entité de gestion indépendante”, tout organisme dont le seul but ou le but principal consiste à gérer le droit d’auteur ou les droits voisins du droit d’auteur pour le compte de plusieurs titulaires de droits, au profit collectif de ces derniers, qui y est autorisé par la loi ou par voie de cession, de licence ou de tout autre accord contractuel, et :

i) qui n’est ni détenu ni contrôlé, directement ou indirectement, en tout ou en partie, par des titulaires de droits ; et

ii) qui est à but lucratif ;

[...]

j) “accord de représentation”, tout accord entre des organismes de gestion collective dans le cadre duquel un organisme de gestion collective en mandate un autre pour gérer les droits qu’il représente, y compris les accords conclus au titre des articles 29 et 30 ;

[...] »

15 L’article 4 de la directive 2014/26, intitulé « Principes généraux », prévoit :

« Les États membres veillent à ce que les organismes de gestion collective agissent au mieux des intérêts des titulaires de droits dont ils représentent les droits et à ce qu’ils ne leur imposent pas des obligations qui ne soient pas objectivement nécessaires pour protéger leurs droits et leurs intérêts ou pour assurer une gestion efficace de leurs droits. »

16 Aux termes de l’article 5 de cette directive, intitulé « Droits des titulaires de droits » :

« 1. Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits jouissent des droits prévus aux paragraphes 2 à 8 et à ce que ces droits soient établis dans les statuts ou les conditions d’affiliation de l’organisme de gestion collective.

2. Les titulaires de droits ont le droit d’autoriser un organisme de gestion collective de leur choix à gérer les droits, les catégories de droits, les types d’œuvres et autres objets de leur choix, pour les territoires de leur choix, quel que soit l’État membre de nationalité, de résidence ou d’établissement de l’organisme de gestion collective ou du titulaire de droits. À moins que l’organisme de gestion collective ne refuse la gestion pour des raisons objectivement justifiées, il est tenu de gérer ces droits, catégories de droits, types d’œuvres et autres objets, à condition que leur gestion relève de son domaine d’activité.

3. Les titulaires de droits ont le droit d’octroyer des licences en vue d’utilisations non commerciales des droits, des catégories de droits ou des types d’œuvres et autres objets de leur choix.

4. Les titulaires de droits ont le droit de résilier l’autorisation de gérer les droits, les catégories de droits ou les types d’œuvres et autres objets accordés par eux à un organisme de gestion collective, ou de retirer à un organisme de gestion collective des droits, catégories de droits ou types d’œuvres et autres objets de leur choix, déterminés en vertu du paragraphe 2, pour les territoires de leur choix, moyennant un délai de préavis raisonnable n’excédant pas six mois. L’organisme de gestion collective peut décider que cette résiliation ou ce retrait ne prend effet qu’à la fin de l’exercice.

5. Si des sommes sont dues à un titulaire de droits pour des actes d’exploitation exécutés avant que la résiliation de l’autorisation ou le retrait des droits n’ait pris effet, ou dans le cadre d’une licence octroyée avant que cette résiliation ou ce retrait n’ait pris effet, ce titulaire conserve les droits que lui confèrent les articles 12, 13, 18, 20, 28 et 33.

6. Un organisme de gestion collective ne restreint pas l’exercice des droits prévus aux paragraphes 4 et 5 en exigeant, en tant que condition à l’exercice de ces droits, que la gestion des droits ou des catégories de droits ou des types d’œuvres et autres objets sur lesquels porte la résiliation ou le retrait soit confiée à un autre organisme de gestion collective.

[...] »

17 L’article 6 de ladite directive, intitulé « Règles d’affiliation des organismes de gestion collective », énonce, à son paragraphe 2 :

« Les organismes de gestion collective admettent en qualité de membres les titulaires de droits et les entités représentant les titulaires de droits, y compris d’autres organismes de gestion collective et des associations de titulaires de droits, qui remplissent les exigences liées à l’affiliation, lesquelles reposent sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. [...] »

18 Aux termes de l’article 16 de la directive 2014/26, intitulé « Octroi de licences » :

«1. Les États membres veillent à ce que les organismes de gestion collective et les utilisateurs négocient de bonne foi l’octroi de licences de droits. [...]

2. Les conditions d’octroi de licences reposent sur des critères objectifs et non discriminatoires. [...]

Les titulaires de droits perçoivent une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs droits. Les tarifs appliqués pour les droits exclusifs et les droits à rémunération sont raisonnables, au regard, entre autres, de la valeur économique de l’utilisation des droits négociés, compte tenu de la nature et de l’ampleur de l’utilisation des œuvres et autres objets, ainsi qu’au regard de la valeur économique du service fourni par l’organisme de gestion collective. [...]

3. Les organismes de gestion collective répondent, sans retard indu, aux demandes des utilisateurs, en indiquant, entre autres, les informations nécessaires pour que l’organisme de gestion collective propose une licence.

Dès réception de toutes les informations pertinentes, l’organisme de gestion collective, soit propose une licence, soit adresse à l’utilisateur une déclaration motivée expliquant les raisons pour lesquelles il n’entend pas octroyer de licence pour un service en particulier, ce sans retard indu.

[...] »

19 L’article 30 de cette directive, intitulé « Obligation de représenter un autre organisme de gestion collective pour l’octroi de licences multiterritoriales », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que, lorsqu’un organisme de gestion collective qui n’octroie pas ou ne propose pas d’octroyer des licences multiterritoriales de droits en ligne sur des œuvres musicales de son propre répertoire demande à un autre organisme de gestion collective de conclure avec lui un accord de représentation pour représenter ces droits, l’organisme de gestion collective sollicité soit tenu d’accepter une telle demande s’il octroie déjà ou propose déjà d’octroyer des licences multiterritoriales pour la même catégorie de droits en ligne sur des œuvres musicales figurant dans le répertoire d’un ou de plusieurs autres organismes de gestion collective. »

20 Aux termes de l’article 36 de ladite directive, intitulé « Conformité » :

« 1. Les États membres veillent à ce que les autorités compétentes désignées à cet effet contrôlent le respect, par les organismes de gestion collective établis sur leur territoire, des dispositions du droit national adoptées conformément aux exigences prévues par la présente directive.

[...]

3. Les États membres veillent à ce que les autorités compétentes désignées à cet effet soient habilitées à infliger des sanctions appropriées et à prendre des mesures appropriées en cas de non-respect des dispositions de droit national prises en application de la présente directive. Ces sanctions et mesures sont effectives, proportionnées et dissuasives.

[...] »

21 L’article 39 de la directive 2014/26, intitulé « Notification des organismes de gestion collective », prévoit :

« Au plus tard le 10 avril 2016, sur la base des informations dont ils disposent, les États membres fournissent à la Commission [européenne] une liste des organismes de gestion collective établis sur leur territoire.

Les États membres notifient à la Commission, sans retard indu, toute modification apportée à cette liste.

La Commission publie ces informations et les tient à jour. »

22 L’article 41 de cette directive, intitulé « Groupe d’experts », dispose :

« Il est institué un groupe d’experts. Il est composé de représentants des autorités compétentes des États membres. Le groupe d’experts est présidé par un représentant de la Commission et se réunit, soit à l’initiative de son président, soit à la demande de la délégation d’un État membre. Le groupe a pour mission :

a) d’examiner l’incidence de la transposition de la présente directive sur le fonctionnement des organismes de gestion collective et des entités de gestion indépendantes dans le marché intérieur, et de signaler les problèmes éventuels ;

[...] »

Le droit italien

23 L’article 180 de la legge n. 633 – Protezione del diritto d’autore e di altri diritti connessi al suo esercizio (loi no 633, relative à la protection du droit d’auteur et d’autres droits liés à son exercice), du 22 avril 1941 (GURI no 166, du 16 juillet 1941), telle que modifiée par le decreto legge n. 148 – Disposizioni urgenti in materia finanziaria e per esigenze indifferibili (décret-loi no 148, portant dispositions urgentes en matière financière et pour des besoins impérieux), du 16 octobre 2017 (GURI no 242, du 16 octobre 2017) (ci-après la « loi relative à la protection du droit d’auteur »), dispose :

« L’activité d’intermédiaire, qu’elle soit mise en œuvre sous toute forme directe ou indirecte d’intervention, de médiation, de mandat, de représentation ainsi que sous la forme de cession pour l’exercice des droits de représentation, d’exécution, de récitation, de radiodiffusion, y compris la communication au public par satellite, et de reproduction mécanique et cinématographique des œuvres protégées, est réservée exclusivement à la Società italiana degli autori ed editori (SIAE, société italienne des auteurs et éditeurs) et aux autres organismes de gestion collective visés par le [decreto legislativo n. 35 – Attuazione della direttiva 2014/26/UE sulla gestione collettiva dei diritti d’autore e dei diritti connessi e sulla concessione di licenze multiterritoriali per i diritti su opere musicali per l’uso online nel mercato interno (décret législatif no 35 transposant la [directive 2014/26/UE]), du 15 mars 2017 (GURI no 72 du 27 mars 2017, ci-après le « décret législatif no 35/2017 »)].

Cette activité est exercée aux fins de :

1) l’octroi, pour le compte et dans l’intérêt des ayants droit, de licences et d’autorisations pour l’exploitation d’œuvres protégées ;

2) la perception des recettes découlant de ces licences et autorisations ;

3) la répartition de ces recettes entre les ayants droit.

L’activité de la [SIAE] est également exercée conformément aux normes établies par règlement dans les pays étrangers dans lesquels elle dispose d’une représentation organisée.

Cette exclusivité de pouvoirs est sans préjudice de la faculté de l’auteur, de ses successeurs, ou des ayants droit, d’exercer directement leurs droits reconnus par la présente loi.

[...] »

24 Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, du décret législatif no 35/2017 :

« Les titulaires des droits peuvent confier à un organisme de gestion collective ou à une entité de gestion indépendante de leur choix la gestion de leurs droits, des catégories correspondantes ou des types d’œuvres et autres objets protégés, pour les territoires qu’ils indiquent, quel que soit l’État membre de nationalité, de résidence ou d’établissement de l’organisme de gestion collective, de l’entité de gestion indépendante ou du titulaire des droits, sans préjudice des dispositions de l’article 180 de la [loi relative à la protection du droit d’auteur], en ce qui concerne l’activité d’intermédiation de droits d’auteur. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

25 LEA est un organisme de gestion collective régi par le droit italien et habilité à l’intermédiation des droits d’auteur en Italie.

26 Jamendo, société de droit luxembourgeois, est une entité de gestion indépendante qui exerce son activité en Italie depuis l’année 2004.

27 LEA a introduit devant le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome, Italie), qui est la juridiction de renvoi, une action en cessation contre Jamendo, tendant à ce qu’il soit ordonné à cette dernière de cesser son activité d’intermédiation en matière de droit d’auteur en Italie. Au soutien de cette demande, LEA invoque le fait que Jamendo exerce illégalement cette activité en Italie aux motifs, premièrement, qu’elle n’est pas inscrite sur la liste des organismes habilités à l’intermédiation des droits d’auteur en Italie, deuxièmement, qu’elle n’a pas satisfait aux exigences spécifiques prévues par le décret législatif no 35/2017 et, troisièmement, qu’elle n’a pas informé le ministère des Télécommunications avant de commencer à exercer ladite activité, en méconnaissance de l’article 8 de ce décret législatif.

28 Devant la juridiction de renvoi, Jamendo soutient que la directive 2014/26 a été incorrectement transposée dans le droit italien, faisant valoir que le législateur italien a omis de conférer aux entités de gestion indépendantes les droits prévus par cette directive.

29 À cet égard, Jamendo indique que, en vertu de l’article 180 de la loi relative à la protection du droit d’auteur, l’activité d’intermédiation en Italie est réservée exclusivement à la SIAE et aux autres organismes de gestion collective qui y sont visés, ce qui a pour effet d’empêcher les entités de gestion indépendantes d’y opérer dans le domaine de l’intermédiation en matière de droit d’auteur et de contraindre celles-ci à conclure des accords de représentation avec la SIAE ou d’autres organismes de gestion collective autorisés.

30 À titre subsidiaire, Jamendo fait valoir que son activité relève non pas de la gestion collective, mais de la gestion directe des droits d’auteur, invoquant à cet égard le considérant 16 de la directive 2014/26, duquel il ressortirait que les entités octroyant des licences sur des droits qui leur ont été transférés sur la base d’accords négociés « individuellement » ne relèvent pas de la notion d’« entité de gestion indépendante », au sens de l’article 3, sous b), de cette directive.

31 La juridiction de renvoi estime, d’une part, que l’activité de Jamendo n’apparaît pas comme pouvant être qualifiée de « gestion directe », étant donné que celle-ci octroie des licences et des sous-licences, perçoit une rémunération en fonction du nombre d’utilisations de l’œuvre et retient une redevance déterminée en pourcentage des montants perçus. Les contrats que Jamendo soumet à ses membres ne sembleraient pas non plus être le résultat de négociations individuelles et le choix entre différentes possibilités ne serait pas de nature à remettre en cause la qualification de « contrats d’adhésion » de ces contrats, ce qui empêcherait de considérer chacun desdits contrats comme étant le résultat d’une négociation spécifique.

32 D’autre part, cette juridiction relève que l’article 180 de la loi relative à la protection du droit d’auteur ne permet pas aux entités de gestion indépendantes d’exercer l’activité d’intermédiaire pour l’exercice des droits de représentation, d’exécution, de récitation, de radiodiffusion, y compris la communication au public par satellite et de reproduction mécanique et cinématographique des œuvres protégées.

33 Dans ces conditions, le Tribunale ordinario di Roma (tribunal de Rome) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Convient-il d’interpréter la directive [2014/26] en ce sens qu’elle s’oppose à une législation nationale qui réserve l’accès au marché de l’intermédiation des droits d’auteur ou, en tout état de cause, la concession de licences aux utilisateurs, aux seuls acteurs pouvant être qualifiés, selon la définition de la même directive, d’organismes de gestion collective, à l’exclusion de ceux pouvant être considérés comme des entités de gestion indépendantes, constitués soit dans le même État, soit dans d’autres États membres ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

34 Lors de l’audience devant la Cour, le gouvernement italien a excipé de l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle au motif que le litige au principal revêtirait un caractère fictif.

35 Selon ce gouvernement, le fait que, devant la Cour, les parties au principal soutiennent des positions convergentes tendant, en substance, à faire constater l’incompatibilité avec le droit de l’Union de la législation italienne réservant l’accès à l’activité d’intermédiation dans le domaine des droits d’auteur aux seuls organismes de gestion collective, à l’exclusion des entités de gestion indépendantes, suffirait à établir le caractère artificiel de la procédure au principal.

36 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 12 octobre 2023, INTER CONSULTING, C 726/21, EU:C:2023:764, point 32 et jurisprudence citée).

37 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de validité d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 12 octobre 2023, INTER CONSULTING, C 726/21, EU:C:2023:764, point 33 et jurisprudence citée).

38 En l’occurrence, il convient, certes, d’observer que, devant la juridiction de renvoi, LEA demande qu’il soit ordonné à Jamendo de cesser d’exercer son activité d’intermédiation en matière de droit d’auteur en Italie au motif que cet exercice viole la réglementation italienne en cause au principal, tandis que, dans les observations écrites qu’elle a déposées devant la Cour, LEA soutient, en substance, que cette réglementation italienne n’est pas conforme au droit de l’Union.

39 Cela étant, compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 36 et 37 du présent arrêt, cette circonstance, ainsi que celle que les parties au principal sont d’accord sur l’interprétation à retenir du droit de l’Union ne sauraient suffire à affecter la réalité du litige au principal ni, par suite, la recevabilité de la demande de décision préjudicielle en l’absence d’élément indiquant de façon manifeste que ce litige présenterait un caractère artificiel ou fictif (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2005, Mangold, C 144/04, EU:C:2005:709, points 37 à 39, ainsi que du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys, C 307/10, EU:C:2012:361, points 31 à 34).

40 Toutefois, il convient de relever que la juridiction de renvoi se réfère, dans le libellé de sa question préjudicielle, aux entités de gestion indépendantes constituées « soit dans le même État, soit dans d’autres États membres ». Or, Jamendo est établie au Luxembourg et aucun élément du dossier dont dispose la Cour ne permet de penser que le litige au principal concernerait une quelconque entité de gestion indépendante établie en Italie. Dans ces conditions, force est de constater que, en tant qu’elle vise les entités de gestion indépendantes établies dans l’État membre concerné, la question préjudicielle revêt un caractère hypothétique.

41 Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 37 du présent arrêt, la demande de décision préjudicielle doit être déclarée irrecevable en tant qu’elle vise les entités de gestion indépendantes établies en Italie.

 Sur la question préjudicielle

42 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2014/26 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut de manière générale et absolue la possibilité pour les entités de gestion indépendantes établies dans un autre État membre de prester dans ce premier État membre leurs services de gestion du droit d’auteur.

43 Ainsi qu’il ressort des considérants 7, 8 et 55 de cette directive, celle ci vise à coordonner les règles nationales concernant l’accès des organismes de gestion collective à l’activité de gestion du droit d’auteur et des droits voisins, les modalités de gouvernance de ces organismes, le cadre de leur surveillance ainsi que les conditions d’octroi de licences multiterritoriales de droits d’auteur sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne, dans le but de protéger les intérêts des membres des organismes de gestion collective, des titulaires de droits et des tiers en veillant à ce qu’ils bénéficient de garanties équivalentes dans toute l’Union.

44 À cette fin, l’article 1er de ladite directive, lu à la lumière du considérant 9 de celle-ci, prévoit que la même directive établit, notamment, des exigences applicables aux organismes de gestion collective en vue d’assurer un niveau élevé de gouvernance, de gestion financière, de transparence et de communication d’informations.

45 Estimant, comme l’énonce le considérant 15 de la directive 2014/26, que les entités de gestion indépendantes, bien qu’elles soient des entités commerciales qui diffèrent des organismes de gestion collective en raison, notamment, du fait qu’elles ne sont pas détenues ou contrôlées par les titulaires de droits, exercent les mêmes activités que les organismes de gestion collective, le législateur de l’Union a considéré qu’il convenait de soumettre celles ci à l’obligation de communiquer certaines informations.

46 À cet effet, l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2014/26 rend applicables aux entités de gestion indépendantes certaines dispositions spécifiques de cette directive, relatives à la communication d’informations aux titulaires de droits que ces entités représentent, aux organismes de gestion collective, aux utilisateurs et au public.

47 Cependant, l’article 5 de cette directive, qui confère aux titulaires de droits, à son paragraphe 2, le droit de choisir l’organisme de gestion collective chargé de les représenter, et ce quel que soit l’État membre de nationalité, de résidence ou d’établissement de l’organisme de gestion collective ou du titulaire de droits, ne fait pas partie des dispositions énumérées à l’article 2, paragraphe 4, de ladite directive.

48 En outre, ainsi que l’a, en substance, relevé M. l’avocat général au point 38 de ses conclusions, aucune autre disposition de la directive 2014/26 ne régit l’accès de ces entités à l’activité de gestion du droit d’auteur.

49 Certes, le considérant 19 de la directive 2014/26 énonce, notamment, que les titulaires de droits devraient avoir la possibilité de facilement retirer leurs droits à un organisme de gestion collective pour gérer ces droits individuellement ou pour en confier la gestion à un autre organisme de gestion collective ou à une autre entité, quel que soit l’État membre de la nationalité, de la résidence ou de l’établissement de l’organisme de gestion collective concernée, de l’autre entité ou du titulaire de droits.

50 Toutefois, d’une part, la possibilité pour les titulaires de droits d’en retirer la gestion à un organisme de gestion collective, consacrée à l’article 5, paragraphe 4, de cette directive, n’implique pas une obligation pour les États membres de veiller à ce que ces titulaires disposent du droit d’autoriser une entité de gestion indépendante de leur choix à gérer leurs droits, quel que soit l’État membre de nationalité, de résidence ou d’établissement de cette entité.

51 D’autre part, le considérant 19 de ladite directive ne saurait conduire à une interprétation de l’article 2, paragraphe 4, et de l’article 5, paragraphe 2, de celle ci qui serait incompatible avec le libellé de ces dispositions. En effet, selon une jurisprudence constante, si le préambule d’un acte de l’Union est susceptible de préciser le contenu des dispositions de cet acte et fournit des éléments d’interprétation qui sont de nature à apporter des éclaircissements sur la volonté de l’auteur dudit acte, il n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens contraire à leur libellé (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka, C 501/18, EU:C:2021:249, point 90 et jurisprudence citée).

52 Par conséquent, eu égard au fait que l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2014/26 énonce de manière exhaustive les dispositions applicables aux entités de gestion indépendantes, l’article 5, paragraphes 1, 2 et 4, de cette directive, lu en combinaison avec le considérant 19 de celle-ci, ne saurait être interprété en ce sens qu’il impose aux États membres de veiller à ce que les titulaires de droits disposent du droit d’autoriser une entité de gestion indépendante de leur choix à gérer leurs droits quel que soit l’État membre de nationalité, de résidence ou d’établissement de l’entité de gestion indépendante ou du titulaire de droits concernés.

53 En l’absence, dans la directive 2014/26, d’une telle obligation et, plus généralement, d’une disposition régissant l’accès de ces entités à l’activité de gestion du droit d’auteur, il y a lieu de considérer que cette directive n’harmonise pas les conditions d’un tel accès et, partant, qu’elle ne s’oppose pas à une législation d’un État membre qui exclut de manière générale et absolue la possibilité pour les entités de gestion indépendantes établies dans un autre État membre de prester dans ce premier État membre leurs services de gestion du droit d’auteur.

54 Pour autant, il ne saurait en être déduit qu’une telle législation nationale échappe au droit de l’Union dans son ensemble ni, a fortiori, qu’elle est conforme à ce droit.

55 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal est caractérisé par une situation présentant un lien avec les échanges entre les États membres, Jamendo, une société de droit luxembourgeois, étant empêchée, en application de la législation italienne, de fournir, en Italie, des prestations de services de gestion du droit d’auteur et des droits voisins en tant qu’entité de gestion indépendante. Ces éléments font ainsi apparaître que, compte tenu de l’objet du litige au principal, il y a lieu pour la Cour, afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, d’interpréter d’autres dispositions du droit de l’Union.

56 En effet, dès lors qu’elle régit des situations présentant un lien avec les échanges entre les États membres, une telle législation est susceptible de relever des dispositions du traité FUE relatives aux libertés fondamentales (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C 222/18, EU:C:2019:751, point 49 et jurisprudence citée).

57 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Par conséquent, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité sa question à l’interprétation d’une disposition particulière du droit de l’Union, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions. À cette fin, il appartient à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de ce droit qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C 222/18, EU:C:2019:751, point 50 et jurisprudence citée).

58 Par ailleurs, une mesure nationale relative à un domaine qui a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive au niveau de l’Union doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d’harmonisation et non pas de celles du droit primaire (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C 222/18, EU:C:2019:751, point 52).

59 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 53 du présent arrêt, la directive 2014/26 n’a, certes, pas procédé à une harmonisation des conditions d’accès des entités de gestion indépendantes à l’activité de gestion du droit d’auteur. Toutefois à l’instar de M. l’avocat général aux points 40 et 41 de ses conclusions, il convient encore d’examiner si les services de gestion du droit d’auteur et des droits voisins prestés par une entité de gestion indépendante telle que Jamendo sont susceptibles de relever du champ d’application matériel de la directive 2000/31 ou de celui de la directive 2006/123.

60 À cet égard, il convient au préalable de relever que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2000/31, celle-ci régit spécifiquement les services de la société de l’information. Or, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2006/123, cette dernière n’est pas applicable si ses dispositions sont en conflit avec une disposition d’un autre acte de l’Union régissant des aspects spécifiques de l’accès à une activité de services ou à son exercice dans des secteurs spécifiques ou pour des professions spécifiques.

61 Partant, il convient d’examiner, tout d’abord, si l’activité de gestion du droit d’auteur exercée par les entités de gestion indépendantes est régie par la directive 2000/31 et, à défaut, si cette activité relève du champ d’application de la directive 2006/123.

Sur l’applicabilité de la directive 2000/31

62 L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2000/31 interdit aux États membres de restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre.

63 Toutefois, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, de cette directive, les paragraphes 1 et 2 de cet article ne sont pas applicables aux « domaines » visés à l’annexe de ladite directive, laquelle vise, notamment, « le droit d’auteur » et « les droits voisins ».

64 Il y a lieu de constater que la dérogation que prévoit l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2000/31 est formulée de manière large, visant de façon générale les restrictions à la libre prestation des services relevant du « domaine » du droit d’auteur et des droits voisins.

65 En outre, rien, dans cette directive, n’indique que le législateur de l’Union, en adoptant cette dérogation, ait voulu exclure de la portée de cette dernière les services de gestion du droit d’auteur et des droits voisins.

66 Par conséquent, il y a lieu de considérer que la gestion du droit d’auteur et des droits voisins, qui, ainsi qu’il ressort du considérant 2 de la directive 2014/26, comprend, notamment, l’octroi de licences aux utilisateurs, le contrôle de l’utilisation des droits, le respect du droit d’auteur et des droits voisins, la perception des revenus provenant de l’exploitation des droits et leur distribution aux titulaires de droits, relève de la dérogation prévue à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2000/31, lu en combinaison avec l’annexe de celle ci.

67 Cette interprétation ne saurait être remise en cause par le fait que l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2000/31, en tant que dérogation à la règle générale prévue à l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, doit être interprété de manière stricte. En effet, s’il résulte d’une jurisprudence constante que les dispositions dérogeant à une liberté fondamentale doivent être interprétées strictement, il n’en convient pas moins de veiller à sauvegarder l’effet utile de la dérogation ainsi établie et de respecter sa finalité (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C 403/08 et C 429/08, EU:C:2011:631, points 162 et 163).

68 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les dispositions de la directive 2000/31 ne sont pas applicables aux services de gestion du droit d’auteur et des droits voisins.

Sur l’applicabilité de la directive 2006/123

69 En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2006/123, cette dernière vise notamment à faciliter l’exercice de la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau élevé de qualité des services.

70 À cette fin, l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive prévoit que les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

71 Toutefois, en vertu de l’article 17, point 11, de ladite directive, l’article 16 de celle-ci n’est pas applicable au droit d’auteur et aux droits voisins.

72 La Cour a interprété cette disposition en ce sens que l’activité de gestion collective du droit d’auteur était exclue du champ d’application de l’article 16 de la directive 2006/123 (arrêt du 27 février 2014, OSA, C 351/12, EU:C:2014:110, point 65).

73 En effet, cette dérogation, à l’instar de celle que prévoit l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2000/31, est formulée de manière large, visant de façon générale le droit d’auteur et les droits voisins, de sorte qu’il ne saurait être inféré de l’article 17, point 11, de la directive 2006/123 une quelconque intention du législateur de l’Union d’exclure les services de gestion du droit d’auteur et des droits voisins du champ d’application de ladite dérogation.

74 Il en découle que les services de gestion du droit d’auteur et des droits voisins ne relèvent pas du champ d’application de l’article 16 de la directive 2006/123.

75  L’accès des entités de gestion indépendantes à l’activité de gestion du droit d’auteur ne faisant pas l’objet, ainsi qu’il résulte des points 53, 68 et 74 du présent arrêt, d’une harmonisation exhaustive au niveau de l’Union, la détermination des règles en la matière demeure donc de la compétence des États membres, sous réserve du respect des dispositions du traité FUE, et notamment de celles relatives aux libertés fondamentales (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C 222/18, EU:C:2019:751, point 56 et jurisprudence citée). Dès lors, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal doit être appréciée au regard des dispositions pertinentes du droit primaire, en l’occurrence l’article 56 TFUE.

 Sur la conformité de la mesure en cause au principal à la libre prestation de services garantie à l’article 56 TFUE

76 Selon une jurisprudence constante, l’article 56 TFUE s’oppose à toute mesure nationale qui, quoique indistinctement applicable, est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la libre prestation des services garantie à cet article du traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 février 2021, Katoen Natie Bulk Terminals et General Services Antwerp, C 407/19 et C 471/19, EU:C:2021:107, point 58 ainsi que jurisprudence citée).

77 En l’occurrence, il y a lieu de constater qu’une mesure nationale telle que celle en cause au principal, en ce qu’elle ne permet pas aux entités de gestion indépendantes établies dans un autre État membre de prester en Italie leurs services de gestion du droit d’auteur et des droits voisins, contraignant ainsi celles-ci à conclure des accords de représentation avec un organisme de gestion collective autorisé dans cet État membre, constitue manifestement une restriction à la libre prestation des services garantie à l’article 56 TFUE.

78 Toutefois, cette restriction est susceptible d’être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, pour autant qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif d’intérêt public concerné et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, OSA, C 351/12, EU:C:2014:110, point 70).

Sur l’existence d’une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier la restriction concernée

79 En vertu d’une jurisprudence constante, la protection de droits de propriété intellectuelle constitue une raison impérieuse d’intérêt général (arrêt du 27 février 2014, OSA, C 351/12, EU:C:2014:110, point 71 et jurisprudence citée).

80 Partant, une réglementation telle que celle en cause au principal est susceptible d’être justifiée au regard de l’objectif de protection du droit d’auteur.

Sur la proportionnalité de la restriction concernée

81 S’agissant de la proportionnalité de la restriction concernée, il y a lieu de vérifier, en premier lieu, si la restriction consistant à exclure de l’activité d’intermédiation du droit d’auteur les entités de gestion indépendantes établies dans un autre État membre est propre à garantir la réalisation de l’objectif d’intérêt général lié à la protection du droit d’auteur que poursuit une telle mesure.

82 À cet égard, la Cour a considéré qu’une réglementation nationale qui accorde, pour la gestion des droits d’auteur relatifs à une catégorie d’œuvres protégées, un monopole sur le territoire de l’État membre concerné à une société de gestion doit être considérée comme étant de nature à protéger les droits de propriété intellectuelle, en ce qu’elle est de nature à permettre une gestion efficace du droit d’auteur et des droits voisins ainsi qu’un contrôle efficace de leur respect sur le territoire de l’État membre concerné (arrêt du 27 février 2014, OSA, C 351/12, EU:C:2014:110, point 72).

83 En l’occurrence, toutefois, la réglementation nationale en cause au principal ne confère pas le monopole de l’activité de gestion du droit d’auteur sur le territoire de l’État membre concerné à un organisme de gestion collective. En effet, l’article 180 de la loi relative à la protection du droit d’auteur permet que cette activité soit exercée sur le territoire italien non seulement par la SIAE, mais également par les organismes de gestion collective visés par le décret législatif no 35/2017, dont l’article 4, paragraphe 2, prévoit que les titulaires de droits peuvent confier à un organisme de gestion collective ou à une entité de gestion indépendante de leur choix la gestion de leurs droits, et ce « quel que soit l’État membre de nationalité, de résidence ou d’établissement de l’organisme de gestion collective, de l’entité de gestion indépendante ou du titulaire des droits » concernés, tout en précisant que l’application de cette disposition est sans préjudice de celle des dispositions de l’article 180 de loi relative à la protection du droit d’auteur.

84 Ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, ladite disposition a pour effet d’empêcher les entités de gestion indépendantes établies dans un autre État membre d’exercer l’activité de gestion du droit d’auteur en Italie, tout en permettant à des organismes de gestion collective établis dans d’autres États membres d’exercer une telle activité.

85 Dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une réglementation nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif recherché que si elle répond véritablement au souci d’atteindre celui ci d’une manière cohérente et systématique (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C 555/19, EU:C:2021:89, point 59 et jurisprudence citée).

86 Par conséquent, il y a lieu d’examiner si le traitement différencié auquel la réglementation italienne en cause au principal soumet, d’une part, les organismes de gestion collective et, d’autre part, les entités de gestion indépendantes, répond à une telle exigence.

87 À cet égard, il importe de relever que, à la différence des organismes de gestion collective, lesquels ont fait l’objet d’une harmonisation étendue concernant l’accès à l’activité de gestion du droit d’auteur et des droits voisins, les modalités de gouvernance ainsi que le cadre de la surveillance, les entités de gestion indépendantes ne sont, ainsi qu’il résulte de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2014/26, soumises qu’à un nombre limité des dispositions de cette directive et que, partant, plusieurs des exigences prévues par celle ci ne sont pas applicables à ces entités.

88 Premièrement, en effet, seuls les organismes de gestion collective sont soumis à l’obligation d’octroyer les licences sur la base de critères objectifs et non discriminatoires en vertu de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2014/26, les entités de gestion indépendantes étant seulement tenues de négocier de bonne foi l’octroi de licences conformément au paragraphe 1 de cet article et d’échanger toute information nécessaire à cet effet. En application de cet article 16, paragraphe 2, seuls les organismes de gestion collective sont soumis à l’obligation d’accorder aux titulaires de droits qu’ils représentent une rémunération appropriée en contrepartie de l’utilisation de leurs droits. Les organismes de gestion collective sont également tenus de pratiquer des tarifs raisonnables, au regard, notamment, de la valeur économique de l’utilisation des droits négociés, compte tenu de la nature et de l’ampleur de l’utilisation des œuvres et autres objets, ainsi qu’au regard de la valeur économique du service fourni par l’organisme de gestion collective, tandis que les entités de gestion indépendantes sont libres d’appliquer les tarifs qu’elles souhaitent.

89 À la différence des entités de gestion indépendantes, les organismes de gestion collective sont en outre tenus, en vertu de l’article 16, paragraphe 3, de cette directive, de répondre sans retard indu aux demandes des utilisateurs et de leur proposer une licence ou, à défaut, d’expliquer de façon motivée les raisons pour lesquelles ils n’entendent pas octroyer de licence pour un service en particulier.

90 Deuxièmement, contrairement aux organismes de gestion collective, les entités de gestion indépendantes ne sont pas tenues d’admettre en qualité de membres les titulaires de droits lorsqu’ils satisfont aux exigences liées à l’affiliation, lesquelles doivent reposer sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires, conformément à l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive.

91 Troisièmement, les entités de gestion indépendantes ne sont pas tenues de gérer les droits des titulaires qui leur en font la demande, comme l’impose l’article 5, paragraphe 2, seconde phrase, de la directive 2014/26 aux organismes de gestion collective, sauf pour des raisons objectivement justifiées, lorsque leur gestion relève de leur domaine d’activité, ce qui implique qu’elles sont libres de choisir les catégories de droits les plus rentables financièrement et de laisser aux organismes de gestion collective le soin de gérer les autres. Ces entités ne sont pas non plus soumises à l’obligation, prévue à l’article 5, paragraphe 4, de cette directive de respecter la liberté des titulaires de droits de résilier l’autorisation de gérer leurs droits, catégories de droits ou types d’œuvres ou de retirer des droits pour certains territoires.

92 Quatrièmement, contrairement aux organismes de gestion collective, les entités de gestion indépendantes ne sont pas liées par les dispositions régissant les conditions d’affiliation, les modalités de gouvernance et de surveillance ainsi que les conflits d’intérêts, figurant aux articles 6 à 10 de la directive 2014/26, ni par les dispositions concernant les procédures de plaintes et de règlement des litiges figurant aux articles 33 à 35 de celle ci.

93 Cinquièmement, ces entités ne sont pas soumises aux exigences en matière de gestion des revenus provenant des droits prévues aux articles 11 à 15 de la directive 2014/26, ce qui leur permet de maximiser leurs profits.

94 Sixièmement, s’agissant des exigences spécifiques imposées par cette directive en matière de transparence, seul l’article 20 et certaines dispositions de l’article 21 de celle ci sont applicables aux entités de gestion indépendantes. En particulier, contrairement aux organismes de gestion collective, les entités de gestion indépendantes ne sont pas soumises aux obligations prévues au chapitre 5 de la directive 2014/26, notamment à l’obligation de préparer un rapport annuel de transparence, prévue à l’article 22 de celle ci.

95 Septièmement, enfin, le titre III de la directive 2014/26, relatif à l’octroi de licences multiterritoriales de droits en ligne sur les œuvres musicales, n’est pas non plus applicable aux entités de gestion indépendantes.

96 Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que le traitement différencié, opéré par la réglementation nationale en cause, des entités de gestion indépendantes, par rapport aux organismes de gestion collective, répond au souci d’atteindre l’objectif de protection du droit d’auteur d’une manière cohérente et systématique, dès lors que les entités de gestion indépendantes sont soumises par la directive 2014/26 à un degré d’exigence moindre que les organismes de gestion collective en ce qui concerne, en particulier, l’accès à l’activité de gestion du droit d’auteur et des droits voisins, l’octroi des licences, les modalités de gouvernance ainsi que le cadre de la surveillance dont elles font l’objet. Dans ces conditions, un tel traitement différencié peut être considéré comme étant propre à garantir la réalisation de cet objectif.

97 Toutefois, s’agissant, en second lieu, de la question de savoir si la restriction consistant à exclure les entités de gestion indépendantes de l’activité d’intermédiation du droit d’auteur ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir la réalisation de l’objectif d’intérêt général lié à la protection du droit d’auteur, il convient de relever qu’une mesure moins attentatoire à la libre prestation de services pourrait consister, notamment, à subordonner la prestation de services d’intermédiation du droit d’auteur dans l’État membre concerné à des exigences réglementaires particulières qui seraient justifiées au regard de l’objectif de protection du droit d’auteur.

98 Dans ces conditions, force est de constater que la réglementation nationale en cause au principal, en tant qu’elle consiste à empêcher, de manière absolue, toute entité de gestion indépendante, quelles que soient les exigences réglementaires auxquelles celle ci est soumise en vertu du droit national de l’État membre dans lequel elle est établie, d’exercer une liberté fondamentale garantie par le traité FUE, apparaît aller au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger le droit d’auteur.

99 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 56 TFUE, lu en combinaison avec la directive 2014/26, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut de manière générale et absolue la possibilité pour les entités de gestion indépendantes établies dans un autre État membre de prester dans ce premier État membre leurs services de gestion du droit d’auteur.

Sur les dépens

100 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

L’article 56 TFUE, lu en combinaison avec la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut de manière générale et absolue la possibilité pour les entités de gestion indépendantes établies dans un autre État membre de prester dans ce premier État membre leurs services de gestion du droit d’auteur.