Livv
Décisions

CA Bourges, ch. civ., 21 septembre 2023, n° 22/00967

BOURGES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Choisir La Bourgogne (SARL)

Défendeur :

Air des Pins (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clément

Conseillers :

M. Perinetti, Mme Ciabrini

Avocats :

SCP Guenot Avocats et Associés, Me Sztajnberg, SCP Avocats Centre

TJ Nevers, du 10 août 2022

10 août 2022

Exposé du litige

**************

EXPOSE

La SARL Choisir la Bourgogne, prise en la personne de son représentant légal Mme [H] [G], et la SA Air des Pins, dont le directeur général est M. [W] [X], sont propriétaires indivis des biens immobiliers suivants, situés à [Localité 15] (58) :

- lieu-dit « [Localité 14] », cadastré section B n°[Cadastre 3]-[Cadastre 4]-[Cadastre 2] pour 5 a 53 ca,

- [Adresse 7] AI [Cadastre 12]-[Cadastre 13] pour 4 a 10 ca,

- [Adresse 7] et [Adresse 6] cadastré section [Cadastre 13] et [Cadastre 11] pour une contenance de 4 a 82 ca.

En raison de la mésentente entre Mme [G] et M. [X], le conseil de la SA Air des Pins a, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er octobre 2021, distribué le 5 octobre suivant, tenté une sortie amiable de l'indivision qui s'est soldée par un échec.

Par courrier suivi en date du 28 janvier 2022, distribué le 31 janvier suivant, le conseil de la SA Air des Pins a adressé à la SARL Choisir la Bourgogne une demande d'état des sommes perçues au titre de l'occupation de l'immeuble situé lieu-dit [Localité 14] par les consorts [J] auprès desquels la SARL Choisir la Bourgogne s'était engagée en signant un compromis de vente sans l'accord de son co-indivisaire.

Aucune réponse n'est intervenue.

Par requête reçue au greffe le 15 février 2022, la SARL Choisir la Bourgogne a sollicité de la présidente du tribunal judiciaire de Nevers l'autorisation d'assigner à jour fixe la SA Air des Pins, indiquant que suivant acte sous seing privé en date du 26 octobre 2021, les parties avaient signé une promesse synallagmatique de vente aux termes de laquelle la SA Air des Pins avait cédé ses parts et portions indivises des trois immeubles précités à la SARL Choisir la Bourgogne et que cette dernière refusait de régulariser la vente par réitération d'acte authentique.

Par ordonnance en date du 19 février 2022, la présidente du tribunal judiciaire de Nevers a fait droit à la demande de la SARL Choisir la Bourgogne.

Suivant acte d'huissier de justice en date du 25 février 2022, la SARL Choisir la Bourgogne a fait assigner la SA Air des Pins devant le tribunal judiciaire de Nevers, aux fins de voir, en l'état de ses dernières demandes,

déclarer la concluante recevable et bien fondée,

juger que par acte sous seing privé, à effet inter partes du 26 septembre 2021, la SA Air des Pins avait cédé à la SARL Choisir la Bourgogne ses quotes-parts indivises dans les immeubles ci-dessous mentionnés, moyennant le prix de 55.000 euros et que cette cession emportait cessation de l'indivision,

déclarer la SARL Choisir la Bourgogne prise en la personne de sa gérante, Mme [H] [G] née [E], propriétaire des quotes-parts indivises des immeubles cadastrés :

*commune de [Localité 15], AI [Cadastre 12]-[Cadastre 13], ainsi que et [Cadastre 11] et [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 2],

*[Adresse 7] AI [Cadastre 12]-[Cadastre 13] pour 5 a 20 ca,

*[Adresse 1] AI [Cadastre 11] pour 3 a 70 ca,

Et

*[Localité 14] B [Cadastre 3]-[Cadastre 4]-[Cadastre 2] pour 5 a 53 ca,

ordonner la publication du jugement à intervenir au service de la publicité foncière,

subsidiairement, renvoyer la vente par devant notaire à la diligence et au choix des parties,

condamner la SA Air des Pins au paiement au profit de la requérante d'une somme de 45.000 euros à titre de dommages-intérêts,

débouter la SA Air des Pins de toutes ses demandes, fins et conclusions,

dire n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit,

condamner la SA Air des Pins au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens.

En réplique, la SA Air des Pins a demandé au Tribunal de

déclarer la SARL Choisir la Bourgogne, anciennement dénommée Pierre François immobilier, mal fondée en son action à l'encontre de la SA Air des Pins,

en conséquence,

condamner la SARL Choisir la Bourgogne, anciennement dénommée Pierre François immobilier, à payer à la SA Air des Pins la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

condamner la SARL Choisir la Bourgogne, anciennement dénommée Pierre François immobilier, à payer à la SA Air des Pins la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SARL Choisir la Bourgogne, anciennement dénommée Pierre François immobilier, aux entiers dépens et allouer à la SCP Avocats Centre le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,

écarter l'exécution provisoire de droit relativement à toutes éventuelles condamnations de la SA Air des Pins.

Par jugement contradictoire du 10 août 2022, le Tribunal judiciaire de Nevers a :

- débouté la SARL Choisir la Bourgogne de sa demande tendant à juger que par l'acte sous seing privé du 26 octobre 2021 la SA Air des Pins avait cédé à la SARL Choisir la Bourgogne ses quotes-parts indivises et que cette cession emportait cessation de l'indivision ;

- débouté la SARL Choisir la Bourgogne de sa demande tendant à la déclarer propriétaire des quotes-parts indivises des immeubles cadastrés ;

*commune de [Localité 15], AI [Cadastre 12]-[Cadastre 13], ainsi que et [Cadastre 11] et [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 2],

*[Adresse 7] AI [Cadastre 12]-[Cadastre 13] pour 5 a 20 ca,

*[Adresse 1] AI [Cadastre 11] pour 3 a 70 ca,

Et

*[Localité 14] B [Cadastre 3]-[Cadastre 4]-[Cadastre 2] pour 5 a 53 ca,

- débouté la SARL Choisir la Bourgogne de sa demande tendant à renvoyer la vente par devant notaire ;

- débouté la SARL Choisir la Bourgogne de sa demande de dommages-intérêts ;

- condamné la SARL Choisir la Bourgogne à payer à la SA Air des Pins la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné la SARL Choisir la Bourgogne à payer à la SA Air des Pins la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SARL Choisir la Bourgogne de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL Choisir la Bourgogne aux dépens de l'instance ;

- autorisé Me [A] [K] de la SCP Avocats Centre à recouvrer directement contre la SARL Choisir la Bourgogne ceux des dépens dont elle avait fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

- rappelé que la décision était exécutoire de plein droit.

Le Tribunal a notamment retenu que l'acte sous seing privé en date du 26 octobre 2021 avait pour objet la vente des droits indivis de la SA Air des Pins à la SARL Choisir la Bourgogne concernant les trois immeubles indivis, ayant pour conséquence la cessation de l'indivision existant entre elles, que les règles du partage étaient applicables en l'espèce à l'exclusion de celles de la vente, que la SARL Choisir la Bourgogne ne rapportait pas la preuve d'une faute commise par la SA Air des Pins lui ayant causé un préjudice, que la SARL Choisir la Bourgogne, en signant deux compromis de vente concernant des biens indivis sans l'accord de son co-indivisaire, avait commis une faute causant un préjudice à la SA Air des Pins consistant en une dépossession, et lui avait causé un trouble de jouissance ouvrant droit à réparation en conservant seule les clés du bien immobilier situé [Adresse 7].

La SARL Choisir la Bourgogne a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 30 septembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 mai 2023, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SARL Choisir la Bourgogne demande à la Cour de :

Déclarer la concluante recevable et bien fondée.

Infirmer le jugement entrepris.

Juger que par acte sous-seing privé, à effet inter partes du 26 septembre 2021, la SA Air des Pins a cédé à la SARL Choisir la Bourgogne, ses quotes-parts indivises dans les immeubles ci-dessous mentionnés, moyennant le prix de 55 000 € et que cette cession emporte cessation de l'indivision,

Déclarer la SARL Choisir la Bourgogne, société à responsabilité limitée, au capital de 1 000 €, SIRET 753 102 482, siège social [Adresse 8], prise en la personne de sa gérante, Madame [H] [G] née [E], le 19 juillet 1954 a [Localité 9], gérante de société, de nationalité française, demeurant [Adresse 8], propriétaire des quotes-parts indivises des immeubles cadastrés [Localité 14] B [Cadastre 3]-[Cadastre 4]-[Cadastre 2] pour 5a 53 ca, moyennant le prix de 15 000 €.

Ordonner la publication du jugement à intervenir au Service de la Publicité Foncière.

Subsidiairement, renvoyer la vente par devant notaire à la diligence et au choix des parties.

Condamner la SA Air des Pins au paiement au pro't de la requérante d'une somme de 45 000 € a titre de dommages 'intérêts.

Débouter la SA Air des Pins de toutes ses demandes 'ns et conclusions.

Condamner la SA Air des Pins au paiement d'une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens tant d'instance que d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 mai 2023, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SA Air des Pins demande à la Cour de

DÉCLARER la SARL Choisir la Bourgogne, anciennement dénommée Pierre François immobilier, mal fondée en son appel.

En conséquence,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 août 2022 par le Tribunal Judiciaire de NEVERS.

DÉBOUTER la SARL Choisir la Bourgogne de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires formulées à l'encontre de la SA Air des Pins.

CONDAMNER la SARL Choisir la Bourgogne, anciennement dénommée Pierre François immobilier, à payer à la SA Air des Pins la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

CONDAMNER la SARL Choisir la Bourgogne, anciennement dénommée Pierre François immobilier, à payer à la SA Air des Pins la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la SARL Choisir la Bourgogne, anciennement dénommée Pierre François immobilier, aux entiers dépens et allouer à la SCP Avocats Centre le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2023.

Motivation

MOTIFS

Sur les demandes principales liées à la propriété des biens immobiliers litigieux présentées par la SARL Choisir la Bourgogne :

Aux termes de l'article 1582 du code civil, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer.

Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé.

L'article 1583 du même code énonce que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

L'article 883 du même code dispose que chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession.

Il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l'indivision. Il n'est pas distingué selon que l'acte fait cesser l'indivision en tout ou partie, à l'égard de certains biens ou de certains héritiers seulement.

Toutefois, les actes valablement accomplis soit en vertu d'un mandat des coïndivisaires, soit en vertu d'une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l'attribution des biens qui en ont fait l'objet.

Il résulte de ce dernier texte que l'acte qui fait cesser l'indivision en tout ou partie, y compris à l'égard de certains biens ou de certains héritiers seulement, a le caractère d'un partage.

Ainsi que le premier juge l'a à juste titre rappelé, les droits et obligations du cédant et du cessionnaire sont, dans le cadre d'un acte de cession qui revêt le caractère d'un partage, déterminés par rapport aux règles qui gouvernent le partage et non la vente.

En l'espèce, l'acte sous seing privé daté du 26 octobre 2021, signé par Mme [G] et par M. [X], est rédigé comme suit :

« Nous, M. [W] [X], Air des Pins SA et Mme [I] [G], Choisir la Bourgogne SARL, sommes d'accord pour que Choisir la Bourgogne rachète les parts de Air des Pins SA pour la somme de 55.000,00 € (CINQUANTE CINQ MILLE EUROS) pour les biens situés :

[Adresse 7]

[Adresse 1]

lieu-dit « [Localité 14] »

à [Localité 15].

L'acte sera fait chez Maître [D] [F] [Adresse 10]. »

Cet acte a donc pour objet la cession par la SA Air des Pins de ses droits indivis portant sur les trois immeubles qu'elle possédait en indivision avec la SARL Choisir la Bourgogne, au bénéfice de cette dernière.

L'exécution de cet acte aurait ainsi eu pour effet de mettre fin à l'indivision existant entre les deux sociétés. En application des dispositions de l'article 883 précité, cet acte se trouve de ce fait régi par les dispositions légales relatives au partage et non par celles qui concernent la vente.

Il n'est pas contesté que l'action introduite par la SARL Choisir la Bourgogne ait pour objet de voir reconnaître la validité d'une vente et non de solliciter l'ouverture des opérations de partage de l'indivision existant avec la SA Air des Pins.

Le tribunal a ainsi à juste titre débouté la SARL Choisir la Bourgogne de ses demandes tendant à se voir reconnaître propriétaire de l'ensemble des quotes-parts indivises des immeubles litigieux en vertu de l'acte du 26 octobre 2021, qui sont ainsi juridiquement mal fondées. La SA Air des Pins souligne avec pertinence que les fondements juridiques soutenant la vente et le partage sont bien distincts et emportent des conséquences et une procédure de régularisation différentes.

A titre surabondant, et en réponse à l'argumentation développée par la SARL Choisir la Bourgogne selon laquelle le tribunal aurait dénaturé les demandes dont il était saisi, omis de statuer sur la demande relative à la validité de la convention et statué ultra petita, il sera rappelé que la SARL Choisir la Bourgogne demande à être reconnue propriétaire des quotes-parts indivises des immeubles cadastrés [Localité 14] B [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 2], pour 5a 53ca, moyennant le prix de 15.000 euros, en vertu d'un acte sous seing privé à effet inter partes du 26 septembre 2021 dont elle estime qu'il emportait cession des immeubles ainsi désignés et cessation de l'indivision entre elle-même et la SA Air des Pins.

Elle produit à cet effet l'acte sous seing privé daté du 26 octobre 2021, signé par Mme [G] et par M. [X], dont la teneur a été ci-dessus reproduite.

La SARL Choisir la Bourgogne qualifie cet acte de compromis de vente, sans expliquer au passage pourquoi son effet inter partes aurait été fixé au 26 septembre 2021, l'acte litigieux ne comportant nulle mention en ce sens.

Toutefois, il ne peut qu'être observé, tout d'abord, qu'aucune mention de cet acte ne détermine la volonté des parties en présence de soumettre leur convention aux règles régissant la vente. L'accord trouvé par les parties n'aurait pas été autrement rédigé si elles avaient entendu fixer ainsi les demandes dont elles entendaient saisir le notaire dans le cadre d'opérations de liquidation et partage de l'indivision existant entre elles.

En outre, il peut être constaté, à l'examen des pièces produites par les parties, que le bien immobilier cadastré [Cadastre 11] sur la commune de [Localité 15] correspond à celui qui est désigné par l'adresse « [Adresse 1] » dans l'acte du 26 octobre 2021, et que ce bien a fait l'objet d'une vente, le 9 septembre 2022, par la SARL Choisir la Bourgogne et la SA Air des Pins au profit de M. et Mme [Y].

Il en va de même du bien immobilier cadastré [Cadastre 12] sur la commune de [Localité 15], qui correspond à l'immeuble désigné par l'adresse « [Adresse 7] » dans l'acte du 26 octobre 2021 et a fait l'objet d'une vente, le 9 septembre 2022, par la SARL Choisir la Bourgogne et la SA Air des Pins au profit des mêmes acquéreurs.

Il s'en déduit tout d'abord qu'aucune des deux sociétés en cause ne dispose plus aujourd'hui des droits de propriété portant sur ces deux biens immobiliers, qui appartiennent pleinement désormais à M. et Mme [Y].

Il en résulte surtout que la SARL Choisir la Bourgogne n'a aucunement considéré que l'acte signé le 26 octobre 2021 lui ait conféré la pleine propriété de ces deux biens immobiliers, puisqu'elle a accepté moins d'un an plus tard de partager la qualité de venderesse de ces biens avec la SA Air des Pins, dont elle n'a alors pas contesté qu'elle disposât bien des droits de propriété nécessaires sur les biens en cause.

Il ne saurait en conséquence être jugé que la commune intention des parties, lors de la signature de l'acte du 26 octobre 2021, ait été de matérialiser une ferme décision de cession à la SARL Choisir la Bourgogne des droits indivis de la SA Air des Pins sur les biens en cause, étant rappelé qu'elles ont choisi, de façon commune et délibérée, de ne lui donner aucun commencement d'exécution et de concrétiser la vente de deux des trois biens mentionnés dans cet acte à des tiers moins d'un an plus tard.

Seule subsiste à ce jour l'indivision existant entre la SARL Choisir la Bourgogne et la SA Air des Pins sur le bien immobilier situé lieu-dit « [Localité 14] », cadastré [Cadastre 3]-[Cadastre 4]-[Cadastre 2] sur la commune de [Localité 15]. Or les parties n'ont nullement fixé de prix individualisé pour ce seul bien, l'acte sous seing privé du 26 octobre 2021 n'énonçant qu'un prix global pour les trois biens mentionnés. Dès lors que deux des trois biens ont depuis fait l'objet d'une vente à l'initiative tant de la SARL Choisir la Bourgogne que de la SA Air des Pins, en qualité de co-venderesses, aucun effet ne peut plus être attaché à cet acte dont l'objet ne peut être estimé clairement identifiable à ce jour en raison des aliénations partielles de droits survenues depuis sa signature. Le fait que la SA Air des Pins ait pu proposer la vente de ses droits indivis sur ce bien immobilier à la SARL Choisir la Bourgogne moyennant un prix de 15.500 euros (outre une indemnité de 4.000 euros), par courriel en date du 23 août 2022, ne permet pas de considérer que les volontés des parties en présence se soient rencontrées quant à la vente de ce bien à ce prix.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Choisir la Bourgogne de sa demande tendant à voir juger que par l'acte sous seing privé du 26 octobre 2021 la SA Air des Pins avait cédé à la SARL Choisir la Bourgogne ses quotes-parts indivises et que cette cession emportait cessation de l'indivision, de sa demande tendant à se voir déclarer propriétaire des quotes-parts indivises des trois immeubles litigieux et de sa demande tendant à voir renvoyer la vente par devant notaire.

Sur la demande indemnitaire présentée par la SARL Choisir la Bourgogne :

L'article 1240 du code civil pose pour principe que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, la SARL Choisir la Bourgogne estime que l'intention malicieuse de la SA Air des Pins à son encontre serait caractérisée et relèverait du harcèlement, de l'intention de nuire et de la mauvaise foi, en ce qu'elle l'empêcherait de procéder à l'aliénation des immeubles indivis depuis plusieurs années, la mettrait dans une situation particulièrement inconfortable à l'égard des époux [J], qui ont signé deux compromis de vente successifs relatifs à la maison située lieu-dit « [Localité 14] », et lui aurait interdit de bénéficier du régime fiscal de faveur au profit des marchands de biens concernant les biens immobiliers revendus dans un délai de cinq ans. Elle fait en outre valoir que M. [X] et la SA Air des Pins ont été désignés contrôleurs au redressement judiciaire de la société Pierre François Immobilier (à laquelle a succédé la SARL Choisir la Bourgogne) ce qui leur aurait permis de formuler des offres d'achat de certains immeubles à des prix ridicules, que les immeubles indivis se détérioreraient faute de pouvoir effectuer les travaux d'entretien nécessaire et que le jugement d'adjudication concernant la maison mentionnerait de façon erronée située lieu-dit « [Localité 14] » une répartition par moitié de la part indivise de chacune des parties alors que ce bien aurait été financé aux deux tiers par la société Pierre François Immobilier.

Il sera tout d'abord observé que la désignation de M. [X] et de la SA Air des Pins en qualité de contrôleurs au redressement judiciaire de la société Pierre François Immobilier ne caractérise nullement en soi de préjudice spécifique pour la SARL Choisir la Bourgogne, qui ne démontre pas au surplus que la société objet de la procédure collective s'y soit opposée, et que cette dernière n'était nullement tenue d'accepter les offres d'acquisition à prix dérisoire que la SA Air des Pins aurait formulées.

Concernant le préjudice fiscal allégué, la SARL Choisir la Bourgogne ne démontre nullement l'existence d'un comportement fautif de la SA Air des Pins qui puisse en être à l'origine, la mésentente régnant entre les gérants des deux sociétés et ayant manifestement concouru au ralentissement des processus de revente des biens indivis ne pouvant être exclusivement imputée à l'un ou à l'autre.

Concernant la mention dans le jugement d'adjudication du 16 février 2016 de droits de propriété indivis répartis par moitié entre les deux sociétés, aucun élément versé aux débats n'établit qu'elle résulte de manœuvres fautives de la SA Air des Pins en vue de porter atteinte aux droits de sa coïndivisaire, étant rappelé que les modalités de financement des acquisitions réalisées en indivision seront nécessairement prises en compte dans le cadre des opérations de liquidation et partage de l'indivision.

La SARL Choisir la Bourgogne ne verse aucun élément à l'appui de son allégation relative à la détérioration que subiraient les immeubles indivis par défaut d'entretien, étant rappelé que deux d'entre eux ont été vendus en 2022 et que le troisième est actuellement occupé par M. et Mme [J], à l'initiative de la SARL Choisir la Bourgogne elle-même, qui affirme en ses écritures que ceux-ci ont engagé d'importants travaux dans cette maison. Ces deux ventes battent d'ailleurs en brèche l'argument avancé par la SARL Choisir la Bourgogne selon lequel l'attitude de la SA Air des Pins l'aurait empêchée depuis plusieurs années de procéder à l'aliénation des immeubles indivis.

Quant à l'inconfort qu'elle évoque au sujet de sa situation à l'égard de M. et Mme [J], il ne peut qu'être relevé que ces derniers ont été autorisés par la SARL Choisir la Bourgogne elle-même à s'installer dans le bien immobilier situé lieu-dit « [Localité 14] » à la suite de la signature par la seule gérante de la SARL Choisir la Bourgogne, le 29 octobre 2018, d'un compromis de vente relatif à ce bien dont il était pourtant mentionné que la SA Air des Pins en était également propriétaire, sans que la SARL Choisir la Bourgogne ne précise dans le cadre de la présente instance si cette autorisation de jouissance a été accordée aux époux [J] à titre gracieux ou en contrepartie du versement de quelque somme que ce soit. Il en résulte que l'inconfort allégué par la SARL Choisir la Bourgogne trouve son origine dans le comportement adopté par l'intéressée elle-même.

Enfin, il doit être observé, ainsi que l'a fait le tribunal, que la SA Air des Pins a pour sa part tenté de parvenir à un partage amiable afin de sortir de l'indivision par les voies de droit applicables.

Nul comportement fautif ne pouvant être imputé à la SA Air des Pins, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Choisir la Bourgogne de sa demande indemnitaire.

Sur les demandes indemnitaires présentées par la SA Air des Pins :

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'article 815-3 du même code énonce que le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :

1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;

2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;

3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;

4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.

Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.

Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.

Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.

En l'espèce, la SARL Choisir la Bourgogne ne conteste pas avoir procédé seule à la signature de deux compromis de vente au bénéfice de tiers (M. et Mme [J] d'une part, Mme [B] [U] d'autre part) concernant des biens indivis sans avoir préalablement obtenu l'accord de sa coïndivisaire.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, l'indivisaire qui a disposé à son seul profit du bien indivis, ayant commis une faute et devant réparer le préjudice causé résultant de la dépossession du bien, doit en rendre compte à ses coïndivisaires.

La SARL Choisir la Bourgogne ne saurait sérieusement soutenir avoir considéré, lors de la signature des compromis de vente conclus avec Mme [J], le 17 décembre 2021, et avec Mme [B] [U], le 5 janvier 2021, être seule propriétaire des biens immobiliers en cause en vertu de l'acte sous seing privé daté du 26 octobre 2021. Il ne peut qu'en effet être observé, tout d'abord, que le compromis de vente consenti à Mme [B] [U] est antérieur de plusieurs mois à l'acte du 26 octobre 2021, que contrairement à ce que soutient la SARL Choisir la Bourgogne, le compromis de vente du 17 décembre 2021 qu'elle produit elle-même (pièce appelante n° 11) n'est nullement revêtu de la signature de M. [X], et que la SARL Choisir la Bourgogne a précisément saisi le tribunal judiciaire d'une action tendant à se voir reconnaître propriétaire des biens immobiliers litigieux le 25 février 2022, soit bien postérieurement à l'établissement des deux compromis de vente.

La SARL Choisir la Bourgogne ne peut pas davantage soutenir que le fait pour la SA Air des Pins de ne pas avoir pu disposer des clés du bien immobilier situé [Adresse 7], qu'elle ne conteste pas, n'empêchait nullement l'intimée d'avoir libre accès à ce bien avant sa vente, intervenue le 9 septembre 2022. La SA Air des Pins justifie au demeurant avoir alerté le mandataire judiciaire de cette situation dès le mois de septembre 2018, et avoir été empêchée de faire procéder à l'estimation des biens immobiliers situés [Adresse 7] et [Adresse 1] par Mme [V], mandataire immobilier, qui a attesté n'avoir pu accéder aux biens concernés le 24 août 2021 du fait d'un changement de serrures, M. [X] n'ayant pas disposé des clés adéquates.

Il sera en outre relevé que bien qu'ayant été interpellée à ce sujet par la SA Air des Pins en ses écritures, la SARL Choisir la Bourgogne demeure taisante quant aux conditions dans lesquelles M. et Mme [J] ont été autorisés par ses soins à s'installer dans le bien immobilier situé lieu-dit « [Localité 14] », et s'abstient notamment de préciser si une contrepartie financière lui est versée à ce titre ou si cette occupation s'effectue à titre gracieux.

La dépossession invoquée par la SA Air des Pins se trouve ainsi caractérisée et aura duré plusieurs années pour chacun des biens en cause.

Le premier juge a ainsi fait une exacte application du droit à la cause en considérant qu'il en résultait un trouble de jouissance ouvrant droit à réparation.

En considération de l'ensemble des éléments produits dans le cadre de la présente instance, il y a lieu toutefois de réduire le montant des dommages-intérêts octroyés à la SA Air des Pins en réparation de ses préjudices à hauteur de 15.000 euros et d'infirmer le jugement entrepris en ce sens.

Par ailleurs, il est constant que le droit d'agir ou de se défendre en justice ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, la persistance de la SARL Choisir la Bourgogne à se prévaloir d'un acte sous seing privé auquel elle s'est elle-même abstenue de donner toute exécution et en contradiction duquel elle a passé plusieurs actes juridiques ainsi qu'il a été précédemment exposé dans le cadre d'une action juridiquement mal fondée, et sa volonté manifeste de s'opposer par tous moyens à l'application normale des règles de droit régissant l'indivision immobilière et à la mise en œuvre des opérations de partage caractérisent une mauvaise foi justifiant sa condamnation au paiement entre les mains de la SA Air des Pins d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur l'article 700 et les dépens :

L'équité et l'issue du litige déterminée par la présente décision commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SARL Choisir la Bourgogne, qui succombe en l'essentiel de ses prétentions et sera déboutée de sa propre demande de ce chef, à verser à la SA Air des Pins la somme de 3.000 euros au titre des frais qu'elle aura exposés en cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. La SARL Choisir la Bourgogne, partie succombante, supportera la charge des dépens de l'instance d'appel, la SCP Avocats Centre étant autorisée à recouvrer directement contre la partie perdante ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le jugement entrepris sera en outre confirmé de ces chefs.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- INFIRME partiellement le jugement rendu le 10 août 2022 par le tribunal judiciaire de Nevers en ce qu'il a condamné la SARL Choisir la Bourgogne à payer à la SA Air des Pins la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Et statuant de nouveau du seul chef infirmé,

- CONDAMNE la SARL Choisir la Bourgogne à payer à la SA Air des Pins la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Et y ajoutant,

- CONDAMNE la SARL Choisir la Bourgogne à verser à la SA Air des Pins la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- CONDAMNE la SARL Choisir la Bourgogne à verser à la SA Air des Pins la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- CONDAMNE la SARL Choisir la Bourgogne aux dépens de l'instance d'appel, la SCP Avocats Centre étant autorisée à recouvrer directement contre la partie perdante ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.