Cass. 2e civ., 26 septembre 2013, n° 12-23.234
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Rapporteur :
M. de Leiris
Avocat général :
M. Mucchielli
Avocat :
SCP Delaporte, Briard et Trichet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2012), que la société Pentol Gmbh (la société Pentol) ayant conclu un contrat de sous-traitance pour l'accomplissement d'un marché de travaux avec la société Isotec entreprise, aux droits de laquelle vient la société Isotec environnement (la société Isotec), ultérieurement placée en liquidation judiciaire, celle-ci, faute de paiement de ses prestations, a été autorisée par un juge de l'exécution à procéder à une saisie conservatoire à l'encontre de la société Pentol entre les mains du maître de l'ouvrage ; que la société Pentol a sollicité la mainlevée de la mesure ;
Attendu que la société Pentol fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir déclarer caduque la saisie conservatoire pratiquée à son encontre le 27 novembre 2009 à l'initiative de la société Isotec, ainsi que de sa demande tendant à obtenir la mainlevée de ladite saisie conservatoire, alors, selon le moyen :
1°/ que le créancier qui ne possède pas de titre exécutoire doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure conservatoire, et à peine de caducité de cette mesure, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire relatif à la même créance que celle pour la sauvegarde de laquelle la mesure conservatoire a été autorisée, ce qui s'entend d'une créance présentant une identité d'objet, de cause et de parties ; qu'après avoir constaté que la procédure introduite au fond par la société Isotec devant le tribunal de commerce du Havre le 24 décembre 2009 poursuivait l'annulation du contrat de sous-traitance conclu avec la société Pentol et la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité au titre des travaux qu'elle avait réalisés pour son compte, ce dont il résultait que la société Isotec sollicitait, au fond, le paiement d'une créance de restitution et/ou indemnitaire, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que la procédure introduite au fond par la société Isotec tendait à la reconnaissance de la même créance que celle qui avait justifié la mesure de saisie conservatoire exécutée le 27 novembre 2009 qui tendait pourtant à la conservation d'une créance différente, puisqu'il s'agissait d'une créance de prix due en vertu de l'exécution du contrat de sous-traitance, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 70 de la loi du 9 juillet 1991 et 215 du décret du 31 juillet 1992, devenus les articles L. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ que seule une personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que dès lors, en jugeant que la société Isotec s'était prévalue dans sa requête à fins de saisie conservatoire d'une créance de prix paraissant fondée en son principe, tout en se prononçant dans ses motifs sur l'apparence d'un principe de créance indemnitaire consécutive à l'annulation du contrat, ce qui était impropre à justifier du caractère fondé du principe de créance de prix invoquée dans la requête, la cour d'appel a violé l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°/ que les travaux réalisés en exécution d'un contrat nul qui ne peuvent être restitués en nature doivent être restitués à leur juste prix, sans considération du coût réel des dépenses engagées ; qu' à supposer l'arrêt attaqué justifié par l'apparence d'un principe de créance fondée sur la restitution en valeur des travaux exécutés par la société Isotec, consécutive à l'annulation du contrat admise conjointement par les parties sur le fondement de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, la cour d'appel ne pouvait juger la créance fondée en son principe, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mauvaise exécution des travaux réalisés par la société Isotec, dont la valeur devait être restituée, n'était pas de nature à affecter le principe de créance invoquée ou, à tout le moins, son montant et priver ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, ensemble l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
4°/ qu'en cas d'exercice de l'action de in rem verso, la personne appauvrie ne peut prétendre qu'à une indemnité égale à la moins élevée des deux sommes représentatives, l'une de l'enrichissement, l'autre de l'appauvrissement ; qu' à supposer l'arrêt attaqué justifié par l'apparence d'un principe de créance fondée sur l'enrichissement sans cause de la société Pentol, l'appréciation de ce principe de créance imposait de tenir compte des désordres et malfaçons affectant les travaux dont la société Pentol se serait enrichie ; que dès lors, en refusant de tenir compte de la mauvaise exécution des travaux réalisés par la société Isotec pour juger que cette société se prévalait d'une apparence de créance fondée en son principe, la cour d'appel a violé l'article 1371 du code civil, ensemble l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
5°/ que la réparation d'un dommage sur le fondement de la responsabilité délictuelle suppose que soit établie la preuve d'une faute en lien de causalité avec le préjudice allégué ; qu' à supposer l'arrêt attaqué justifié par l'apparence d'un principe de créance fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Pentol, l'appréciation de ce principe de créance imposait de rechercher l'apparence d'une faute de la société Pentol en relation de causalité avec les travaux dont la société Isotec demandait à être « indemnisée » ; que dès lors, en jugeant que la société Isotec se prévalait d'une apparence de créance de dommages et intérêts fondée en son principe, sans constater de faute imputable à la société Pentol et à l'origine du préjudice allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, ensemble l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la créance revendiquée par la société Isotec avait pour unique cause factuelle l'accomplissement de travaux pour le compte de la société Pentol, la cour d'appel a exactement décidé que la condition de mise en oeuvre d'une procédure destinée à l'obtention d'un titre exécutoire, dans les délais impartis, était bien remplie, peu important que le fondement juridique de la demande de condamnation contenue à l'acte d'assignation différait de celui invoqué par la société Isotec à l'appui de sa créance dans sa requête ;
Et attendu que les troisième, quatrième et cinquième branches ne tendent qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation de la cour d'appel, retenant l'apparence d'un principe de créance au profit de la société Isotec ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.