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Décisions

CA Caen, 1re ch. soc., 14 mars 2024, n° 22/02596

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Ca Normandie Immobilier (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Delahaye

Conseillers :

Mme Poncet, Mme Vinot

Avocats :

Me Solans, Me Pajeot, Me Lefebvre

Cons. prud'h. Alençon, du 21 sept. 2022,…

21 septembre 2022

Par lettre du 28 août 2020, il a démissionné et sollicité la réduction de son préavis de 3 mois au 30 septembre 2020.

Par lettre du 4 septembre 2020, la société s'est opposée à la demande de réduction du préavis.

Se plaignant que M. [K] a quitté la société le 1er octobre 2020 et a rejoint une autre agence immobilière concurrente, la société CA Normandie Immobilier a saisi le 29 mars 2021 le conseil de prud'hommes d'Alençon aux d'obtenir le paiement du préavis et une indemnisation pour concurrence déloyale.

Par jugement rendu le 21 septembre 2022, le conseil de prud'hommes d'Alençon a dit que M. [K] n'avait pas respecté son préavis, l'a condamné à payer à la société CA Normandie Immobilier la somme de 6100.35 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 1000 € à titre d'indemnité pour concurrence déloyale et celle de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté la société CA Normandie du surplus de ses demandes, a débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Par déclaration au greffe du 7 octobre 2022, M. [K] a formé appel de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe le 15 décembre 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ; 

- débouter cette dernière de sa demande de versement d'une indemnité compensatrice de préavis ;

- condamner la Société CA Normandie Immobilier à lui verser 6100, 35 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre un dixième de cette même somme à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent ;

- débouter la Société CA Normandie Immobilier de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamner la Société CA Normandie Immobilier à lui verser 6.957,88 € outre un dixième de cette même somme au titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent au titre des jours travaillés au-delà du 218ième et des journées de RTT non prises ;

- condamner la société CA Normandie à lui verser 1000 € de dommages et intérêts ;

- condamner la société CA Normandie Immobilier à lui la somme 251,23 euros + 429,66 euros = 500,89 euros bruts de complément d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- condamner la société CA Normandie Immobilier à lui verser la somme 629,37 euros bruts outre 1/10 de cette même somme à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents pour les journées du 2 au 6 octobre et du 17 octobre 2020 ;

- condamner la société CA Normandie Immobilier à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Société CA Normandie Immobilier aux entiers dépens.

Par conclusions n° 2 remises au greffe le 10 janvier 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société CA Normandie Immobilier demande à la cour de :

- à titre principal, constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel ;

- confirmer le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;

- condamner M. [K] à lui payer une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;

- débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre subsidiaire ;

- confirmer le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;

- condamner M. [K] à lui payer une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;

- débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause, condamner M. [K] à lui payer une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS

I- Sur l'absence d'effet dévolutif

L'employeur soutient d'une part que le salarié n'a pas dans sa déclaration d'appel critiqué le chef de jugement qui le déboute de l'ensemble de ses demandes, n'a pas régularisé une nouvelle déclaration d'appel et ne peut par conséquent que critiquer le jugement en ses dispositions l'ayant condamné au paiement de diverses sommes, et d'autre part que le dispositif de ses conclusions ne contient aucune demande de rejet des prétentions de la société, son appel n'est donc pas soutenu.

Le salarié fait valoir que sa déclaration d'appel contient tous les chefs de jugement critiqués et le dispositif de ses conclusions mentionne bien le rejet des demandes de la société.

L'article 562 dispose que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

En l'occurrence, la déclaration d'appel de M. [K] est rédigée comme suit :

« appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce qu'il a : dit que M. [K] n'a pas respecté le préavis, en conséquence condamné M. [K] à verser à la société CA Normandie Immobilier 6100.35 € d'indemnité compensatrice de préavis, condamné M. [K] à verser à la société CA Normandie Immobilier 1000 € à titre d'indemnité pour concurrence déloyale, condamné M. [K] à verser à la société CA Normandie Immobilier 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [K] demande à la cour de Céans de réformer le premier jugement, et de dire et juger que l'article 32 de la convention de l'immobilier dans sa dernière version de 2019 permettait à M. [K] de pouvoir demander à la Société CA Normandie Immobilier d'être dispensé de l'exécution de son solde de préavis à compter du 1er octobre 2020 en conséquence débouter cette dernière de sa demande de versement d'une indemnité compensatrice de préavis, dire et juger que la Société CA Normandie Immobilier en nommant M. [C] en qualité de responsable des agences du perche en lieu et place de M. [K] à compter du 6 octobre 2020 avait donc modifié ses fonctions afin de le mettre au niveau de simple collaborateur d'agence, que celui-ci pouvait donc refuser de terminer son préavis dans ses conditions, en conséquence condamner la Société CA Normandie Immobilier à lui verser 6100, 35 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre un dixième de cette même somme à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent, dire et juger que M. [K] n'a commis aucun acte de concurrence déloyale et débouter la Société CA Normandie Immobilier de sa demande de dommages et intérêts, condamner la Société CA Normandie Immobilier à verser à M. [K] 6.957,88 € outre un dixième de cette même somme au titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent au titre des jours travaillés au-delà du 218ème et des journées de RTT non prises, dire et juger que les documents de rupture doivent être remis sur le lieu de travail et non pas à 150 kilomètres du lieu de travail et constater que la Société CA Normandie Immobilier n'à adresser à M. [K] ses documents de rupture ainsi que le 15 septembre 2021 avec prêt d'un an de retard, en conséquence la condamner à verser à M. [K] 1.000 € de dommages et intérêts, condamner la Société CA Normandie Immobilier à verser à M. [K] la somme de 251,23 euros + 429,66 euros = 500,89 euros bruts de complément d'indemnité compensatrice de congés payés, condamner la Société CA Normandie Immobilier à verser à M. [K] la somme de 629,37 euros bruts outre 1/10 de cette même somme à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents pour les journées du 2 au 6 octobre et du 17 octobre 2020, condamner la Société CA Normandie Immobilier à verser à M. [K] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC et s'entendre par ailleurs la Société CA Normandie Immobilier condamnée aux entiers dépens ».

Ainsi, la déclaration d'appel critique expressément trois dispositions du jugement, celle qui a condamné le salarié à payer une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité pour concurrence déloyale et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elle ne critique pas en revanche la disposition du jugement qui a débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes. A ce titre le salarié se limite à énoncer les demandes qu'il a formé devant les premiers juges ce qui ne peut suppléer l'absence de mention des chefs de jugement critiqués. Dès lors, faute de mention du chef du jugement qui l'a débouté de ses demandes, l'effet dévolutif ne joue pas pour les demandes du salarié qui ont été rejetées par les premiers juges soit la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés de 6957.88 € au titre des jours travaillés au-delà de 218 jours et des journées de RTT non prises,

La demande en paiement d'une somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de rupture, la demande en paiement d'une somme de 500.89 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés, celle de 629.37 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour les journées du 2 au 6 octobre et du 17 octobre 2020, et la demande de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche le salarié ayant critiqué le chef du jugement qui a considéré qu'il n'avait pas respecté son préavis, le rejet de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis dépend en conséquence du chef critiqué et sera considéré comme dévolu à la cour.

II- Sur le préavis

L'article 32 de la convention collective de l'immobilier prévoit un préavis de 3 mois pour les cadres (le délai de trois mois est rappelé dans le contrat de travail).

Dans sa version modifiée par l'avenant du 2 décembre 2019 il stipule notamment que :

« L'employeur ou le salarié qui n'observe pas les délais ainsi fixés doit à l'autre une indemnité correspondant à la durée du préavis restant à courir. Toutefois, le salarié licencié qui vient à trouver un nouveau poste en cours de préavis peut quitter son emploi sans avoir à payer l'indemnité, à condition d'avertir son employeur 48 heures à l'avance s'il est employé, 1 semaine dans les autres cas.

Le salarié en période de préavis a le droit de s'absenter 2 heures par jour pour rechercher un emploi, sans réduction de salaire. Le salarié à temps partiel bénéficie du même droit, proratisé en fonction de son temps de présence. Les heures d'absence sont fixées d'un commun accord entre l'employeur et le salarié ou, à défaut, alternativement. L'employeur peut autoriser par écrit le salarié à cumuler ses heures pour recherche d'emploi en fin de période de préavis si les nécessités du service le permettent.

L'employeur peut libérer le salarié de son obligation d'exécuter son préavis. Le salarié ne peut s'opposer à cette dispense mais bénéficie, en contrepartie, d'une indemnité compensatrice et des avantages en nature. Le salarié peut également, sur sa demande, être dispensé d'effectuer son préavis sans compensation. Dans tous les cas de dispense, le salarié ne perd pas le bénéfice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article 33. »

Comme le souligne l'employeur, cet avenant a été étendu par arrêté du 2 juillet 2021 JORF 14 juillet 2021. Toutefois le salarié indique que la société est adhérente du MEDEF et également de la FNAIM si bien que l'article était applicable sans nécessité d'un arrêté d'extension.

L'avenant fait état d'une application au 1er juin 2020 pour les parties signataires, l'employeur ne produisant aucun élément ou pièce de nature à établir comme l'affirme le salarié qu'il n'était pas adhérent des organisations signataires.

Cet avenant est donc applicable.

Les parties s'opposent sur l'interprétation de la phrase « Le salarié peut également, sur sa demande, être dispensé d'effectuer son préavis sans compensation», le salarié estimant que l'autorisation de l'employeur n'est pas nécessaire sinon ce texte n'aurait pas de raison d'être, tandis que l'employeur considère que les termes être dispensé suppose une autorisation de l'employeur.

La phrase litigieuse ne peut être interprétée comme prévoyant un droit systématique pour le salarié d'être dispensé de préavis s'il en fait la demande. En effet, le terme « peut » se rattache à « être dispensé » ce qui implique une possibilité liée à un accord de l'employeur, le terme « à sa demande » n'étant lié qu'à la possibilité pour le salarié de solliciter cette dispense.

Par ailleurs le fait qu'une telle interprétation exigeant l'autorisation de l'employeur conduirait à retirer toute nécessité à ce texte puisque conforme aux dispositions légales existantes, ne saurait en soit conduire à une interprétation différente laquelle dépend d'abord des termes employés, étant en outre relevé que beaucoup d'accords collectifs se limitent à des rappels des dispositions légales.

En l'espèce, l'employeur s'est opposé par une lettre du 4 septembre 2020 à la demande de dispense de préavis formée par le salarié, compte tenu de ses fonctions dans l'entreprise, et lui a rappelé que son préavis se terminait le 27 novembre 2020. Le salarié n'était donc pas autorisé à ne pas effectuer son préavis.

Le salarié soutient qu'il était en droit de ne pas effectuer son préavis puisqu'en nommant M. [C] en qualité de responsable des agences du Perche le 6 octobre 2020 l'employeur l'a démis de ses fonctions de responsable de ces mêmes agences, celui- n'aurait eu qu'un rôle de simple collaborateur.

L'employeur indique que le salarié a cessé tout travail à compter du 1er octobre 2020 soit avant le courriel du 6 octobre, qu'il n'indique pas en tout état de cause.

Le salarié mentionne plusieurs dates à laquelle il indique avoir cessé de travailler : jusqu'au 6 octobre 2020 (page 4 et 10 de ses conclusions) jusqu'au 17 octobre (page 10 des mêmes conclusions) ou jusqu'au 13 octobre (encore page 10 des conclusions) tout en indiquant que la société lui a coupé l'accès au serveur le 8 octobre. Il a par ailleurs écrit le 28 octobre 2020 à l'employeur, répondant à la mise en demeure de justifier son absence depuis le 1er octobre, et indiquant que compte tenu de la modification de ses fonctions à la suite du mail du 6 octobre, son contrat a été modifié et qu'il est en droit de refuser d'effectuer son préavis, relevant en outre qu'il n'y avait pas assez de salariés présents sur les deux agences.

Il s'en déduit ainsi que le salarié a indiqué travailler jusqu'au 6 octobre 2020, ce que l'employeur conteste.

L'employeur produit aux débats :

- un courriel du 2 octobre 2020 à 10.59 de M. [Z] à M. [K] indiquant ne pas parvenir à joindre l'agence de [Localité 5] ni à le joindre sur son portable et constatant que son agenda électronique ne mentionne aucun rendez-vous ni le 1 ni le 2 octobre ;

- un courriel de rappel du 6 octobre 2020 de M. [A] responsable des ressources humaines constatant son absence depuis plusieurs jours et indiquant que les collaborateurs ont indiqué ne pas l'avoir vu ni le jeudi 1er octobre, ni le vendredi 2 et ni le mardi 6 au matin alors qu'une réunion de service était programmée, et relevant qu'aucun RDV extérieur n'était noté dans son agenda, et un nouveau courriel du 9 octobre mentionnant l'absence de réponse au courriel du 6 et son absence le mercredi 7 et jeudi 8

- une lettre recommandée du 14 octobre 2020 adressée au salarié lui reprochant son absence de puis le 1er octobre et lui demandant de reprendre son travail ;

- un rapport d'une société d'enquêteurs privés du 9 novembre 2020 mentionnant que M. [K] est en contrat à durée indéterminée depuis le 1er octobre 2020 au sein de Siège Lair Immobilier [Localité 4].

Le salarié produit les pièces suivantes :

- la copie de son agenda papier jusqu'au 18 octobre 2020 qui mentionne des rendez-vous, ce qui est insuffisant pour établir qu'il a respecté cet agenda ;

- des échanges de courriels du jeudi 1er octobre 2020 entre M. [K] et M. [Z] son supérieur hiérarchique par lesquels le premier indique au second être en rendez-vous extérieur à 7H34, le second l'interrogeant à 9h20 sur le fait que ses agendas électroniques ne mentionnent aucun rendez-vous, le premier indiquant alors à 13h06 que ses agendas électroniques ne sont plus à jour et qu'il est revenu au papier, le second lui demandant de compléter son agenda électronique ;

- un courriel du 2 octobre 2020 de M. [Z] à M. [K] lui indiquant qu'il ne parvient pas à le joindre téléphoniquement, tant à l'agence que sur son portable, et qu'aucun rendez-vous ne figure sur l'agenda électronique ;

- deux attestations de Mme [E] [B] la première évoquant son expérience professionnelle au sein de la société CA Normandie Immobilier estimée peu satisfaisante (paiement commissions et frais), et la seconde du manque de personnel au sein de l'agence obligeant M. [K] à exécuter des tâches ne correspondant pas à ses fonctions et à faire faire des heures, ainsi qu'une attestation de Mme [N] salariée de l'agence laquelle évoque également les difficultés rencontrées avec son employeur. Ces attestations ne donnent toutefois aucun élément sur la présence de M. [K] jusqu'au 6 octobre ;

- un courriel du 2 octobre 2020 adressé à 11h51par M. [K] à M. [A] une candidature ;

- un courriel du 6 octobre à 16h17 adressé à M. [T] géomètre, lui transmettant une procuration signée par M. [U]. Il importe peu comme l'indique l'employeur que cette procuration date du 16 septembre 2020, en revanche cette transmission n'établit pas que le salarié ait été présent au RDV Bornage [U] noté sur l'agenda papier la veille encore moins qu'il se soit rendu à la signature du compromis signé le 17 octobre 2020, alors même qu'il indique ne plus avoir travaillé à compter du 6 octobre, et la pièce (pièce n° 16) qu'il transmet qui une page comportant plusieurs signatures (vendeur et acquéreur) datée du 17 octobre 2020 ne permet d'identifier ni la nature de l'acte, ni l'identité des parties.

Le salarié critique le rapport du 9 novembre 2020 en ce que qu'il s'agit d'une preuve déloyale car l'employeur ne l'a pas informé de cette enquête, que ce rapport non signé n'a au demeurant aucune force probante.

L'employeur soutient que le fait de demander à un cabinet privé de se renseigner sur la date d'embauche d'un salarié démissionnaire ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée du salarié par rapport au but recherché à savoir qu'un salarié travaille dans une entreprise concurrente.

Ce rapport qui se compose d'une unique page conclut que M. [K] est agent immobilier au sein de Lair Immobilier [Localité 5] (avec adresse de l'agence), et note « en CDI depuis le 1/10/2020 Siège Lair immobilier [Localité 4] ». Le rapport n'indique pas les méthodes employées pour cette enquête.

Ce rapport en ce qu'il visait à collecter des informations concernant personnellement le salarié est une preuve déloyale le dispositif mis en place n'ayant pas été porté préalablement à sa connaissance.

L'employeur n'établit pas qu'il ne disposait pas d'autre moyen pour obtenir cette information, à ce titre la sommation de communiquer adressée au salarié pour obtenir son contrat de travail date du 28 septembre 2021 et est donc postérieure au rapport d'enquête. En outre il n'établit pas non plus les éléments qui ont pu le conduire à soupçonner le salarié de travailler pour une entreprise concurrente durant son préavis.

Dès lors, l'employeur n'établit pas que ce rapport était indispensable pour l'exercice de son droit à la preuve et ce rapport sera en conséquence écarté des débats.

De ce qui vient d'être exposé concernant les autres éléments produits, il n'est pas établi que le salarié ait travaillé au-delà du 30 septembre 2020. En effet, il ne justifie pas utilement pourquoi il a cessé à compter du 1er octobre de renseigner son agenda électronique, ne justifie pas davantage qu'il se soit rendu aux rendez-vous et réunions prévues sur son agenda papier.

Il convient en conséquence de considérer qu'il a cessé de travailler pour le compte de son employeur à compter du 1er octobre 2020.

L'employeur a adressé un courriel le 6 octobre 2020 à 15h17 à l'ensemble des salariés intitulé « évolution de l'organisation managériale » par lequel il communique « la nouvelle organisation managériale que nous avons décidé de mettre en place sur les agences de [Localité 8], [Localité 7], [Localité 5] et [Localité 11] » et indique que « les fonctions de [S] [C] actuellement responsable des agences de [Localité 8] et [Localité 7] sont élargies aux agences de [Localité 11] et [Localité 5]. La situation des agences du Perche, avec plusieurs départs de collaborateurs au même moment dont celle de [S] [K] qui est actuellement en préavis, nécessite une prise en main par un manager « expérimenté, de confiance et connaissant parfaitement notre entreprise, ce qui correspond au profit de [S] [C] ».

Selon son contrat de travail, le salarié exerce ses missions de responsable d'agence sur l'ensemble des agences du Bassin du Perche (agences de [Localité 5], de [Localité 11] et agence vitrine de [Localité 10]).

Toutefois, ce courriel est un courriel d'information de la nomination de M. [C] et ne mentionne aucune date effective d'arrivée, le rappel que M. [K] est actuellement en préavis démontrant au contraire que l'arrivée de son remplaçant interviendra à l'issue de celui-ci. En outre, le salarié qui a cessé son travail le 1er octobre 2020 ne produit aucun élément ou pièce de nature à établir qu'il n'aurait pas exercé les tâches inhérentes à sa fonction. Enfin l'employeur produit aux débats l'avenant à son contrat de travail signé par M. [C] prévoyant une prise de fonction au 1er novembre 2020 compte tenu de l'absence injustifiée du salarié, ce qui conforte une prise de fonction officielle au départ de M. [K].

Le salarié n'établit donc pas que ses fonctions aient été modifiées.

Il devait donc exécuter son préavis jusqu'au 28 novembre 2020, (son préavis ayant pris effet à compter de la notification de la démission soit selon le relevé de la poste une remise de la lettre le 28 août et non le 27 août comme mentionné dans la lettre du 4 septembre, l'employeur reconnaissant qu'il s'agit d'une erreur), ce qu'il n'a pas fait.

Il est donc redevable d'une indemnité de préavis et ne conteste pas y compris subsidiairement le décompte de l'employeur quant à l'indemnité réclamée.

Le jugement sera en conséquence confirmé.

III- Sur les dommages et intérêts pour concurrence

L'employeur fait valoir que le salarié a commencé à travailler pour une entreprise concurrente alors que son préavis n'était pas terminé, la société Lair Immobilier étant située à 300 mètres de l'agence, qu'il a désorganisé le fonctionnement de l'agence, qu'il a quitté la société en emmenant avec lui une collaboratrice, qu'il a transféré sur sa boîte mail des éléments de dossier de l'employeur.

Le salarié indique qu'il a travaillé pour le compte de la société Lair Immobilier après son départ.

Le rapport d'enquêteur privé ayant été écarté des débats. L'employeur produit un extrait du site Lair Immobilier qui démontre que M. [K] travaille en qualité de négociateur immobilier mais l'extrait ne comporte aucune date. Par ailleurs dans sa lettre du 28 octobre 2020, le salarié n'indique pas qu'il refuse de faire son préavis du fait qu'il travaille dans une entreprise concurrente comme le soutient l'employeur mais compte tenu de la nomination de M. [C].

L'employeur n'établit pas une désorganisation de l'agence, le courrier du 4 septembre 2020 étant le refus de réduire le préavis et le courriel du 6 octobre 2020 décidant d'élargir les fonctions de M. [C] n'est pas lié aux absences prolongées de M. [K], l'employeur à cette date ignorant l'absence du salarié et surtout l'élargissement des fonctions de M. [C] étant la solution définitive de l'employeur pour remplacer M. [K]. En outre dans leurs attestations, Mme [N], M. [R] évoquent un turn over important des salariés compte tenu des mauvaises conditions de travail.

L'employeur n'établit pas davantage que le salarié ait emmené avec lui une collaboratrice qu'il ne nomme d'ailleurs même pas. Il indique par ailleurs que deux salariés (Mme [L] et M. [R]) ont quitté l'agence et ont été embauchés par la société Lair immobilier, et en déduit que la perte de salariés est due à « une manœuvre de M. [K]. Toutefois, M. [R] dans son témoignage indique qu'il a travaillé pour le compte de la société SQN Normandie de septembre 2021 à novembre 2022, soit plusieurs mois après le départ de M. [K], et concernant Mme [L], l'employeur ne produit aucun élément sur la date de son départ, ni sur les manœuvres du salarié.

Enfin pour établir le transfert d'éléments de dossiers de la société par le salarié, l'employeur produit :

- des courriels transmis par le salarié les 10 octobre (Info Pierre et également Comin), et 13 octobre 2020 (terrain sur [Adresse 9] et Mme [X]) sur sa messagerie personnelle. Les courriels transférés concernent en premier lieu une demande de recherche d'un bien (Mme [X]) pour laquelle le salarié explique qu'il a visité un bien avec elle et que c'est ensuite un salarié de l'employeur qui s'occupait d'elle, en second lieu des documents relatifs à un permis de construire accordé (Comin) le salarié indique qu'il s'agit d'une connaissance personnelle et que c'était un mandat simple en vente chez plusieurs agences et en troisième lieu des demandes d'évaluation de deux appartements (infor Pierre), le salarié indique qu'il s'agit d'une connaissance personnelle et que ce bien n'était pas encore sur le marché.

- un courriel du 13 octobre 2020 par lequel le salarié répond à deux autres salariés de l'agence « je veux bien recevoir des contacts mais je ne suis pas en capacité de les traiter. Ce courriel est insuffisant pour caractériser un acte de concurrence déloyale.

Il ne produit pas d'éléments mais ses explications ne sont pas contestées par l'employeur.

Ainsi, outre que l'employeur n'oppose aucune observation ou critique sur les explications fournies par le salarié sur les transferts de ces courriels, il ne démontre en tout état de cause aucun préjudice invoqué en lien avec ce transfert d'éléments, en particulier lié à la désorganisation de l'agence ou au départ d'autres salariés.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné M. [K] à payer des dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront infirmées.

Il n'y a pas lieu à indemnités de procédure et les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Dit la cour non saisie d'un appel sur le chef de jugement qui a débouté M. [K] de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés de 6957.88 € au titre des jours travaillés au-delà de 218 jours et des journées de RTT non prises, en paiement d'une somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de rupture, en paiement d'une somme de 500.89 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés, de 629.37 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour les journées du 2 au 6 octobre et du 17 octobre 2020, et en paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme dans cette limite le jugement rendu le 21 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes d'Alençon sauf en ce qu'il a condamné M. [K] au paiement d'une somme de 1000 € pour concurrence déloyale et sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux indemnités de procédure ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Déboute la société CA Normandie Immobilier de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;

Dit n'y avoir lieu à indemnités de procédure ;

Condamne les parties à concurrence de la moitié chacune aux dépens de première instance et d'appel.