Cass. com., 20 mars 2024, n° 22-22.799
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Adler Ortho France (Sté)
Défendeur :
Clinhospi (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Bellino
Avocats :
Me Soltner, SARL Cabinet Rousseau et Tapie
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 novembre 2022), en mai 2009, la société Arcos, devenue la société Adler Ortho France (la société Adler), a conclu avec la société Clinhospi, dont le gérant est M. [M], un contrat d'agent commercial.
2. Le 1er mars 2014, la société Adler a notifié à son agent la rupture du contrat sans indemnité pour faute grave.
3. Le 23 octobre 2015, la société Clinhospi et M. [M] ont assigné la société Adler en paiement de différentes indemnités sur le fondement des articles L. 134-11, L. 134-12 et L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable. En défense, la société Adler a soulevé la déchéance de la société Clinhospi de son droit à indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 134-12 du même code pour ne l'avoir pas demandée dans l'année ayant suivi la cessation du contrat.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Adler à payer à la société Clinhospi une indemnité de préavis, sur le second moyen du pourvoi principal et sur le second moyen du pourvoi incident
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Adler à payer à la société Clinhospi une indemnité compensatrice de fin de contrat
Enoncé du moyen
5. La société Adler fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Clinhospi la somme de 382 846,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de fin de contrat, alors :
« 1°/ que la notification prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce doit être adressée au mandant lui-même ; qu'en jugeant que la lettre du 30 octobre 2014 adressée par l'avocat de la société Clinhospi et de M. [M] à son confrère, conseil de la société Adler, pouvait, au regard du caractère officiel de leurs échanges, valoir notification au sens du texte précité, cependant qu'il s'agissait d'une lettre d'avocat à avocat, insusceptible de constituer la notification qu'impose l'article L.134-12 du code de commerce pour permettre au mandataire de percevoir une indemnité de fin de contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que la notification prévue par l'article L 134-12 du code de commerce a pour seul objet le paiement de l'indemnité de fin de contrat ; qu'en jugeant que la lettre du 30 octobre 2014 adressée par l'avocat de la société Clinhospi et de M. [M] à son confrère, conseil de la société Adler, valait notification au sens du texte précité, cependant qu'un tel courrier indiquait seulement à cette dernière que, faute d'une "proposition d'indemnisation convenable", sa cliente "saisira la juridiction compétente d'une demande d'indemnisation liée à une rupture abusive de mandat d'intérêt commun", ce qui ne permettait pas de savoir quelle indemnité était réclamée et ne manifestait donc pas de façon claire et précise l'intention de l'agent de percevoir son indemnité de fin de contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article L. 134-12, alinéa 2, du code de commerce que la notification par laquelle l'agent commercial informe le mandant qu'il entend faire valoir ses droits, qui doit manifester l'intention non équivoque de l'agent de faire valoir ses droits à réparation, n'est soumise à aucun formalisme particulier.
7. Cette notification peut être valablement faite par l'avocat de l'agent commercial à celui de son mandant.
8. Le moyen, qui, en sa première branche, postule le contraire et, en sa seconde, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond, qui, après avoir relevé qu'au cours d'échanges officiels entre eux, l'avocat de M. [M] et de la société Clinhospi avait adressé à son confrère, conseil de la société Adler, une lettre datée du 30 octobre 2014 portant l'indication de ce que, faute, notamment, d'une « proposition d'indemnisation convenable », sa cliente « saisira la juridiction compétente d'une demande d'indemnisation liée à une rupture abusive de mandat d'intérêt commun », ont estimé que cette lettre manifestait l'intention non équivoque de la société Clinhospi de faire valoir ses droits à réparation, n'est pas fondé.
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
9. M. [M] et la société Clinhospi font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'indemnisation du préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie avec la société Adler, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever d'office un moyen sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant qu'elle n'était pas compétente pour statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a méconnu l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
10. Aux termes de ce texte, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
11. Pour rejeter la demande de réparation du préjudice causé par la rupture brutale de la relation commerciale établie, l'arrêt retient que la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'est pas compétente pour statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.
12. En relevant d'office son incompétence, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
15. La société Clinhospi sollicite, outre une indemnité de préavis en application de l'article L. 134-11 du code de commerce, des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.
16. Cependant, ce texte ne s'applique pas lors de la cessation des relations ayant existé entre un agent commercial et son mandant, pour lesquelles la durée de préavis qui doit être respectée est fixée par l'article L. 134-11 du code de commerce.
17. Par conséquent, la société Clinhospi n'est pas fondée à invoquer une indemnité sur le fondement l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019. Sa demande à ce titre doit donc être rejetée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Rejette le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il statue sur la demande au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, l'arrêt rendu le 3 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Statuant à nouveau,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en réparation fondée sur l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce.