Cass. com., 20 mars 2024, n° 23-11.505
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gefco (SA)
Défendeur :
Data Dynamic Systems (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Bellino
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 décembre 2022), en 1995, la société Gefco, commissionnaire de transport national et international, a acquis de la société Data Dynamic Systems (la société DDS), spécialisée dans le développement d'applications informatiques dans le domaine du transport et de la logistique, des droits d'usage sur son logiciel « Pro Transit Data » ultérieurement dénommé « Isygo ».
2. Les sociétés Gefco et DDS ont conclu, le 31 mai 2005, un contrat-cadre d'assistance technique et de conseil en informatique et réseau, puis, le 24 mai 2007, un « contrat de maintenance et de support » (le contrat de maintenance) portant sur ce logiciel, pour une durée indéterminée.
3. Le 19 décembre 2008, les sociétés Gefco et DDS ont par ailleurs conclu un « contrat de centre de services » (le contrat de services) relatif au logiciel Isygo, d'une durée d'un an, renouvelé pour la dernière fois le 19 mai 2017 avec un terme fixé au 30 juin 2017.
4. Après avoir mis fin au contrat de services le 30 mai 2017 sans préavis, la société Gefco a, par lettre du 29 septembre 2017, notifié à la société DDS la résiliation du contrat de maintenance avec un préavis de trois mois.
5. La société DDS a vainement mis en demeure la société Gefco de lui accorder un préavis de neuf mois supplémentaires puis l'a, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, assignée en paiement de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie résultant de l'exécution des contrats de maintenance et de services.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. La société Gefco fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société DDS la somme de 44 882,35 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat de maintenance, de la déclarer responsable de la rupture brutale de la relation commerciale avec la société DDS résultant du contrat de services et de la condamner à payer à la société DDS la somme de 110 700 euros de dommages et intérêts, alors :
« 1°/ que seule une rupture brutale, sans préavis minimal, d'une relation commerciale établie peut engager la responsabilité de son auteur ; que la notification du recours à un appel d'offres manifeste, de la part de son auteur, son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures et fait ainsi courir le délai de préavis ; qu'en l'espèce, en retenant qu'il n'était pas établi que la procédure d'appel d'offres était assortie d'un préavis avant le terme de la relation commerciale avec la société DDS, quand la notification du recours à un appel d'offres suffit en elle-même à faire courir le délai de préavis, la cour d'appel a statué par un motif impropre et violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;
2°/ que seule une rupture brutale, sans préavis minimal, d'une relation commerciale établie peut engager la responsabilité de son auteur ; que la notification du recours à un appel d'offres manifeste, de la part de son auteur, son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures et fait ainsi courir le délai de préavis ; qu'en l'espèce, la société Gefco faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'en
recourant à un appel d'offres à la fin de l'année 2015, elle avait manifesté son intention de ne pas poursuivre les relations commerciales antérieures, que la société DDS en avait nécessairement conscience puisqu'elle avait effectué la présentation de son produit le 9 décembre 2015 et avait échangé par mails avec la société Gefco, en décembre 2015 et janvier 2016, pour savoir comment avançait le projet de sélection ; que la société Gefco en déduisait que la société DDS avait bénéficié d'un préavis suffisant ; qu'en retenant néanmoins, par motifs présumés adoptés, que le seul acte manifestant l'intention de la société Gefco de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis était le choix définitif notifié à la société DDS le 29 septembre 2017, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en lançant un appel d'offres à la fin de l'année 2015, auquel la société DDS avait répondu, la société Gefco n'avait pas manifesté l'intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans leurs conditions antérieures, de sorte que le délai de préavis courait dès cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, que la notification de l'intention de rompre la relation n'est régulière et que le préavis ne commence à courir que si la date de la rupture est précisée.
9. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'entre 2015 et 2017, la société Gefco a comparé le programme de la société IJS, qu'elle venait d'acquérir, et celui édité par la société DDS, mais n'a signifié à cette dernière son choix définitif que le 29 septembre 2017, en résiliant le contrat de maintenance et en lui allouant trois mois de préavis. Il énonce que le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis. Il retient qu'en l'espèce, cet acte n'est parvenu à la société DDS que le 29 septembre 2017, soit deux ans après l'acquisition par la société Gefco de la société IJS. Il ajoute qu'il n'est pas établi par la société Gefco que la procédure d' « appel d'offres » était assortie d'un préavis avant le terme de la relation commerciale avec la société DDS et que le préavis ne pouvait donc courir qu'à compter de la date du courrier de résiliation fixant la fin effective du contrat de maintenance.
10. De ces énonciations, constatations et appréciations, dont il résulte que l'information relative à la mise en concurrence des applications proposées respectivement par la société DDS et par la société IJS, délivrée à la société DDS au plus tard le 9 décembre 2015, ne précisait pas la date à laquelle interviendrait la rupture de la relation établie avec cette dernière et ne pouvait donc faire courir le préavis, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a exactement déduit que le préavis de rupture de la relation établie au titre du contrat de maintenance n'avait couru qu'à compter du courrier de résiliation du 29 septembre 2017.
11. Le moyen, inopérant en ce qu'il critique le chef de dispositif relatif au contrat de services dès lors que les motifs critiqués n'en sont pas le soutien nécessaire, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.