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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 14 mars 2024, n° 20/00825

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Centre Dentaire (Assoc)

Défendeur :

BNP Paribas Lease Group (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Baye, Me Atias, Me Mimran-Valensi, Me Abdallah-Martin

TGI Grasse, du 2 déc. 2019, n° 18/02831

2 décembre 2019

EXPOSE DU LITIGE

Le 24 novembre 2015, dans le cadre d'une opération tripartite, l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] a conclu un contrat de location financière sans option d'achat avec la société BNP Paribas Lease Groupe pour du matériel qui lui a été fourni par un fournisseur, la société Groupe prestige dentaire.

Le contrat de location prévoyait une durée d'exécution de 20 trimestres ainsi que le versement d'un loyer trimestriel de 5 454,90 euros HT, soit 6.545,88 euros TTC.

Le jour de la signature du contrat de location, l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] signait un procès-verbal de réception du matériel.

Après avoir réglé les six premiers loyers trimestriels, l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] a cessé ses paiements à compter du 1er septembre 2017.

La société BNP Paribas Lease Group soutient avoir prononcé la résiliation du contrat par lettre recommandée du 6 avril 2018 et dit avoir sollicité le paiement de la somme totale de 99 742,18 euros se décomposant comme il suit :

- 19.637,64 euros TTC au titre de trois loyers impayés,

- 900 euros TTC au titre d'indemnités de retard,

- 72.004,69 euros TTC au titre d'indemnité réparatrice de résiliation,

- 7.200,45 euros TTC au titre de pénalité de résiliation.

Par acte d'huissier du 29 mai 2018, la société BNP Paribas Lease Group a fait assigner l'association Centre Dentaire [Localité 4] [Localité 5] en paiement des sommes dues au titre du contrat de location et également pour demander la restitution du matériel loué

Par jugement du 2 décembre 2019 , le tribunal de grande instance de Grasse a :

- condamné l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme totale de 99 742,78 euros au titre des échéances impayées et de l'indemnité de résiliation,

- dit que l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] réglera cette somme en 24 mensualités de 4 155,95 euros chacune à compter du 7 janvier 2019 et qu'elle conservera le matériel objet du contrat de location, sous réserve du paiement régulier des échéances,

- dit toutefois qu'à défaut de paiement d'une seule échéance par l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] , la totalité de la somme restante due deviendra immédiatement exigible et l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] sera tenue de restituer sans délai le matériel loué,

- ordonné 1'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] aux entiers dépens, qui seront distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal relevait qu'il résultait des écritures des parties qu'elles étaient d'accord "pour mettre fin au litige" selon leurs conditions qu'il disait entériner.

L'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] a formé un appel le 17 janvier 2020.

Sa déclaration d'appel est ainsi rédigée : appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués, l'objet de l'appel est de demander à la cour d'appel la réformation de la décision de première instance en ce q qu’elle a :

- condamné l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme totale de 99 742,78 euros au titre des échéances impayées et de l'indemnité de résiliation,

- dit que l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] réglera cette somme en 24 mensualités de 4.155,95 euros chacune à compter du 7 janvier 2019 et qu'elle conservera le matériel objet du contrat de location, sous réserve du paiement régulier des échéances,

- dit toutefois qu'à défaut de paiement d'une seule échéance par l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] la totalité de la somme restante due deviendra immédiatement exigible et qu'elle sera tenue de restituer sans délai le matériel loué,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné l'association l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] aux entiers dépens, qui seront distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par jugement du 3 février 2020, publié le 14 février 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] et a nommé Maître [L] [Y] et Maître [E] [K] en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire.

La société BNP Paribas Lease Group a fait assigner en intervention forcée Maître [L] [Y] et Me [E] [K] (à domicile) par actes d'huissier des 30 juin et 7 juillet 2020

Dans le cadre de l'instance pendante devant la cour d'appel, la société BNP Paribas Lease Group a formé un incident par conclusions d'incident du 23 novembre 2020, concluant à l'irrecevabilité de l'appel formé par l'association. La société intimée soutenait que le jugement déféré à la cour s'était borné à entériner l'accord des parties et qu'il constituait dès lors un contrat judiciaire et non un jugement de sorte qu'il n'était pas, selon elle, susceptible d'appel.

La société appelante formait à son tour un incident devant le conseiller de la mise en état par conclusions d'incident notifiées le 14 janvier 2021, concluant à l'impossibilité pour l'intimée de conclure au fond, celle-ci n'ayant pas conclu au fond dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 27 mai 2021, le conseiller de la mise en état a :

- débouté la SA BNP Paribas Lease Group de sa demande tendant à faire déclarer irrecevable l'appel de l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5],

- constaté que la société BNP Paribas Lease Group est irrecevable à conclure au fond,

- condamné la société BNP Paribas Lease Group à payer à l'association Centre Dentaire [Localité 4]

[Localité 5] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BNP Paribas Lease Group aux dépens de l'incident.

Pour se déterminer ainsi, concernant le rejet de la fin de non-recevoir soulevée par l'intimé, le conseiller de la mise en état relevait qu'il n'était pas compétent pour connaître des fins de non-recevoir par application des textes de procédure civile alors applicables avant le 1er janvier 2020.

Pour se déterminer ainsi, concernant l'irrecevabilité de l'intimée à conclure au fond, le conseiller de la mise en état observait que cette dernière n'avait pas conclu au fond dans le délai de trois mois prescrit par l'article 909 du code de procédure civile et ayant commencé à courir à compter de la notification des conclusions de l'appelant.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mai 2023.

Me [L] [Y] est intervenue à l'instance en qualité d'administrateur judiciaire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2020, l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] et Me [L] [Y] demandent à la cour de :

vu l'article L. 442-6 du code de commerce en sa rédaction applicable, vu les articles 1110, 1171, 1231-5, 1343-5 du code civil,

- infirmer le jugement aux termes duquel le tribunal de grande instance de Grasse a :

- condamné l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme totale de 99 742,78 euros au titre des échéances impayées et de l'indemnité de résiliation,

- dit que l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] réglera cette somme en 24 mensualités de 4 155,95 euros chacune à compter du 7 janvier 2019 et qu'elle conservera le matériel objet du contrat de location, sous réserve du paiement régulier des échéances,

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule échéance, la totalité de la somme restante due deviendra immédiatement exigible et l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] sera tenue de restituer sans délai le matériel loué,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision et condamné l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

à titre principal,

- constater que suite au dépôt par la société BNP Paribas Lease Group d'une requête en revendication des matériels objets du contrat, l'association Centre Dentaire [Localité 4] [Localité 5] a donné son accord pour restituer lesdits matériels, accord entériné par Maître [Y] es-qualités d'administrateur judiciaire,

- dire que la société BNP Paribas Lease Group n'a pas respecté les dispositions contractuelles et ne rapporte pas la preuve de l'envoi et de la réception de la mise en demeure du 6 avril 2018 tendant à la résiliation du contrat,

- dire que la clause 9.1 in fine des conditions générales du contrat de location est nulle comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

- déclarer ladite clause non écrite comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

En conséquence,

- dire que la demande de la société BNP Paribas Lease Group tendant au paiement d'une indemnité de résiliation ne pouvait prospérer,

- dire que la créance de la société BNP Paribas Lease Group contre l'association s'élève à la somme de 65.458,80 euros, au titre des loyers impayés,

- fixer la créance de la société BNP Paribas Lease Group au passif de la procédure de redressement judiciaire à la somme de 65.458,80 euros,

À titre subsidiaire ,

- dire que l'indemnité de résiliation contenue à l'article 9.3 des conditions générales du contrat de location s'analyse en une clause pénale,

- réduire l'indemnité de résiliation contenue à l'article 9.3 des conditions générales du contrat à la somme de 1.000 euros,

- réduire la clause pénale contenue à l'article 9.3 des conditions générales du contrat à la somme de 1 euros symboliques,

- fixer la créance de la société BNP Paribas Lease Group au passif de la procédure de redressement judiciaire de l'association à la somme de 1 001 euros,

En tout état de cause,

- condamner la société BNP Paribas Lease Group à payer à Maître [L] [Y] es-qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de l'Association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5], la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamner la société Bnp Paribas Lease Group entiers dépens de l'instance.

Pour s'opposer au paiement de l'indemnité de résiliation et pour dire que la clause du contrat prévoyant une telle somme ne pouvait pas s'appliquer , l'appelante invoque trois moyens de droit:

- la société de location n'a pas valablement résilié le contrat de location en s'abstenant de respecter les conditions contractuelles de résiliation prévues à l'article 9.1. a) et ne peut donc venir lui réclamer une quelconque indemnité au titre de cette résiliation inexistante,

- la clause de résiliation de plein droit est une clause abusive qui contrevient aux dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence,

- la clause de résiliation de plein droit insérée au contrat de location est réputée non écrite en application des dispositions du code civil relativement aux clauses créant un déséquilibre significatif entre les parties.

MOTIFS

Dès lors que les conclusions de la société BNP Paribas Lease Group ont été déclarées irrecevables, celle-ci est réputée ne pas avoir conclu et s'être approprié les motifs du jugement.

Vu l'article 914 du code de procédure civile dont il résulte que la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.,

Vu l'article 16 du code de procédure civile aux termes duquel le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations,

Vu l'article 125 du même code selon lequel le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée,

Vu l'article 546 al 1 du code de procédure civile dont il résulte que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 32, 122 et 546, alinéa 1, du code de procédure civile que l'intérêt à interjeter appel a pour mesure la succombance, qui réside dans le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction sur un ou plusieurs chefs de demande présentés en première instance.

En l'espèce, selon les termes précis et clairs du jugement de première instance, l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] avait demandé, à titre principal, de lui donner acte de ce que les parties s'étaient accordées pour mettre fin au litige selon leurs conditions (ces conditions étant reprises par le jugement dans ces motifs ).

Or, il résulte de la lecture des termes du jugement de première instance qu'il a été fait droit à cette demande principale de l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5].

En effet, dans ses motifs le jugement mentionne ceci : 'il ressort des écritures respectives des parties qu'elles sont en fait d'accord, au principal, pour mettre fin au litige dans les conditions suivantes :(...)Cet accord sera donc entériné , sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens et demandes formées par la défenderesse à titre subsidiaire'.

Il résulte de ce qui précède que le jugement avait donc fait droit à la demande principale de l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] qui était de lui donner acte qu'elle s'était accordée avec la société BNP Paribas Lease Group selon des conditions précises.

Le droit d'appel supposant un intérêt à agir tirer d'une succombance et l'appel n'étant pas recevable s'il porte sur des dispositions sur lesquelles une partie a obtenu gain de cause en première instance, la cour d'appel soulève d'office le moyen tiré de l'éventuel défaut d'intérêt de l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5] à former appel.

Afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur ce moyen de droit relevé d'office, il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats et de renvoyer l'affaire à l'audience du mercredi 22 mai 2024 à 14 h.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, avant-dire droit :

- ordonne la réouverture des débats et renvoie l'affaire à l'audience du mercredi 22 mai 2024 à 14 heures (salle F palais Verdun),

- invite les parties à présenter leurs observations écrites sur le moyen relevé d'office tiré de l'éventuel défaut d'intérêt à former appel de l'association Centre dentaire [Localité 4] [Localité 5];