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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 14 mars 2024, n° 23/00186

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Madrialdo (SARL)

Défendeur :

Pizza Paï International (SAS), Pizza Paï Cie (SAS), Pizza Paï LG (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbot

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Fallenot

Avocats :

Me Camus-Demailly, Me Tessler, Me Levasseur, Me Laugier

T. com. Lille Métropole, du 10 nov. 2022…

10 novembre 2022

FAITS ET PROCEDURE

Les sociétés Pizza Paï international, Pizza Paï Lg et Pizza Paï cie font partie d'un même groupe spécialisé dans la restauration.

La société Madrialdo, qui a pour associés MM. [Z] et [R], tous deux anciens directeurs de restaurant, a signé divers contrats avec les sociétés précitées.

La société Pizza Paï international (le franchiseur) a signé, dans le dernier état des relations avec la société Madrialdo, un contrat de franchise à compter du 1er janvier 2011 pour 4 ans.

La société Pizza Paï Lg (le loueur) a signé avec la société Madrialdo un contrat de location-gérance portant sur le fonds de commerce d'un restaurant Pizza Paï à [Localité 3].

La société Pizza Paï cie (le prestataire) a signé avec la société Madrialdo un contrat de prestations de services, afin d'assurer la maintenance des installations.

Courant 2009, le directeur général du groupe Pizza Paï a mis en place un nouveau concept d'exploitation, le restaurant de [Localité 3] devant devenir 'restaurant pilote' selon la société Madrialdo.

Pour ce faire, il a dû fermer pour des travaux pendant quatre mois, d'août à décembre 2009.

Dès la fin 2011, la société Madrialdo a fait part à son franchiseur de difficultés économiques liées à une baisse de fréquentation du centre et à l'installation d'un concurrent.

Le 14 décembre 2011, un avenant au contrat de location-gérance a été régularisé entre les parties et un allègement exceptionnel des redevances a été mis en place.

Par un avenant du 10 octobre 2013, le franchiseur a prolongé la durée initiale du contrat de deux années. En contrepartie, il a été prévu une baisse des redevances avec des délais de paiement de celles-ci et un moratoire sur des dettes relatives aux marchandises.

Le 7 octobre 2015, la société Madrialdo a été assignée par les sociétés du groupe Pizza Paï devant le juge des référés en paiement de factures de redevances.

Le 9 novembre 2015, la société Madrialdo a été mise en redressement judiciaire.

Le 3 décembre 2015, le bailleur, le franchiseur et le prestataire ont déclaré leurs créances, ces déclarations ayant été rectifiées le 5 janvier 2016.

Le 16 mars 2016, les société précitées ont été informées de l'arrêt d'activité de la société Madrialdo.

Le 9 mai 2016, le redressement judiciaire de la société Madrialdo a été converti en liquidation judiciaire, Me [N] étant nommé en qualité de liquidateur.

Le 13 octobre 2016, le liquidateur a informé chaque créancier déclarant que sa créance était contestée en totalité, ce qui a fait l'objet de répliques.

Le 1er juin 2017, le juge-commissaire a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et invité les sociétés Pizza Paï à saisir dans le délai d'un mois la juridiction compétente.

Par ordonnance du 12 octobre 2017, à la demande du liquidateur, a été nommé un technicien sur le fondement de l'article L621-9 du code de commerce.

Les opérations techniques se sont achevées le 24 mai 2019.

Parallèlement, comme le juge-commissaire l'avait ordonné, les sociétés du groupe Pizza Paï, par actes des 3 et 5 juillet 2017, ont assigné Me [N] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Madrialdo devant le tribunal de commerce de Lille aux fins de voir constater l'existence de leurs créances et en fixer le montant.

Par jugement en date du 06 juin 2018, le tribunal de commerce de Lille a notamment :

- constaté et fixé au passif de la société Madrialdo :

' la créance du franchiseur pour une somme de 53 674,77 € ;

' la créance du bailleur pour la somme de 260 922,51 € ;

' la créance du prestataire pour la somme de 10 683,16 € ;

- ordonné le sursis à statuer sur la demande reconventionnelle de la société Madrialdo de voir condamner ces sociétés pour faute, dans l'attente du dépôt du rapport de l'experte judiciaire validé par le tribunal de commerce de Valenciennes le 28 mars 2018.

Me [N] a interjeté appel partiel du jugement susvisé, s'agissant de l'admission des créances au passif de la société Madrialdo.

Par arrêt du 12 février 2020, la cour d'appel de Paris a infirmé la décision précitée, sauf en ce qu'elle a ordonné le sursis à statuer sur la fixation des créances des sociétés Pizza Paï dans l'attente de la décision définitive à intervenir sur la saisine du tribunal de commerce de Lille Métropole en reprise instance après dépôt du rapport d'expertise en litige.

Par ordonnance du 30 juin 2020, un retrait du rôle est intervenu dans le cadre de cette procédure.

Par jugement contradictoire et en premier ressort du 10 novembre 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole a déclaré irrecevables les demandes de Me [N], ès qualités, et de la société Madrialdo en raison de leur prescription, et a débouté le liquidateur et la société Madrialdo de toutes leurs demandes financières y compris les frais d'expertise. Il a constaté et fixé au passif de la société Madrialdo une créance de 3 000 euros au bénéfice de chacune des sociétés Pizza Paï au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 11 janvier 2023, M. [N], ès qualités, et la SARL Madrialdo ont interjeté appel en critiquant l'ensemble des chefs de la décision.

PRÉTENTIONS

Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 octobre 2023, M. [N], ès qualités et la société Madrialdo demandent à la cour, de :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille [en toutes ses dispositions]

statuant à nouveau

Vu les articles L. 110-4 et L. 330-3 du code de commerce,

Vu les articles 2224, 2239 du code Civil,

- juger recevable et non prescrite l'action en responsabilité engagée par la société Madrialdo et Me. [N], ès qualités, et consécutivement recevables et bien fondées leurs demandes ;

- débouter les sociétés Pizza Paï international et Pizza Paï Lg de toutes leurs demandes, fins et moyens ;

Vu l'article 2044 du code civil,

- annuler la transaction du 12 décembre 2014, intervenue entre les sociétés Pizza Paï International, Pizza Paï LG, la société Madrialdo et M. [M] [Z] ; et par conséquent, rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Pizza Paï du chef du protocole d'accord transactionnel.

Vu les articles 1382 et 1134 anciens du code civil,

Vu les manquements précontractuels et contractuels du franchiseur et le préjudice subi,

- condamner le franchiseur à payer à Me [N], ès qualités, et à la société Madrialdo la somme de 300.000 euros à titre de dommages intérêts du fait du manquement à l'obligation précontractuelle d'information (pour perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses) ;

- condamner la société Pizza Paï International à payer à Me [N], ès qualités, et à la société Madrialdo la somme de 350.000 euros à titre de dommages intérêts du chef de son manquement à la délivrance d'un savoir-faire efficace et rentable, et de son manquement à son obligation d'assistance et de conseil, soit la somme de 650.000 euros au total ;

Vu l'article L. 442-1 I 1° et 2° du code de commerce,

Vu les articles 1134 ancien et 1104 nouveau du code civil,

Vu le caractère abusif des redevances et prélèvements facturés par les sociétés Pizza Paï Lg et Pizza Paï cie au détriment de la société Madrialdo,

- condamner ces dernières sociétés in solidum, à payer à Me [N], ès qualités, et à la société Madrialdo la somme de 809.833 euros, à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi des conventions et de loyauté et au titre de l'avantage manifestement disproportionné par rapport à l'avantage obtenu ;

- Vu la connexité entre les créances réciproques des parties,

- ordonner la compensation entre les créances connexes et réciproques des parties ; en conséquence, dire et juger infondées et sans objet les déclarations de créances effectuées par les sociétés Pizza Paï international, Pizza Paï Lg et Pizza Paï cie ; débouter lesdites sociétés de leurs demandes d'admission au passif de la liquidation judiciaire de la société Madrialdo ;

- débouter les mêmes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

- condamner les mêmes à payer à Me [N], ès qualités, et à la société Madrialdo la somme de 15.000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais d'expertise dont Me [N], ès qualités, a fait l'avance, soit la somme de 28.000 euros HT soit 33.600,00 euros TTC ;

- condamner les mêmes sociétés aux entiers dépens d'appel.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 17 novembre 2023, la société Pizza Paï international, la société Pizza Paï Lg et la société Pizza Paï cie demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 10 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;

Subsidiairement,

- prononcer l'irrecevabilité de la demande nouvelle tendant à voir annuler la transaction en date du 12 décembre 2014,

- prononcer l'irrecevabilité des demandes présentées par le liquidateur judiciaire et la société Madrialdo sinon du fait de la prescription, du fait de la renonciation à recours de la société Madrialdo,

- débouter Me [N], ès qualités, et la société Madrialdo de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- fixer au passif de la société Madrialdo une créance de 20.000 € au bénéfice de chacune d'entre au titre de l'article 700 du code procédure civile,

- fixer au passif de la société Madrialdo une créance correspondant aux dépens d'appel au bénéfice des chacune d'elles.

MOTIVATION

I- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Le liquidateur et la société Madrialdo exposent que les demandes indemnitaires, formées par la voie incidente (demandes reconventionnelles) par le liquidateur contre les sociétés du groupe Pizza Paï, pour s'opposer à l'admission des créances de ces sociétés au passif de la société Madrialdo, portent à la fois sur des questions contractuelles et délictuelles.

Il est ainsi sollicité la sanction, dans le cadre de la relation de franchise, d'un manquement aux obligations précontractuelles d'information du franchiseur, mais aussi d'un défaut de savoir-faire de nature contractuelle, constant tout au long de la relation de franchise, et ce jusqu'à la liquidation judiciaire de la société Madrialdo, auquel s'ajoute le fait que la société Madrialdo a servi de restaurant-pilote pour le franchiseur, ce qui lui a valu de bénéficier d'un accompagnement financier trompeur pendant plusieurs années, jusqu'à ce que le franchiseur décide de reprendre l'exploitation par lui-même et donc d'abandonner son franchisé et locataire-gérant. Il s'y ajoute en outre la question des coûts très élevés de location-gérance et de charges immobilières facturées par les sociétés du groupe Pizza Paï, lesquelles ont contribué aux pertes accumulées par la société Madrialdo.

Le liquidateur et la société Madrialdo soulignent que la reconduction du contrat de franchise a été opérée pour la dernière fois le 10 octobre 2013, et n'a été précédée de la remise d'aucun document d'information précontractuelle, comportant notamment un état du réseau de franchise à cette époque et un état du marché. Le renouvellement d'un contrat à durée déterminée par avenant constitue un nouveau contrat, lequel, en matière de contrat de franchise, doit faire l'objet d'une information précontractuelle complète, conformément aux obligations stipulées à l'article L330-3 du code de commerce, dès lors qu'il est essentiel que le franchisé ait à tout le moins connaissance de l'évolution du marché et du réseau avant de s'engager pour plusieurs années.

Ils estiment que le franchiseur, en ne communiquant pas l'état du réseau Pizza Paï à cette date, pas plus que les évolutions du marché local, a fait perdre au franchisé toute chance d'apprécier avec objectivité et lucidité la portée de son engagement.

Il ne pouvait être considéré que la demande était prescrite, s'agissant du renouvellement du contrat le 10 octobre 2013, dès lors que la prescription avait été interrompue par la demande de nomination d'un technicien présentée par le liquidateur au juge-commissaire le 12 octobre 2017, et ce par application des dispositions de l'article 2239, alinéa 1, du code civil. En outre, les manquements du franchiseur se sont poursuivis tout au long de la période contractuelle, y compris après le renouvellement du contrat susvisé, en 2013, et jusqu'à la liquidation le 9 mai 2016.

Sur la question de savoir à quel moment il est permis de considérer qu'une victime a l'obligation d'agir, et donc quelles circonstances constituent le point de départ de la prescription, le liquidateur et la société Madrialdo soutiennent que c'est à la rupture des relations entre le franchiseur et le franchisé, imposant au franchisé, assigné par son franchiseur, de déposer une déclaration de cessation des paiements, que le préjudice était avéré, parce qu'il ne pouvait plus compter sur le soutien qui lui avait été apporté face à une dérive contractuelle persistante.

Les sociétés Pizza Paï répliquent que le point de départ du délai de prescription est à la date de connaissance du dommage, lequel, en matière de manquements à l'obligation d'information ou de conseil antérieurs à la signature d'un contrat, se manifeste dès le stade de la formation des contrats.

En ce qui concerne les obligations précontractuelles, le délai de prescription est de 5 ans et court à compter de la conclusion du contrat, les contrats ayant été conclus le 29 décembre 2010.

Devant l'argumentation du renouvellement du contrat, elles objectent que les appelants opèrent opportunément une confusion entre reconduction, prorogation et renouvellement, précisant qu'il n'y a eu aucune reconduction du contrat qui juridiquement aurait donné lieu à la naissance d'un nouveau contrat mais simplement modification, par avenant, de la clause de « durée » du contrat d'origine.

Elles rappellent que la signature d'un simple avenant de prorogation ne saurait déplacer le point de départ de la prescription, fixé à la date de conclusion du contrat, puisque la signature de l'avenant de prorogation n'a pas entraîné novation du contrat de franchise originel - novation qui d'ailleurs ne se présume pas - de sorte que le point de départ de la prescription n'a pas pu s'en trouver modifié.

En ce qui concerne les obligations postérieures qui auraient été violées, (redevances de franchise, de location-gérance, de publicité, de location informatique et les charges locatives facturées à la société Madrialdo de manière déloyale, conduisant le franchisé à la déconfiture, et manquement à l'obligation d'assistance et de conseil), les sociétés Pizza Paï soulignent que la société Madrialdo avait connaissance de son prétendu dommage, matérialisé par ses résultats négatifs, dès la clôture de l'exercice 2010, soit le 31 décembre 2010. Elle ne peut donc soutenir n'avoir eu connaissance de son préjudice qu'à compter de la déclaration de cessation des paiements en novembre 2015.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à partir du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Que la responsabilité envisagée soit délictuelle ou contractuelle, l'action en responsabilité se trouve soumise au délai quinquennal, aucune prescription plus courte n'étant édictée en la matière, entre commerçants.

La jurisprudence, notamment celle de la chambre commerciale, conservant la formulation antérieure après la modification du régime de la prescription introduite par l'article précité, précise que la prescription d'une action en responsabilité contractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance (Com., 25 octobre 2017, pourvoi no 16-15.116 ).

Est laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond la détermination de la date à laquelle la victime a eu connaissance du dommage (1re Civ., 9 novembre 2004, pourvoi no 02- 20.117 - Com., 30 mars 2010, pourvoi no 08-17.841), soit de la connaissance des faits lui permettant d'exercer l'action en responsabilité.

L'article 2234 du code civil précise que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. Quant à l'article 2239 du code civil, il prévoit que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

En l'espèce, le liquidateur et la société Madrialdo mettent en cause la responsabilité du franchiseur et du loueur, d'une part, pour violation par le franchiseur de son obligation d'information précontractuelle ainsi que des manquements commis dans l'exécution du contrat de franchise, en l'absence de transmission d'un savoir-faire et à défaut de respect de l'obligation d'assistance, d'autre part, pour fixation par les intimées de redevances et de charges trop élevées au mépris du devoir d'exécution de bonne foi des conventions.

Le délai de prescription applicable se trouve donc être le délai quinquennal de droit commun.

Si le liquidateur et la société Madrialdo ont invoqué l'existence de manquements pour la première fois le 11 avril 2017, leur première demande de condamnation à titre reconventionnelle a été formulée à l'audience du 25 avril 2018.

Les parties s'opposent quant au point de départ de la prescription, les appelants invoquant un renouvellement du contrat en octobre 2013, puis l'existence du redressement judiciaire en 2015 et la mesure technique sollicitée en 2017 pour estimer non prescrite leur action.

En premier lieu, pour estimer non prescrite leur action en responsabilité fondée sur l'absence de document d'information précontractuelle, le liquidateur et la société Madrialdo partent du postulat que le dommage s'est réalisé lors de la conclusion du contrat et fixe la date de cette dernière au 10 octobre 2013.

Il convient de rappeler que seul le contrat de franchise est soumis aux obligations imparties par l'article L. 330-4 du code de commerce. Compte tenu de la nature de la responsabilité et du manquement invoqué, la réalisation du dommage est constituée par la perte de chance de pouvoir souscrire, de manière pleinement informée, aux obligations contractuelles.

Ce dommage a donc été réalisé lors de la conclusion même du contrat.

Or, l'examen des pièces du dossier permet de constater que les relations contractuelles ont été marquées par la conclusion de contrats de franchise successifs le 31 décembre 2008 et le 29 décembre 2010.

Ce dernier contrat a donné lieu à un document d'information précontractuelle, signé par M. [Z] en sa qualité de représentant de la société Madrialdo, le preneur, et est versé aux débats dans le cadre de la présente procédure en pièce 60 par les intimées, contrairement aux sous-entendus de la société Madrialdo sur ce point.

La société Madrialdo et le liquidateur ne peuvent raisonnablement soutenir qu'un nouveau contrat serait intervenu le 10 octobre 2013, sans avoir été préalablement précédé d'un document d'information précontractuelle, alors que les parties se sont certes rapprochées le 10 octobre 2013 mais uniquement pour signer un document intitulé « avenant n° 2 au contrat de franchise du 29 décembre 2010 ».

Cet engagement avait un objet limité et visait essentiellement à modifier la durée du contrat de franchise, en la portant à 6 ans à compter du 1er janvier 2011. Il ne s'agit dès lors aucunement d'un nouveau contrat de franchise ou d'un contrat de franchise renouvelé, contrairement à ce que soutiennent les appelants, mais uniquement d'une prorogation du contrat initial, qui se trouvait marginalement amendé, ce que corrobore l'article 2 de l'avenant précité, intitulé « dispositions inchangées » et stipulant qu'« il n'est apporté aucune autre modification ou novation aux clauses et conditions du contrat de location-gérance et de ses annexes, que celles expressément visées au présent avenant, pour le surplus, les clauses sont en tant que de besoin expressément maintenues ».

Le liquidateur et la société Madrialdo, même s'ils invoquent les « circonstances tenant à la relation contractuelle unissant les parties » n'allèguent, et ne démontrent encore moins avoir été dans un cas d'empêchement prévu l'article 2234 du code civil résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure, leur interdisant une quelconque action contre le franchiseur.

Ainsi, cette prétention des appelants sur ce fondement, outre qu'elle manque en fait, un document précontractuel ayant été régularisé en 2010, est atteinte par la prescription, pour avoir été introduite par des demandes reconventionnelles formées le 25 avril 2018, soit au-delà du délai de 5 ans commençant à courir à compter de la conclusion du contrat de franchise le 29 décembre 2010.

En second lieu, au titre des manquements liés à l'exécution du contrat de franchise et du contrat de location-gérance, la société Madrialdo et le liquidateur reprochent aux sociétés du groupe Pizza Paï la mise en 'uvre, dans le cadre de la location-gérance, d'un nouveau concept, par l'intermédiaire de la création d'un restaurant pilote à [Localité 3], opération lancée à compter de 2009, alors que le savoir-faire n'existait pas ou n'avait pas été éprouvé, sans mise en 'uvre d'une assistance suffisante, avant comme après l'ouverture, et en facturant des redevances inadaptées à la situation financière de la société Madrialdo, constitutif d'un avantage sans contrepartie au sens de l'article L. 442-1 I 1° du code de commerce. Ils en concluent que « la responsabilité du franchiseur est clairement engagée du chef de la mise en place d'un concept inadapté, non corrigé au fil du temps depuis 2010, qui a conduit son franchisé au dépôt de bilan ».

Compte tenu de la nature des obligations invoquées et des manquements reprochés, le jour où le titulaire de l'action en responsabilité contractuelle comme délictuelle a, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l'exercer, est la date de réalisation du dommage lié aux manquements.

Le dommage s'est donc manifesté par les effets des manquements invoqués sur l'équilibre financier de la société Madrialdo et sa santé économique.

Or, pour l'exercice du 1er octobre 2008 au 30 novembre 2009, dernier exercice au résultat net positif avant l'exercice clos au 31 décembre 2014, le résultat n'était que de 1 756 euros. Les résultats 2010, 2011, 2012 et 2013, respectivement de ' 60 119 euros, - 62 274 euros, -112 305 euros et -108 537 euros, se sont révélés largement déficitaires.

La société Madrialdo, qui s'est rapprochée à plusieurs reprises de son loueur de fonds ou de son franchiseur pour négocier des avenants, avec notamment de nouvelles conditions financières à la clef, avait dès lors connaissance des résultats préoccupants dès l'exercice clos fin 2010.

Les appelantes ne peuvent opportunément soutenir dans la présente instance n'avoir découvert cette situation qu'au jour de l'ouverture du redressement judiciaire, ou encore lors de la réalisation de la mesure technique effectuée sur le fondement de l'article L. 624-9 du code de commerce, alors même que les termes de l'avenant n° 1 au contrat de location-gérance en date du 14 décembre 2011 mettent expressément en relation les difficultés financières et la mise en œuvre du nouveau concept.

En effet, il y est ainsi exposé, en préambule, qu'« un contrat de franchise, consenti par la SAS Pizza Paï international est adjoint au contrat de location-gérance. Le contrat de franchise constitue un acte séparé, mais il est indissociable du contrat de location-gérance '. Le locataire-gérant a fait part au loueur de fonds des difficultés économiques rencontrées du fait du lancement des nouveaux processus d'exploitation suite aux travaux de remodelling du restaurant mais également dues à la baisse de fréquentation de la zone commerciale où se situe le fonds exploité. Les parties se sont alors rapprochées afin de redéfinir les conditions financières du contrat de location gérance dont procéder à la modification de l'article 11-1-1 du contrat précité. Le loueur de fonds consent ainsi un allègement exceptionnel de redevance ».

Des délais de paiements ont ainsi été consentis au titre des redevances du contrat de franchise, notamment en 2013, ainsi qu'au titre de celles dues dans le cadre du contrat de location-gérance et des reconnaissances de dettes ont été signées par la société Madrialdo le 10 octobre 2013, le 4 mars 2014 et le 12 décembre 2014.

La société Madrialdo ne peut prétendre qu'à raison de ces circonstances, qui ont eu pour effet de réaménager la dette, « il est difficile de considérer qu'un dommage « avéré » existait avant cette date », puisqu'au contraire, cela démontre que le dommage existait et n'était pas ignoré des parties, comme cela ressort expressément du préambule précité, seuls les effets immédiats du préjudice subi ayant été éventuellement atténués par ces mesures.

Elle ne peut pas plus en déduire que « c'est à la rupture des relations entre le franchiseur et le franchisé, imposant au franchisé, assigné par son franchiseur, de déposer une déclaration de cessation des paiements, que le préjudice était avéré, parce qu'il ne pouvait plus compter sur le soutien qui lui avait été apporté face à une dérive contractuelle persistance ».

En effet, il n'est ni allégué ni prouvé que le loueur du fonds, le franchiseur ou le prestataire aient pu laisser croire, par ces aménagements, qu'ils renonçaient à la dette, ou encore qu'ils reconnaissaient indubitablement leur responsabilité dans la réalisation du dommage, étant observé que les reconnaissances de dettes ou avenants ne font pas tous référence, pour expliciter les aménagements au nouveau concept, mais évoquent l'installation de concurrents ou des difficultés propres à l'exploitation dans la zone commerciale de [Localité 3].

Au vu des éléments versés, la date à laquelle la société Madrialdo a eu connaissance des résultats obérés et de leur imputabilité aux manquements allégés ne peut être retardé au moment de l'ouverture de la procédure collective, ou encore au dépôt du rapport rendu sur le fondement de l'article L 624-9 du code de commerce, comme le prétend la débitrice.

En effet, dès l'exercice clos le 31 décembre 2010, la société Madrialdo avait connaissance des résultats négatifs, et pouvait avoir conscience du dommage né de cette mauvaise exécution contractuelle au plus tard le 14 décembre 2011, date de l'avenant n°1 dans lequel il était fait expressément le rapprochement entre les résultats ainsi que la mise en 'uvre du nouveau concept et le niveau des redevances.

Il s'ensuit que l'action en responsabilité contractuelle dirigée par la société Madrialdo, représentée par son liquidateur à l'encontre des sociétés du groupe Pizza Paï et en responsabilité délictuelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-1 I 1° du code de commerce, formulée pour la première fois, dans le cadre de demandes reconventionnelles formées le 25 avril 2018, est prescrite.

Par conséquent, la décision des premiers juges est confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes présentées par Me [N] et la société Madrialdo.

Elle est cependant infirmée en ce qu'elle a rejeté lesdites demandes, le juge n'ayant pas le pouvoir de statuer sur une demande déclarée préalablement irrecevable.

II- Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Madrialdo et Me [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Madrialdo, succombant en leurs prétentions, il convient de fixer, conformément à la demande des intimées, les dépens aux passif de la procédure collective de la société Madrialdo, en ce compris les frais du technicien.

L'équité commande de n'allouer d'indemnité procédurale à quiconque. Il convient de rejeter les prétentions de chacune des parties de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Madrialdo et de son liquidateur et les a déboutés de toutes leurs demandes financières, y compris les frais d'expertise ;

Y ajoutant,

FIXE les dépens au passif de la procédure collective de la société Madrialdo ;

REJETTE les demandes d'indemnité procédurales de chacune des parties.