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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 19 mars 2024, n° 23/13814

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Yellow Relay (SAS)

Défendeur :

Selarl FHBX (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Dubois-Stevant, Mme Lacheze

Avocats :

Me Guizard, Me Enama, Me Penel, Me Dupuy

T. com. Evry, du 24 juill. 2023, n° 2023…

24 juillet 2023

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS Yellow relay, qui opère dans la livraison de colis, a été créée en février 2016. Elle a pour associés M. [M] [E] et M. [G] [K] à hauteur, respectivement et depuis le 18 juillet 2022, de 51 % et de 49 %. M. [E] en a été le président jusqu'en juillet 2022 puis le directeur général jusqu'en octobre 2022. M. [K] en a été nommé le président le 18 juillet 2022.

Sur déclaration de cessation des paiements du 1er juin 2023 et par jugement du 5 juin suivant, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert à son égard une procédure de redressement judiciaire, désigné la SELARL [C] [R] en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL FHB en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission d'assistance du débiteur pour tous actes concernant la gestion de l'entreprise.

Une assemblée générale des associés s'est tenue le 20 juin 2023 aux termes de laquelle

M. [K], alors président, a été révoqué de son mandat social et M. [E] nommé président. Les conditions de tenue de cette assemblée générale ont été contestées par

M. [K] devant le juge des référés puis le juge du fond.

Sur requête de la SELARL FHB ès qualités et par jugement du 24 juillet 2023, le tribunal a modifié la mission de l'administrateur judiciaire pour lui confier celle d'administration de l'entreprise et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Le tribunal a retenu l'existence d'un conflit entre les associés, le changement de président effectué à l'initiative de M. [E], en contradiction avec les statuts et les explications données par l'administrateur judiciaire, la coupure subséquente de l'accès au compte bancaire spécialement ouvert en début de procédure au nom de la société, la complexité qui s'en est suivie pour l'exploitation de l'activité et la mission de l'administrateur, la perpétuation du conflit menaçant la poursuite de l'activité et les perspectives de redressement.

Par déclaration du 3 août 2023, la société Yellow relay, représentée par M. [E], a fait appel de ce jugement et, par dernières conclusions n° 2 remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 décembre 2023, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de fixer la mission de l'administrateur judiciaire en mission d'assistance, de juger que chaque partie supportera ses frais de procédure et d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

La société Yellow relay soutient en substance :

- que le tribunal a violé les droits de la défense et le principe de la contradiction aux motifs qu'elle n'a pas pu donner son avis à l'audience du 24 juillet 2023, que le jugement ne relève pas que son avis a été requis ni qu'elle a été entendue, que le jugement ne répond pas non plus à ses observations écrites,

- que l'extension de la mission de l'administrateur judiciaire n'est pas justifiée dès lors qu'aucun conflit entre les associés ne bloque ni son activité ni son fonctionnement, que l'absence de coopération avec les organes de la procédure n'est pas démontrée et qu'elle engendre des coûts supplémentaires,

- qu'en outre la SELARL FHB ès qualités a dépassé sa mission d'assistance, les abus ayant persisté après l'extension de la mission,

- que le maintien de la mission d'assistance est plus approprié.

Par dernières conclusions n° 2 remises au greffe et notifiées par RPVA le 18 décembre 2023, la SELARL FHB ès qualités demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter la société Yellow relay de toutes ses demandes.

La SELARL FHB ès qualités soutient en substance :

- que le tribunal n'a violé ni les droits de la défense ni le principe de la contradiction puisqu'il a entendu la société Yellow relay à l'audience et qu'il a pu prendre connaissance de ses observations écrites et orales, étant souligné que l'appelante ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions l'annulation du jugement,

- qu'elle n'a pas dépassé sa mission d'assistance,

- que la modification de sa mission est justifiée par la nécessité de mettre en 'uvre toutes mesures de nature à préserver le déroulement de l'activité de la société et l'intérêt social alors que le conflit entre associés, avéré notamment par une plainte avec constitution de partie civile de M. [E] à l'encontre de son associé, et le défaut de coopération de

M. [E] freinent son travail d'administrateur judiciaire, paralysent la poursuite de l'activité et en conséquence les perspectives de redressement.

La déclaration d'appel et les premières conclusions d'appelante ont été signifiées à la SELARL [C] [R] ès qualités respectivement les 21 septembre et 24 octobre 2023 par actes remis à une personne habilitée à les recevoir. La SELARL [C] [R] ès qualités n'a pas constitué avocat.

Le ministère public est d'avis que la cour confirme le jugement. Cet avis a été communiqué par RPVA le 18 janvier 2024.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 janvier 2024.

SUR CE,

La société Yellow relay invoque une violation par le tribunal de ses droits de la défense et du principe de la contradiction sans toutefois en tirer les conséquences juridiques adéquates en se bornant à demander l'infirmation du jugement dont appel alors que ces moyens sont susceptibles d'entraîner la seule annulation et non l'infirmation de la décision. Ils ne seront donc pas examinés par la cour qui n'est pas saisie d'une demande d'annulation du jugement.

Pour critiquer le changement de mission de l'administrateur judiciaire, la société Yellow relay reproche à la SELARL FHB ès qualités d'avoir outrepassé sa mission précédente d'assistance. S'agissant de statuer non pas sur le remplacement de l'administrateur judiciaire ou sur une mise en jeu de sa responsabilité dans l'exercice de sa mission mais sur l'extension de sa mission, les griefs articulés à l'encontre de la SELARL FHB ès qualités ne sont pas de nature, même à les supposer établis, à permettre à la cour d'apprécier la pertinence d'un changement de mission.

La cour relève au demeurant que, globalement, les pièces produites aux débats permettant d'apprécier les agissements de M. [E] et de l'administrateur judiciaire et leurs relations font apparaître une grande difficulté à établir et faire respecter le rôle de l'un et de l'autre pendant la période d'observation et que cette difficulté unique a pour source le conflit entre associés et le changement de représentant légal intervenu après le jugement d'ouverture, quelles qu'aient été les justifications et conditions du changement de président.

M. [E] ne peut ainsi sérieusement contester l'existence de ce conflit avec son associé alors que ce dernier a, par assignation du 28 septembre 2023, contesté la régularité de l'assemblée générale ayant décidé sa révocation et que M. [E] a lui-même, le 21 juillet 2023, déposé une plainte avec constitution de partie civile contre X des chefs de faux et usage de faux, d'abus de bien social, de présentation de comptes non fidèles, de banqueroute et d'escroquerie au jugement.

Or les incertitudes ayant découlé du changement de président, quelles qu'en aient été les circonstances, ont fragilisé l'entreprise dès lors que, parmi les cinq salariés, celui occupant un emploi stratégique pour le redressement de la société, car seul en charge du portefeuille clients, a souhaité la quitter très rapidement en démissionnant, le départ effectif ayant eu lieu le 13 juillet 2023.

Dès lors, la seule nécessité de retrouver très rapidement un climat serein au sein de l'entreprise justifiait que le tribunal procède, dès le 24 juillet 2023, à une extension de la mission de l'administrateur judiciaire de sorte à ce qu'un seul interlocuteur administre l'entreprise pendant la période d'observation et prépare un plan par voie de continuation et ce, quelle que soit l'issue du contentieux relatif à la régularité des assemblées générales.

Il convient dès lors de confirmer le jugement dont appel, la cour observant en outre que la SELARL FHB ès qualités exerce sa mission d'administration depuis près de huit mois et que la période d'observation s'achève en juin prochain à l'issue d'une durée d'un an.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.