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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 11 septembre 2023, n° 21/22456

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Crédit Mutuel Leasing (SA)

Défendeur :

Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (Sté), La Ferme Des Epis (SARL), ML Conseils (Selarl) (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

Mme Simon-Rossenthal, Mme Castermans

Avocats :

Me Ingold, Me Boccon Gibod, Me Regnier

T. com. Paris, du 23 nov. 2021, n° 20190…

23 novembre 2021

Exposé du litige

FAITS ET PROCÉDURE

La société La Ferme Des Epis a notamment pour activité la location d'hébergements divers.

Le 15 mai 2013 elle a commandé à la société GI Production spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation d'habitation légères de loisir 3 chalets Eden au prix unitaire de 21 500 euros.

Dans le cadre du financement mis en place, les chalets ont été acquis par une société Negma appartenant au groupe GI Production qui a conclu un contrat de location avec la société La Ferme Des Epis le 24 juillet 2013 d'une durée de 7 années, la société La Ferme Des Epis s'engageant au paiement de 7 loyers annuels de 15 862,30 euros ttc.

La facture émise par GI Production le 26 juillet 2013 pour un montant de

89 719,72 euros ttc était payée par la société Negma le 1er août 2013. Le 24 juillet 2013, les 3 chalets étaient livrés à la société La Ferme Des Epis, laquelle signait le PV de réception.

Par avenant en date du 24 juillet 2013, prenant effet le 25 juillet 2013, le contrat de location précité ainsi que Ia propriété des matériels ont été transférés à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ci-après BPALC en qualité de bailleur.

La société Negma a émis une facture le 5 août 2013 d'un montant de 98 342,25 euros ttc qui a été réglée par la société BPALC le 7 août 2013, laquelle procédait à la publication du contrat de crédit-bail du chef de la société La Ferme Des Epis le 5 mars 2014.

Parallèlement, dans le cadre d'une convention cadre de crédit-bail conclu le 1er juillet 2013 entre les sociétés Negma et CML-CIC Bail devenue Crédit Mutuel Leasing ci-après CML, la société Negma, le 2 août 2013 cédait à cette dernière, parmi un certain nombre d'équipements, les chalets et le contrat de location cédés à la société BPALC et ce pour un montant de 75 016,49 euros ht.

La société Negma établissait une facture en date du 2 août 2013 laquelle était réglée par la société Crédit Mutuel Leasing le 9 août 2013. La société CML a procédé à la publication du contrat de crédit-bail sur l'état d'endettement de la société La Ferme Des Epis le 25 février 2014 ainsi que sur celui de la société Negma.

Suivant jugement en date du 2 octobre 2014, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Negma laquelle a été convertie en liquidation judiciaire en date du 7 avril 2016.

Le 7 décembre 2016 la société Crédit Mutuel Leasing a régularisé une requête en restitution auprès du juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Negma visant les 3 chalets.

Le 26 janvier 2017 le juge commissaire a fait droit à la demande de restitution en considérant que la société Crédit Mutuel Leasing était la seule titulaire d'une inscription de nantissement.

La société Ferme Des Epis a procédé au paiement des loyers annuels entre 2013 et 2015. Elle a cessé ses versements à compter de l'échéance annuelle 2016.

Suivant courrier en date du 23 mai 2018 la société BPALC a mis en demeure la société La Ferme Des Epis de procéder au paiement des loyers impayés pour la somme totale de

31 830,70 euros TTC.

En dernier lieu la société BPALC se considère créancière à hauteur de 63 661,40 euros TTC au titre des loyers annuels impayés de 2016 à 2019. De son côté, la société CML revendique la propriété des chalets.

Par actes d'huissier de justice en dates des 4,7 et 8 janvier 2019, la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a fait assigner les sociétés La ferme des Epis, CML-CIC Bail et ML Conseils ès qualité de liquidateur de la société Negma devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamnées aux paiements des sommes dues et à la restitution des matériels.

Par jugement rendu le 23 novembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :

- Se déclare compétent ;

- Déboute la Sarl La Ferme Des Epis de la fin de non-recevoir qu'elle a opposé ;

- Dit que la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne est propriétaire des

3 chalets de marque Gitotel et leurs accessoires numéros de série 130508, 130509 et 130510 tel que désignés dans la facture émise le 26 juillet 2013 par le fournisseur, la société GI Production ;

- Condamne la Sarl La Ferme Des Epis à payer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 63 661,40 euros TTC au titre des loyers impayés augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts ;

- Condamne la Sarl La Ferme Des Epis à restituer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne les 3 chalets de marque Gitotel et leurs accessoires numéros de série 130508, 130509 et 130510 tels que désignés dans la facture émise le 26 juillet 2013 par le fournisseur, la société GI Production sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour après la signification de la présente décision, et ce pendant une période de 60 jours à l'issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution  ;

- Autorise la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à appréhender lesdits chalets objet du contrat de location en quelque lieu et quelques mains qu'ils se trouvent au besoin avec le recours de la force publique et au frais de la Sarl La Ferme Des Epis ;

- Déboute la société Crédit Mutuel Leasing et la Sarl La Ferme Des Epis de l'intégralité de leurs demandes;

- Condamne la société Crédit Mutuel Leasing et la Sarl La Ferme Des Epis à payer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme chacun de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déclare le présent jugement opposable à la Selarl ML Conseils prise en la personne de Me [Z] ès qualité de liquidateur de la société Negma ;

- Ordonne l'exécution provisoire ;

- Condamne la Sarl La Ferme Des Epis aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 70,87 euros dont 11,6 euros de TVA, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,25 euros dont 19,16 euros de TVA.

Par déclaration du 20 décembre 2021, la société Crédit Mutuel Leasing a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 3 avril 2023, la société Crédit Mutuel Leasing, nouvelle dénomination de la société CM-CIC Bail demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1184 anciens du code civil ;

- Débouter la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de l'ensemble de ses prétentions en tant qu'elles font grief à la société Crédit Mutuel Leasing.

- Recevant la société Crédit Mutuel Leasing en son appel et l'en disant bien fondée,

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

Dit que la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne est propriétaire des 3 chalets de marque Gitotel et leurs accessoires numéros de série 130508, 130509 et 130510 tel que désignés dans la facture émise le 26 juillet 2013 par le fournisseur, la société GI Production ;

Condamné la Sarl La Ferme Des Epis à payer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 63 661,40 euros TTC au titre des loyers impayés augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance ;

Ordonné la capitalisation des intérêts ;

Condamné la Sarl La Ferme Des Epis à restituer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne les 3 chalets de marque Gitotel et leurs accessoires numéros de série 130508, 130509 et 130510 tels que désignés dans la facture émise le 26 juillet 2013 par le fournisseur, la société GI Production sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour après la signification de la présente décision, et ce pendant une période de 60 jours à l'issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution  ;

Autorisé la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à appréhender lesdits chalets objet du contrat de location en quelque lieu et quelques mains qu'ils se trouvent au besoin avec le recours de la force publique et au frais de la Sarl La Ferme Des Epis ;

Débouté la société Crédit Mutuel Leasing et la Sarl La Ferme Des Epis de l'intégralité de leurs demandes;

Condamné la société Crédit Mutuel Leasing et la Sarl La Ferme Des Epis à payer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme chacun de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau,

- Débouter les sociétés Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne et La Ferme Des Epis de l'ensemble de leurs prétentions en tant qu'elles font griefs à la société Crédit Mutuel Leasing.

- Condamner la société La Ferme Des Epis à restituer à la société Crédit Mutuel Leasing les chalets dont elle est propriétaire, à savoir les trois chalets de marque Gitotel modèle EDEN, numéros de série 130508, 130509 et 130510.

- Condamner la société La Ferme Des Epis à restituer ces matériels à ces entiers frais, et ce au lieu qui sera désigné par la société Crédit Mutuel Leasing dans le cadre de l'exécution de l'arrêt à intervenir.

- Fixer l'indemnité due par la société La Ferme Des Epis en contrepartie de l'utilisation des chalets litigieux à hauteur du montant des loyers tels qu'ils résultaient du contrat initialement conclu entre les sociétés Negma et La Ferme Des Epis, à savoir la somme de 13 262,79 euros HT par an, majorée de la TVA en vigueur, à compter du 26 janvier 2017, date de l'ordonnance prononcée par le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Negma, ayant reconnu le droit de propriété de la société Crédit Mutuel Leasing sur les biens litigieux.

- Condamner en conséquence la société La Ferme Des Epis à payer à la société Crédit Mutuel Leasing les sommes de :

26 525,58 euros HT majorés de la TVA en vigueur au titre des échéances annuelles d'indemnités d'utilisation des 27 janvier 2017 et 27 janvier 2018, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2019, date de régularisation des premières conclusions par lesquelles cette demande a été formulée dans le cadre des débats de première instance ;

13 262,79 euros HT par an majorés de la TVA en vigueur à compter du 27 janvier 2019 jusqu'à la date de restitution effective des chalets, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2019.

- Ordonner La capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 ancien du code civil applicable en la cause ;

- Condamner la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne et la société La Ferme Des Epis, ou celle des deux qui le mieux le devra, à payer à la société Crédit Mutuel Leasing la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner mêmement aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 13 avril 2023, la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne demande à la cour de :

Vu les articles 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 ; Vu l'article 1583 du code civil ; Vu l'article L313-7 du code monétaire et financier ;

- Déclarer la société Crédit Mutuel Leasing mal fondée en son appel et la débouter de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions ;

- Confirmer en son intégralité le jugement du tribunal de commerce de Paris [RG n°2019001987] soit en ce qu'il a :

Déclaré le tribunal de commerce de Paris territorialement compétent ;

Débouté la société La Ferme Des Epis de la fin de non-recevoir qu'elle a opposée ;

Dit que la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne est propriétaire des 3 chalets de marque Gitotel et leurs accessoires numéro de série 130508, 130509 et 130510 tel que désignés dans la facture émise le 26 juillet 2013 par le fournisseur, la société GI Production ;

Condamné la société La Ferme Des Epis à payer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 63 661,40 euros TTC au titre des loyers impayés augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019, date de délivrance de l'exploit introductif d'instance

Ordonné la capitalisation des intérêts ;

Condamné la société La Ferme Des Epis à restituer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne les 3 chalets de marque Gitotel et leurs accessoires numéro de série 130508, 130509 et 130510 tels que désignés dans la facture émise le 26 juillet 2013 par le fournisseur, la société GI Production sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour après la signification de la présente décision, soit le 30 novembre 2021, et ce pendant une période de 60 jours à l'issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution ;

Autorisé la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à appréhender lesdits chalets objet du contrat de location en quelque lieu et quelques mains qu'ils se trouvent au besoin avec le recours de la force publique et au frais de la société La Ferme Des Epis ;

Débouté la société Crédit Mutuel Leasing et la société La Ferme Des Epis de l'intégralité de leurs demandes;

Condamné la société Crédit Mutuel Leasing et la société La Ferme Des Epis à payer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme chacun de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclaré le présent jugement opposable à la Selarl ML Conseils prise en la personne de Me [Z] ès qualité de liquidateur de la société Negma ;

Condamné la société La Ferme Des Epis aux dépens de première instance

Y ajoutant,

- Condamner tout succombant à payer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner aux entiers dépens de la présente instance d'appel.

Par dernières conclusions signifiées le 13 juin 2022, la société ML Conseils demande à la cour de :

- Donner acte à La Selarl ML Conseils représentée par Maître [Z] en sa qualité de liquidateur de la société Negma de ce que, en l'état, elle s'en rapporte à justice quant à la décision à intervenir ;

- Statuer ce que de droit quant aux dépens.

La société La Ferme Des Epis n'a pas constitué avocat. Les 18 février et 25 mars 2022, la société Crédit Mutuel Leasing a signifié à la société La Ferme Des Epis, respectivement, la déclaration d'appel et ses conclusions d'appelante, par remise à personne habilitée.

Le 20 juin 2022, la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a signifié à la société La Ferme Des Epis, ses conclusions d'intimée par remise à personne habilitée.

Motivation

SUR CE, LA COUR

Sur l'opposabilité du droit de propriété reconnue par l'ordonnance prononcée par le juge-commissaire

La société CML soutient, à titre principal, que son droit de propriété sur les matériels litigieux est opposable aux intimées au motif que ce droit a été expressément reconnu dans l'ordonnance de restitution prononcée par le juge-commissaire le 26 janvier 2017, qui n'a fait l'objet d'aucun recours et qui est donc opposable à la procédure collective. Dès lors que le juge-commissaire avait connaissance du double financement des biens litigieux et que son droit de propriété a été reconnu par une l'ordonnance de restitution prononcée par le juge-commissaire décision de justice, passée en force de chose jugée, la société BPALC ne peut se prévaloir de la qualité de propriétaire desdits matériels.

Elle soutient à titre subsidiaire qu'à la date du 25 juillet 2013, la société BPALC ne pouvait valablement soutenir qu'elle était propriétaire des matériels puisqu'à cette date, la cédante n'avait pas encore acquis la qualité de propriétaire, de sorte qu'il ne pouvait y avoir transfert de propriété au profit du cessionnaire. Elle considère qu'elle a acquis en premier la qualité de propriétaire dès lors que la facture de cession libellée à son nom est émise le 2 août 2013, soit antérieurement à celle libellée à l'ordre de la société BPALC, émise le 5 août 2013.

La société BPALC soutient, au visa des articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile que l'ordonnance de restitution prononcée par le juge-commissaire n'a pas autorité de la chose jugée au motif que l'ordonnance ne tranche pas sur la qualité de propriétaire des biens et les parties présentent aux deux instances ne sont pas identiques. Il ne s'agit pas d'une décision au fond et donc il n'y a pas identité d'objet et de parties. L'ordonnance de restitution a été rendue sans qu'elle ne soit partie à l'instance et cette ordonnance n'a d'effet qu'à l'égard de la procédure collective. Au surplus, l'ordonnance de restitution fondée sur l'inscription prise par la requérante ne peut avoir d'effet à l'égard des tiers puisque l'auteur de la requête en restitution ne dispose d'aucun droit sur le bien. Dès lors que l'ordonnance de restitution a été rendue en fraude de ses droits, la requérante ne peut se prévaloir d'une quelconque autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance pour rendre opposable un droit de propriété inexistant.

Ceci etant exposé,

Il n'est pas contesté que la sociét BPALC n'était pas partie à l'instance en restitution engagée par la société CML dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Negma.

La condition tenant à l'identité des parties n'étant pas remplie, en application de l'article 1355 du code civil, l'ordonnance de restitution prononcée par le juge-commissaire n'a pas autorité de la chose jugée à l'égard de la société BPALC.

De plus, les pouvoirs juridictionnels du juge commissaire étaient limités à la procédure collective. Il s'en déduit que l'ordonnance de restitution prononcée par le juge-commissaire, fondée sur l'inscription prise par la société appelante, n'a pas autorité de la chose jugée.

Sur le droit de propriété

La société Crédit Mutuel Leasing (CML) soutient qu'à la date du 25 juillet 2013, la société BPALC ne pouvait valablement soutenir qu'elle était propriétaire des matériels litigieux puisqu'à cette date, le cédant n'avait pas encore acquis la qualité de propriétaire, de sorte qu'il ne pouvait y avoir transfert de propriété au profit du cessionnaire. Elle considère que la simple régularisation du contrat de location dont la société BPALC est dans un second temps devenue cessionnaire ne pouvait être constitutif d'un transfert immédiat de la propriété des biens, dont la cédante n'était pas à cette date propriétaire.

La société BPALC soutient, au visa de l'article 1583 du code civil, qu'à la date du 25 juillet 2013, elle était seule propriétaire des matériels litigieux au motif que la cédante étant propriétaire des biens à la date du 24 juillet 2013, elle a bénéficié en sa qualité de bailleur cessionnaire du transfert de propriété des biens litigieux, le 25 juillet 2013, date de la substitution du bailleur stipulée aux conditions particulières de l'avenant au contrat de location. L'émission, le 5 août 2013, de la facture de cession libellée à son nom ne remet aucunement en cause la date de transfert de propriété intervenue solo consensu le 25 juillet 2013 puisqu'elle ne stipule aucune clause de réserve de propriété. Ainsi, le 2 août 2013, la société cédante ne pouvait céder aucun droit au profit de la requérante dès lors qu'elle ne disposait plus de droit de propriété sur les biens en cause.

Ceci étant exposé

Selon la société CML, à la date du 25 juillet 2013, la société BPALC n'était pas propriétaire des matériels.

Aux termes de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties dès qu'on est convenu de la chose et du prix.

Contrairement à ce qui est allégué, la vente étant un contrat consensuel, le transfert de propriété se réalise dès l'échange de consentement en l'absence d'une clause de réserve de propriété permettant de suspendre l'effet translatif de propriété.

En l'espèce, il ressort des pièces et de la chronologie des faits que selon contrat en date du 24 juillet 2013 prenant effet le 25 juillet 2013, entre la société Negma et la société la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ( BPALC) le contrat de location portant sur les chalets ainsi que Ia propriété des matériels ont été transférés à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ( BPALC) en qualité de bailleur.

Le fait que la société Negma a émis une facture le 5 août 2013 qui a été réglée par la société BPALC le 7 août 2013 est sans incidence.

La société BPALC est devenue propriétaire des matériels litigieux à la date du 25 juillet 2013. Elle a bénéficié en sa qualité de bailleur cessionnaire du transfert de propriété des biens litigieux à cette date, de la substitution du bailleur stipulée aux conditions particulières de l'avenant au contrat de location.

Si la société Negma a revendu les mêmes chalets à la société CML, le 2 août 2013, elle a opéré en fraude des droits de la société BPALC, puisque le 2 août 2013, elle ne disposait plus de droit de propriété sur les biens en cause.

Il en résulte qu'au jour de la vente conclue entre la société Negma et la société CML, le 2 août 2013, les contrats conclus entre la société CML et la société Negma sont nuls. Il sera confirmé que la société CML ne peut revendiquer la qualité de propriétaire des matériels litigieux.

Sur les effets de la publicité des contrats

La société CML soutient que les mesures de publicité ne sont pas affectées d'une cause de nullité au motif qu'elles ont été régulièrement effectuées de sorte que ces droits sont opposables aux tiers.

La société BPALC répond au visa de l'article R313-3 du code monétaire et financier, que les mesures de publicité effectuées par la requérante sont dépourvues d'effets au motif que le contrat de crédit-bail est affecté d'une nullité absolue de sorte qu'aucune régularisation ou confirmation n'est postérieurement possible. Lesdites inscriptions ne peuvent ainsi produire valablement et efficacement des effets à l'égard des tiers. Le greffe n'a pas à s'assurer de la validité de l'opération de crédit-bail.

Ceci étant exposé,

Les mesures de publicité effectuées par la société CML sont dépourvues d'effet dès lors que l'acte de vente conclu avec la société Negma est affecté d'une cause de nullité absolue. Il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré que l'ordonnance de restitution fondée sur l'inscription prise par la société CML ne remettait pas en cause le droit de propriété de la société BPALCF.

Sur les demandes

La société CML soutient que ses demandes en paiement et en restitution des matériels litigieux sont fondées au motif que le locataire a fait usage des matériels concernés dont elle est propriétaire.

La société BPALC soutient que la cour doit faire droit à ses demandes de confirmation du jugement déféré au motif que les contrats conclus entre la société CML et le locataire sont nuls. Cette dernière ne peut valablement et efficacement prétendre qu'elle est détentrice de bonne foi des biens litigieux pour se prévaloir des dispositions de l'article 2276 du code civil.

La société ML Conseils représentée par Maître [O] [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Negma fait valoir qu'aucune demande n'a été formulée à son encontre de sorte qu'elle se rapporte à justice quant à la décision à intervenir.

Ceci étant exposé,

Il résulte de la solution adoptée que la société CML est mal fondée en ses demandes en paiement et en restitution des matériels litigieux, dès lors qu'elle n'en est pas le propriétaire légitime des chalets . Elle ne peut davantage invoquer la possession de bonne foi au regard des conditions dans lesquelles l'opération a été conclue. Il s'en suit que la société BPALC est fondée en sa demande en paiement, en sa qualité de propriétaire des trois chalets Gitotel n° de série 130508, 13509 et 13510.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la condamnation de la société La Ferme des Epis au paiement des loyers à la société BPALC.

La société La Ferme des Epis ne justifiant pas de la restitution des chalets, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

La décision à intervenir sera déclarée opposable à la selarl ml conseils, prise en la personne de Me [O] [Z], ès qualités de liquidateur de la société Negma.

La société CML, partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens.

Il paraît équitable d'allouer à la société BPALC la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Credit Mutuel Leasing aux entiers dépens d'appel conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Credit Mutuel Leasing à payer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

REJETTE toutes les autres demandes.