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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 13 mars 2024, n° 22/01017

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

L & J Diffusion (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

M. Saunier, Mme Manteaux

Avocats :

Me Dichamp, Me Pauthier, Me Mimran

CA Besançon n° 22/01017

12 mars 2024

Exposé du litige

*************

Selon deux bons de commande du 29 avril 2020, la SELARL Pharmacie [L] (la société [L]) a commandé à la SAS L et J Diffusion (la société L&J) 6000 masques barrière lavable adulte et 1000 masques barrière lavable enfant pour un montant total de 19 517,50 euros.

Le 6 mai 2020, la société [L] a réglé un acompte de 1 688 euros.

Elle a réceptionné 2000 masques le 14 mai 2020, et, le 5 juin 2020, a refusé la réception du solde des commandes.

Par exploit du 15 juillet 2020, la société L&J a fait assigner la société [L] devant le tribunal judiciaire de Vesoul en paiement de la somme de 17 829,50 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 15 juin avec capitalisation, ainsi qu'en condamnation à prendre possession sous astreinte des produits dont elle avait refusé la livraison. Elle a par la suite ajouté à ses prétentions une demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à hauteur de 2 000 euros.

La demanderesse a fait valoir que la défenderesse devait être condamnée à respecter ses obligations contractuelles, contestant s'être engagée à livrer les produits dans un délai impératif.

La société [L] s'est opposée aux demandes formées à son encontre, exposant que la société L&J avait manqué à ses obligations en ne respectant pas le délai de livraison qui avait été convenu entre les parties.

Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal a :

- condamné la SELARL Pharmacie [L] à régler à la SAS L et J Diffusion la somme de 17 829,50 euros, avec intérét au taux légal à compter du 15 juin 2020 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- condamné la SELARL Pharmacie [L] à prendre possession à ses frais, risques et périls des 5000 masques dont elle a refusé la livraison ;

- débouté la SAS L et J Diffusion de sa demande de dommages et intéréts pour résistance abusive :

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la SELARL Pharmacie [L] à verser a la SAS L et J Diffusion la somme de 2 000 euros au titre de l`article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SELARL Pharmacie [L] aux entiers dépens ;

- rappelé l'exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que les bons de commande faisaient état d'une date de livraison 'souhaitée', ces termes ne permettant pas d'établir que les dates de livraison étaient impératives, le caractère impératif ne pouvant pas résulter d'un courriel postérieur ;

- qu'en outre, la première livraison était intervenue deux jours après la date indicative portée au bon de commande, ce qui ne saurait être considéré comme un retard excessif eu égard au contexte sanitaire et économique de l'époque ;

- que la société [L] avait elle-même manqué à ses propres obligations, en ne réglant que partiellement la première livraison, de sorte qu'elle ne pouvait sérieusement se prévaloir d'un retard dans la livraison des produits suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société L&J ;

- qu'il y avait donc lieu de faire droit à la demande en paiement du prix, alors que le corollaire de l'obligation de délivrance était l'obligation pour l'acheteur de prendre possession des produits contractuels, laquelle devait être ordonnée sans qu'il y ait lieu à prononcé d'une astreinte ;

- qu'il n'était pas caractérisé d'abus de droit de la part de la société [L].

La société Pharmacie [L] a relevé appel de cette décision le 22 juin 2022.

Par conclusions récapitulatives transmises le 16 mars 2023, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

- de débouter la SAS L et J Diffusion de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En tant que de besoin,

- de prononcer la résolution de la commande passée le 29 avril 2020 entre la SELARL Pharmacie [L] et la SAS L et J Diffusion aux torts exclusifs de cette dernière ;

- de condamner la SAS L et J Diffusion à payer à la SELARL Pharmacie [L] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la SAS L et J Diffusion aux entiers dépens de la procédure dont le recouvrement pourra être directement opéré au profit de la SCP Mayer-Blondeau Giacomoni Dichamp Martinval en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 16 décembre 2022, la société L et J Diffusion demande à la cour :

Vu les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil (ensemble l'ancien article 1134 dudit code),

Vu les articles 1231-1 et 1583 du code civil,

- de juger la société L et J Diffusion recevable et bien fondée en ses demandes ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* condamné la SELARL Pharmacie [L] à régler à la SAS L et J Diffusion la somme de (17 829,50 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 15 juin 2020 ;

* ordonné la capitalisation des intérêts ;

* condamné la SELARL Pharmacie [L] à prendre possession à ses frais, risques et périls des 5000 masques dont elle a refusé la livraison ;

* condamné la SELARL Pharmacie [L] à verser à la SAS L et J Diffusion la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

En conséquence,

- de débouter la société Pharmacie [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant,

- d'assortir l'obligation de prendre possession à ses frais, risques et périls des 5000 masques d'une astreinte définitive de 800 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

- de condamner la société Pharmacie [L] à payer à la société L et J Diffusion une somme

de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- de condamner la société Pharmacie [L] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Pharmacie [L] aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 21 décembre 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Pour solliciter l'infirmation de la décision déférée, l'appelante reprend son moyen de première instance consistant à invoquer le non-respect par la société L&J du caractère impératif du délai de livraison stipulé, justifiant que le contrat ait été résolu à ses torts.

Toutefois, c'est par une motivation circonstanciée et pertinente, appuyée sur le libellé contractuel ne conférant pas à la date de livraison 'souhaitée' et 'prévue' de caractère impératif, et à laquelle la cour se réfère, que les premiers juges ont à juste titre retenu l'absence de manquement contractuel de la part de la société L&J, le caractère impératif de la livraison ne pouvant, à défaut de stipulation expresse lors de la conclusion de la convention, se déduire d'échanges ultérieurs à la commande, ni du contexte sanitaire, étant relevé au demeurant que l'appelante n'a délivré à son cocontractant aucune mise en demeure de livrer la marchandise commandée.

Le jugement entrepris sera donc confirmé s'agissant du paiement du solde du prix et de l'obligation faite à la société [L] de prendre livraison de la marchandise commandée.

Il sera observé que les premiers juges ont rejeté les demandes de la société L&J tendant, d'une part, à ce que l'obligation de prendre livraison des masques soit assortie d'une astreinte, d'autre part à l'octroi de dommages et intérêts pour résistance abusive. L'intimée n'ayant formulé dans le dispositif de ses écritures aucune demande d'infirmation du jugement déféré, elle ne peut en poursuivre la réformation par le biais de la formulation d'une demande tendant à voir 'ajouter' à la décision de première instance au titre de chefs que celle-ci a rejetés. Ces demandes seront donc écartées.

L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à l'intimée la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Vesoul ;

Y ajoutant :

Rejette les demandes formées par la SARL L et J Diffusion au titre de l'astreinte et des dommages et intérêts ;

Condamne la SELARL Pharmacie [L] aux dépens d'appel ;

Condamne la SELARL Pharmacie [L] à payer à la SAS L et J Diffusion la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.