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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 20 mars 2024, n° 22/03594

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Emeria Europe (SAS), Syndicat National des Professionnels Immobiliers

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Guerre, Me Metayer-Mathieu, Me Boccon Gibod, Me Dupeyron, Me Allerit, Me Bohbot, Me Le Corroncq, Me Herbiere

T. com. Paris, du 24 janv. 2022, n° 22/0…

24 janvier 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société EMERIA EUROPE, précédemment FONCIA GROUPE, est à la tête d'un groupe de sociétés exerçant dans le domaine immobilier différentes activités, et notamment celle de syndic de copropriété.

L'ASSOCIATION NATIONALE DES GESTIONNAIRES DE COPROPRIETE, ci-après l'ANGC, créée en 2017 par M. [K] [F], a notamment pour objet de promouvoir le métier de gestionnaire de copropriété.

La CHAMBRE FNAIM DU GRAND PARIS, ci-après la FNAIM GP, est une organisation syndicale représentant, en Ile-de-France, 1800 professionnels de l'immobilier spécialisés en particulier dans le métier de syndic de copropriété.

Le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONNELS DE L'IMMOBILIER, ci-après le SNPI, est une organisation professionnelle regroupant des professionnels de l'immobilier, et notamment des syndics professionnels de copropriété.

La société [Z], initialement dénommée ILLICOPRO, a été fondée par M. [A] [D] et est spécialisée dans le développement et l'exploitation d'une plateforme en ligne destinée aux copropriétés ayant adopté le mode du syndicat coopératif. Elle ambitionne de permettre aux copropriétaires de gérer eux-mêmes leur immeuble sans devoir passer par un syndic professionnel, au moyen d'outils et d'une équipe qu'elle met à leur disposition.

La société FONCIA GROUPE (devenue EMERIA EUROPE), l'ANGC, la FNAIM GP et le SNPI indiquent qu'en mars 2020, par voie d'affichage (bus, abribus, métro), sur le site Internet www.mercisyndic.fr, et enfin via le hashtag #MerciSyndic, la société [Z] a lancé une campagne publicitaire dont elles estiment qu'elle est constitutive d'exercice illégal de la profession de syndic, de publicité comparative illicite, de dénigrement de la profession de syndic et de pratiques commerciales trompeuses.

Par acte du 8 avril 2020, la société FONCIA GROUPE (devenue EMERIA EUROPE) a assigné la société [Z], ainsi que M. [D], devant le tribunal de commerce de Paris et l'ANGC est intervenue volontairement à la procédure. Par acte du 7 mai 2020, la FNAIM GP a assigné la société [Z] devant la même juridiction et l'ANGC est intervenue volontairement à la procédure. Par acte du 27 juillet 2020, le SNPI a assigné la société [Z] devant la même juridiction et M. [D] est intervenu volontairement à la procédure.

Par jugement rendu le 24 janvier 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- prononcé la jonction des affaires ;

- débouté la société [Z] de sa fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir de l'ANGC ;

- débouté la société FONCIA GROUPE de toutes ses demandes formulées à l'encontre de M. [D] ;

- débouté la société [Z] de sa fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir de la société FONCIA GROUPE pour actes de concurrence déloyale ;

- dit que la société [Z] s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale sous forme de dénigrement envers les syndics professionnels représentés par les demanderesses ;

- dit que la société [Z] s'est rendue coupable de pratiques commerciales déloyales et trompeuses envers les syndics professionnels représentés par les demanderesses ;

- dit que la société [Z] ne s'est pas rendue coupable d'exercice illégal de la profession de syndic ;

- condamné la société [Z] à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 20 000 € à chacune des trois demanderesses : la FNAIM GP, l'ANGC et le SNPI, et la somme de 10 000 € à la société FONCIA GROUPE ;

- condamné la société [Z] à procéder à la publication d'un communiqué composé du dispositif du jugement précédé de la mention suivante : « par jugement en date du [...], le tribunal de commerce de Paris », sur la page d'accueil du site Internet www.[013].eu et ce, pendant une durée de trois mois à compter de la signification du jugement ;

- débouté la FNAIM GP et le SNPI de leurs demandes de publication du jugement dans la presse ;

- condamné la société [Z] à payer la somme de 5000 € à chacune des quatre demanderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire, sauf pour la mesure de publication ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné la société [Z] aux dépens.

M. [D] et la société [Z] ont interjeté appel de ce jugement le 11 février 2022.

Dans ses dernières conclusions numérotées 7, transmises le 18 décembre 2023, la société [Z] et M. [D], appelants et intimés incidents, demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ses dispositions suivantes :

« dit que [Z] s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale sous forme de dénigrement, envers les syndics professionnels représentés par les demanderesses »

« dit que [Z] s'est rendue coupable de pratiques commerciales déloyales et trompeuses envers les syndics professionnels représentés par les demanderesses »

« condamne [Z] à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 20.000' à chacune des trois demanderesses : la FNAIM GRAND PARIS, l'ANGC et le SNPI, et la somme de 10.000 ' à Foncia »

« condamne [Z] à procéder à la publication d'un communiqué du dispositif de ce jugement précédé de la mention suivante : « par jugement en date du [...], le tribunal de commerce de Paris : ... », sur la page d'accueil du site Internet www.[013].eu et ce, pendant une durée de trois mois à compter de la signification du jugement »

« condamne [Z] à payer la somme de 5000 ' à chacune des quatre demanderesses : Foncia, la FNAIM GRAND PARIS, l'ANGC et le SNPI au titre de l'article 700 du CPC »

« ordonne l'exécution provisoire, sauf pour la mesure de publication »

« déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires »

« condamne [Z] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 158,98 ' dont 26,28 ' de TVA » ;

- et statuant à nouveau :

- juger que [Z] ne s'est pas rendue coupable d'actes de concurrence déloyale sous forme de dénigrement envers les syndics professionnels ;

- juger que [Z] ne s'est pas rendue coupable de pratiques commerciales déloyales et trompeuses au préjudice des syndics professionnels ;

- à titre subsidiaire, s'il était considéré que [Z] s'était rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de pratiques commerciales déloyales et trompeuses,

- condamner [Z] à payer en réparation du dommage une somme qui ne pourra excéder l'euro symbolique ;

- débouter la FNAIM du Grand Paris et le SNPI de leur demande de voir ordonner la publication de la décision à intervenir ;

- en tout état de cause :

- débouter la FNAIM du Grand Paris, l'ANGC, la société EMERIA EUROPE et le SNPI de l'ensemble de leurs demandes ;

- juger que l'ANGC a engagé sa responsabilité délictuelle envers [Z] et la condamner à lui verser la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- juger que EMERIA EUROPE (anciennement FONCIA Groupe) a engagé sa responsabilité délictuelle envers [Z] et la condamner à lui verser la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- condamner la FNAIM du Grand Paris, l'ANGC, la société EMERIA EUROPE et le SNPI, in solidum, à verser à la société [Z] la somme de 30.000 euros au titre de la procédure abusive ;

- ordonner, dans l'hypothèse où les dispositions du jugement critiquées par [Z] seraient infirmées par la cour et que les intimés déboutés de l'ensemble de leurs demandes, la publication de l'arrêt à intervenir dans les 48 heures à compter de sa signification, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et pendant une durée de 3 mois, aux frais partagés des intimés :

- en page d'accueil du site internet www.fnaim-grand-paris.fr ;

- en page d'accueil du site internet www.angc-association.fr ;

- en page d'accueil du site internet fr.foncia.com ;

- en page d'accueil du site internet https://www.snpi.fr ;

- en page d'accueil du site internet https://emeria.eu ;

- condamner la FNAIM du Grand Paris, l'ANGC, la société EMERIA EUROPE et le SNPI à verser à la société [Z] chacune la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction pourra être faite à la SELARL Saul Associés.

Dans ses dernières conclusions numérotées 4, transmises le 3 janvier 2024, l'ANGC, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

Vu la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 règlementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce

Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu les articles L121-1 et suivants du Code de la consommation,

Vu les pièces visées,

- déclarer la société [Z] tant irrecevable que mal-fondée en son appel ;

- en conséquence,

- la débouter de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

débouté la société [Z] de sa fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir de l'ANGC,

dit que la société [Z] s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale sous forme de dénigrement envers les syndics professionnels,

dit que la société [Z] s'est rendue coupable de pratiques commerciales déloyales et trompeuses envers les syndics professionnels,

condamné la société [Z] à payer à titre de dommages et intérêts une somme de 20.000 euros à l'ANGC,

condamné la société [Z] à payer la somme de 5.000 euros à l'ANGC au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- recevoir l'ANGC en son appel incident ;

- y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit que la société [Z] ne s'est pas rendue coupable d'exercice illégal de la profession de syndic

débouté l'ANGC de ses demandes tendant à voir cesser les agissements déloyaux commis par la société [Z].

débouté l'ANGC de sa demande complémentaire visant à voir condamner la société [Z] à lui régler une somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- et statuant à nouveau ;

- dire que la société [Z] s'est rendue coupable tant de pratiques déloyales et trompeuses que de dénigrement envers les syndics professionnels au moyen de différents médias et notamment par le biais de :

son site internet,

ses campagnes de communication sur internet,

des réseaux sociaux Instagram et LinkedIn,

ses correspondances adressées aux copropriétaires,

plusieurs interviews en ligne de son fondateur,

son intégration à des comparateurs de syndics en ligne ;

- dire que la société [Z] sans carte professionnelle se livre ou prête son concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à la gestion immobilière et à l'exercice des fonctions de syndic de copropriété prévues dans le cadre de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

- en conséquence :

- condamner la société [Z] :

à ne pas se livrer ou ne pas concourir à l'exercice des missions attribuées aux syndics professionnels, et ce, sous astreinte de 2.000 euros par jour à compter de toute violation des articles 1 et 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

à ne pas utiliser le titre d'administrateur de biens ou de syndic de copropriété sans être titulaire de la carte instituée par l'article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et ce, sous astreinte de 2.000 euros par jour à compter de toute violation à compter de la constatation de cet agissement ;

à cesser toute communication dénigrante ou trompeuse à l'égard de la profession de syndic et ce, sous astreinte de 2.000 euros par jour à compter de toute violation à compter de la constatation de cet agissement ;

à verser à l'ANGC la somme de 500.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

- en tout état de cause,

- juger irrecevables les demandes formées par la société [Z] tendant à condamner l'ANGC à verser des dommages et intérêts au titre de la procédure abusive et de la publication du jugement de première instance ;

- condamner la société [Z] à verser à l'ANGC la somme de 30.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me ALLERIT, membre de la Selarl TAZE BERNARD ALLERIT, admis à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions numérotées 4, transmises le 18 décembre 2023, la FNAIM GRAND PARIS (GP), intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles 31, 70, 514, 564, 567 du code de procédure civile,

Vu l'article L 2132-3 du code du travail,

Vu la jurisprudence citée par la FNAIM GRAND PARIS

Vu les pièces versées au débat par la FNAIM GRAND PARIS

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

dit que la société [Z] s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale sous forme de dénigrement, envers les syndics professionnels représentés par la FNAIM GRAND PARIS, l'ANGC, FONCIA et le SNPI ;

condamné la société [Z] à publier sur la page d'accueil de son site internet www.[013].eu, pendant une durée de trois mois à compter de la signification du jugement, un communiqué composé du dispositif du jugement et précédé de la mention « par jugement en date du ['], le Tribunal de commerce de Paris à » ;

condamné la société [Z] à payer la somme de 5000 € à Foncia, la FNAIM GRAND PARIS, l'ANGC et le SNPI au titre de l'article 700 du CPC ;

condamné [Z] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 158,98 € dont 26,28 € de TVA ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

condamné la société [Z] à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 20 000 € à chacune des trois demanderesses : la FNAIM GRAND PARIS, l'ANGC et le SNPI, et la somme de 10 000 € à Foncia ;

débouté la FNAIM GRAND PARIS de ses demandes de publication du jugement dans la presse ;

débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- et, statuant à nouveau :

- condamner la société [Z] à verser à la FNAIM GRAND PARIS, en sa qualité de représentante de la profession de syndic de copropriété, la somme de 800.000 euros au titre du trouble commercial et du préjudice d'image soufferts par cette dernière du fait des actes de dénigrement commis par la société [Z] ;

- condamner la société [Z], aux frais de cette dernière dans la limite de 5.000 euros par publication, à procéder, dans les 48h à compter de sa signification sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à la publication du communiqué suivant « Par arrêt en date du ['] la Cour d'appel de Paris a », lequel sera suivi du dispositif de l'arrêt à intervenir, en sa totalité ou par extraits au choix de la FNAIM GRAND PARIS, dans trois journaux, généraliste ou spécialisé, papier et/ou numérique du choix de la FNAIM GRAND PARIS ;

- condamner la société [Z], aux frais de cette dernière dans la limite de 5.000 euros par publication, à procéder, dans les 48h à compter de sa signification sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à la publication, pendant une durée de 3 mois, du communiqué suivant « Par arrêt en date du ['] la Cour d'appel de Paris a », lequel sera suivi du dispositif de l'arrêt à intervenir, en sa totalité ou par extraits au choix de la FNAIM GRAND PARIS, sur les réseaux sociaux suivants de la société [Z] :

Instagram : https://www.instagram.com/[013] ([013])

Facebook : https://www.facebook.com/[013] (@[013])

Linkedin : https://www.linkedin.com/[013] ([Z])

Twitter : https://twitter.com/[013] (@[013]) ;

- débouter la société [Z] de toutes ses demandes ;

- condamner la société [Z] à verser à la FNAIM GRAND PARIS, en sa qualité de représentante de la profession de syndic de copropriété, la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société [Z] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, transmises le 18 décembre 2023, la société EMERIA EUROPE, intimée, demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil,

Vu les dispositions des articles L121-1, L121-2, L121-3, L122-1 et L122-2 du code la consommation,

- sur l'action principale de la société FONCIA, actuellement dénommée EMERIA EUROPE :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société [Z], par le contenu du site internet www.mercisyndic.fr et du site www.[013].eu auquel il renvoie, s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale par dénigrement des syndics de copropriété et de la société FONCIA GROUPE, actuellement dénommée EMERIA EUROPE, en particulier et a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société [Z], par le contenu du site internet www.mercisyndic.fr et du site www.[013].eu auquel il renvoie, s'est également rendue coupable d'une pratique commerciale déloyale et trompeuse prohibée par les articles L121-1, L121-2 et L121-3 du code de la consommation, au préjudice de la société FONCIA GROUPE, actuellement dénommée EMERIA EUROPE ;

- dire que la société [Z], par le contenu du site internet www.mercisyndic.fr et du site www.[013].eu auquel il renvoie, s'est rendue coupable d'une publicité comparative illicite prohibée par les articles L122-1 et L122-2 du code de la consommation, au préjudice de la société FONCIA GROUPE, actuellement dénommée EMERIA EUROPE ;

- confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a condamné la société [Z] à verser à la société FONCIA GROUPE, actuellement dénommée EMERIA EUROPE, la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a débouté la société [Z] de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la société FONCIA GROUPE, actuellement dénommée EMERIA EUROPE ;

- condamner la société [Z] à verser à la société EMERIA EUROPE la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens ;

- sur l'intervention volontaire de la société FONCIA GROUPE, actuellement dénommée EMERIA EUROPE :

- faire droit à l'appel incident de la FNAIM GRAND PARIS et de l'ANGC ;

- sur les demandes reconventionnelles de la société [Z] formées devant la Cour :

- débouter la société [Z] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 29 septembre 2022, le SNPI, intimé et appelant incident, demande à la cour de :

Vu les articles 112 et suivants, et notamment 117 et suivants, 367 et 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles L.121-1 et suivants, et L.122-1 et suivants du code de la consommation,

Vu les articles L.131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

Vu l'article 4 du code de procédure pénale, l'article 434-15 du code pénal

- débouter la société [Z] de son appel ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société [Z] s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale sous forme de dénigrement envers les syndics professionnels et de pratiques commerciales trompeuses et en ce qu'il a ordonné la publication d'un extrait du jugement sur le site www.[013].eu pendant trois mois ;

- recevoir le SNPI en son appel incident du jugement en ce que le Tribunal n'a pas retenu à l'encontre de la société [Z] le grief de publicité comparative illicite et du chef de la réparation du préjudice de SNPI.

- statuant à nouveau :

- déclarer le SNPI recevable et fondé en ses demandes ;

- juger que la société [Z] a commis des actes de concurrence déloyale par une publicité comparative trompeuse et illicite ;

- juger que la société [Z] a engagé sa responsabilité civile en se livrant à ces pratiques ;

- juger que les faits de dénigrement, de pratiques commerciales trompeuses et de publicité comparative illicite de la société [Z] ont causé un préjudice moral et commercial à la profession des syndics professionnels adhérents que le SNPI représente ;

- en conséquence :

- condamner la société [Z] à payer au SNPI, représentant ses adhérents syndics professionnels, la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts ;

- ordonner la publication du jugement à intervenir, aux frais de la société [Z] :

Sur la page d'accueil des sites internet : www.[Z].eu et www.get.[Z].eu, par confirmation du jugement du Tribunal de commerce,

Dans les journaux Le Figaro et Le Parisien, dans la limite de 1 000 euros par publication,

Et ce, pour chacune de ces quatre publications, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- condamner la société [Z] à payer au SNPI une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir, par son Président, tenté le 22 aout 2022 de subordonner Mme [I] [X], qui a établi, en qualité de témoin, une attestation produite par le SNPI aux termes de ses conclusions signifiées le 5 août 2022 ;

- en tout état de cause :

- condamner la société [Z] aux entiers dépens ;

- condamner la société [Z] à la somme de 10 000 € au profit du SNPI au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs non contestés du jugement

Le jugement n'est pas contesté, et est donc définitif, en ce qu'il a :

- prononcé la jonction des affaires ;

- débouté la société [Z] de sa fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir de l'ANGC ;

- débouté la société FONCIA GROUPE de toutes ses demandes formulées à l'encontre de M. [D] ;

- débouté la société [Z] de sa fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir de la société FONCIA GROUPE pour actes de concurrence déloyale.

Sur les demandes en concurrence déloyale dirigées contre la société [Z]

La cour rappelle que les actes de concurrence déloyale sont sanctionnés au titre de la responsabilité civile de droit commun prévue à l'article 1240 du code civil, selon lequel « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », lorsqu'ils excèdent les limites admises dans l'exercice des activités économiques, au nom du principe de la liberté du commerce. Ils peuvent revêtir notamment la forme d'actes de dénigrement ou encore celle de pratiques commerciales trompeuses ou de publicité comparative illicite prévues par le code de la consommation.

Sur le dénigrement

La société [Z] conteste tout acte de dénigrement qu'il s'agisse de la campagne de publicité lancée en mars 2020, du site internet mercisyndic.fr, du hashtag #Mercisyndic, ou des nouveaux éléments dont font état les intimés en appel. Elle fait valoir que le slogan de la campagne de mars 2020 « Remerciez votre syndic pour de bon. Votez [Z] à la prochaine AG », qui ne fait qu'inviter le consommateur à changer de prestataire sans pour autant soutenir que ledit prestataire serait de mauvaise qualité, est un procédé marketing bien connu et ne peut être considéré comme dénigrant ; qu'il y a 1001 façons de faire la promotion de produits ou de services ; qu'il ne peut être soutenu que la campagne est dirigée « contre » les syndics puisqu'elle devait nécessairement indiquer en quoi elle se différenciait des autres offres existantes sur le marché et devait donc évoquer les syndics professionnels, son propre concept, le syndic coopératif, se définissant en négatif, par l'absence de recours au syndic professionnel ; que mettre en exergue la faiblesse d'une offre alternative peut constituer un moyen comme un autre de communiquer sur son activité ; qu'elle a également communiqué dans les médias « pour » la promotion du syndicat coopératif et de l'offre qu'elle propose, le fait de s'inscrire contre les syndics ne constituant donc en rien son « fonds de commerce » ; que sans conteste, la campagne litigieuse a un caractère caricatural et elle a choisi d'exploiter le ressort de la caricature et de l'outrance mais que le droit de faire preuve d'humour et d'ironie dans la publicité est régulièrement rappelé par la jurisprudence qui considère que l'aspect humoristique et caricatural d'une campagne de publicité est de nature à lui ôter tout caractère malveillant ; que contrairement à ce que le tribunal a retenu, l'humour et l'ironie de la campagne litigieuse ne peuvent constituer des circonstances aggravantes du discrédit allégué ; que l'iconographie ludique, voire « cartoonesque » de la campagne de publicité, n'est aucunement répugnante, péjorative ou dévalorisante ; que la campagne, qui utilise le terme très générique de « syndic », ne vise aucune société en particulier ni même aucun mode de syndic, mais seulement des professionnels qui se révèlent défaillants, aucune critique radicale n'étant dirigée de manière collective contre les syndics professionnels qui ne sont pas brocardés comme étant par essence systématiquement défaillants ; que la publicité litigieuse vise seulement à convaincre les copropriétaires insatisfaits par la gestion de la copropriété d'opter pour un syndic coopératif. En ce qui concerne le site internet mercisyndic.fr, elle plaide qu'il a été fermé le 10 mars à son initiative, n'ayant pas rencontré le succès escompté ; que le jeu Merci Syndic, principal attrait de ce site, n'a enregistré que très peu de visites et n'encourt pas les griefs retenus par le tribunal, en l'absence de toute connotation péjorative dans l'iconographie ou les dénominations humoristiques des syndics (NEXITIUM'), ne faisant qu'inciter le consommateur à faire jouer la concurrence entre les différents acteurs du marché. Elle soutient par ailleurs que le hashtag #Mercisyndic, qui relève d'une pratique aujourd'hui très courante et de la liberté d'expression sur les réseaux sociaux, ne met pas en jeu sa responsabilité puisque ce hashtag est utilisé par des utilisateurs de Twitter de façon spontanée, sans aucune intervention de sa part. Elle argue que les nouveaux griefs formulés par les intimés à son encontre ne sont pas plus fondés, qu'il s'agisse des mentions sur son site « le syndic est mort, vive le syndic ! » et « vive le syndic libre », qui ne reflètent aucune intention malveillante, de l'offre d'emploi publiée sur un site de recrutement qui, n'étant pas à destination du public, ne peut être dénigrante, ou d'une publication sur son compte Instagram qui se borne à faire état de façon humoristique d'un tracas que vivent tous les copropriétaires.

La société EMERIA EUROPE, l'ANGC, la FNAIM GP et le SNPI demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu le dénigrement pour les motifs qu'il contient et ceux exposés ci-après.

Le dénigrement consiste, au-delà d'une forme de critique admissible parce qu'objective et mesurée, à divulguer une information, ayant ou non une base exacte, de nature à jeter le discrédit sur l'activité, les produits ou services d'un opérateur économique et à en tirer profit.

Dans un arrêt du 12 décembre 2018, la Cour de cassation a jugé que « même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la publication, par l'une, de propos de nature à jeter le discrédit sur un produit fabriqué ou commercialisé par l'autre, peut constituer un acte de dénigrement, sans que la caractérisation d'une telle faute exige la constatation d'un élément intentionnel ; ['] cependant, lorsque les appréciations portées sur un produit concernent un sujet d'intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, leur divulgation relève du droit à la liberté d'expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve qu'elles soient exprimées avec une certaine mesure».

En l'espèce, il est fait grief à la société [Z] d'avoir dénigré la profession de syndic professionnel :

- en mettant en 'uvre, en mars 2020, une campagne publicitaire à base d'affiches sur le thème « Merci Syndic », reproduit en-tête desdites affiches et développé selon plusieurs thèmes faisant référence à l'inefficacité des syndics pour régler les problèmes de copropriété (« Merci syndic pour l'ascenseur en panne, j'ai des cuisses en béton » ; « Merci syndic pour les fuites d'eau, c'est tous les jours piscine » ; « Merci Syndic pour le chauffage H.S. ça me permet de garder la tête froide » ; « Merci syndic pour la boîte aux lettres cassée, je ne reçois plus aucune facture » ; « Merci syndic pour le démoussage en retard, j'adore mon nouveau toit végétal » ; « Merci syndic pour les squatteurs dans la cage d'escalier, je me suis fait de nouveaux copains » ; « Merci syndic pour l'assurance ne répondant pas à nos besoins et donc surévaluée de 2500 € par an ! » ; « Merci syndic pour l'ampoule grillée dans le hall, je me suis mangé la porte » ; « Merci Syndic pour le mauvais entretien de la cour, on se croirait en Amazonie »), à l'indisponibilité des syndic (« Merci syndic pour votre musique d'attente, maintenant je connais Vivaldi par c'ur ») et aux tarifs excessifs pratiqués par cette profession (« Merci syndic pour l'état daté, à ce prix-là, autant l'encadrer » ; «Merci Syndic pour les charges qui augmentent, je pars en vacances dans mon salon cette année »), avec en bas des affiches, la mention « Remerciez votre syndic pour de bon. Votez [Z] à la prochaine AG » et un hashtag « # mercisyndic »,

- et en mettant en ligne un site internet www.mercisyndic.fr exclusivement consacré à cette campagne publicitaire, (i) relayant les affiches de la campagne publicitaire précitée, (ii) diffusant les publications des internautes sur Twitter utilisant le hashtag « # mercisyndic », (iii) proposant un jeu interactif invitant les internautes à cliquer pour remercier leur syndic, ce qui s'avérait en fait impossible puisque les syndics, désignés par des dénominations et des logos évoquant de véritables acteurs du marché (SERGIUM, CITYUM, NEXITIUM, FONCINIUM et ORALIUM), adoptaient des trajectoires fuyantes, (iv) et portant le message « Le syndic est mort, vive le syndic ! ».

La FNAIM GP dénonce en outre le fait que la société [Z] s'est présentée sur un site www.welcometothejungle.com en août 2020 en évoquant le « secteur bien poussiéreux des syndics de copropriété » et « les services douteux d'un syndic professionnel » et que sur son site Instagram, elle a osé assimiler les syndics à [P] [C], « arnaqueur notoire ».

C'est à juste raison que les premiers juges ont retenu que les propos litigieux visaient clairement les syndics professionnels en général qui représentent, selon la société [Z] elle-même, environ 90 % du marché, et plus particulièrement cinq acteurs parmi les principaux de ce marché, SERGIC, CITYA, NEXITY, FONCIA et ORALIA dont les noms quoique détournés sont aisément reconnaissables et les logos reproduits quasiment à l'identique.

Les propos incriminés sont incontestablement publics, ayant fait l'objet d'une campagne publicitaire avec affichages et étant repris sur un site internet accessible à chacun.

Les propos incriminés, qui dénoncent ironiquement mais très explicitement l'inefficacité, la cherté et l'indisponibilité des syndics professionnels, sont de nature à jeter le discrédit sur les services qu'ils fournissent, et sont dénigrants à l'égard de cette profession et particulièrement des cinq opérateurs précités. La société [Z] ne conteste pas avoir posté sur son compte Instagram, sous la mention « Mon syndic avant l'assemblée générale annuelle », la photographie d'un jeune homme connu comme « l'arnaqueur de Tinder » à qui l'on fait tenir les propos suivants : « Hey ! Koi de 9 ' T'as pas 250K euros ' » (pièce 49 de FNAIM GP).

Le tribunal a estimé à juste raison que le recours à l'humour ' en l'occurrence à l'ironie ', couramment utilisé en matière de publicité commerciale, ne constitue pas, en l'espèce, une circonstance atténuante. Le contenu des messages diffusés notamment via les affiches publicitaires est en effet à l'évidence péjoratif et dévalorisant pour la profession considérée, la communication de la société [Z], au travers d'une série d'affiches et de slogans dénonçant une multitude de manquements imputés aux syndics professionnels étant agressive et excédant le droit de libre critique conforme aux usages du commerce.

Enfin, la société EMERIA EUROPE souligne à juste raison que la société [Z] entend retirer un profit des propos dénigrants, se présentant, sur son site www.[013].eu auquel renvoyait le site www.mercisyndic.fr, comme une alternative sérieuse et performante offrant « une gestion transparente », économique et réactive.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a dit que la société [Z] a commis, principalement par sa campagne « Merci Syndic » et son site www.mercisyndic.fr qui l'a relayée, des actes de concurrence déloyale sous forme de dénigrement envers les syndics professionnels.

Sur les pratiques commerciales déloyales et trompeuses

La société [Z] demande l'infirmation du jugement qui a retenu à son encontre des pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Elle soutient que, contrairement à ce que le tribunal a retenu, les mentions « Votez [Z] à la prochaine AG » et « Remerciez votre syndic et passez chez [Z] » qu'elle a utilisées, ne visaient pas à entretenir volontairement une confusion entre son statut de prestataire destiné à accompagner des syndics coopératifs et celui de syndic professionnel ; que l'ensemble de sa communication a précisément pour but de se démarquer des syndics professionnels et de sensibiliser le public à la possibilité de recourir à un syndic coopératif, ce qui induit nécessairement l'utilisation de termes tels que « syndic », « copropriété », « gestion de copropriété » qui sont relatifs au domaine d'activité concerné et qui peuvent être librement utilisés ; qu'il lui est en outre loisible de recourir à de nécessaires simplifications pour désigner son activité qui consiste à proposer un outil de gestion aux syndics coopératifs ; qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas lister systématiquement, lorsqu'elle communique sur ses services, l'ensemble des prestations qu'elle ne propose pas ; qu'aucun de ses clients ne s'est plaint de n'avoir pas été suffisamment informé sur les services qu'elle propose ou d'avoir été trompé sur le fonctionnement du syndic coopératif ; que les mentions litigieuses ne sont pas en elle-même trompeuses dès lors qu'elles font directement référence aux actions que les copropriétaires doivent réaliser lorsqu'ils souscrivent au service proposé par [Z] ; qu'en effet, lorsqu'une copropriété gérée par un syndic professionnel, fait le choix d'un syndic coopératif, ce changement implique un vote en assemblée générale et la souscription du contrat de prestations proposé par [Z] implique également que l'assemblée générale des copropriétaires le ratifie afin que les frais engendrés soient supportés par la collectivité ; que ses échanges et actes à destination des copropriétés n'entretiennent aucune confusion quant à son rôle de prestataire pour des syndics coopératifs ; que son activité est parfaitement licite et ne contrarie aucun monopole ; que non seulement les pratiques invoquées par les intimés ne sont pas trompeuses, mais qu'aucune n'est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ce qui ressort à la fois des informations disponibles sur [Z] dans la presse et sur les réseaux sociaux et des démarches nécessaires pour souscrire à l'offre [Z].

L'ANGC, la société EMERIA EUROPE (précédemment FONCIA GROUPE) et le SNPI reprochent à la société [Z] des pratiques commerciales déloyales et trompeuses et demandent la confirmation du jugement de ce chef.

L'ANGC soutient que la campagne publicitaire de [Z] installe, dans l'esprit du public, une confusion sur la réalité des prestations qu'elle propose en ce qu'elle vise frontalement la profession de syndic de copropriété, le recours au mot « syndic » ayant nécessairement pour objectif de capter l'attention du public et de générer de ce fait une confusion ; qu'afin d'éviter la confusion, [Z] se devait d'indiquer la nature réelle de son activité, à savoir prestataire de service au bénéfice du copropriétaire élu syndic coopératif, et non uniquement d'invoquer les améliorations prétendues pour la copropriété ; que dans plusieurs interviews en ligne, le fondateur de [Z] se positionne sans conteste comme un concurrent des syndics professionnels qui aurait des méthodes plus simples et moins couteuses ; qu'il en est de même de la communication web de [Z] où elle se définit en tant que gestionnaire professionnel en indiquant être en charge de la « gestion de copropriété » et non d'une simple assistance à la gestion ; que de même, dans des correspondances de prospection adressées à des copropriétaires, [Z] n'hésite pas à se présenter comme un syndic professionnel, ce dont témoignent plusieurs personnes et l'association ARC (Association des Responsables de Copropriété) ; que [Z] diffuse auprès du public des renseignements juridiques erronés et propose des prestations qui ne peuvent être réalisées que par un syndic, ce qui contribue à entretenir la confusion sur son activité réelle ; que [Z] se livre désormais à des pratiques de concurrence déloyale par l'intermédiaire d'un faux comparateur en ligne proposé par la société DOLEAD, censé permettre de réduire les charges et de trouver un syndic adapté qui indique que [Z], parmi d'autres syndics, est la seule solution possible ; que la présentation volontairement ambiguë des services proposés par [Z] est largement susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique des syndicats des copropriétaires, qui, sur la base de cette communication prêtant à confusion, erronée et trompeuse, sont susceptibles de souscrire aux services de [Z] en pensant s'octroyer les services d'un spécialiste et d'un syndic professionnel, et ce au détriment de ces derniers.

La société EMERIA EUROPE fait valoir que les contenus du site internet www.mercisyndic.fr, et du site www.[013].eu auquel il renvoyait, mettaient en 'uvre une pratique commerciale trompeuse envers les syndics professionnels en général et la société FONCIA en particulier, identifiée implicitement par le nom commercial FONCIMIUM et le logo figuratif qui l'accompagnait dans le « Le Jeu Merci Syndic » ; que le tribunal a retenu à juste raison que les expressions « votez [Z] à la prochaine AG » et « remerciez votre syndic et passez chez [Z] » sont constitutives de cette pratique ; qu'en outre, le site www.mercisyndic.fr faisait la publicité des services de la société [Z] en laissant entendre qu'elle pouvait se substituer aux syndics de copropriété, puisque l'internaute était invité à les remercier et à voter [Z] à la prochaine assemblée générale ; que sur le site www.[013].eu auquel renvoyait le site www.mercisyndic.fr, les propos « Vive le syndic libre ' La gestion de copropriété, ça devrait être simple, transparent et efficace. Bienvenue chez [Z] », suggéraient que [Z] serait un syndic « libre », c'est-à-dire débarrassé des contraintes propres aux syndics professionnels ; que le slogan « le syndic est mort, vive le syndic ! » suivi de « Découvrir [Z] », suggérait l'avènement d'un nouveau type de syndic représenté par [Z] ; qu'alors que la société [Z] ne remplit pas les conditions pour exercer la profession de syndic, toute sa communication tend à installer une confusion entre ses prestations et celles d'un syndic professionnel ; qu'elle omet, ou fournit de façon inintelligible ou ambiguë, l'information essentielle qu'elle ne peut exercer les missions incombant à un syndic de copropriété, qui doit de toute manière être désigné en vertu de la loi : syndic bénévole ou coopératif, à défaut d'être professionnel ; que la nouvelle présentation du site www.[013].eu dans laquelle il est désormais mentionné que [Z] accompagne la gestion des immeubles sous « le modèle du syndic coopératif, prévu par la loi de 1965 », ne permet pas d'écarter toute confusion puisque [Z] persiste à présenter son activité comme celle d'un syndic professionnel dans le contrat « Le syndic réinventé » qu'elle propose aux copropriétés et qui ne précise aucunement que les copropriétaires qui choisiraient [Z] auraient à constituer un syndicat coopératif et à élire un syndic parmi les copropriétaires, conformément à la loi ; que cette confusion a été soulignée par l'ARC et des copropriétaires ; que les copropriétaires peuvent être amenés à choisir [Z] en pensant ainsi bénéficier des mêmes prestations et garanties que celles offertes par les syndics professionnels, et ce pour un prix plus modéré, alors que si les prestations de [Z] sont moins chères que celles d'un syndic professionnel, c'est précisément parce qu'elle n'a pas les mêmes obligations et ne présente pas les mêmes garanties ; que [Z] ne peut contester l'altération substantielle du comportement du consommateur en arguant que ce dernier aurait eu accès à des informations levant toute ambigüité dès lors qu'il ne saurait être exigé du consommateur qu'il se renseigne par ailleurs, alors que le contenu des sites www.mercisyndic.fr et www.[013].eu sont en eux-mêmes clairement trompeurs ; que le fait qu'il soit nécessaire de réunir une assemblée générale ayant pour objet de désigner un syndic coopératif avant d'accéder aux services de [Z] ne suffit pas à détruire le caractère trompeur de ses pratiques qui conduisent les copropriétaires à croire qu'ils pourront remplacer leur syndic professionnel en élisant un syndic coopératif, et que [Z] pourra assurer ces fonctions de syndic coopératif.

Le SNPI argue que [Z] use de plusieurs procédés déloyaux travestissant la réalité ; qu'ainsi, elle affirme faussement qu'en France, les copropriétaires ne seraient satisfaits des syndics professionnels que dans une proportion d'environ 10 %, à cause de leur lenteur, leur coût et l'opacité de leur gestion et que les syndics professionnels se trouveraient à l'origine de très nombreux litiges judiciaires, mettant en outre en avant des qualités éthiques qui seraient supérieures à celles des syndics professionnels, alors qu'elle est une entreprise commerciale qui a pour vocation de réaliser des profits et qu'elle a suscité très rapidement de nombreuses critiques ; que par ailleurs, la pratique commerciale de [Z] repose sur des allégations, présentations, indications de nature à induire en erreur sur les caractéristiques du service offert et sur la portée de ses engagements ; qu'ainsi, elle n'indique pas clairement aux utilisateurs que son offre n'est destinée qu'aux syndics coopératifs, s'abstenant de préciser qu'elle n'est ni un syndic professionnel, ni un syndic coopératif, ni un syndic bénévole, mais un prestataire offrant simplement sur une plateforme numérique des logiciels de comptabilité, des listes d'entreprises de travaux ou d'entretien et un service de renseignements juridiques visant à faciliter la gestion d'un syndic coopératif ; que l'ARC a en septembre 2020 analysé avec justesse les nombreuses insuffisances du contrat qu'elle propose, s'agissant notamment des questions restant en suspens relativement aux rôles respectifs du copropriétaire syndic coopératif et de [Z] ; qu'enfin, la pratique commerciale de [Z] est trompeuse en ce qu'elle crée une confusion avec les services d'un syndic professionnel alors que [Z] ne remplit pas les conditions (absence de carte professionnelle, de qualification, de formation et de garanties) pour exercer cette profession.

Ceci étant exposé, l'article L. 121-1 du code de la consommation dispose que « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service (')

Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7 ».

L'article L. 121-2 du code de la consommation dispose que « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

(...)

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

(...)

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l'apposition des mentions ' fabriqué en France ' ou ' origine France ' ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l'Union sur l'origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service (') ».

L'article L.121-5 du même code prévoit que « Les dispositions des articles L. 121-2 à L. 121-4 sont également applicables aux pratiques qui visent les professionnels et les non-professionnels ».

Il en résulte qu'une pratique commerciale n'est trompeuse que lorsqu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur.

En l'espèce, la communication de la société [Z], en ce qu'elle repose sur des slogans tels que « Remerciez votre syndic pour de bon - Votez [Z] à la prochaine AG » et « Remerciez votre syndic et passez chez [Z] », est de nature à créer une ambiguïté, laissant penser que la société [Z] est elle-même en mesure d'offrir aux copropriétés les services d'un syndic, professionnel ou non. S'ajoutent à ces éléments, le fait qu'une publicité de la société [Z] sur internet indique « 1 mois gratuit chez [Z], nouveau syndic de référence » (pièce 12 ANGC) et que le contrat proposé aux copropriétés par la société [Z] porte en titre la mention « Le syndic réinventé ». Du reste, l'association ARC (Association des Responsables de Copropriété) a souligné dans un article d'avril 2021 (« [Z] : Y a-t-il un pilote dans l'avion ' ») que « Plusieurs sociétés comme [Z] ont essayé de s'infiltrer dans la niche des copropriétés insatisfaites de leur syndic professionnel, en n'étant pas eux-mêmes syndic, tout en laissant planer un doute, pour en définitive se positionner comme un assistant du « président-syndic ». La technique est redoutable, car le discours consiste à rassurer le « président-syndic » quant à ses responsabilités, jusqu'à afficher dans ses documents officiels et procès-verbaux d'assemblée générale le slogan suivant : « Votre copropriété est pilotée avec [Z] » (pièce 36 ANGC), puis dans un autre article d'août 2021 que « la société [Z] se place sur la même ligne concurrentielle que les syndics professionnels, pouvant alors démontrer que sa position tarifaire est largement plus intéressante. Or, la société [Z] ne fait nullement ce que doit assurer légalement un syndic, et pour cause il n'en est pas un » (pièce 51 ANGC).

Cependant, pour contester l'altération substantielle, réelle ou seulement possible, du comportement économique du consommateur, la société [Z] produit de nombreux articles de presse, émissions ou interviews qui lui ont été consacrés et qui décrivent exactement, et sans ambiguïté, la réalité de ses prestations au service de copropriétés ayant fait le choix du syndic coopératif, notamment : « Petite révolution dans le monde très feutré de la copropriété, la plateforme Illicopro a mis au point un système pour contourner les syndics professionnels... en toute légalité ! Pour aider les Français à se passer des syndics professionnels, la start-up propose une palette d'outils pour aider les copropriétés à s'autogérer en toute transparence » (Le Figaro Immobilier le 22 novembre 2017) ; « La plateforme Illicopro a mis au point un système pour diminuer les frais de copropriété en contournant les syndics professionnels qui n'ont pas toujours bonne presse. L'association de consommateurs UFC-Que choisir et l'association des responsables de copropriétés (ARC-UNARC) dénoncent régulièrement les abus des principaux syndics, où les contrats sont remplis de clauses "parfois illicites, parfois abusives". La plateforme permet aux copropriétés de s'autogérer en toute transparence grâce à une palette d'outils » (page de présentation de l'émission « L'esprit d'initiative » diffusée sur France Inter le 30 octobre 2017) ; « Ce site [ILLICOPRO] permet à ceux qui le souhaitent de s'engager bénévolement pour la gestion de leur copropriété. Et ainsi faire de bonnes économies. Et si le syndic, c'était vous ' Un choix qui peut faire peur de prime abord mais qui, avec la technologie, permet d'avancer de solides arguments. Illicopro, l'un des leaders du secteur avec plus de 800 copropriétés, dont 70% installées en Ile-de-France, promet ainsi des économies et plus d'efficacité. Bref, le syndicat coopératif semble être le modèle de gestion de demain » (Le Parisien du 26 septembre 2019 « Grâce à Illicopro, les copropriétaires peuvent dire adieu à leur syndic ») ; « Q. C'est quoi votre modèle précisément ' Parce que vous n'êtes pas seuls sur le créneau. [..] C'est quoi la promesse de [Z] ' R : « Il y a eu pas mal de start-ups qui se sont lancées en disant « nous on fait un syndic 2.0 » mais en fait c'est exactement ce qu'on fait les anciens acteurs. Nous on ne croit plus du tout à ce modèle. On dit qu'il faut désintermédier le secteur. C'est-à-dire qu'il faut supprimer l'intermédiaire entre les copropriétaires et les prestataires (') Q : Mais c'est toujours un syndic ' En l'occurrence vous. Vous êtes syndic ' R : Non, nous on n'est pas syndic, on promeut ce qu'on appelle le syndicat coopératif, c'est-à-dire que le conseil syndical va gérer plus directement l'immeuble (...) Q : Donc reprenez en mains votre copro mais rassurez-vous, on va vous aider, on a des outils pour ça, on va vous mettre en relation avec les bonnes personnes. R : C'est exactement ça. » (interview de M. [D], dirigeant de la société [Z], du 15 janvier 2020 dans l'émission Tech&Co diffusée sur BFM Business). La présentation de la société [Z] sur le réseau LinkedIn est en outre conforme à la réalité de l'activité de la société, indiquant que [Z] fournit des moyens (juristes, experts-comptables, développeurs web) afin de permettre aux copropriétaires de gérer eux-mêmes leur immeuble en supprimant l'intermédiaire qu'est le syndic professionnel. Le site internet de la société au moment des faits litigieux (onglet « Notre histoire ») indique pareillement que « Chez [Z], nous pensons que le problème ne réside pas tant dans la qualité des sociétés que dans le dans le mode de gestion actuel. C'est de ce constat qu'est né [Z] : nous permettons aux copropriétaires de gérer eux-mêmes leur immeuble, sans passer par un syndic professionnel » et « en supprimant l'intermédiaire qu'est le syndic professionnel ». Tous ces éléments montrent que la société [Z] divulguait largement des informations, aisément accessibles aux copropriétaires, sur la nature réelle de ses activités.

Au demeurant, des pièces fournies par les intimés eux-mêmes témoignent de l'absence de risque d'induire en erreur le public visé. Ainsi, le courrier du conseil syndical d'une résidence de [Localité 17] (93) aux copropriétaires « préconise le choix de [Z] parmi les 4 contrats déjà diffusés dont 3 traditionnels ATRIUM, BAILCOM et NEXITY » mais aussi « préconise le mode de syndicat coopératif accompagné par [Z] », ce qui montre que cette dernière n'est pas confondue avec le syndic lui-même (pièce 9.1 EMERIA) ; dans un courrier à une copropriété de [Localité 15], la société ILLICOPRO (aujourd'hui [Z]) indique « Vous allez devoir choisir le syndic de copropriété qui gérera votre copropriété (') cinq choix vos seront proposés, quatre syndics « traditionnels » et notre proposition de syndic coopératif avec IlliCopro », ce qui permet de comprendre que la société [Z] intervient aux côtés du syndic coopératif et n'est pas elle-même syndic (pièce 6 ANGC) ; de même, le courrier d'un membre du conseil syndical d'une copropriété de [Localité 14] fait état de l'inscription à l'ordre du jour de la « Souscription de l'offre [Z] et adoption du mode du syndicat coopératif » et précise que « L'assemblée générale (') décide d'adopter le mode du syndicat coopératif (') Afin d'assurer une gestion optimale de l'immeuble, le conseil syndical bénéficiera de l'offre [Z] conformément au devis joint ». Un tableau inséré dans le contrat [Z] compare ses prestations avec celles d'un « syndic standard » mais mentionne en exergue « voici le détail des 'petits à côtés' facturés par les syndics, mais inclus chez nous », établissant par conséquent une distinction entre les syndics et la société [Z] (pièce 9.2 EMERIA). Par ailleurs, un article de presse cité par la société EMERIA (sa pièce 7) intitulé « IlliCopro, quand l'activité de syndic n'est plus réservé à des spécialistes » indique expressément que M. [D] a lancé « son logiciel Illicopro, qui permet à un copropriétaire, désigné syndic bénévole, non professionnel donc, de gérer parfaitement sa copropriété », ce qui correspond parfaitement à l'activité réellement exercée par l'appelante qui fournit des prestations à des copropriétés ayant fait le choix du syndicat coopératif.

En outre et surtout, le doute induit par la campagne publicitaire litigieuse est nécessairement dissipé et ne peut altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, dès lors que, comme le souligne la société [Z], avant d'accéder aux prestations offertes par elle, il est nécessaire que la copropriété choisisse d'élire un syndic coopératif tel que prévu par l'article 14 alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ce qui suppose la réunion d'une assemblée générale après l'établissement d'un ordre du jour et un vote autorisant à la fois le changement de mode de gestion et la conclusion par le syndic coopératif désigné d'un contrat avec la société [Z]. Toutes ces démarches et les enjeux du changement envisagé, liés notamment au fait que les membres du conseil syndical qui s'engageront ainsi à assurer la gestion de la copropriété en assumeront la responsabilité, impliquent que les copropriétaires concernés, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, se renseignent préalablement sur l'offre de la société [Z] et ne s'en tiennent pas à la seule campagne publicitaire incriminée.

Les insuffisances du contrat proposé par la société [Z], telles que relevées par l'association ARC précitée ne sont pas, à les supposer avérées, de nature à caractériser l'existence des pratiques commerciales trompeuses imputées à l'appelante (pièce 17 SNPI).

En outre, la société [Z] justifie avoir modifié la présentation de son site www.[013].eu pour y mentionner qu'elle accompagne la gestion des immeubles sous « le modèle du syndic coopératif, prévu par la loi de 1965 », ce qui est de nature à lever l'ambiguïté préexistante (sa pièce 28).

Dans ces conditions, les pratiques commerciales trompeuses reprochées à la société [Z] ne sont pas caractérisées et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la publicité comparative illicite

La société EMERIA EUROPE (précédemment FONCIA GROUPE) et le SNPI reprochent à la société [Z] une publicité comparative illicite.

La société EMERIA EUROPE soutient que la campagne publicitaire de la société [Z], qui procède d'une comparaison entre les services proposés par les syndics professionnels et la société [Z] vis à vis d'un concurrent et d'une profession parfaitement identifiés, est illicite au regard de l'article L.122-1 du code de la consommation dans la mesure où elle ne remplit aucune des trois conditions cumulatives de licéité posées par cette disposition et où elle viole en outre l'article L122-2 2° du même code ; qu'en effet, il s'agit d'une publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur, qui porte sur des biens ou services ne répondant pas aux mêmes besoins et qui ne compare pas objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des services en cause ; qu'en outre, cette publicité dénigre la marque, le nom commercial et les services de FONCIA.

Le SNPI fait valoir que la société [Z], qui se trouve en situation de concurrence avec les syndics professionnels, opère une comparaison trompeuse entre ses prestations et celles de ces derniers en comparant les services qu'elle offre à ceux des « syndics traditionnels », prétendant que sa plateforme permet de répondre efficacement aux principaux griefs qui leur sont faits (manque de réactivité des syndics professionnels, cherté, opacité) alors que la comparaison qu'elle effectue ne porte pas sur des services identiques et qu'elle omet de mettre en avant les différences importantes quant aux coûts de fonctionnement de la gestion de l'immeuble entre un syndic professionnel, soumis aux dispositions très strictes de la loi Hoguet, et un syndic coopératif.

La société [Z] répond que dans sa campagne de publicité, elle ne compare pas ses services ou ses prix avec ceux de concurrents identifiés ou aisément identifiables, se bornant à utiliser le terme de syndic, cherchant simplement à séduire une clientèle en faisant état de problématiques générales susceptibles d'être rencontrées par tout copropriétaire et auxquelles elle se propose d'apporter une solution ; que sa publicité n'est pas trompeuse sur la réalité de son activité, qu'elle compare des services répondant aux mêmes besoins ' syndic professionnel et syndic coopératif assurant la gestion de la copropriété, selon deux formes différentes, et répondant donc bien au même besoin de la copropriété ' et qu'elle ne vise pas à comparer des produits ou services dans une construction binaire, mais à mettre en lumière, de manière humoristique, les désagréments auxquels peuvent être confrontées les copropriétés.

Aux termes de l'article L. 122-1 du code de la consommation, anciennement L.122-8 du même code, transposant dans l'ordre juridique national les dispositions de la directive communautaire n°2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 :

« Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :

1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;

2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;

3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ».

L'article L. 122-2 du même code dispose que : « La publicité comparative ne peut :

1° Tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque de produits ou de services, à un nom commercial, à d'autres signes distinctifs d'un concurrent ou à l'appellation d'origine ainsi qu'à l'indication géographique protégée d'un produit concurrent ;

2° Entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent ;

3° Engendrer de confusion entre l'annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l'annonceur et ceux d'un concurrent ;

4° Présenter des biens ou des services comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service bénéficiant d'une marque ou d'un nom commercial protégé ».

La publicité comparative n'est trompeuse, et donc illicite, au sens de l'article L. 122-1 du même code, nonobstant le fait qu'elle soit objectivement inexacte, que si elle est susceptible d'avoir une incidence sur le comportement économique des personnes auxquelles elle s'adresse (Cass.Com., 22 mars 2023, n° 21-22.925).

En l'espèce, la campagne publicitaire de la société [Z] ne vise pas à comparer des services et des prix mais à stigmatiser, d'une façon qui se veut humoristique mais qui s'avère dénigrante comme il a été dit, la profession de syndic professionnel en valorisant le modèle qu'elle-même préconise du syndic coopératif pour lequel elle propose des services de prestataire. En outre, la publicité de la société [Z] n'identifie pas un syndic particulier ou des services offerts par un syndic particulier, mais vise la profession de syndic professionnel en général, le jeu Merci Syndic qui permet de reconnaître certains syndics professionnels, dont FONCIA rebaptisé FONCINIUM, devant être distingué de la campagne publicitaire proprement dite sur laquelle se fonde le grief des intimés. Il ne s'agit donc pas d'une publicité comparative au sens des articles précités.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre de la publicité comparative illicite (sans toutefois le mentionner au dispositif du jugement).

Sur l'exercice illégal de la profession de syndic

L'ANGC soutient que la société [Z] se livre illégalement à l'exercice des fonctions de syndic ou concourt à l'exercice de ces fonctions en violation de la loi dite « HOGUET » du 2 janvier 1970 qui réglemente les conditions d'accès à cette profession ; qu'en effet, [Z], qui ne possède pas la carte professionnelle de syndic, pratique pourtant des actes relevant des fonctions de syndic ou au moins y concourt via sa plateforme ; qu'elle se présente et se comporte clairement comme le mandataire du syndicat des copropriétaires en assurant la gestion et représentation de la copropriété pour le compte de tiers (syndicats de copropriété), alors que cette activité doit être exercée à titre commercial exclusivement par des syndics professionnels ; que le contrat [Z] prévoit les tâches qui sont dévolues au syndic de copropriété lequel a interdiction de se faire substituer afin d'exercer ces missions, en application de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu'ainsi, [Z] propose et effectue des prestations juridiques via sa plateforme, propose des prestations de gestion comptable, a une activité financière en se revendiquant « néobanque », indique assurer le suivi de travaux, adresse à ses adhérents un « guide » résumant ses prestations qui montre clairement qu'elle s'occupe en direct de toute la gestion technique et des sujets complexes au sein de la copropriété ; qu'en outre, [Z] se présente comme syndic ou administrateur de biens.

La société [Z] répond qu'elle opère constamment dans sa communication la distinction entre les services qu'elle propose et ceux des syndics professionnels, souhaitant justement se démarquer de ces derniers ; que son activité ne se confond pas avec celle de syndic professionnel, son offre ne s'adressant au contraire qu'à des copropriétés qui ne font pas appel à un syndic professionnel ; que le tribunal judiciaire de Paris, dans un jugement du 30 novembre 2023, dans un litige opposant [Z] à la FNAIM et au syndicat UNIS, a écarté le grief d'exercice illicite de la profession de syndic ; qu'elle ne propose pas de prestations relevant du monopole des syndics professionnels ; qu'il est parfaitement licite que [Z], dans le cadre de sa communication, mentionne le terme « syndic » ou « administration de biens », dès lors que son offre est destinée aux syndics coopératifs et que son activité est en lien avec l'administration de biens mais que [Z] ne se désigne pas elle-même comme syndic de copropriété ou administrateur de bien.

Ceci étant exposé, l'article 14 de la loi n° 70-9 dite « HOGUET » du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, réprime en son article 14 le fait : « a) De se livrer ou prêter son concours, d'une manière habituelle, même à titre accessoire, à des opérations visées à l'article 1er sans être titulaire de la carte instituée par l'article 3 ou après l'avoir restituée ou en ayant omis de la restituer après injonction de l'autorité administrative compétente ;

a bis A) Pour toute personne d'utiliser la dénomination ' agent immobilier ', ' syndic de copropriété ' ou ' administrateur de biens ' sans être titulaire de la carte instituée par le même article 3 (') ».

L'article 1 de la même loi dispose que « Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à : (')

6° La gestion immobilière ; (')

9° L'exercice des fonctions de syndic de copropriété dans le cadre de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ».

En ce qui concerne le grief adressé à la société [Z] de se livrer à l'exercice des fonctions de syndic ou du moins de concourir à l'exercice de ces fonctions, la cour constate que le contrat que la société [Z] propose aux copropriétés ayant fait le choix d'un mode de gestion par un syndic coopératif (pièce 12 SNPI ; pièce 66 [Z]) porte sur un abonnement qui consiste en un « accompagnement sur [des] sujets techniques : administratif, comptabilité, juridique », la société prestataire mettant, pour ce faire, à disposition des clients une équipe de spécialistes de la copropriété et une « plateforme intuitive » ; l'annexe 1 fournit le détail des prestations : « des experts en direct pour un suivi efficace » (suivi de la mise en 'uvre des garanties de construction, renégociation des charges, suivi des sinistres) ; « la vie de votre immeuble simplifiée » (génération de documents juridiques (convocation d'AG, procès-verbal, appels de fonds), module de calcul des votes en assemblée générale, envoi des appels de fonds, gestion des impayés') ; « la comptabilité rendue intuitive et transparente » (reprise comptable de l'exercice en cours et initialisation du compte de la copropriété, synchronisation de la plateforme [Z] avec le compte bancaire de la copropriété pour un suivi en direct, répartition automatique des charges, génération automatique des écritures de régularisation, génération et envoi automatique des appels de fonds, mise à disposition d'outils de calcul des charges, génération automatique des annexes comptables') ; « communication dans votre copropriété » (espace de discussion interne permettant de proposer des sondages et de programmer des événements, consultation des comptes pour le conseil syndical à tout moment, mise à disposition d'un espace de stockage pour tous les documents de la copropriété') ; « pack assistance pour vos travaux : faites-vous assister dans le suivi de vos projets par notre équipe d'expert » (assistance générale au conseil syndical sur toutes problématiques travaux, assistance au conseil syndical pour les réalisations de diagnostic technique global, audit énergétique, assistance au conseil syndical dans la comparaison des prestations de maîtrise d'oeuvre'), etc. Ces diverses tâches relèvent de prestations venant en appui aux fonctions du conseil syndical exerçant les fonctions de syndic coopératif, ce qui est autorisé par le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi précitée n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dont l'article 27 prévoit que notamment que « Le conseil syndical peut, pour l'exécution de sa mission, prendre conseil auprès de toute personne de son choix. Il peut aussi, sur une question particulière, demander un avis technique à tout professionnel de la spécialité » et dont l'article 42 dispose que « Les dispositions de l'article 27 sont applicables au syndic. Celui-ci peut, en outre, sous sa responsabilité, confier l'exécution de certaines tâches à une union coopérative ou à d'autres prestataires extérieurs ».

Les prestations juridique et comptables proposées consistent essentiellement en la génération automatique de documents pouvant être utiles aux syndics coopératifs, la société [Z] ne signant pas lesdits documents. Le fait que la société [Z] propose l'ouverture d'un compte de paiement sur lequel pourront être versées les sommes reçues au nom ou pour le compte du syndicat coopératif n'implique pas qu'elle est pour autant responsable de ce compte. Il n'est pas illicite pour la société [Z] de fournir aux syndics coopératifs des informations relatives au suivi des travaux concernant la copropriété ou de les accompagner dans leurs démarches auprès des entreprises. Le « guide [Z] » fourni aux copropriétés indique certes que « [Z] s'occupe de toute la gestion technique de votre immeuble. Les tâche administratives et comptables sont traitées en direct par [Z] (') » mais il ressort de l'ensemble de la plaquette que les prestations réalisées par la société résultent de l'utilisation de la plateforme, présentée comme ressortissant à l'offre de base (« Offre Essentiel ») à laquelle un accès « en parfaite autonomie » est assuré au syndic coopératif, et plus généralement que le rôle de la société [Z] est un rôle d'« accompagnement ». Enfin, l'ANGC admet que la société a désormais une carte professionnelle lui permettant d'exercer l'activité de gestion locative et de transaction immobilière.

Par ailleurs, comme il a été dit supra, la communication de la société [Z], hormis en ce qu'elle a reposé sur les slogans publicitaires « Remerciez votre syndic pour de bon - Votez [Z] à la prochaine AG » et « Remerciez votre syndic et passez chez [Z] », « 1 mois gratuit chez [Z], nouveau syndic de référence », « Le syndic réinventé » et « 1 mois gratuit chez [Z], nouveau syndic de référence », fait régulièrement et clairement mention du fait que la société n'est pas un syndic mais qu'elle intervient pour fournir des prestations d'assistance et d'accompagnement aux syndics coopératifs.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a dit que la société [Z] ne s'est pas rendue coupable d'exercice illégal de la profession de syndic.

Sur les mesures réparatrices du dénigrement

Sur les demandes indemnitaires

La campagne d'affichage « Merci Syndic », commencée le 4 mars 2020 a été interrompue par le premier confinement et s'est achevée le 18 mars ainsi qu'en justifie la société [Z] et le maintien de certains panneaux dans l'espace public postérieurement a été nécessairement de très faible impact en raison dudit confinement. L'appelante justifie en outre que le site www.mercisyndic est resté accessible au public au 1er au 10 mars 2020, soit moins de 3 mois, et que le jeu Merci Syndic a été visité uniquement par 496 personnes.

Les intimés ne démontrent par ailleurs aucune perte de clientèle du fait des communications litigieuses qui serait à l'origine d'un préjudice commercial.

Seul le grief de dénigrement étant reconnu fondé en appel et le montant des condamnations ne pouvant être corrélé à celui du budget de la campagne publicitaire litigieuse, qui ne visait pas seulement à dénigrer les syndics professionnels mais cherchait à installer l'image de la société [Z] dans l'esprit du public, ainsi que le tribunal l'a relevé, il sera alloué à chacun des quatre intimés, eu égard à la brève durée des communications reprochées, une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'image résultant des actes de dénigrement.

Sur les mesures complémentaires

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société [Z] à procéder à la publication d'un communiqué composé du dispositif du jugement sur la page d'accueil du site Internet www.[013].eu et confirmé en ce qu'il a par ailleurs rejeté les demandes de publication du jugement dans la presse et d'injonction à la société [Z] de cesser les agissements déloyaux.

Seront rejetées les demandes d'interdiction complémentaires présentées par l'ANGC en appel, de même que les demandes de publication complémentaires formulées devant la cour par la FNAIM GP et le SNPI.

La subornation de témoin imputée à la société [Z] étant une infraction pénale, il n'appartient pas à cette cour qui statue en matière civile d'en apprécier l'existence. La demande indemnitaire du SNPI à ce titre sera donc rejetée.

Sur les demandes de la société [Z]

Sur la demande dirigée contre l'ANGC

La société [Z] reproche à l'ANGC d'avoir, par l'intermédiaire de son président, M. [F], et de certains de ses adhérents, gravement attenté à sa liberté d'entreprendre et à la concurrence (i) en postant sur LinkedIn, sans la moindre précaution, le récépissé d'un dépôt de plainte contre [Z], révélant ainsi publiquement l'adresse personnelle de M. [D], (ii) en incitant publiquement les syndics professionnels à se répandre en allégations sur [Z] afin de dissuader leurs clients de souscrire à son offre, (iii) en concoctant un dossier de presse contre [Z] qu'elle se vantait d'adresser à tous ses clients copropriétaires ayant manifesté le souhait de changer de mode de syndic et (iv) en communiquant sur les réseaux sociaux sur l'offensive lancée contre [Z], en espérant altérer sa réputation et conserver ses clients. Elle souligne que le tribunal a relevé dans son jugement « le ton particulièrement agressif et outrancier des propos tenus par le dirigeant de l'ANGC » ; que ces outrances lui causent un préjudice moral puisqu'elles visent à la présenter comme une société aux pratiques malhonnêtes.

L'ANGC répond que le tribunal a rejeté à juste raison la demande indemnitaire de la société [Z] ; que [Z] ne relate que des faits se rapportant à la société CORRAZ qui n'est pas partie à la présente procédure et pour lesquels l'ANGC n'a pas à être tenue pour responsable ; que l'échange de courriels produit en pièce 46 par [Z] concerne un litige avec le cabinet [Y] dont M. [F] est le directeur, et n'a donc aucun lien avec la présente instance, cette pièce ne démontrant d'ailleurs pas en quoi l'ANGC aurait porté atteinte à la réputation de [Z] ; qu'il s'agit uniquement d'une pièce construite par [Z] pour se constituer des preuves dans le cadre des litiges en cours avec l'ANGC et non d'un « échange » ; que [Z] s'est introduite sur un groupe Facebook réservé aux gestionnaires de copropriété pour faire des captures d'écran de messages qui n'ont donc pas été diffusés publiquement et qui viennent en réaction à la campagne dénigrante entreprise initialement par [Z] ; que [Z] ne pouvait que s'attendre à ce type de réaction lorsqu'elle a critiqué violemment le métier d'hommes et de femmes qui s'évertuent à satisfaire leurs clients quotidiennement ; que le dossier de presse invoqué ne comporte que des articles de presse et non des écrits réalisés par l'ANGC ; qu'il est du devoir d'une association comme l'ANGC de rétablir la vérité et d'informer correctement ses membres.

La société [Z] verse au débat une capture d'écran du compte Facebook de M. [F], président de l'ANGC, transmettant manifestement aux membres de ladite association, un modèle de lettre à diffuser auprès des copropriétaires souhaitant passer au mode de gestion par un syndic coopératif, ainsi qu'un « dossier de presse » comportant des articles de presse mais également une plainte déposée par l'association contre la société [Z] et son dirigeant en 2020. L'adresse de M. [D] a été cancellée sur la plainte de sorte qu'il ne peut être soutenu qu'elle a été divulguée publiquement (pièce 25). En outre, le modèle de lettre n'est pas joint à la pièce 25 de sorte que la cour n'est pas en mesure d'en apprécier le caractère outrancier allégué.

Est fourni également un échange de courriels entre M. [F], en sa qualité de « directeur copropriété ' Cabinet [Y] » et l'avocat d'un conseil syndical d'une copropriété sise à Corneille-en-Parisis qui reproche à son correspondant des menaces ou des intimidations qu'il aurait adressées à ce conseil syndical ou à un membre de ce conseil syndical (pièce 46). Ni le cabinet [Y] ni M. [F] n'étant dans la cause, le contenu de ce document ne peut être imputé à l'ANGC. De même, ne peut être pris en considération le contenu du courrier adressé par un syndic de [Localité 12] à des copropriétaires pour les dissuader d'opter pour un syndic coopératif avec un logiciel de gestion [Z] dès lors qu'il n'est pas établi que ce courrier reproduit ou s'inspire d'un modèle de lettre qui aurait été communiqué par l'ANGC (pièce 62).

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société [Z] de ses demandes dirigées contre l'ANGC.

Sur la demande dirigée contre la société EMERIA EUROPE

La société [Z] reproche à la société EMERIA EUROPE (précédemment FONCIA GROUPE) d'avoir mis en garde publiquement ses clients et prospects contre des plateformes telles que [Z] dans une newsletter de septembre 2020 et également dans une chronique radiophonique, diffusée sur l'antenne de Sud Radio et accessible sur la page YouTube de FONCIA, dans laquelle M. [B], directeur de la communication de FONCIA, a tenu des propos dénigrants à l'égard des plateformes web comme [Z].

La société EMERIA EUROPE répond que les propos de la newsletter de septembre 2020 ne sont nullement dénigrants, outre que [Z] n'y est pas citée et que la réalité des propos de M. [B] n'est établie par aucune pièce.

Les propos incriminés de la newsletter sont les suivants : « Des plateformes payantes prétendent aujourd'hui révolutionner le syndic. Attention, ce ne sont pas des syndics et elles ont interdiction d'exercer le métier de syndic ! Derrière un discours alléchant, ces plateformes de gestion ne proposent en réalité qu'un outil en ligne et une promesse de conseils. Insuffisant pour gérer une copropriété. Tout le travail de syndic reste donc à faire... par les copropriétaires ». Le tribunal a jugé à juste raison que ces propos ne présentaient pas de caractère dénigrant compte tenu de leur modération. La cour ajoutera qu'ils ne font que décrire une réalité que la société [Z] a soulignée maintes fois dans ses écritures.

Le grief relatif aux propos qui auraient été tenus par M. [B] sur l'antenne de Sud Radio, mettant en garde les copropriétaires contre les plateformes de gestion (« Attention à l'arnaque, derrière un discours rassurant, elles ne proposent en réalité qu'un outil en ligne et une promesse de conseils. Ce ne sont pas des syndics et tout le travail reste donc à faire. Par qui ' Et bien par vous (...) Voilà [G], ne vous laissez pas avoir par de fausses promesses ») est étayé par un lien hypertexte inséré dans les conclusions de l'appelante qui ne permet pas à la cour d'accéder au site concerné et de vérifier la réalité de ce propos, laquelle est contestée par la société EMERIA EUROPE. La demande sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les demandes dirigées contre les intimées pour procédure abusive

La teneur de cet arrêt conduit nécessairement au rejet de la demande pour procédure abusive de la société [Z] dont la condamnation pour dénigrement à l'égard des intimés est confirmée.

Sur la demande de publication sur internet

Il n'y a lieu de faire droit à la demande formée par la société [Z] de publication de cet arrêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les parties qui succombent chacune pour partie garderont à leur charge les dépens et frais qu'elles ont engagés en appel, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a

- dit que la société [Z] s'est rendue coupable de pratiques commerciales déloyales et trompeuses envers les syndics professionnels représentés par les demanderesses ;

- condamné la société [Z] à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 20 000 € à chacune des trois demanderesses : la FNAIM GP, l'ANGC et le SNPI, et la somme de 10 000 € à la société FONCIA GROUPE ;

- condamné la société [Z] à procéder à la publication d'un communique composé du dispositif du jugement précédé de la mention suivante : « par jugement en date du [...], le tribunal de commerce de Paris », sur la page d'accueil du site Internet www.[013].eu et ce, pendant une durée de trois mois à compter de la signification du jugement ;

L'infirmant et statuant à nouveau sur ces points,

Déboute l'ANGC, la société EMERIA EUROPE (précédemment FONCIA GROUPE) et le SNPI de leurs demandes tendant à voir juger que la société [Z] s'est rendue coupable de pratiques commerciales déloyales et trompeuses envers les syndics professionnels ;

Condamne la société [Z] à payer la somme de 10 000 € chacun à l'ANGC, la société EMERIA EUROPE (précédemment FONCIA GROUPE), la FNAIM GP et le SNPI, en réparation du préjudice résultant des actes de dénigrement à l'égard des syndics professionnels commis à l'occasion de la campagne « Merci Syndic » relayée sur le site www.mercisyndic.fr ;

Rejette les demandes de publication du jugement ;

Y ajoutant,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à voir juger que la société [Z] s'est rendue coupable de publicité comparative illicite ;

Déboute l'ANGC de ses demandes d'interdiction présentées en appel ;

Déboute la FNAIM GP et le SNPI de leurs demandes de publication présentées en appel ;

Déboute le SNPI de sa demande de condamnation de la société [Z] pour subornation de témoin ;

Déboute la société [Z] de ses demandes pour procédure abusive ;

Dit que les parties garderont à leur charge les dépens et frais irrépétibles qu'elles ont engagés en appel ;

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.