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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com., 20 mars 2024, n° 22/00231

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Action Group (SARL)

Défendeur :

Motorspeed Racing Products (SAS), Mecanic Sport (SARL), Selarl David Goic et Associés (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubled-Vacheron

Conseillers :

Mme Theuil-Dif, M. Kheitmi

Avocats :

Me Basset, Me Bertin, Me de Rocquigny, Me Gros, Me Chevalier

T. com. Clermont-Ferrand, du 16 déc. 202…

16 décembre 2021

Faits et procédure - demandes et moyens des parties :

La SAS Motorspeed Racing Products (la société MRP), exerçant l'activité de fabrication et de vente de vêtements, équipements et accessoires pour la moto et le vélo, a confié en février 2017 à la SARL Action Group, spécialisée dans la vente de véhicules deux roues et de leurs accessoires, un mandat d'agent commercial ayant pour objet, dans un secteur géographique constitué principalement des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté, la promotion et la vente de produits fournis par la société mandante sous la marque First Racing. Ce mandat n'a pas donné lieu à la signature d'un acte contractuel ; il était convenu entre les parties que la SARL Action Group verserait à la société MRP un « droit d'entrée » ou « carte » d'un montant de 33 456 euros, payable de manière fractionnée par échéances mensuelles, pour la présentation par la société mandante de ses clients à la société mandataire.

Des difficultés se sont élevées entre les parties au cours des années 2018 et 2019 ; la société MRP a laissé des commissions impayées ; le 29 janvier 2020, le dirigeant de la société mandante a fait connaître à celui de la société mandataire qu'il confierait désormais la commercialisation de ses produits à une autre société, dénommée Mecanic Sport, et qu'elle estimait ne pas avoir d'indemnité à payer à la SARL Action Group.

Celle-ci, après des mises en demeure restées sans résultat, a fait assigner les 22 et 28 avril 2020 la société MRP et la société Mecanic Sport devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, pour obtenir paiement, par la première de ces sociétés, de 8 241,61 euros au titre de commissions arriérées, de la somme de 35 450 euros en restitution du « droit d'entrée » qu'elle déclarait avoir payé sans cause, et de 30 000 euros pour inexécution du contrat jusqu'à sa rupture. La SARL Action Group demandait en outre la condamnation in solidum des sociétés MRP et Mecanic Sport à lui verser, notamment, 40 000 euros en réparation du préjudice financier qu'elle a subi, par suite de la rupture du mandat commercial.

Le tribunal de commerce, suivant jugement contradictoire du 16 décembre 2021, a fait partiellement droit aux demandes de la SARL Action Group, en condamnant la société MRP à lui payer la somme de 32 480 en réparation du préjudice causé par la rupture, celle de 8 120 euros au titre du préavis, et une somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a d'autre part mis hors de cause la société Mecanic Sport, et rejeté le surplus des demandes.

La SARL Action Group, par une déclaration reçue au greffe de la cour le 26 janvier 2022, a interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions.

La société Action Group, à laquelle se joint la SELARL MJ [T] en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de cette société, demande à la cour de réformer le jugement, sauf en ce qu'il a dit que la rupture du mandat commercial est entièrement imputable à société MRP. Elle reprend devant la cour les demandes qu'elle avait présentées en dernier lieu devant le tribunal : condamnation de la société MRP seule à lui payer 35 450 euros en répétition des sommes qu'elle lui a versées au titre de carte d'agent commercial, 30 000 euros pour inexécution du contrat jusqu'à sa rupture, et 80 333,12 euros d'arriéré de commissions ; condamnation des sociétés MRP et Mecanic Sport à lui verser 97 265 euros en réparation du préjudice financier consécutif à la rupture, 10 000 euros au titre du préjudice moral, 12 158 euros pour le préavis de trois mois, et 12 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société appelante expose que la société MRP s'est montrée rapidement incapable de lui payer les commissions qu'elle lui devait, et qu'elle a pris l'initiative de modifier de manière unilatérale ses modalités de commercialisation, en procédant à des ventes directement auprès d'associations ou de clubs de motocyclistes, privant de cette clientèle les revendeurs professionnels, et privant la SARL Action Group de ses commissions ; que la situation a continué de se dégrader entre mandante et mandataire jusqu'au mois de janvier 2020, lorsque la société MRP lui a fait connaître sa décision de la remplacer par un nouveau mandataire, la société Mecanic Sport, sans indemnité pour la SARL Action Group.

Celle-ci souligne la mauvaise foi de la société MRP en la personne de son dirigeant M. [X] [F], qui a exigé en début de contrat que la société mandataire lui paie un droit d'entrée pour la valeur d'une prétendue carte de VRP, alors que le représentant de la SARL Action Group n'a jamais eu cette qualité, et que cette exigence se trouve dépourvue de toute cause juridique, de sorte que le paiement qu'elle lui a fait à ce titre est indu, et justifie la restitution de la somme versée. La société appelante relève que la société MRP a ensuite manqué à ses obligations lors de l'exécution du mandat, comme l'a reconnu le tribunal en admettant le principe de son droit à réparation : elle a laissé s'accumuler les commissions impayées, a modifié de manière unilatérale son mode de commercialisation, au détriment de la société mandataire et des revendeurs ; et elle n'a pas appliqué loyalement un système de « cagnotte », que la SARL Action Group lui avait demandé de mettre en œuvre pour préserver ses droits, et ceux des revendeurs dont elle était l'interlocuteur privilégié : la société mandante devait prélever et verser dans une « cagnotte », destinée aux revendeurs, 15 % du montant des ventes qu'elle réalisait directement auprès des associations et des moto-clubs. La société appelante indique qu'elle a calculé, sur la base de chiffres de ventes que la société MRP a produits à la suite d'une sommation, les commissions éludées qu'elle lui réclame.

Elle demande que l'indemnité de rupture soit portée à deux ans de commissions comme il est d'usage, au lieu d'un an comme l'a prononcé le tribunal.

La SARL Action Group reproche d'autre part à la société Mecanic Sport une faute personnelle engageant sa responsabilité, pour avoir participé à la rupture du mandat commercial que lui avait confié la société MRP.

La société MRP, et la SELARL MJ [T], partie intervenante en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS MRP placée en redressement judiciaire, forment appel incident et concluent à la réformation du jugement, en ce qu'il a considéré que la rupture du mandat était imputable à la société MRP, et l'a condamnée à verser une indemnité en réparation du préjudice consécutif, ainsi qu'au titre du préavis.

La société MRP et la SELARL MJ [T] invoquent l'article L. 134-13 du code de commerce, selon lequel l'indemnité réparatrice versée en principe en cas de rupture d'un mandat commercial n'est pas due lorsque la rupture est intervenue à l'initiative de l'agent ; elles exposent que dans le cas particulier la rupture a été provoquée par la SARL Action Group, qui n'a pas respecté leurs accords en accumulant des retards dans le paiement fractionné de son « droit d'entrée », et qu'à aucun moment la société MRP n'a manifesté son intention de mettre fin au mandat. La société MRP et son mandataire judiciaire contestent d'ailleurs l'existence de circonstances qui seraient imputables à MRP, au sens de l'article L. 134-12 du code de commerce. Elles concluent à la confirmation du jugement, en ce qu'il a rejeté les autres demandes en paiement de la SARL Action Group, portant entre autres sur le « droit d'entrée » et sur une indemnité pour l'inexécution du contrat jusqu'à la rupture.

La société Mecanic Sport, représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL David-Goic & associés, conclut à la confirmation du jugement l'ayant mise hors de cause. Elle reconnaît qu'elle a conclu le 13 mars 2020, avec la société MRP, un contrat portant sur la distribution exclusive de produits de la marque First Racing sur le territoire français sauf quelques départements, mais conteste avoir commis de faute en acceptant ce mandat : elle était tierce partie au contrat initial entre les sociétés MRP et Action Group, et la rupture de ce contrat est intervenue dès le mois de janvier 2020, de sorte que la société MRP était, lorsqu'elle lui a confié mandat à elle-même, déliée de toute obligation d'exclusivité envers la SARL Action Group, ainsi qu'elle l'a déclaré dans l'acte contractuel du 13 mars suivant, établi entre les sociétés MRP et Mecanic Sport.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées les 1er septembre 2023, 26 décembre 2023 et 9 janvier 2024.

Motifs de la décision :

I ' Sur la demande en restitution du prix d'achat de la carte Firstracing, ou droit d'entrée :

En l'absence d'acte contractuel écrit signé entre les sociétés MRP et Action Group, les termes de leurs accords apparaissent établis par l'envoi de deux factures, de la société mandante à la société mandataire : ces deux factures, datées du 10 et du 28 avril 2017, expédiées le 4 mai 2017 en pièces jointes à un courriel, portent chacune la somme à payer de 1 745,53 euros taxe comprise, au titre des mensualités de février et de mars 2017 du prix de cession de la « carte Firstracing », prix fixé à la somme de 33 456 euros hors taxe, et payable en vingt-trois mensualités ; chaque facture précise que cette carte concerne une série de départements désignés par leur numéro, aire géographique correspondant aux régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté, ainsi que les départements du Cher, du Loiret et du Loir-et-Cher (pièce n° 3 de la SARL Action Group).

L'envoi de ces factures n'a donné lieu à aucune contestation de la part de la société mandataire la SARL Action Group, qui a payé plusieurs mensualités, attitude qui confirme son accord sur le principe de l'acquisition de cette carte ou « droit d'entrée », sur le prix et sur les modalités de paiement ; ainsi que l'a énoncé le tribunal, les messages envoyés en janvier 2017 par le dirigeant de la SARL Action Group à celui de la SAS MRP révèlent que celui-là s'est engagé en pleine connaissance de cause à payer le droit d'entrée ; cette obligation librement contractée n'est prohibée par aucune règle de droit, et il n'apparaît pas que la société mandante, pour demander ce paiement à la société mandataire en contrepartie de l'accès à son fichier clients, ait fait état, à un moment quelconque, de la cession d'une carte de VRP. Les sommes ainsi versées, en vertu de cet accord des parties librement conclu entre elles et conformément au droit, n'ont pas été payées indûment et n'ont pas à être restituées. Le jugement sera confirmé, en ce qu'il a rejeté cette demande de la SARL Action Group.

II ' Sur la demande de rappel de commissions :

La SARL Action Group demande à ce titre l'allocation d'une somme de 80 333,12 euros, qu'elle détaille comme suit : 37 649,57 euros pour des ventes faites à des professionnels ; 35 825,44 euros pour des ventes directes à des associations ou à des clubs ; et 10 458,11 euros pour des ventes faites directement par internet (soit en réalité un total de 83 933,12 euros). Elle fonde sa demande sur des listes de ventes et de commissions (pièces n° 56 à 58), qu'elle dit avoir établies sur la base d'informations que la SAS MRP a été contrainte de lui remettre, à la suite d'une sommation. Il convient d'examiner la demande, successivement pour chacun des postes de commissions en cause.

A) Ventes faites à des professionnels :

La SARL Action Group verse aux débats une « liste des ventes non commissionnées », qu'elle dit avoir établie au vu des données produites après sommation par la société mandante ; cette liste mentionne à chaque ligne un numéro de facture, un montant (celui de la vente), le taux de commission (6,5 ou 10,5), le montant de la commission calculé sur le prix de vente, et le nom du client (un revendeur professionnel) : pièce n° 56. La SARL Action Group précise que la SAS MRP a omis, en fraude de ses droits à commissions, de reporter dans les relevés de commissions certaines des ventes qu'elle avait conclues par son intermédiaire, alors même que l'état des vente qu'elle lui avait communiqué mentionnait des ventes aux clients concernés ; elle en veut pour preuve, à titre d'exemple, certaines ventes mentionnées sur les pièces adverses n° 15, 16, 17 et 17.b, pour lesquelles la SARL Action Group cite nommément le client, et parfois la date de la vente et le numéro de facture. La société appelante prend plus particulièrement l'exemple d'une vente conclue le 31 décembre 2019 date de la facture, auprès du revendeur FX Motors, pour un prix de 13 500 euros, et qui n'a pas donné lieu à commission, au contraire d'autres ventes réalisées auprès du même client, pour des montants moins élevés (page 19 des conclusions de la SARL Action Group).

La SAS MRP réplique que la société mandataire était, selon l'accord des parties, « commissionnée sur les produits figurant au catalogue MRP hors personnalisation et hors marque propre », cette dernière catégorie comprenant les vêtements et accessoires vendus par la SAS MRP sous la marque d'un distributeur, tel que Dafy Moto ou FX Motors ; elle précise qu'il était normal que la facture adressée le 31 décembre 2019 à FX Moto ne donne pas lieu à commission, s'agissant de la vente d'un équipement réalisé avec la marque de ce revendeur, et qu'il en était de même pour une facture n° 14 965 adressée à la société KTM Grand Lyon, s'agissant là aussi de la fourniture d'articles très personnalisés, dont il était convenu qu'ils n'entraient pas dans l'assiette des commissions dues à la SARL Action Group. La SAS MRP ajoute que les vêtements et les autres accessoires de la gamme vélo ne donnaient pas lieu non plus au versement de commissions à la société mandataire, et que celle-ci, qui ne pouvait ignorer les factures en cause, émises au nom de clients qu'elle connaissait bien, comme FX Motors avec lequel elle était en contact régulier, n'a pendant leur collaboration jamais demandé à la SAS MRP le paiement de commissions sur ces factures.

En l'état de ces affirmations contraires des parties, qui ne permettent de connaître ni le contenu exact de leurs accords, faute de contrat écrit ou d'autre élément de preuve suffisant, ni non plus d'ailleurs l'objet exact des factures pour lesquelles la SARL Action Group demande un rappel de commissions, il n'apparaît pas établi que ces mêmes factures portent sur des ventes qui, selon ces mêmes accords, étaient soumises à commission au bénéfice de la société mandataire. Celle-ci ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du bien fondé de sa demande de commissions pour ce premier poste.

B) Ventes faites directement à des associations :

La SAS MRP reconnaît qu'elle a décidé, en cours de vie du mandat, de négocier directement les ventes à des associations ; elle précise qu'elle a pris cette décision après avoir consulté la SARL Action Group, et que les modalités de la nouvelle organisation étaient précisées dans les conditions de vente 2018-2019 : la SAS MRP entrait elle-même en contact avec les clubs ou associations, et leur proposait de personnaliser leurs tenues ; si l'association passait commande, elle indiquait à la SAS MRP le nom de son revendeur ; la SAS MRP prenait contact avec le revendeur, et lui demandait s'il souhaitait « prendre l'ordre » ; dans l'affirmative, la SAS MRP appliquait le tarif revendeurs, le détaillant percevait sa marge de 15 %, et la SARL Action Group recevait sa commission sur la vente ; si le revendeur ne souhaitait pas prendre l'ordre, la SAS MRP lui accordait un avoir de 15 %, dont il bénéficiait à l'occasion de leur prochaine commande, la SARL Action Group étant commissionnée sur cette dernière commande. Elle ajoute que les opérations auprès des associations ou clubs sportifs ont toujours été étrangères au périmètre du mandat confié à la société Action Group (page 27 de ses conclusions).

La SARL Action Group demande paiement, sur la base d'une « liste des ventes non commissionnées sur vente aux associations » (pièce n°58), de la somme de 35 825,44 euros ; elle reproche à la SAS MRP d'avoir varié au cours de la procédure, dans la description du système de « cagnottage » qu'elle avait instauré, et de ne pas avoir fait fonctionner effectivement ce système.

La solution à apporter à ce chef de litige repose sur la question de savoir si la SARL Action Group était en droit, selon les accords des deux sociétés, de percevoir des commissions sur des commandes passées par des clubs ou associations, ce qu'elle revendique en demandant paiement de commissions sur de telles commandes, ce que conteste la société mandante, qui affirme que ces commandes étaient exclues du périmètre du mandat.

En l'absence d'acte contractuel, il incombe à la SARL Action Group de rapporter par tout autre moyen la preuve de l'obligation de la SAS MRP sur ce point, preuve qui pourrait résulter notamment du versement de commissions réalisé, au cours du mandat, par la société mandante sur des commandes passées par des clubs ou associations ; or la société appelante ne rapporte pas cette preuve, et ne fait pas état de tels versements ; une liste de clients, que la SAS MRP a envoyée en février 2017 à la SARL Action Group, et que celle-ci verse aux débats (pièce n° 6), ne contient a priori aucun nom d'association, mais seulement de revendeurs professionnels, ce qui tend à confirmer que, comme le déclare la société mandante, aucun commissionnement n'était convenu entre elles sur les commandes faites par des associations. Au vu de ces éléments incertains, il n'apparaît pas établi que la commune intention des parties ait été d'inclure les associations dans le mandat qu'elles ont conclu. C'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande formée de ce chef par la SARL Action Group.

C) Commandes passées par internet :

Les parties s'opposent à nouveau sur la portée du mandat : la SAS MRP expose que les ventes « en ligne », comme celles faites à des associations, ont toujours été exclues du périmètre du mandat ; la SARL Action Group soutient que le mode de passation d'une commande, qu'elle soit faite par téléphone, télécopie, internet ou envoi postal, est totalement indifférent à la naissance du droit à commission pour l'agent commercial.

Rien n'interdit cependant aux parties de convenir que telle type de commande sera exclu du mandat commercial ; la SARL Action Group ne rapporte aucune preuve que le mandat que lui a donné la SAS MRP ait aussi porté sur les commandes passées au moyen d'internet par des clients domiciliés dans le secteur géographique qui lui était attribué : elle ne justifie d'aucune commission reçue pour une commande de ce type. Le jugement sera encore confirmé, en ce qu'il a rejeté sa demande de ce chef.

III ' Sur l'indemnité de rupture :

La société Action Group concluent à l'irrecevabilité de l'appel incident formé par la SAS MRP, et qui tend à remettre en cause le principe de l'indemnité de rupture du mandat, au paiement de laquelle le tribunal l'a condamnée : la société Action Group fait valoir que la société MRP avait interjeté un appel principal contre le jugement, en contestant sa condamnation au paiement d'une indemnité de rupture, mais que cette procédure d'appel a fait l'objet d'une ordonnance de radiation prononcée par le magistrat chargé de la mise en état, pour inexécution du jugement, et que la SAS MRP et son mandataire judiciaire ne peuvent, par le biais d'un appel incident, remettre en cause le principe même de l'indemnité de rupture.

La SAS MRP reconnaît cette radiation, prononcée le 19 mai 2022 dans la procédure n°22/186, ouverte à la suite de l'appel principal qu'elle avait interjeté ; elle conclut néanmoins à la recevabilité de son appel incident, sans motiver davantage cette demande.

Selon l'article 526 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider la radiation de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives, ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter sa décision. La décision de radiation interdit, selon le même article, l'examen des appels principaux et incidents ou provoqués.

Dans le cas particulier, la SAS MRP n'a pas été en mesure de justifier que sa situation autorisait une suspension de l'exécution provisoire, puisque sa demande de suspension a été rejetée par la première présidente de la cour d'appel, de sorte que son appel principal a fait l'objet d'une radiation ; elle ne saurait, dans le cadre de l'instance distincte ouverte par l'appel principal de son adversaire, faire échec à cette sanction, en formant un appel incident pour remettre en cause le chef de décision qu'elle contestait par son appel principal : sa condamnation à payer une indemnité de rupture du mandat commercial. Il convient de déclarer son appel incident irrecevable, de sorte que la cour n'est saisie que du montant de cette indemnité, seul contesté par la société Action Group dans le cadre de son appel principal.

Le tribunal a exactement fixé le montant de l'indemnité compensatrice du préjudice causé par la rupture, en le calculant sur la base d'un an de commissions, somme appropriée au regard des éléments propres à l'espèce et notamment de la faible durée du mandat (environ trois années). Le jugement sera confirmé, sauf à substituer une fixation de créance à la condamnation, vu la procédure de redressement judiciaire en cours à l'égard de la SAS MRP.

IV ' Sur les autres demandes :

Le tribunal a rejeté à bon droit la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par la SARL Action Group, qui ne rapporte pas la preuve qu'elle a subi un préjudice de cette nature.

La SARL Action Group demande d'autre part, à l'encontre de la SAS MRP, une somme de 30 000 euros « pour inexécution du contrat jusqu'à sa rupture », et à l'encontre des deux sociétés MRP et Mecanic Sport, une autre somme de 97 265 euros en réparation du préjudice financier consécutif à la rupture, et d'une indemnité de préavis de 12 158 euros.

Le tribunal a fixé l'indemnité de préavis à la somme de 8 120 euros sur la base de trois mois de commissions, au visa de l'article L. 134-11 du code de commerce, qui dispose que la durée du préavis est de trois mois pour la première année commencée et les années suivantes. Ce chef de décision apparaît bien fondé, dès lors que la demande en paiement d'un arriéré de commissions est rejetée, de sorte que la base de calcul du préavis n'a pas à inclure cet arriéré. C'est encore à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de la SARL Action Group contre la société Mecanic Sport : seul le mandant est tenu de respecter le préavis, ou à défaut de payer une indemnité à ce titre.

La SARL Action Group demande, au titre de son préjudice financier consécutif à la rupture, un complément d'indemnité de rupture, qu'elle a déterminé sur la base de l'arriéré de commissions qu'elle réclame (page 26 de ses conclusions) ; de même que pour l'indemnité de préavis, cette demande doit être rejetée puisqu'il n'est pas fait droit à la demande de rappel de commissions.

La société appelante demande enfin l'allocation d'une indemnité de 30 000 euros, pour les préjudices résultant de fautes commises par la SAS MRP pendant l'exécution de son mandat : retards permanents dans le paiement des commissions, modification des modalités de commercialisation en fraude des droits des revendeurs et de l'agent commercial (avec l'institution du « cagnottage », qui en fait n'a pas été mis en oeuvre), fraude aux droits de l'agent, qui n'a pas reçu de commissionnement sur les ventes conclues par internet et sur certains articles personnalisés.

Comme déjà énoncé, la SARL Action Group ne rapporte la preuve de son droit à commission ni sur les commandes passées par internet, ni sur celles portant sur des articles personnalisés, ni non plus sur celles faites par des clubs ou des associations (seules ayant donné lieu à des ventes directes par la SAS MRP, avec le « cagnottage »), de sorte qu'elle ne peut demander réparation des préjudices que lui aurait causés la société mandante, pour des faits en relation avec ces types de commandes.

La seule faute établie à l'encontre de la SAS MRP, en cours de mandat, est constituée des retards de paiements, qui se sont répétés et prolongés à plusieurs reprises, et ont fait l'objet de relances de la part du dirigeant de la SARL Action Group ; cependant et comme l'a relevé le tribunal, la somme de 30 000 euros demandée à ce titre n'est nullement justifiée dans son montant, étant rappelé que selon l'article 1231-6 du code civil, le retard dans le paiement d'une somme d'argent n'est en principe réparé que par l'application de l'intérêt au taux légal, à moins que le créancier ne rapporte la preuve d'un préjudice indépendant du retard et d'une mauvaise foi du débiteur, preuve qui n'est pas rapportée dans le cas particulier. Le jugement sera encore confirmé, en ce qu'il a rejeté cette demande.

Les dépens d'appel seront mis à la charge de la SARL Action Group, dont les demandes sont rejetées pour le principal. Il n'est pas contraire à l'équité de laisser à chacune des parties la charge des frais d'instance non compris dans les dépens, qu'elle a exposés en cause d'appel.

Le jugement sera réformé vu l'évolution du litige et le redressement judiciaire de la SAS MRP : aux condamnations prononcées contre elle en première instance, seront substituées la fixation de créances de même montant, au bénéfice de la SARL Action Group.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Déclare irrecevable l'appel de la SAS MRP et de la SELARL MJ [T], sur le principe du versement d'une indemnité de rupture ;

Vu l'évolution du litige,

Réforme le jugement déféré, en toutes ses condamnations prononcées contre la SAS Motorspeed Racing Products (MRP) et, statuant à nouveau de ces chefs,

Fixe au passif de la SAS Motorspeed Racing Products (la société MRP) les créances suivantes de la SARL Action Group : 32 480 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture du mandat commercial ; 8 120 euros au titre du préavis ; 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance ;

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Fixe les dépens d'appel au passif de la SARL Action Group, et accorde à la SCP d'avocats Collet-de Rocquigny-Chantelot-Brodiez-Gourdou & Associés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes.