Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 20 mars 2024, n° 20/04122

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Home By Home (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brue

Conseillers :

Mme Allard, Mme de Bechillon

Avocats :

Me Drevet, Me Garay

TJ Draguignan, du 30 janv. 2020, n° 18/0…

30 janvier 2020

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [S] [O] épouse [X] et M. [V] [X] ont passé commande auprès de la S.A.R.L. Home by Home le 19 Mai 2017 de quatre canapés trois places, quatre fauteuils et douze têtières en cuir pour le prix de 16 100 euros TTC, frais de transport offerts. Ces meubles ont été livrés le 4 octobre 2017.

Faisant valoir que le revêtement en cuir de ce mobilier était détérioré à plusieurs emplacements, Mme [O] épouse [X] et M. [X] ont demandé le remplacement des meubles qui a été refusé par la S.A.R.L. Home by Home.

Par exploit d'huissier du 22 janvier 2018, Mme [O] épouse [X] et M. [X] ont saisi le juge des référés du tribunal d'instance de Fréjus afin de se voir rembourser le prix des meubles. Le juge des référés a dit n'y avoir lieu à statuer en présence d'une contestation sérieuse. Le 12 avril 2018, Mme [O] épouse [X] et M. [X] ont saisi le tribunal d'instance de Fréjus devant lequel ils se sont désistés de leur instance le 4 septembre 2018.

Par assignation du 2 mai 2018, Mme [O] épouse [X] et M. [X] ont fait citer la S.A.R.L. Home by Home devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d'obtenir sa condamnation en raison des défauts de conformité de délivrance des biens.

Par jugement rendu le 30 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

- prononcé la résolution du contrat de vente portant sur les quatre canapés, quatre fauteuils et douze têtières en cuir commandés le 19 mai 2017 et livrés le 4 octobre 2017 entre la S.A.R.L. Home by Home et Mme [O] épouse [X] et M. [X],

- ordonné à la S.A.R.L. Home by Home de récupérer à ses frais les quatre canapés, les quatre fauteuils et les douze têtières se trouvant au [Adresse 1], sous astreinte de 150 euros par jour de retard, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

- dit que l'astreinte provisoire courra pendant un délai de six mois à l'issue duquel elle pourra être liquidée en tant que de besoin,

- condamné la S.A.R.L. Home by Home à restituer à M. [X] et Mme [O] épouse [X] ensemble la somme de 11 100 euros,

- rejeté la demande à titre de dommages-intérêts,

- condamné la S.A.R.L. Home by Home à payer à M. [X] et Mme [O] épouse [X] ensemble la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de la S.A.R.L. Home by Home au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.R.L. Home by Home aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que le constat d'huissier produit par les demandeurs avait établi que les emballages étaient toujours présents sur les meubles et ne présentaient pas de détériorations. Le tribunal a jugé que les désordres ne pouvaient donc pas être constatés dès la livraison et qu'il était improbable qu'ils soient survenus postérieurement à la livraison au vu du nombre de meubles touchés et du fait que les demandeurs n'auraient pas enlevé les protections sur des meubles de cette valeur dans une maison en travaux. Le tribunal a considéré en outre que la réparation par le changement du cuir n'était pas possible, puisque la teinte en serait différente et qu'il convenait donc de prononcer la résolution de la vente.

Par déclaration transmise au greffe le 17 mars 2020, la S.A.R.L. Home by Home a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [O] épouse [X] et M. [X].

Vu les conclusions transmises le 7 octobre 2020 au visa des articles L. 217-4, L. 217-7, L.217-8 et L. 217-10 du code de la consommation, 1102 à 1104 du code civil et 4 à 7, 9, 696 et 700 du code de procédure civile par l'appelante, la S.A.R.L. Home by Home, qui demande à la cour de :

- débouter Mme [O] épouse [X] et M. [X] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 30 janvier 2020 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- débouter purement et simplement Mme [O] épouse [X] et M. [X] de toutes leurs demande, fins et conclusions,

- condamner solidairement Mme [O] épouse [X] et M. [X] au paiement d'une indemnité de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et à une indemnité de 6 000 euros au titre de l'article 700 pour la procédure d'appel,

- condamner solidairement Mme [O] épouse [X] et M. [X] aux entiers dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

La S.A.R.L. Home by Home considère que le tribunal a mal interprété le constat d'huissier du 26 janvier 2018 en exposant que les emballages étaient toujours présents sur les meubles lors de ce constat alors qu'il ressort des photographies annexées audit constat que les meubles sont déballés et l'étaient déjà avant la venue de l'huissier. Elle en conclut donc que les intimés n'ont pas déballé les meubles au moment de la livraison mais après celle-ci.

L'appelante fait valoir que les articles L. 217-7, L. 217-8 et L. 217-10 du code de la consommation visés dans le jugement ne sont donc pas applicables à l'espèce, puisqu'ils visent des défauts de conformité, alors que les meubles sont parfaitement conformes à leur usage mais sont uniquement entachés de défauts. Elle considère que ces vices ne sont pas du fait du livreur, puisqu'ils n'étaient pas mentionnés à la livraison tel que le contrat le prévoit et qu'ils n'ont pas été causés au moment de leur emballage. Ainsi, la S.A.R.L. Home by Home affirme qu'il s'agit de vices accidentels causés par les ouvriers dans la maison en travaux et fait valoir qu'elle est déchargée de toute obligation, puisqu'ils n'ont pas respecté leur obligation de déballage en présence du livreur prévue contractuellement. Elle estime donc qu'ils ne peuvent se prévaloir d'aucun vice survenu postérieurement à la livraison.

Enfin, l'appelante considère que la résolution de la vente est impossible, puisque les meubles ont subi un dégât des eaux qui empêche leur restitution au vendeur dans l'état dans lequel ils se trouvaient au moment de la livraison.

Vu les conclusions transmises le 7 juillet 2020 au visa des articles L. 217-4, L.217-7, L.217-8 et L. 217-10 du code de la consommation, par les intimés, Mme [S] [O] épouse [X] et M. [V] [X], qui demandent à la cour de :

- débouter la S.A.R.L. Home by Home de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Draguignan rendu le 30 janvier 2020,

- condamner la S.A.R.L. Home by Home à leur payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la S.A.R.L. Home by Home à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la S.A.R.L. Home by Home aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Mme [O] épouse [X] et M. [X] font valoir que les défauts qui fondent leur action en résolution de la vente sont effectivement des défauts de conformité soumis aux dispositions des articles L.217-4, L. 217-7 et L. 217-8 du code de la consommation, puisque ce terme vise également les imperfections, ce qui est le cas en l'espèce, dès lors que le cuir de trois canapés, d'un fauteuil et de trois têtières est abîmé.

Les intimés exposent qu'ils n'ont pas déballé les meubles devant le livreur mais quelques heures après le passage de celui-ci mais qu'ils ont immédiatement informé la S.A.R.L. Home by home des défauts par SMS avant de lui adresser une lettre recommandée le 6 octobre 2017. Ils font également valoir que lors du constat d'huissier, les emballages étaient simplement baissés pour permettre de les recouvrir et les protéger ce qui signifie qu'ils n'ont pas pu être abîmés entre la livraison et le constat.

Mme [O] épouse [X] et M. [X] font valoir qu'en application de l'article L.217-7 du code de la consommation, le simple fait qu'ils n'aient pas déballé les meubles devant le livreur ne permet pas à l'appelante de s'exonérer de son obligation de délivrance conforme.

Les intimés considèrent que le remplacement du mobilier abîmé est impossible, car la teinte du cuir ne serait pas semblable et sollicitent donc la résolution de la vente induisant la restitution de l'ensemble des éléments livrés. Ils exposent que les dommages causés par le dégât des eaux subi a été indemnisé par leur assurance et font donc valoir que conformément au jugement, le prix payé à l'appelante sera restitué par elle mais réduit de la somme de 5 000 € perçue à ce titre.

Vu l'avis de fixation du 17 octobre 2023 pour l'audience du 7 février 2024 et l'ordonnance de clôture de la mise en état rendue le 10 janvier 2024 ;

Motivation

MOTIFS

Aux termes de l'article L. 217-4 du code de la consommation, le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.

L'article L. 217-7 du même code précise que les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.

La notion de conformité telle que mentionnée s'entend, d'une façon générale, au regard de l'usage habituellement attendu d'un bien semblable, de sorte que toute impropriété de la chose à sa destination normale, appréciée in abstracto, constitue bien une non-conformité.

La conformité s'entend également des attentes légitimes de l'acquéreur, qui lorsqu'il achète un meuble neuf, attend nécessairement que celui-ci soit exempt de tout défaut, la qualité du bien acquis constituant un élément essentiel du contrat au même titre que la durabilité, la fonctionnalité et la sécurité du bien.

Etant rappelé que les défauts sont présumer exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire, il apparaît, à l'inverse de ce qu'indique la venderesse, que dès le 6 octobre 2017, soit deux jours après la livraison, les acquéreurs ont signalé les détériorations affectant les canapés et fauteuils acquis, précisant que les emballages ne comportaient aucune trace.

Il apparaît effectivement, comme l'invoque l'appelante, que le bon de livraison des meubles ne comporte aucune mention de ces accrocs, relevant seulement le manque de deux tétières.

Ce bon de livraison invite à vérifier l'intégralité de la commande en présence du livreur, et prévoit plusieurs cases distinctes à cet effet. Il apparaît que seul 'l'état de l'emballage et le nombre de colis' a fait l'objet d'une vérification, et non 'l'état du produit après déballage par le livreur'.

Cette pièce appelle plusieurs observations. D'une part, il contient une invitation à vérifier la commande, aucune conséquence sur la relation contractuelle n'étant mentionnée en l'absence de telle vérification ; d'autre part, il est mentionné que le déballage doit être fait par le livreur, de sorte qu'il ne peut valablement être reproché aux acquéreurs de ne pas y avoir procédé eux-même lors de la livraison.

Le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 28 janvier 2018 recensant les désordres corrobore par ailleurs les griefs formulés dès leur premier courrier par les époux [X] quant au nombre et la description des accrocs. Il indique qu''à mon arrivée j'observe que les canapés et fauteuils sont encore emballés, certains comportent encore l'étiquetage indiquant la typologie du modèle'.

S'il est exactement relevé par la Sarl Home By Home que les photographies annexées au procès-verbal montrent les canapés sans emballage, cela ne remet pour autant pas en cause la fiabilité du contenu littéral du procès-verbal du commissaire de justice, lequel est d'ailleurs corroboré par le courrier adressé immédiatement dans les suites de la livraison par les acquéreurs.

Il se déduit ainsi de ces différentes pièces qu'il est établi que les accrocs dénoncés par les époux [X] étaient présents dès la livraison, aucun élément à l'inverse n'indiquant que ces accrocs seraient dus aux ouvriers intervenant au domicile des intimés.

Ainsi, ll n'est pas discuté que les meubles acquis comportent des accrocs et rayures.

Ces accrocs, affectant plusieurs canapés parmi les biens meubles livrés, affectent tant l'aspect esthétique des canapés et fauteuils livrés que la durabilité et la qualité qui sont légitimement attendues lors d'une telle acquisition de biens neufs.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu un manquement à son obligation de conformité.

L'article L. 217-10 du code de la consommation dispose que si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix, ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.

Le consommateur peut également recourir à cette disposition si le remplacement du bien litigieux ne peut être fait sans inconvénient majeur pour lui compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il en recherche.

Il a été justement relevé par le premier juge que la réparation des seuls biens affectés, en raison du revêtement en cuir, teinté, ne permettrait pas une teinte identique à l'origine, justifiant le prononcé de la résolution de la vente dans son entièreté et la restitution du prix après déduction de la somme de 5 000 euros perçue par les époux [X] de leur assureur suite au dégât des eaux ayant affecté, au moins partiellement, les meubles.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'article 32-1 du code de procédure civile sanctionne l'abus du droit d'agir ou de se défendre en justice par le versement d'une amende civile au trésor public et de dommages et intérêts à l'adversaire.

L'abus suppose la caractérisation d'une faute susceptible de faire dégénérer en abus le droit d'ester ou de se défendre en justice.

En l'espèce, il ne peut se déduire de son seul positionnement procédural que la Sarl home By Home a entendu abuser de son droit d'agir en justice.

Les époux [X] seront donc déboutés de leur demande.

Sur les frais du procès

L'issue du litige commande de confirmer le jugement statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

Succombant en cause d'appel, la Sarl home By Home sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Elle sera par ailleurs condamnée à régler la somme de 3 000 euros à Mme [S] [O] épouse [X] et M. [V] [X] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la Sarl home By Home aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la Sarl home By Home à régler à Mme [S] [O] épouse [X] et M. [V] [X] la somme de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.