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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 19 mars 2024, n° 20/06095

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Environnement de France (SAS)

Défendeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Conseillers :

M. Pothier, Mme Barthe-Nari

Avocats :

Me Frenehard, Me Honhon, Me Castres

CA Rennes n° 20/06095

18 mars 2024

EXPOSÉ DU LITIGE :

A la suite d'un démarchage à domicile, M. [K] [M] a, selon bon de commande du 18 juin 2015 (n° 2620), commandé à la société Habitat de France, devenue Environnement de France, la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque et d'un système de chauffage GSE Air System, moyennant le prix de 29 000 euros TTC.

En vue de financer cette opération, la société Sygma Banque (la société Sygma) a, selon offre acceptée le même jour, consenti à M. [M] et M. [W] [T] (les consorts [M]-[T]) un prêt de 29 000 euros au taux de 5,28 % l'an, remboursable en 180 mensualités de 303,83 euros, assurance emprunteur comprise, après un différé d'amortissement de 9 mois.

La société Sygma a débloqué les fonds au vu d'un certificat de livraison du 7 août 2015.

Prétendant que le bon de commande était irrégulier et que l'installation était affectée de malfaçons, les consorts [M]-[T] ont, par actes des 13 et 14 février 2019, fait assigner devant le tribunal d'instance, devenu le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes, la société Environnement de France et la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF), se trouvant aux droits de la société Sygma, en annulation, ou à défaut, en résolution, des contrats de vente et de prêt.

Par jugement du 3 novembre 2020, le premier juge a :

prononcé l'annulation du contrat conclu le 18 juin 2015 entre les consorts [M]-[T], d'une part, et la société Environnement de France, venant aux droits de la société Habitat de France, d'autre part,

prononcé l'annulation du contrat de crédit conclu le même jour entre les consorts [M]-[T], d'une part, et la BNP PPF, venant aux droits de la société Sygma, d'autre part,

condamné la société Environnement de France à reprendre l'ensemble des matériels posés au domicile des consorts [M]-[T] dans les deux mois suivant la signification du jugement, après en avoir prévenu ces derniers 15 jours à l'avance, et remettre la toiture en l'état antérieur, le tout à ses frais,

débouté la BNP PPF de sa demande en restitution du capital emprunté,

ordonné à la BNP PPF de procéder à la radiation de l'inscription des consorts [M]-[T] au fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels (FICP), prise au titre du crédit conclu le 18 juin 2015,

condamné la société Environnement de France à payer à la BNP PPF la somme de 14 000 euros, au titre de sa garantie,

condamné la BNP PPF et la société Environnement de France in solidum aux dépens,

condamné la BNP PPF et la société Environnement de France in solidum à payer aux aux consorts [M]-[T] une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties de toutes autre demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

La société Environnement de France a relevé appel de ce jugement le 11 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions du 9 mars 2021, elle demande à la cour de :

réformer le jugement dont appel,

constater la validité des contrats d'achat et de crédit,

constater en tout état de cause, l'exécution volontaire du contrat par les demandeurs,

dire que la société Environnement de France, (anciennement dénommée Habitat de France), a parfaitement satisfait à ses obligations contractuelles,

dire n'y avoir lieu à nullité des conventions pour quelque cause que ce soit,

condamner les consorts [M]-[T] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens.

Par arrêt du 30 juin 2023, la cour a :

constaté l'interruption de l'instance par l'effet du jugement du 29 mars 2023 ouvrant la procédure de liquidation judiciaire de la société Environnement de France,

révoqué l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire devant le conseiller de la mise en état aux fins de mise en cause du mandataire liquidateur de la société Environnement de France,

dit que cette mise en cause devra intervenir avant le 5 septembre 2023,

réservé les dépens.

La BNP PPF a, par acte du 4 septembre 2023, fait assigner en intervention forcée la SCP BTSG, prise en la personne de M. [F] [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Environnement de France.

Celle-ci n'a cependant pas constitué avocat devant la cour.

En leurs dernières conclusions du 22 mars 2023, les consorts [M]-[T] demandent à la cour de :

dire infondé l'appel formé par la société Environnement de France à l'encontre du jugement attaqué,

débouter la société Environnement de France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

débouter également la BNP PPF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux intérêts des consorts [M]-[T],

à titre principal, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

prononcé l'annulation du contrat de vente conclu le 18 juin 2015 entre les consorts [M]-[T] et la société Environnement de France,

prononcé l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 18 juin 2015 entre les consorts [M]-[T] et la société Sygma, aux droits de qui intervient la BNP PPF, annulation qui déchoit cette dernière de son droit aux intérêts,

condamné la société Environnement de France à procéder à la dépose des matériels vendus en exécution du bon de commande annulé, et, statuant à nouveau, dire également que l'annulation du bon de commande oblige la société Environnement de France à restituer aux consorts [M]-[T] le montant de la commande, soit 29 000 euros auxquels sont déduits les 2 000 euros de remise accordés par la société Environnement de France,

condamné la BNP PPF à restituer aux consorts [M]-[T] le montant des mensualités payées en exécution du contrat de crédit affecté annulé,

ordonné à la BNP PPF de procéder à la mainlevée de l'inscription des consorts [M]-[T] du fichier FICP de la Banque de France,

à titre subsidiaire, si la cour ne confirmait pas l'annulation du bon de commande et du contrat de crédit affecté, elle ne pourra subsidiairement que statuer à nouveau et :

prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente conclu le 18 juin 2015 entre les consorts [M]-[T] et la société Environnement de France,

prononcer la résolution judiciaire de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 18 juin 2015 entre les consorts [M]-[T] et la société Sygma, aux droits de qui intervient la BNP PPF, résolution judiciaire qui déchoit cette dernière de son droit aux intérêts,

condamner la société Environnement de France à procéder à la dépose des matériels vendus en exécution du bon de commande judiciairement résolu, et dire également que la résolution judiciaire du bon de commande oblige la société Environnement de France à restituer aux consorts [M]-[T] le montant de la commande, soit 29 000 euros auxquels sont déduits les 2 000 euros de remise accordés par la société Environnement de France,

condamner la BNP PPF à restituer aux consorts [M]-[T] le montant des mensualités payées en exécution du contrat de crédit affecté annulé, et ordonner à la BNP PPF de procéder à la mainlevée de l'inscription des consorts [M]-[T] du fichier FICP de la Banque de France,

en tout état de cause : confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que la BNP PPF a commis une faute dans son déblocage des fonds,

dans le cas où la cour confirmera l'annulation des contrats ou prononcera leur résolution judiciaire : confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que la faute extracontractuelle de la BNP PPF la prive de son droit à restitution du capital prêté aux consorts [M]-[T], ayant causé à ces derniers un préjudice à la hauteur de ce montant de 29 000 euros,

subsidiairement, dans le cas où la cour ne confirmera pas l'annulation des contrats, ni ne prononcera leur résolution judiciaire: statuer à nouveau et condamner la BNP PPF à payer aux consorts [M]-[T] des dommages-intérêts d'un montant de 29 000 euros, en réparation du préjudice causé à ceux-ci par sa faute contractuelle,

très subsidiairement, dans le cas où la cour confirmera l'annulation des contrats ou prononcera leur résolution judiciaire, mais réformera le jugement déféré en ce qu'il a privé la BNP PPF de l'intégralité de sa créance de restitution du capital du prêt : statuer à nouveau et dire que la faute extracontractuelle de la BNP PPF a causé aux consorts [M]-[T] un préjudice de 26 100 euros, dont le montant est déduit de la créance de restitution du capital de 29 000 euros dont bénéficie la BNP PPF,

confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a solidairement condamné la société Environnement de France et la BNP PPF aux dépens de première instance et à payer aux consorts [M]-[T] une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et condamner solidairement la société Environnement de France et la BNP PPF à leur payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions du 2 novembre 2023, la BNP PPF demande enfin à la cour de :

accueillir son appel incident,

réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

débouter les consorts [M]-[T] de l'intégralité de leurs demandes,

subsidiairement, en cas de confirmation de la nullité, par adoption ou substitution de motifs, condamner solidairement les consorts [M]-[T] à payer à la BNP PPF la somme de 29 000 euros, correspondant au montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,

dire que BNP PPF devra restituer aux consorts [M]-[T], le montant des échéances versées, après justification de leur part, de la restitution du matériel, de la résiliation du contrat avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'électricité et au Trésor Public des crédits d'impôt perçus,

débouter les consorts [M]-[T] de toute autre demande, fin ou prétention,

condamner la société Environnement de France (anciennement dénommée Habitat de France) à payer à la BNP PPF la somme de 29 000 euros, correspondant au montant du capital prêté, à titre de garantie,

fixer la créance de la BNP PPF au passif de la liquidation judiciaire de la société Environnement de France, à titre chirographaire, à hauteur de 29 000 euros,

en tout état de cause, condamner la partie succombante à lui payer une indemnité de 2 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 14 décembre 2023.

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera d'abord observé que, bien que dessaisie au profit de son mandataire judiciaire de ses droits et actions du fait de la procédure de liquidation judiciaire dont elle a fait l'objet, la société Environnement de France conserve un droit propre, distinct de celui du liquidateur, pour contester la fixation de créances à son passif.

La cour demeure donc saisie des contestations exprimées dans ses conclusions qu'elle avait déposées alors qu'elle était encore in boni, lesquelles sont en toute hypothèse reprises par la BNP PPF.

Sur la nullité du contrat principal

Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,

le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,

son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,

les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,

le prix du bien ou du service,

les modalités de paiement,

en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,

s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,

la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,

lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,

le numéro d'inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification,

l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.

Pour annuler le contrat de vente régularisé le 18 juin 2015, le premier juge a retenu que le bon de commande était irrégulier en ce que n'étaient indiqués ni les références de tous les produits vendus, ni la surface ni le poids ni la composition des panneaux, ni leurs caractéristiques en termes de rendement, de capacité de production et de performance, et que le contrat ne précisait pas davantage les détails techniques de la pose de ces matériels.

Les consorts [M]-[T] arguent en outre que le bordereau de rétractation est erroné quant aux modalités et aux conditions d'exercice du droit de rétractation, que le délai d'installation n'est pas stipulé et que le bon de commande n'indique pas le nombre de bouches d'insufflation du système GSE Air System.

Il sera d'abord observé que les consorts [M]-[T] produisent devant la cour deux bons de commande, le premier en date du 18 juin 2015 (n° 2620) mentionnant la pose de 14 panneaux, et le second (n° 2754), qui aurait été antidaté au 18 juin 2015 et qui annulerait et remplacerait le précédent bon de commande en réduisant le nombre de panneaux à 12.

La société Environnement de France confirme dans ses écritures que n'ayant pu installer les 14 panneaux initialement prévus au contrat, les parties sont convenues de réduire le nombre de panneaux à 12, en contrepartie de quoi le fournisseur s'engageait à rembourser aux consorts [M]-[T] une somme de 2 000 euros, les parties régularisant ainsi un nouveau bon de commande portant sur 12 panneaux.

Il y a donc lieu d'en déduire que le bon de commande n° 2754 lie contractuellement les parties, en ce qu'il annule et remplace le bon de commande n° 2760, étant toutefois observé que les causes de nullité reprochées par les consorts [M]-[T] sont exactement les mêmes concernant les deux bons de commande, ceux-ci reprenant les mêmes informations, à l'exception du nombre de panneaux et de la puissance totale de l'installation.

Il ressort à cet égard de l'examen de ce bon de commande que celui-ci indique la marque (Solarworld, Bosch), ainsi que le nombre (12), la puissance 250 w des panneaux photovoltaïques, leur performance, rendement et capacité de production étant suffisamment déterminés par l'indication de leur nombre et de leur puissance.

Le bon de commande mentionne également la marque de l'onduleur (Eaton).

En outre, rien ne démontre que le poids, la taille et l'aspect des panneaux photovoltaïques, le modèle et la puissance de l'onduleur, ou la référence des autres matériels fournis, de même que le nombre de bouches d'insufflation du système aérovoltaïque, seraient entrés dans le champ contractuel et constitueraient des caractéristiques essentielles des produits fournis.

En revanche, il est exact que le bon de commande ne mentionne pas le délai d'exécution du contrat.

En effet, s'il est mentionné une date de livraison (18 septembre 2015), l'absence d'indication du délai d'exécution de la prestation accessoire de pose ne satisfait pas au texte précité.

En outre, le bordereau de rétractation est erroné quant aux modalités et conditions d'exercice du droit de rétractation.

En effet, si le formulaire de rétractation mentionne un délai de rétractation de 14 jours, il fait néanmoins courir ce délai 'au plus tard le quatorzième jour de la commande ou, si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour ouvrable suivant.'

Or, aux termes de l'article L. 121-21 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au contrat litigieux, le consommateur dispose, pour exercer son droit de rétractation, d'un délai de quatorze jours commençant à courir à compter du jour de la réception du bien par le consommateur pour les contrats de vente et les contrats de prestation de services incluant la livraison de biens, le consommateur pouvant, pour les contrats conclus hors établissement, exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.

Il en résulte que, si les consorts [M]-[T] pouvaient en l'espèce exercer leur droit de rétractation dès la conclusion du contrat conclu à leur domicile à la suite d'une opération de démarchage, le délai de quatorze jours ne commençait néanmoins à courir qu'à compter de la livraison des panneaux, et non à compter du jour de la commande.

En outre, il résulte de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, que, lorsque les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation mentionnées à l'article L. 121-17, I, 2° dudit code ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement, la nullité de ce contrat est encourue, de sorte qu'une telle sanction peut être invoquée par le souscripteur du contrat, au même titre que la prolongation du délai de rétractation prévu par l'article L. 121-21-1 du même code.

Les société Environnement de France et BNP PPF soutiennent que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que les consorts [M]-[T] auraient renoncé à invoquer en acceptant la livraison et la pose des matériels, en signant un procès-verbal de réception en émettant aucune réserve, en acceptant le raccordement de leur installation, et en procédant au règlement des échéances du prêt.

Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.

Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, les consorts [M]-[T] ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation, l'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux, de même que l'ordre donné à la banque de verser les fonds entre les mains du vendeur ne suffisant pas à caractériser qu'ils ont, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.

Par ailleurs, la seule reproduction des dispositions du code de la consommation au verso du bon de commande énonçant les conditions générales de vente ne suffisent pas à démontrer que les acquéreurs avaient pleine connaissance de cette réglementation et, de surcroît, que le contrat de vente la méconnaissait.

Au surplus, l'exemplaire du bon de commande du 18 juillet 2015 conclu avec la société Environnement de France ne comportait pas la reproduction des dispositions de l'article L. 121-21 indiquant que celui-ci devait comporter, à peine de nullité, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation de service.

En outre, même si l'exemplaire du bon de commande conclu avec la société Environnement de France comportait la reproduction des dispositions de l'article L. 121-21 ancien relatives au point de départ du délai de rétractation, les informations délivrées au consommateur étaient en contradiction avec celles figurant sur le bordereau de rétractation, de sorte qu'elles ne lui permettaient pas de comprendre les conditions d'exercice de ce droit et ne sauraient donc palier l'irrégularité d'un bordereau non conforme au formulaire type prévu par l'article R. 221-3 mentionnant que le délai court à compter de la livraison des biens.

Dès lors, rien ne démontre que les consorts [M]-[T] avaient connaissance de ces vices du bon de commande lorsqu'ils ont laissé la société Environnement de France intervenir à leur domicile et signé le certificat de livraison et d'installation.

Il n'est donc pas établi que les consommateurs aient, en pleine connaissance des irrégularités de ce contrat de vente affectant le délai d'exécution de la prestation accessoire de pose et le bordereau de rétractation, entendu renoncer à la nullité en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.

Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dol allégué ni sur la demande de résolution judiciaire du contrat, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu le 18 juin 2015 entre M. [M] et la société Environnement de France.

En conséquence de cette annulation impliquant que les parties soient remises dans leur situation antérieure, le premier juge a condamné la société Environnement de France à reprendre l'ensemble des matériels posés au domicile des consorts [M]-[T] dans les deux mois suivant la signification du jugement.

Cette demande n'est cependant pas recevable, dès lors qu'elle se heurte au principe d'ordre public selon lequel une entreprise en liquidation judiciaire ayant cessé son activité ne peut être condamnée à l'exécution d'une obligation de faire, celle-ci ne pouvant que se résoudre en dommages-intérêts à déclarer et à fixer au passif de la procédure collective.

Le jugement dont appel sera par conséquent infirmé sur ce chef.

Il en est de même de la demande en paiement des consorts [M]-[T] au titre de la restitution du prix du marché, également irrecevable en ce qu'elle se heurte au principe d'ordre public d'interdiction de prononcer une condamnation à paiement à l'égard d'une entreprise en liquidation judiciaire.

Sur la nullité du contrat de prêt

Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la société Sygma, aux droits de laquelle se trouve la BNP PPF, est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.

En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Environnement de France emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la BNP PPF, aux droits de la société Sygma.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de prêt conclu entre les consorts [M]-[T] et la BNP PPF, venant aux droits de la société Sygma.

La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par les emprunteurs.

A cet égard, la BNP PPF sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu des fautes la privant de son droit à restitution du capital emprunté, en soutenant que le prêteur n'est pas tenu de conseiller les emprunteurs sur l'efficacité juridique d'un contrat auquel il est tiers, et, d'autre part, qu'elle s'est libérée des fonds sur autorisation expresse des emprunteurs qui ont signé le certificat de livraison.

Les consorts [M]-[T] soutiennent quant à eux que le prêteur se serait fautivement dessaisi des fonds sans vérifier la régularité formelle du contrat principal au regard des dispositions du code de la consommation, et, d'autre part, sans s'assurer de l'exécution complète du contrat principal au vu d'un document n'attestant pas d'une fin des travaux.

Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.

Or, en l'occurrence, le certificat de livraison signé par M. [M] le 7 août 2015, faisait ressortir sans ambiguïté que celui-ci attestait ' sans réserve, que la livraison du ou des bien (s) et/ou la fourniture de la prestation de services (... ont) été pleinement effectuée(s) conformément au contrat principal de vente (qu'il a) préalablement conclu avec le vendeur ; que cette livraison et/ou fourniture est intervenue le 7 août 2015 (...et) qu'en conséquence, (il demandait) au prêteur, par (sa) signature du présent certificat et en (sa) qualité d'emprunteur, de procéder à la mise à disposition des fonds au titre dudit contrat de crédit affecté.'

La société Sygma, qui n'est pas un professionnel de la pose des panneaux et ne disposait pas de moyens techniques pour évaluer le temps nécessaire à la réalisation de l'ensemble des prestations accessoires, pouvait donc légitimement en déduire que l'ensemble des biens commandés avaient été livrés et l'intégralité des prestations accessoires d'installation réalisées, en se fiant aux déclarations figurant dans un certificat de livraison non équivoque établi par l'emprunteur sous sa responsabilité.

Cependant, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande ne mentionnait pas le délai d'exécution des prestations de service et que le bordereau de rétractation dont était doté ce bon de commande conclu avec la société Environnement de France, par l'intermédiaire de laquelle la société Sygma faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas se libérer des fonds entre les mains du fournisseur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès des consorts [M]-[T] qu'ils entendaient confirmer en tous points, l'acte irrégulier.

Le prêteur n'avait certes pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion du contrat principal, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du fournisseur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle du contrat principal, la société Sygma, qui ne pouvait ignorer les énonciations du bon de commande au vu duquel elle a apporté son concours, a commis une faute susceptible de la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.

Toutefois, la BNP PPF fait valoir à juste titre que cette dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par les emprunteurs de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.

Or, l'installation a été livrée, posée, mise en service, et produit de l'électricité, ainsi qu'il ressort du contrat d'achat d'électricité du 29 novembre 2016 et des factures de production d'électricité du 24 mai 2016 au 23 mai 2018 pour des montants de, respectivement, 610,12 euros et 823,46 euros.

Si les consorts [M]-[T] produisent un rapport d'expertise extrajudiciaire du 20 mars 2017 concluant que l'installation présente un défaut de branchement au niveau d'une gaine et des non conformités électriques dans la protection des connexions et dans la mise en oeuvre du système GSE, il demeure cependant que ces désordres apparus postérieurement à la délivrance des fonds à l'entreprise sont sans lien avec les causes de nullité non ratifiées du bon de commande et la faute de la banque de n'avoir pas su déceler l'irrégularité du bordereau de rétractation et l'absence d'indication du délai d'exécution du contrat.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la BNP PPF de sa demande de restitution du capital de 29 000 euros, et de condamner les consorts [M]-[T] au paiement de cette somme, sauf à déduire l'ensemble des règlements effectués par les emprunteurs au prêteur au cours de la période d'exécution du contrat de prêt.

Il est par ailleurs de principe que les intérêts d'une créance de restitution consécutive à l'annulation d'un contrat sont dus, conformément à l'article 1231-6 du code civil, à compter du jour de la demande en justice, formée en l'espèce à l'audience du juge des contentieux de la protection du 8 septembre 2020.

De même, la BNP PPF n'est nullement fondée à demander à la cour de subordonner la restitution des échéances du prêt honoré à la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'électricité et au Trésor public des crédits d'impôts perçus, alors que cette obligation de restitution ne procède que de l'annulation de plein droit du contrat de prêt et des restitutions réciproques qui en découlent.

Ayant obtenu la condamnation des consorts [M]-[T] à lui restituer le capital de 29 000 euros, la BNP PPF ne justifie à ce titre d'aucun préjudice de nature à justifier par surcroît la fixation de cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la société LCS.

Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a condamné la société Environnement de France à payer à la BNP PPF la somme de 14 000 euros, au titre de sa garantie.

Il convient d'observer par ailleurs que la banque ne sollicite pas la fixation de sa créance au titre des intérêts perdus du fait de l'annulation de plein droit du contrat de prêt.

En effet, en ne relevant pas les causes de nullité apparentes du bon de commande, la banque est elle-même responsable de son préjudice et ne saurait donc échapper à sa propre responsabilité en invoquant la faute commise par le fournisseur d'avoir proposé à l'adhésion de l'acquéreur un bon de commande non conforme aux dispositions relatives au démarchage à domicile.

Par ailleurs, puisqu'il a été jugé que la faute de la banque de n'avoir pas su déceler les irrégularités du bon de commande était sans lien causal avec le préjudice allégué par les consorts [M]-[T], leur demande de condamnation de la banque au paiement d'une somme de 26 100 euros à titre de dommages-intérêts est dénuée de fondement et sera rejetée.

Sur les autres demandes

Les consorts [M]-[T] sont par ailleurs en droit d'obtenir la condamnation du prêteur à accomplir les démarches nécessaires en vue de leur radiation du FICP, puisque l'annulation du contrat de prêt a pour effet d'effacer rétroactivement l'existence des incidents de paiement et que ces inscriptions sont, dès lors, dénuées de base légale.

La disposition du jugement y relative sera donc confirmée.

Parties principalement succombantes en première instance, les société Environnement de France et BNP PPF ont été à juste titre condamnées à supporter les dépens de première instance.

En outre, c'est par d'exactes considérations d'équité que le premier juge a alloué aux consorts [M]-[T] une indemnité de 1 200 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance.

Toutefois, compte tenu de la mise en liquidation judiciaire de la société Environnement de France, cette condamnation sera mise à la charge exclusive de la BNP PPF.

En revanche, partie principalement succombante devant la cour, les consorts [M]-[T] supporteront les dépens d'appel.

Mais il n'y a pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 3 novembre 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a :

condamné la société Environnement de France à reprendre l'ensemble des matériels posés au domicile de M. [K] [M] et M. [W] [T] dans les deux mois suivant la signification du jugement et remettre la toiture en l'état antérieur, le tout à ses frais,

débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital emprunté,

condamné la société Environnement de France à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 14 000 euros, au titre de sa garantie,

Condamne solidairement M. [K] [M] et M. [W] [T] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 29 000 euros au titre de la restitution du capital emprunté, sauf à déduire l'ensemble des règlements effectués par les emprunteurs au prêteur au cours de la période d'exécution du contat de prêt, avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2020 ;

Déclare irrecevable les demandes de condamnation de la société Environnement de France en paiement et de reprise des matériels posés au domicile de M. [K] [M] et M. [W] [T] ;

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de son recours en garantie à l'encontre de la société Environnement de France et de sa demande en fixation d'une créance de 29 000 euros au passif de la liquidation judiciaire de cette société ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions, sauf à dire que le contrat principal a été conclu entre M. [K] [M] et la société Environnement de France et que la condamnation à paiement de la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles sera mise à la charge exclusive de la société BNP Paribas Personal Finance ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. [K] [M] et M. [W] [T] aux dépens d'appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.