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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 14 décembre 2016, n° 16/00599

ROUEN

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lottin

Conseillers :

M. Samuel, Mme Feydeau-Thieffry

Avocats :

Me Greff Boulitreau, Me El Abdi, Me Debroutelle, Me Villard

TGI Rouen, du 17 déc. 2015

17 décembre 2015

EXPOSE DU LITIGE

Mme M B est propriétaire d’une maison située XXX à XXX

En 2003, elle a fait réaliser une extension de sa maison, les travaux de gros-'uvre, charpente, J en zinc, enduit extérieur, doublage étant confiés à M. Y.

Les travaux se sont achevés en juillet 2004.

Des désordres sont apparus dans la maison, notamment des infiltrations, des traces d’eau, des cloquages de peinture ainsi que des problèmes de non-conformité et d’étanchéité de la J.

Par ordonnance du 28 avril 2005, Mme M B a obtenu la désignation de M. X en qualité d’expert judiciaire au contradictoire de M. Y. L’expert a déposé son rapport en l’état le 27 mars 2006, faute de règlement par Mme M B de la consignation complémentaire, après avoir mis en évidence un non-respect des dispositions du permis de construire et des non-conformités au DTU 40.41 relatif à la J et conclu à la nécessité de reprendre totalement la J sous la surveillance d’une maîtrise d''uvre, en établissant de nouveaux plans et en demandant un nouveau permis de construire.

Mme M B a confié à O-C D’une mission de maîtrise d'oeuvre suivant contrat d’architecte du 24 octobre 2005.

O-C D a fait le choix de l’entreprise Z pour réaliser les travaux de J, lesquels ont été réalisés fin novembre 2007.

Mme M B s’est à nouveau plainte d’infiltrations.

Un architecte des services d’urbanismes de la ville a indiqué que les travaux réalisés n’étaient pas conformes au permis de construire.

Mme M B a alors mis en demeure M. R-C D et la société Z d’exécuter leur contrat et la remise en conformité du bâtiment, avant de saisir le juge des référés du tribunal de grande instance de ROUEN, suivant exploit d’huissier du 15 février 2011, aux fins d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire au contradictoire de l’architecte et de l’entrepreneur.

Par ordonnance du 7 avril 2011, le juge des référés a fait droit à cette demande.

M. Denis JONVILLE, expert désigné, a déposé son rapport le 12 juin 2012.

***

Par acte d’huissier du 2 juillet 2013, Mme M B a assigné O-C D et M. E Z devant le tribunal de grande instance de ROUEN aux fins d’obtenir leur condamnation à lui régler à titre principal la somme totale de 110.813,77 euros.

Par jugement rendu le 17 décembre 2015, le tribunal de grande instance de ROUEN a :

déclaré Mme M B recevable en son action,

déclaré M. R-C D entièrement responsable des non-conformités de la toiture de l’immeuble appartenant à Mme M B,

condamné M. R-C D à verser à Mme M B :

la somme de 67.400 euros au titre des travaux liés aux non-conformités,

la somme de 2.000 euros au titre du préjudice de jouissance,

débouté Mme M B de ses demandes complémentaires de dommages- intérêts,

débouté M. R-C D de sa demande tendant à être garanti par l’entreprise Z et par Mme M B,

condamné M. R-C D à verser à Mme M B la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de toute autre demande,

ordonné l’exécution provisoire,

condamné M. R-C D aux dépens.

***

M. R-C D a interjeté appel par déclaration du 8 février 2016.

Par dernières conclusions du 18 août 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, O-C D demande à la cour de

de dire son appel recevable et bien fondé,

dire l’appel incident de Mme M B recevable mais mal fondé,

confirmer le jugement du 17 décembre 2015 en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme M B relatives au remboursement d’honoraires,

infirmer le jugement du 17 décembre 2015 en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la clause de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes et retenu la responsabilité de M. R-C D,

constater l’absence de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes et déclarer Mme M B irrecevable en ses demandes formées à son égard,

à titre subsidiaire, le mettre hors de cause et rejeter toute demande formée à son encontre, dire qu’aucune condamnation ne pourra être prononcée in solidum,

à titre plus subsidiaire, confirmer le jugement du 17 décembre 2015 en ce qu’il a limité les préjudices de Mme M B aux sommes de 67.400 euros au titre des travaux liés aux non-conformités et 2.000 euros au titre du préjudice de jouissance,

condamner M. E Z et Mme M B à le garantir de toute condamnation à son encontre,

en tout état de cause, condamner tout succombant à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de Me GREFF BOULITREAU avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 4 juillet 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Mme M B demande à la cour de :

déclarer recevable mais mal fondé l’appel introduit par M. R-C D,

con’rmer le jugement en ce qu’il l’a déclarée recevable en son action,

con’rmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. R-C D responsable des non conformités de la toiture de l’immeuble situé XXX à ROUEN,

faire droit à son appel incident, in’rmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. R-C D seul responsable des préjudices subis et en ce qu’il a limité son préjudice à la somme de 67.400 euros au titre des travaux et à la somme de 2.000 euros au titre du préjudice de jouissance,

condamner O-C D à lui régler la somme totale de 110.813,77 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2009, date de la première mise en demeure adressée à M. D,

condamner O-C D à lui rembourser le montant des honoraires qu’elle lui a versés, soit la somme de 3.168.52 euros,

condamner M. E Z in solidum avec M. R-C D à lui régler la somme de 110.813.77 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2009, date de la première mise en demeure adressée à M. E Z,

condamner M. E Z à garantir O C D de toutes les condamnations qui seront prononcées à son encontre,

con’rmer la décision en ce qu’elle a condamné O C D au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant, condamner O C D et M. E Z in solidum au paiement d’une somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels comprendront notamment le rapport d’expertise judiciaire ainsi que le coût des procès verbaux de constat d’huissier et le coût du procès-verbal de constatation des dommages de M. H expert en date du 16 juin 2016.

Par dernières conclusions du 31 août 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. E Z demande à la cour de :

à titre principal confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a mis hors de cause,

condamner in solidum M. R-C D et M M B à lui régler à la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum M. R-C D et Mme M B aux entiers dépens de la cour d’appel dont distraction au profit de la SELARL de BEZENAC,

à titre subsidiaire débouter Mme M B de ses demandes dirigées à son encontre,

en tout état de cause condamner in solidum M. R-C D et Mme M B à le garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2016.

A l’audience du 2 novembre 2016, la cour s’est interrogée sur la raison d’être de la demande formée par Mme M B tendant à « condamner M. E Z à garantir O-C D de toutes les condamnations qui seront prononcées à son encontre ». Par courrier du 3 novembre 2016, le conseil de Mme M B a confirmé qu’il s’agissait d’une coquille, priant la cour de ne pas en tenir compte.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient d’indiquer que les dispositions du code civil auxquelles le présent arrêt se réfère sont celles antérieures à l’ordonnance du 10 février 2016, celle-ci n’étant applicable qu’aux seuls contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.

Sur le moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes formées par Mme M B à l’encontre de l’architecte

En vertu de l’article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

O-C D fait valoir que Mme M B est irrecevable en ses demandes faute d’avoir saisi, préalablement à son assignation devant le tribunal de grande instance, le conseil régional de l’ordre des architectes, conformément aux conditions générales auxquelles le contrat de maîtrise d''uvre renvoie et qui prévoient en l’article G10 qu’ « en cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire », la saisine intervenant « sur l’initiative de la partie la plus diligente ».

S’il est constant que le non-respect d’une clause instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dans un contrat d’architecte, constitue une fin de non-recevoir, il n’en demeure pas moins que celui qui se prévaut de la clause doit rapporter la preuve de ce qu’elle a été portée à la connaissance de la partie à laquelle elle est opposée.

Or, dans le cas présent, le tribunal a justement considéré qu’il n’était pas prouvé que Mme M B avait eu connaissance de la clause insérée dans les conditions générales du contrat puisque le contrat d’architecte ne comportait aucune mention manuscrite de la main du maître de l’ouvrage précisant qu’un exemplaire des conditions générales, qui n’avaient été ni signées ni paraphées, lui avait été remis.

Il en a, dès lors, à bon droit, déduit que la clause invoquée n’était pas applicable et que les demandes formées par Mme M B étaient recevables.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de O-C D, architecte

Mme M B recherche la responsabilité de O-C D à titre principal sur le fondement de la responsabilité contractuelle, estimant que l’architecte a manqué à son obligation de remettre en conformité l’ouvrage tant au permis de construire qu’au DTU, à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité de plein droit de l’article 1792 du code civil, soulignant que la persistance des infiltrations rend l’ouvrage impropre à sa destination.

O-C D reprend à son compte la motivation du tribunal qui a estimé qu’il n’y avait pas lieu de rechercher si des infiltrations existent puisque la toiture doit être refaite entièrement, de sorte que la responsabilité ne peut être recherchée que pour des non-conformités sur le plan contractuel, et fait valoir que sur le fondement de l’article 1147 du code civil, il n’est pas démontré qu’il a commis une faute dans l’accomplissement de sa mission, la non-conformité au permis de construire relevant de la seule responsabilité de Mme M B puisque lui-même ne s’était engagé qu’à reprendre les non-conformités au DTU 40-41.

Sur les infiltrations

En vertu de l’article 1792 du code civil, « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. » .

Selon l’article 1792-1, « est réputé constructeur de l’ouvrage tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ».

Dès lors qu’il a été chargé d’une mission complète de maîtrise d''uvre, l’architecte ne peut être mis hors de cause pour des désordres relevant de la garantie décennale au motif que ceux-ci résultent exclusivement de défauts d’exécution. La responsabilité de plein droit ne peut être écartée que par la preuve d’une cause étrangère.

Il n’est pas contesté que dans le cas présent, Mme M B avait confié à O-C D une mission complète de maîtrise d''uvre comprenant notamment les relevés, les diagnostics techniques et architecturaux, les études préliminaires, la conception du projet et la direction des travaux jusqu’à réception.

O-C D fait valoir que Mme M B ne rapporte pas la preuve des infiltrations qui affecteraient l’ouvrage.

Or, il ressort des pièces produites que des problèmes d’infiltrations se sont révélés alors même que l’entreprise Z venait de débuter le chantier.

En effet, dans un fax du 4 décembre 2007 (les travaux ayant commencé le 26 novembre 2007), O-C D a fait part à M. Z des observations suivantes : « Suite aux importantes infiltrations du week-end, nous avons constaté des dégâts qui sont venus aggraver ceux déjà existants, en particulier au niveau du placo du salon mais également au niveau du plafond de la cuisine. Les nouveaux désordres apparaissent petit à petit lorsque le placo imbibé provoque le décollement des bandes. Il y aura donc à changer les plaques qui ont été mouillées et dont les bandes se décollent. Je pense que la période de pluie n’est pas favorable à de tels travaux, sans risque d’endommager les locaux situés en dessous. »

Un rendez-vous de chantier a été organisé le 6 décembre 2007, mettant en évidence la survenue des infiltrations et l’engagement de l’entreprise à effectuer une déclaration de sinistre auprès de sa compagnie d’assurance ayant pour objet « plafonds placo endommagés ».

Aux termes d’un fax envoyé par O-C D à M. Z le 6 mars 2008, l’architecte a indiqué : « Suite à une première infiltration début février 2008, je suis à nouveau informé d’une nouvelle pénétration au niveau du chéneau dans la zone entre le velux et la fenêtre de la salle de bain à l’étage. ('). Le problème : détecter l’origine de l’infiltration. Réparation efficace avec changement des éléments (placo, isolant, électricité…). Merci de me tenir informé 1) sur le problème technique qui a généré la fuite 2) sur la date de votre intervention ».

O-C D tente de tirer argument de ce que M. JONVILLE n’a pas, au moment de ses opérations d’expertise, constaté l’existence d’infiltrations actives.

Or, l’expert a constaté « la présence d’une auréole jaunâtre d’environ 20 cm de longueur », notant que le plâtre était sec à l’endroit de la tache (page 13 de son rapport).

Malheureusement, M. JONVILLE n’est pas allé plus loin dans ses investigations, estimant inutile de rechercher l’existence d’infiltrations puisque la toiture, non conforme au permis de construire, devait être refaite entièrement.

Il s’est donc limité à retenir la non-conformité des travaux au permis de construire sans nullement se prononcer sur la qualité des travaux réalisés par l’entreprise Z sous la maîtrise d''uvre de O-C D, et en particulier sur leur conformité au DTU.

En réponse à un dire du conseil de Mme M B, l’expert a tout de même indiqué qu’après les travaux réalisés par l’entreprise Z, « la pente (de la J) est encore insuffisante bien que le sens de la pente ait été changé » et que « cela fuit moins qu’auparavant ».

Prévenu par Mme M B, dans le cadre d’un dire de son conseil, que de nouvelles infiltrations avaient provoqué un court-circuit, l’expert n’a pas organisé de nouvelle réunion sur les lieux, se limitant à indiquer que le désordre n’avait été constaté ni par huissier ni contradictoirement.

Dès lors, les conclusions de l’expert sur l’absence d’infiltrations doivent être relativisées, ce d’autant que Mme M B produit des pièces aux débats qui attestent de l’aggravation du phénomène depuis le dépôt du rapport d’expertise :

un rapport d’expertise amiable de M. Pascal MAS du cabinet A.M. O (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage) en date du 19 novembre 2012 duquel il ressort que sont apparus des fissures sur le plafond en BA13 et staff de l’agrandissement, que les infiltrations d’eau sont liées à des malfaçons (problème d’étanchéité des jonctions de convertine, une absence de soudure de la base du chéneau, absence de trop plein au niveau du talon du chéneau), que la toiture terrasse n’a pas été réalisée dans les règles de l’art (chéneau pas assez profond, pouvant engendrer une infiltration par les grilles bondes d’égout),

un devis de réparations provisoires du 20 novembre 2012 de l’entreprise I J qui prévoit une somme de 1.198,40 euros TTC pour la réparation de la J zinc comprenant étanchéité des couvre joints, bas de la terrasse zinc et chéneaux,

un procès-verbal de constat du 10 septembre 2013 établi par Me Maxime ALUZE, huissier de justice à ROUEN qui fait ressortir la présence de boursouflures sur le staff, lesquelles s’étalent sur environ 80 cm de long et mesurent environ 20 cm de large, des lézardes formant des plis, des taches de couleur marron, une lézarde verticale sur la jointure mesurant environ 1 mètre de long, de la peinture éclatée, une lézarde verticale sur la jointure en partie supérieure de 2 mètres de long à un autre angle, le staff fendu, la peinture fissurée à plusieurs endroits, plusieurs lézardes, des traces d’écoulement, l’huissier de justice faisant également observer que sur le toit terrasse, les plaques en zinc sont disjointes et tordues à leurs extrémités, que sur la pression d’un doigt les plaques sont mobiles au niveau des jointures, que les garnitures en zinc sont disjointes et qu’un trou est béant, un procès-verbal de constatations de dommages établi par G H, expert amiable, le 16 juin 2016, lequel mentionne la présence de grandes auréoles au plafond à plusieurs endroits, de fissures sur les revêtements muraux, stafs et plateries ainsi que de poches d’eaux résiduelles en plafond, une défectuosité du chéneau entraînant par effet de siphonage des pénétrations d’eaux le long du fil d’eau ou égout, l’absence d’étanchéité des raccords entre les feuilles d’éléments, favorisant la pénétration des eaux pluviales, avec comme conclusion : « il s’avère que la totalité de l’étanchéité au-dessus du plafond de cette extension est contaminée (laine de verre), il convient donc de refaire la J en son intégralité, la remettre en conformité selon les règles définies au DTU 40.41 et suivants. »

O-C D se contente de relever que les constats établis postérieurement au rapport d’expertise ne sont pas contradictoires et qu’ils ne peuvent donc être pris en considération.

Or, les pièces auxquelles il vient d’être fait référence, certes établies hors la présence de l’architecte, non seulement sont soumises à la discussion contradictoire des parties mais viennent en complément d’autres pièces (courriers, rapport d’expertise judiciaire).

Par ailleurs, l’appelant ne développe aucune argumentation pour discuter les constatations des professionnels.

La cour considère, contrairement au tribunal, que les travaux exécutés sous la maîtrise d''uvre de O-C D ont été à l’origine de désordres compromettant la solidité de l’ouvrage et le rendant impropre à sa destination.

La responsabilité décennale de plein droit de l’architecte doit donc être retenue.

sur la non-conformité au permis de construire

En vertu de l’article 1147 du code civil, « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

Le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle de O-C D, considérant que l’architecte aurait dû être particulièrement vigilant dans le cadre de la mission de maîtrise d''uvre qui lui était confiée et s’attacher à la conformité de l’ouvrage au permis de construire initial ou au dépôt d’un nouveau permis.

Il a à bon droit rappelé les termes du courrier du 24 octobre 2005 rédigé par O-C D : « Je vous remercie vivement par avance de la mission que vous avez bien voulu me confier telle que définie dans le contrat d’architecte pour travaux sur existants concernant la remise en conformité de l’habitation à ROUEN, XXX pour les travaux de charpente et de J, dans les conditions du compte-rendu de la réunion du 5 juillet 2005 de M. X expert et celle de l’ordonnance du tribunal de grande instance de ROUEN du 28 avril 2005. »

Or, le compte-rendu de la réunion du 5 juillet 2005 fait apparaître en page 4 :

« Trop de points divergent des règles normatives, en particulier du DTU 40.41 pour n’envisager que de simples réparations.

Par ailleurs, il faut bien souligner que la réalisation n’est plus en conformité avec les plans du permis de construire, compte tenu des modifications apportées. Pour toutes ces raisons, la toiture doit être entièrement reprise, selon nous.

Il est important que de nouveaux plans soient établis, de demander un nouveau permis de construire et de reprendre la J sous surveillance d’une maîtrise d''uvre

Nous demandons donc à Mme B de désigner tel maître d''uvre qui aura également pour mission de consulter des entreprises et de nous communiquer les devis, ainsi qu’il est stipulé dans notre mission. »

Ce compte-rendu pointait deux non-conformités :

celle au DTU 40.41

celle au permis de construire (toiture à trois pentes au lieu d’une).

O-C D était donc parfaitement conscient au moment de son intervention de la difficulté relative au permis de construire.

Ceci est conforté par le courrier qu’il a envoyé le 24 avril 2008 à Mme M B dans lequel il indique qu’au départ de l’affaire, l’intéressée lui avait communiqué son dossier de permis de construire, non respecté dans l’aspect extérieur prévu initialement, et que c’est d’ailleurs ce point qui l’a amené à provoquer un rendez-vous avec le service urbanisme de la ville de XXX(pièce 19 de l’intimée).

Pleinement informé de la problématique liée au permis de construire et peu important que celle-ci soit née des travaux réalisés initialement par l’entreprise Y sous la maîtrise d''uvre de Mme B, l’architecte ne pouvait limiter sa prestation à la seule non-conformité au DTU, une telle attitude conduisant nécessairement à réaliser un ouvrage imparfait.

O-C D invoque la faute de Mme M B, laquelle était selon lui pleinement consciente de ce que le projet qui lui était proposé ne rendrait pas l’ouvrage conforme au permis de construire.

Sur ce point, le tribunal a très justement considéré qu’il ne pouvait être reproché à Mme M B, profane en matière de construction et à qui le premier expert, M. X, avait conseillé de se faire assister d’un maître d''uvre pour les travaux de mise en conformité, de ne pas avoir été suffisamment clairvoyante en validant un projet qu’elle savait ne pas correspondre au permis de construire, dès lors que O-C D, en sa qualité de professionnel, devait attirer l’attention du maître de l’ouvrage sur la nécessité soit de demander un nouveau permis, soit d’adapter le projet au permis initial.

Dès lors, c’est à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle pleine et entière de l’architecte.

Sur la responsabilité de M. E Z

Le tribunal a considéré que la responsabilité de M. E Z ne pouvait pas être recherchée ni vis à vis d’infiltrations, compte tenu des conclusions de l’expert, ni vis à vis du défaut de conformité au permis de construire, l’entreprise ayant exécuté sa prestation conformément au plan de l’architecte.

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il n’a pas imputé à l’entrepreneur le défaut de conformité de ses travaux au permis de construire puisque l’intéressé n’a fait que se conformer aux consignes du maître d''uvre, dans le parfait respect de son contrat.

En revanche, il vient d’être démontré que les travaux réalisés ont été à l’origine de désordres compromettant la solidité de l’ouvrage et rendant celui-ci impropre à sa destination, étant observé que M. E Z développe une argumentation similaire à celle de O-C D pour contester l’existence d’infiltrations.

La responsabilité de M. Z doit donc être retenue sur le fondement de l’article 1792 du code civil, étant précisé que la garantie ne peut porter que sur la réparation des infiltrations.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur les préjudices

L’expert judiciaire n’a pas chiffré les travaux de réparation des fuites puisqu’il a estimé ne pas pousser davantage ses recherches en ce domaine, l’ensemble de l’ouvrage devant être refait.

La seule demande formée par Mme M B relative aux infiltrations concerne le remboursement de la facture de M. MAS d’un montant de 481,50 euros qui a dû intervenir suite à une nouvelle fuite en toiture le 27 novembre 2012 ( pièce n° 50).

O-C D et M. E Z seront donc condamnés in solidum à régler cette somme à M. M B avec intérêts au taux légal non pas à compter des mises en demeure des 29 mai 2009 et 3 juin 2009 comme sollicité, les courriers ne visant aucune demande en paiement de sommes d’argent, mais de l’assignation devant le tribunal de grande instance, soit le 2 juillet 2013, conformément aux dispositions de l’article 1153 du code civil.

En revanche, les autres prétentions indemnitaires concernent la réfection totale de la toiture pour la rendre conforme au permis de construire.

Leur charge n’a à être supportée que par O-C D, seul responsable de la non-conformité.

M. JONVILLE a fait une simple estimation des travaux de mise en conformité administrative et technique, retenant une somme globale de 67.400 euros TTC, sans nullement se fonder sur des devis.

O-C D demande, à titre subsidiaire, de confirmer le montant alloué par le tribunal.

Cependant, Mme M B est fondée à obtenir une indemnisation qui s’appuie sur des devis et factures :

devis de M. Pascal MAS pour les travaux de J, électricité, maçonnerie, menuiserie extérieure, staff et plâtrerie, qui s’élèvent à la somme de 73.084,37 euros TTC , en ce compris le devis de la société STAFF CONTEMPORAIN pour la somme de 13.563,98 euros TTC, et à la somme de 5.838 euros TTC correspondant aux frais administratifs (mise en conformité du permis de construire et frais de maîtrise d''uvre).(pièces n° 46 et 47), soit la somme totale de 78.922,37 euros TTC,

facture de la société LEPREFRE d’un montant de 8.909,59 euros TTC correspondant aux menuiseries en aluminium (pièce n° 48),

facture de la société LEPREFRE d’un montant de 3.286,33 euros TTC correspondant aux volets roulants (pièce n° 49).

Le montant total du préjudice matériel s’élève donc à 91.118,29 euros.

S’agissant du préjudice de jouissance, correspondant à la privation de cuisine et de salle à manger durant les six semaines de travaux, le tribunal a retenu une somme de 2.000 euros.

Le tribunal a par ailleurs rejeté la demande tendant au remboursement des honoraires de l’architecte au motif qu’il ressortait des pièces produites que les dits honoraires avaient été pris en charge par l’assureur de Mme M B.

En l’absence de toute critique développée par Mme M B, ces deux chefs de décision seront confirmés.

O-C D sera donc condamné à payer à Mme M B la somme globale de 93.118,29 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2013.

Sur les actions récursoires de O-C D

Sur l’action récursoire dirigée à l’encontre de Mme M B

O-C D demande à être relevé et garanti par Mme M B de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Cependant, l’absence de faute de Mme M B a déjà été démontrée dans le cadre des développements consacrés à la responsabilité contractuelle de l’architecte de sorte que l’action récursoire est nécessairement vouée à l’échec.

Sur l’action récursoire dirigée à l’encontre de M. E Z

En vertu de l’article 1382 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

O-C D fait valoir que M. E Z a manqué à son obligation de conseil quant aux travaux dont il assurait la réalisation, sans davantage expliciter ce grief.

Compte tenu des développements précédents, aucun défaut d’information ou de conseil ne peut être imputé à M. E Z s’agissant de la non-conformité des travaux au permis de construire.

Par ailleurs, l’architecte considère que les infiltrations ne sont pas établies de sorte qu’il ne soutient nécessairement pas que l’entrepreneur aurait commis une quelconque faute en ce domaine.

Dans ces conditions, l’action récursoire dirigée à l’encontre de M. E Z sera également rejetée.

Sur l’action récursoire de M. E Z

M. E Z fonde son action récursoire à l’encontre de Mme M B et de O-C D uniquement sur le fait que ces derniers seraient seuls responsables de la non-conformité de l’ouvrage au permis de construire. Or, la responsabilité de M. E Z n’a été retenue que par rapport aux infiltrations, de sorte que l’argumentation apparaît inopérante.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné O-C D d’une part à supporter la charge des dépens, sauf à préciser que ceux-ci comprendront le coût de l’expertise judiciaire, le coût du procès-verbal d’huissier du 10 septembre 2013 (270, 61 euros) et le coût de l’expertise amiable (324 euros ) , d’autre part à régler à Mme M B la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront supportés par O-C D qui sera débouté de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et qui réglera à Mme M B la somme complémentaire de 4.000 euros.

L’équité commande de ne pas faire droit à la demande formée par M. E Z sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement frappé d’appel sauf en ce qu’il a :

débouté Mme M B de sa demande de remboursement des honoraires,

débouté O-C D de ses demandes de recours récursoires,

condamné O-C D à supporter la charge des dépens et à régler à Mme M B la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT,

CONDAMNE in solidum O-C D et M. E Z à régler à Mme M B la somme de 481,50 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2013,

CONDAMNE O-C D à régler à Mme M B la somme de 93.118,29 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2013,

DEBOUTE O-C D de ses actions récursoires et de sa demande formée au titre des frais irrépétibles,

DEBOUTE M. E Z de son action récursoire et de sa demande formée au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE O-C D à régler à Mme M B la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.